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     T-1903-96


     ACTION RÉELLE contre le navire DAWN LIGHT




Entre :

     ROBERT GLEASON,

     demandeur,

     - et -


le navire DAWN LIGHT (action réelle) et

CAROL NANCY BAKER (action personnelle),

     défendeurs.





     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

     La requête que j'ai entendue le 16 septembre 1996, date à laquelle j'ai réservé ma décision, demandait une ordonnance annulant le mandat de saisie émis contre le navire "Dawn Light" ("le navire") et une ordonnance accordant à Raymond Michael Davis ("Davis") le statut nécessaire pour intervenir dans l'action.

     D'après les allégations, les circonstances sont les suivantes :

     Le demandeur allègue qu'il a conclu un contrat obligatoire concernant l'achat du navire avec la défenderesse Carol Nancy Baker ("Baker") le 31 juillet de cette année.

     La défenderesse Baker allègue que sa contre-offre n'a pas été acceptée, qu'elle était libre de vendre son navire et qu'elle a effectivement vendu celui-ci le 15 août à Davis. Baker allègue de plus qu'un acte de vente a été signé le 20 août. Le dossier révèle qu'une déclaration a été déposée le 21 août, et que le mandat de saisie du navire a été émis le même jour. La déclaration réclame l'exécution en nature ou, subsidiairement, des dommages-intérêts. Il existe des éléments de preuve indiquant que le mandat et la réclamation ont été signifiés au navire à la fin de la matinée du 22 août et que Davis a été inscrit comme propriétaire du navire au début de l'après-midi du même jour. Une hypothèque sur le navire, que Davis a signée en faveur de Baker, a été enregistrée au même moment.

     L'un des principaux motifs sur lequel Davis s'appuie pour affirmer son droit d'obtenir l'ordonnance recherchée est qu'il en est l'acquéreur réel et qu'il a acquis le navire pour une contrepartie suffisante sans avis. Ce fait n'a pas été contesté devant moi. Je fais également observer que les parties n'ont pas cherché à obtenir une ordonnance fondée sur l'article 44 de la Loi sur la marine marchande, L.R.C. (1985), ch. S-9, art. 43, afin d'empêcher la vente.

     À mon avis, la saisie d'un navire ne porte pas atteinte au titre de propriété. Elle a pour effet d'empêcher que le navire sorte du territoire tant que le litige sur le titre de propriété n'est pas réglé.

     L'alinéa 22(2)a) de la Loi sur la Cour fédérale confère à la Cour la compétence nécessaire concernant les demandes portant sur les titres de propriété et la possession d'un navire. Le paragraphe 43(2) de la Loi sur la Cour fédérale lui confère le droit d'exercer sa compétence en matière réelle. Une exception à l'exercice de cette compétence est énoncée au paragraphe 43(3), qui dispose que, pour avoir le droit d'intenter une action réelle en vertu de certains alinéas du paragraphe 22(2), le véritable propriétaire au moment où l'action est intentée doit être le même qu'au moment du fait générateur. En l'espèce, la réclamation n'est pas visée à l'un des alinéas mentionnés au paragraphe 43(3). Par conséquent, le titre de propriété véritable n'est pas pertinent au droit d'intenter une action réelle. Cette conclusion semble appuyée par la jurisprudence. Dans l'arrêt Cahoon v. Morrow, entendu en 1862, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, siégeant en assemblée plénière, a décidé qu'un navire ou les actions relatives à ce navire pouvaient être vendues même si le navire faisait l'objet de mesures d'exécution.

     Dans l'arrêt Giovanni Dapueto v. James Wyllie & Co, L.R. 5 P.C. 491, certaines opinions indiquent qu'une saisie n'est pas opposable à un acquéreur subséquent. D'après les faits de la cause, je crois que ces opinions avaient pour but de s'appliquer aux cas où l'achat est postérieur au fait générateur, mais antérieur à la saisie, ce qui pourrait être le cas en l'espèce. L'affaire James Wyllie semblait porter sur une revendication légale de privilège. Aujourd'hui, le paragraphe 43(3) aurait pu s'appliquer à cette cause. L'affaire "Wyllie" ne portait pas sur la revendication d'un titre de propriété.

     Il n'est indiqué nulle part que la saisie crée un intérêt sur le titre de propriété. Comme il a déjà été dit, la saisie a pour objet de conserver la chose de façon à ce qu'il y ait un objet sur lequel l'action puisse être exécutée une fois qu'elle est réglée.

