Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20030905

Dossier : IMM-3219-02

Référence : 2003 CF 1028

Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL                          

ENTRE :

                                                              AMIN MOHAMMADI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]              Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision datée du 31 mai 2002 (la décision) par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que Amin Mohammadi (le demandeur) ntait pas un réfugié au sens de la Convention.        

LES FAITS


[2]           Le demandeur est citoyen d'Iran. Il fondait sa revendication sur sa crainte dtre persécuté en Iran du fait, principalement, de ses opinions politiques ou des opinions politiques qui lui sont imputées. Il prétendait avoir participé le 11 juillet 1999, à l'universitéde Téhéran, aux manifestations étudiantes contre le gouvernement.

DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[3]                 La conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention était principalement fondée sur la conclusion selon laquelle le témoignage du demandeur comportait des invraisemblances. Essentiellement, la Commission était d'avis que le demandeur ne lui avait pas fourni suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi lui permettant de conclure qu'il était, selon la prépondérance des probabilités, une personne qui avait raison de craindre d'être persécutée.

[4]                 Dans sa décision, la Commission a tiré plusieurs conclusions quant à la vraisemblance du récit du demandeur. Le défendeur prétend que plusieurs de ces conclusions touchaient des faits fondamentaux sur lesquels s'appuyait la revendication du demandeur. Il s'agit notamment de ce qui suit :

[TRADUCTION]

(a)            Le demandeur a prétendu qu'à la suite de la manifestation du 11 juillet 1999 (à laquelle il avait participé), à l'université de Téhéran,il a craint que sa vie soit en danger parce qu'il y avait des membres des forces de sécurité partout à l'université et dans ses alentours et qu'ils arrêtaient ceux qui selon eux avaient participé à la manifestation. Toutefois, le demandeur n'a pas tentéde quitter la région et il a prétendu stre rendu à la libraire Toraj (près de l'université) après la manifestation;


(b)      Le demandeur a témoigné que lorsqu'il s'est rendu àla librairie Toraj, après la manifestation, le propriétaire lui a conseillé de quitter la région afin d'assurer sa propre sécurité et il a témoigné qu'il avait suivi ce conseil. Toutefois, le demandeur a prétendu être retourné à la librairie trois jours plus tard, alors que la région faisait encore l'objet de surveillance, à la recherche de son cousin, même si lui et son cousin avaient participé à la manifestation séparément et ne staient pas rejoints au cours de la manifestation;

(c)     Compte tenu de la réputation des diverses forces de sécurité qui ont mis fin à la manifestation du 11 juillet 1999 et qui ont par la suite fait une enquête à cet égard, et compte tenu du rôle que le demandeur a prétendu avoir joué dans cette manifestation, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que le demandeur soit retourné dans une région si près de l'endroit où avait eu lieu la manifestation, à la recherche de son cousin qui devait également tenter dviter dtre arrêté et détenu;

(d)      Le demandeur a prétendu que les autorités lui avaient fait subir de mauvais traitements pendant de nombreuses années et qu'il avait été membre de l'armée. Néanmoins, le demandeur a prétendu qu'il n'avait pas été harcelé et qu'on ne lui avait attribué des tâches difficiles pour le punir de son indifférence à lgard du régime. La seule « sanction » qu'il a subie a été qu'il ntait pas autorisé à porter une arme pendant qu'il était dans l'armée;

(e)      Le demandeur a prétendu qu'en 1994, ses collègues, des partisans des moudjahiddines, ont été responsables de son arrestation. Il a prétendu qu'au cours de ses soi-disant six semaines de détention, il a été gravement torturé, physiquement et mentalement, et qu'il a été cloué au lit pendant trois semaines. En outre, il a prétendu que de 1993 à 1998, il a été congédié de tous les emplois qu'il a occupés pour des motifs politiques. Néanmoins, le demandeur a prétendu que ni lui ni sa famille n'ont pensé à quitter le pays.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[5]                 Le demandeur soulève les questions en litige suivantes :

Quelle est la norme de contrôle appropriée applicable à la décision rendue par la Commission?


La Commission a-t-elle commis une erreur de droit ou a-t-elle outrepassé sa compétence à l'égard de la définition du mot persécution?

La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur ntait pas digne de foi?

La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le demandeur ntait pas exposéà des risques?

La Commission a-t-elle mal interprétéla preuve soumise par le demandeur lorsqu'elle a conclu qu'il ntait pas digne de foi?

La Commission a-t-elle violéle principe du bénéfice du doute?

ANALYSE

[6]                 La Cour doit d'abord établir la norme de contrôle appropriée en l'espèce.