     Sauf dans les cas où la Cour ne peut exercer sa compétence en matière réelle ou qu'il n'existe aucun droit d'intenter une action réelle, il n'est pas d'usage d'annuler la saisie d'un navire dans une requête interlocutoire.

     Je fais observer que, dans les étapes préparatoires à la rédaction de la convention internationale sur les saisies, convention à laquelle le Canada n'est pas partie, les rédacteurs ont pensé que la levée de la saisie devrait normalement être autorisée contre paiement d'un cautionnement, mais lorsque la revendication porte sur le navire lui-même, la levée de la saisie n'est peut-être pas appropriée. Voir à ce propos Berlingiere dans son ouvrage Arrest of Ships, deuxième édition, LLP Ltd., Colchester, aux pages 127 et suivantes.

     Rien ne pouvait empêcher la vente du navire frappé de saisie. Rien non plus n'aurait pu empêcher la saisie du navire après la vente de celui-ci, parce que le paragraphe 43(3) n'est pas applicable.

     Comme il est possible que le navire puisse avoir été saisi après sa vente à Davis et que celui-ci puisse avoir de très bonnes raisons de réclamer des dommages-intérêts, il est impératif à mon avis que Davis, qui a été autorisé à demander la levée de la saisie, soit aussi autorisé à intervenir de façon à pouvoir affirmer son droit au titre de propriété du navire en s'opposant à la revendication du demandeur, en présentant une demande reconventionnelle, en revendiquant le navire lui-même ou en s'adressant à la Cour d'amirauté pour réclamer, sans demande reconventionnelle, des dommages-intérêts pour les pertes qu'il pourrait avoir subies avant le jugement.

     En concluant qu'il devrait être autorisé à intervenir en tant que défendeur, je me suis largement inspiré de la discussion qui se trouve aux pages suivant la page 335 de l'ouvrage de D.C. Jackson, Enforcement of Maritime Claims, deuxième édition, LLP Ltd., Colchester, 1996.

ORDONNANCE

     La requête en vue d'autoriser Davis à intervenir est accordée. L'intervenant a 30 jours pour déposer sa déclaration d'intervention affirmant son titre de propriété, et toutes les demandes reconventionnelles, revendications ou réclamations de dommages-intérêts qu'il jugera souhaitable de présenter.

     L'intitulé de la cause est modifié de la façon suivante :

     ROBERT GLEASON,

     demandeur,

     - et -

     le navire DAWN LIGHT (action réelle) et

     CAROL NANCY BAKER (action personnelle),

     défendeurs,

     - et -

     RAYMOND MICHAEL DAVIS,

     intervenant.


     La requête en vue d'obtenir une ordonnance annulant le mandat de saisie est rejetée.

     Les frais de la présente requête et leur nature seront déterminés quand l'issue de l'intervention sera connue.





                         "Peter A.K. Giles"

                        

                         Protonotaire adjoint


Toronto (Ontario)

le 19 septembre 1996


Traduction certifiée conforme         

                         Christiane Delon, LL. B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats et procureurs inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :          T-1903-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ROBERT GLEASON
                         - et -
                     le navire DAWN LIGHT (action réelle) et CAROL NANCY BAKER (action personnelle)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 16 SEPTEMBRE 1996

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR

LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

DATE :                  le 19 septembre 1996

ONT COMPARU :

                     M. Alexander K. Scott

                         Pour le demandeur

                     M. Peter Chin

                         Pour la défenderesse

                         (Carol Nancy Baker)

                     M. Oliver H. Bremer
                         Procureur de Raymond Michael Davis (intervenant)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Paterson, MacDougall

                     Avocats et procureurs
                     1, rue Queen est
                     Bureau 2 100, C.P. 100
                     Toronto (Ontario)
                     M5C 2W5

                         Pour le demandeur

                     Chin & Orr
                     Avocats et procureurs
                     382, rue King
                     Midland (Ontario)
                     L4R 3M9

                         Pour la défenderesse

                     Oatley, Purser
                     Avocats et procureurs
                     Bureau 200
                     151, Ferris Lane

                     Barrie (Ontario)

                     L4M 6C1

                         Pour l'intervenant



         COUR FÉDÉRALE DU CANADA



         NE de greffe :          T-1903-96




         Entre :

         ROBERT GLEASON,

     demandeur

         - et -
         le navire DAWN LIGHT (action réelle) et
         CAROL NANCY BAKER (action personnelle),

     défendeurs




         MOTIFS DE L'ORDONNANCE


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