[7]                 Dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732, la Cour d'appel fédérale a traité de la norme de contrôle applicable aux décisions rendues par la Section du statut de réfugié. Elle a déclaré ce qui suit au paragraphe 4 :


Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

[8]             La Cour ne devrait pas tenter d'apprécier à nouveau la preuve dont disposait la Commission simplement parce qu'elle aurait tiré une autre conclusion. Dans la mesure où il existe des éléments de preuve appuyant la conclusion quant à la crédibilité tirée par la Commission et dans la mesure où aucune erreur manifeste n'est survenue, la décision devrait être maintenue.

[9]                 Il existe de nombreux aspects de la décision qui entraînent la possibilité qu'une erreur ait été commise, mais, à mon avis, l'erreur provient de la manière dont la Commission a traité de la question du déroulement de l'incident de la librairie Toraj et de celle de l'omission du demandeur de ne pas avoir quitté l'Iran plus tôt.

[10]            Quant à l'incident de la librairie, le demandeur prétend que la Commission a tiré une conclusion manifestement déraisonnable lorsqu'elle a tranché qu'il était invraisemblable que le demandeur soit retourné à la librairie Toraj (à deux reprises) après la manifestation du 11 juillet 1999, à la recherche de son cousin Babbak, compte tenu notamment du fait qu'ils n'étaient pas allés ensemble à la manifestation.


[11]            Le défendeur prétend que la Commission a conclu que le témoignage du demandeur à cet égard était invraisemblable non seulement parce qu'il a témoigné que lui et son cousin n'étaient pas ensemble durant la manifestation et qu'ils s'y étaient rendus séparément, mais également parce que le propriétaire de la librairie lui avait conseillé, immédiatement après la manifestation et à une deuxième reprise trois jours plus tard, de quitter la région afin d'assurer sa propre sécurité. En outre, le défendeur mentionne que le demandeur a déclaré qu'il savait que le fait d'être dans les environs de l'université était dangereux parce que les membres des forces de sécurité étaient en train d'enquêter à l'égard des circonstances entourant la manifestation et qu'ils arrêtaient ceux qui selon eux avaient participé à la manifestation. Étant donné que le demandeur a prétendu qu'il savait ce que les forces de sécurité faisaient dans la région, le défendeur, en se fondant sur ce que le demandeur a prétendu avoir fait durant la manifestation (soit qu'il y avait participé activement et qu'il avait imprimé des dépliants) et en se fondant sur le fait qu'il savait que son cousin devait également craindre les forces de sécurité, soumet que la Commission a tiré une conclusion raisonnable lorsqu'elle a tranché qu'il était invraisemblable que le demandeur soit retourné à la librairie Toraj après la manifestation.

[12]            De façon précise, la Commission a conclu ce qui suit à l'égard de l'incident de la librairie :

[...] Étant donné que la situation était tendue aux alentours de l'université parce que des gens étaient arrêtés et que d'autres fuyaient en courant pour éviter de se faire arrêter, le tribunal estime qu'il est invraisemblable que le revendicateur soit retourné à la librairie alors que soi-disant, il régnait une telle agitation. S'il avait éprouvé une quelconque crainte relativement à la situation et s'il avait participé à la manifestation, le revendicateur aurait fui au lieu de rester là où se trouvaient les forces de sécurité et où il risquait de se faire arrêter.


Le tribunal estime que le témoignage du revendicateur n'est ni fiable ni digne de foi. En dépit du conseil du propriétaire de la librairie de partir pour sa sécurité, le revendicateur allègue être retourné à la librairie trois jours plus tard. Le propriétaire de la librairie lui aurait dit encore une fois de partir parce que Babak, le cousin et ami du revendicateur, avait informé les autorités que le revendicateur avait photocopié les pamphlets. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il était retourné à la librairie trois jours après qu'on lui eut dit de partir pour sa propre sécurité, le revendicateur a répondu qu'il était revenu pour retrouver son cousin Babak. Le tribunal estime que cette explication n'est pas satisfaisante parce que le revendicateur a témoigné que durant la manifestation, lui et son cousin n'étaient pas ensemble. Il a dit que lui et son cousin n'étaient pas allés à la manifestation ensemble, qu'ils y étaient allés séparément. Par conséquent, le revendicateur n'avait pas besoin de retourner à la librairie qui était située près de l'université où la manifestation s'était déroulée et où les forces de sécurité exerçaient toujours une surveillance.

Étant donné que les forces de sécurité avaient été informées que le revendicateur avait fait des photocopies des pamphlets, si le Sepah, le Pasda ou le Hezbollah devaient être fidèles à leur réputation d'organisations qui harcèlent, battent et torturent les amis ou les parents des gens qu'ils soupçonnent, ils auraient pu alors fermer la librairie ou agresser le propriétaire dans le but de connaître les allées et venues du revendicateur. De plus, les forces de sécurité auraient pu venir le chercher puisqu'il travaillait à cet endroit et qu'il habitait au deuxième étage de la librairie. À la lumière de l'analyse qui précède, le tribunal conclut que le revendicateur a menti parce que son témoignage est fabriqué et n'est pas crédible.

[13]            Le demandeur fait remarquer que la Commission ne traite pas vraiment du témoignage du demandeur sur cette question; elle ne fait que rejeter ce témoignage dans des termes vagues et généraux en disant que l'explication donnée au cours du témoignage n'est « pas satisfaisante » ou elle fait ses propres hypothèses quant à ce qui a pu se produire.


[14]            Le demandeur m'a renvoyé à la décision Samani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1178 (C.F. 1re inst.), dans laquelle M. le juge Hugessen a mentionné que « [l]'argument voulant qu'une action soit invraisemblable simplement parce qu'elle peut se révéler dangereuse pour celui qui la commet par engagement politique, n'a jamais été particulièrement convaincant » . Ce principe, conjugué à la référence à l'ouvrage de L. Waldman intitulé Immigration Law and Practice, est important pour comprendre les propos de M. le juge Blanchard dans la décision Divsalar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.F.C. no 875, au paragraphe 24, dans laquelle il déclare que des « actions qui pourraient sembler invraisemblables si elles étaient jugées selon des normes canadiennes pourraient être vraisemblables lorsqu'elles sont considérées par rapport aux antécédents de l'intéressé » .

[15]            Il est difficile, à première vue du moins, de comprendre les motifs pour lesquels la Commission a conclu que la description faite par le demandeur à l'égard de la façon selon laquelle il est retourné à la librairie après la manifestation pour trouver son cousin était peu crédible. Il semble vraisemblable que la crainte qu'éprouvait le demandeur pour la sécurité de son cousin ait été plus importante que celle qu'il éprouvait pour lui-même et que la loyauté familiale puisse avoir entraîné un comportement à risque qui aurait autrement dénoté un manque de crainte subjective pour un observateur canadien.

[16]            La Commission, dans sa décision, n'explique pas très bien les motifs pour lesquels le témoignage du demandeur n'était pas convaincant à cet égard. Toutefois, un examen du dossier du tribunal révèle ce qui suit :

[TRADUCTION]

AVOCATE :                                               D'accord. Avez-vous participé à des manifestations?

REVENDICATEUR :                               Avant?

AVOCATE :                                               Non, non. Avez-vous participé à une manifestation?

REVENDICATEUR :                               Oui.

AVOCATE :                                               Quand?

REVENDICATEUR :                               La 20e de l'année de 1978 qui était le 11 juillet 1999, c'est un jour après que j'ai été informé de la manifestation par Babbak.


AVOCATE :                                               Pourquoi avez-vous participé?

REVENDICATEUR :                               Parce que je détestais ce régime et que je voulais en voir l'effondrement.

AVOCATE :                                               D'accord.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          C'est un peu embrouillé maintenant.

AVOCATE :                                               (Inaudible) monsieur le président?

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          C'est vraiment embrouillé. D'un côté, vous refusiez même de faire des photocopies et on a dû vous forcer à le faire. Puis, d'un autre côté, vous avez participé à ces manifestations. Veuillez s'il vous plaît expliquer cela.

REVENDICATEUR :                               Au début, oui, comme je l'ai expliqué, lorsque Babbak l'a suggéré, je ne voulais pas le faire. Mais après qu'il m'eut parlé, il m'a convaincu que c'était une bonne chose à faire et que les policiers ne se mêleraient pas de cela. Et j'ai participé à une manifestation non violente ou à une (inaudible) non violente. Je n'avais pas l'intention d'entrer en conflit ou de me battre avec qui que ce soit. Ce n'était qu'une marche non violente.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Maître.

AVOCATE :                                               Et qu'avez-vous fait? Alors, vous avez participé le... le 11 juillet 1999?

REVENDICATEUR :                               Oui.

AVOCATE :                                               Et que s'est-il passé?

REVENDICATEUR :                               Je me suis joint aux autres étudiants et ils clamaient des slogans. Et tout ce que les étudiants demandaient c'était de savoir qui était responsable des tueries ou des meurtres en série. Ils voulaient savoir qui étaient ceux qui avaient attaqué le dortoir. Ils demandaient (inaudible) et au ministre de l'Intérieur de sortir et de participer. Ils ne faisaient que protester contre le régime, ses actions et sa dictature.

AVOCATE :                                               D'accord. Et combien de temps êtes-vous resté à la manifestation?


REVENDICATEUR :                               Environ deux heures.

AVOCATE :                                               D'accord. Et pourquoi êtes-vous parti?

REVENDICATEUR :                               Parce que les forces de sécurité et l'Hezbollah ont commencé à attaquer les étudiants. Ils utilisaient des gaz lacrymogènes. Ils... ils tiraient des gens. Ils ont commencé à attaquer les manifestants avec leurs bâtons. Puis, ils ont arrêté tous ceux qu'ils ont pu attraper.

AVOCATE :                                               D'accord. Et est-ce que Babbak est resté à la manifestation?

REVENDICATEUR :                               Nous avons été séparés, je ne sais pas.

AVOCATE :                                               D'accord. Et qu'avez-vous fait?

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Vous avez dit Babbak?

AVOCATE :                                               Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Donc, vous ne savez pas ce qu'il est advenu de Babbak?

REVENDICATEUR :                               Non.

AVOCATE :                                               D'accord. Et que s'est-il passé ensuite? Où êtes-vous allé?

REVENDICATEUR :                               Je suis retourné au magasin.

AVOCATE :                                               D'accord. Et que s'est-il passé?

REVENDICATEUR :                               Alors, le propriétaire du magasin m'a dit que je devrais vraiment prendre quelques jours de congé.

AVOCATE :                                               Pourquoi?

REVENDICATEUR :                               C'était le chaos. J'étais bouleversé. J'avais peur. Il avait l'impression compte tenu de la situation que peu importe ce qui s'était passé, il était préférable que je ne sois pas là pendant quelques jours.

AVOCATE :                                               D'accord. Et où êtes-vous allé?


REVENDICATEUR :                               Je ne connaissais vraiment personne. J'ai donc appelé mon père, j'ai obtenu l'adresse de l'un de ses amis et je me suis rendu chez lui.

AVOCATE :                                               Maintenant - où était votre père à ce moment?

REVENDICATEUR :                               Dans la ville de Neanku.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Pourquoi auriez-vous décidé de vous rendre là (inaudible)? Je ne suis pas certain de comprendre. Partir à ce moment. Vous êtes parti. Vous étiez censé résider en haut du magasin.

REVENDICATEUR :                               Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Vous ne deviez pas savoir à ce moment que vous seriez recherché.

REVENDICATEUR :                               Je... oui... non, je ne savais pas et je n'avais pas l'intention de faire quoi que ce soit. Mais le propriétaire m'a dit... le propriétaire du magasin m'a dit de ne pas aller au magasin.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Pourquoi? Ne lui avez-vous pas demandé, pourquoi?

REVENDICATEUR :                               Il m'a dit qu'il voyait que cela devenait dangereux parce que le magasin était très près de l'université et du secteur.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Très bien.

MEMBRE DE L'AUDIENCE :             Alors, le magasin était près de l'université. En quoi cela n'est-il pas correct?

REVENDICATEUR :                               Parce qu'il savait que j'avais participé à cette manifestation.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Maître, je m'excuse, mais il faut que je clarifie une autre chose.

AVOCATE :                                               Allez-y.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          J'ai quelques questions à cet égard. Pourquoi vous aurait-il permis de partir du magasin pendant votre travail et d'aller participer à cette manifestation?


REVENDICATEUR :                               Je ne lui ai pas dit que j'allais participer à cette manifestation. J'ai simplement... je lui ai simplement dit que je devais... qu'il y avait quelque chose que je devais faire.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Mais vous venez juste de dire qu'il savait que vous aviez participé à une manifestation.

REVENDICATEUR :                               Lorsque je suis retourné à son magasin, de ce que j'avais l'air et de (inaudible) que j'avais, il a... je suppose conclu que j'y étais allé.

MEMBRE DE L'AUDIENCE :             Vous a-t-il demandé où vous étiez allé?

REVENDICATEUR :                               Il m'a demandé où j'étais et je le lui ai dit.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Mais vous venez de dire qu'il... vous supposiez qu'il avait conclu que vous y étiez allé.

REVENDICATEUR :                               Au début, oui.

[...]

AVOCATE :                                               D'accord. Maintenant, quand vous étiez en train de retourner au magasin le 13 juillet, aviez-vous peur? Étiez-vous encore effrayé?

REVENDICATEUR :                               Oui.

AVOCATE :                                               D'accord. Pourquoi aviez-vous peur de retourner au magasin?

REVENDICATEUR :                               Je voulais vraiment savoir ce qu'il était advenu de Babbak.

AVOCATE :                                               D'accord.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Pourquoi deviez-vous retourner au magasin pour le savoir?

REVENDICATEUR :                               Parce que c'était le magasin où Babbak et ses amis avaient l'habitude d'aller acheter leurs livres. Et comme je l'ai dit, le propriétaire de la librairie était un parent de l'ami de Babbak.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Il n'y avait pas une autre manière de joindre Babbak?


REVENDICATEUR :                               Non. Le seul moyen de savoir ce qu'il était advenu de Babbak était par téléphone, mais les lignes téléphoniques étaient débranchées.

[17]            À l'égard de ces extraits, l'avocat du défendeur fait remarquer que le demandeur a fourni un témoignage contradictoire sur des points cruciaux, à savoir : aucune disposition n'avait été prise dans le but de rencontrer Babbak à la librairie; le propriétaire lui avait dit de partir; le demandeur affirme être retourné à la librairie à la recherche de Babbak et qu'il n'a pas simplement téléphoné à la librairie; aucune explication n'a été fournie quant aux raisons pour lesquelles il aurait pu trouver Babbak à la librairie; Babbak vivait dans la résidence d'étudiants de l'université et les lignes téléphoniques qui avaient été coupées étaient celles de la résidence de Babbak.


[18]            L'avocat du défendeur a insisté, pour que je le reconnaisse, sur le fait qu'il existait dans le témoignage du demandeur des incohérences et des omissions importantes sur lesquelles s'appuyaient les conclusions plutôt hésitantes de la Commission, soit les conclusions suivantes : « [l]e tribunal estime qu'il est invraisemblable [...] » ou « [l]e tribunal estime que cette explication n'est pas satisfaisante [...] » ou [TRADUCTION] « le tribunal estime que c'est une énigme [...] » . C'est une règle de droit bien connue que la Section du statut de réfugié peut tirer une conclusion quant à la crédibilité d'un demandeur en se fondant sur les contradictions et les incohérences contenues dans son récit. En outre, la Section du statut de réfugié peut tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en se fondant uniquement sur l'invraisemblance du témoignage du demandeur.

Sheikh c. M.E.I., [1990] 3 C.F. 238, 112 N.R. 61, 71 D.L.R. (4th) 604, 11 Imm. L.R. (2d) 81, (C.A.F.)

Leung c. M.E.I. (1990), 74 D.L.R. (4th) 313, 120 N.R. 391 (C.A.F.)

Alizadeh c. M.E.I., [1993] A.C.F. no 11 (C.A.F.)

Ankrah c. M.E.I., [1993] A.C.F. no 385 (C.F. 1re inst.)

Oduro c. M.E.I. (1993), 66 F.T.R. 106 (C.F. 1re inst.).

[19]            En outre, la Cour d'appel fédérale a statué que des décisions défavorables quant à la crédibilité d'une personne sont rendues à bon droit dans la mesure où le tribunal énonce les motifs de sa décision dans des « termes clairs et explicites » .

Hilo c. M.E.I. (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199, 130 N.R. 236 (C.A.F.).


[20]            Un examen du dossier du tribunal me convainc que le défendeur a raison à l'égard de la question précédemment mentionnée. Bien que dans sa décision la Commission semble effectivement avoir quelque peu fait des hypothèses, le principal point est que, à l'égard de l'incident de la librairie, la Commission « estime que le témoignage du revendicateur n'est ni fiable ni digne de foi » et qu'il est « fabriqué et n'est pas crédible » . La Commission n'énonce pas ces préoccupations quant à la crédibilité d'une façon aussi claire qu'elle aurait pu le faire, mais je suis d'avis qu'il y a à cet égard suffisamment d'explications dans la décision et que les incohérences contenues dans le récit du demandeur constituent un fondement probatoire suffisant pour qu'il n'y ait pas d'erreur susceptible de contrôle. Ce n'est peut-être pas la décision que j'aurais rendue selon la preuve au dossier, mais il ne s'agit pas d'une décision abusive et l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.

[21]            Le deuxième point important dans la décision est l'opinion de la Commission selon laquelle le demandeur et sa famille, si le récit du demandeur à l'égard des agressions liées à la persécution est véridique, auraient quitté l'Iran beaucoup plus tôt qu'ils l'ont fait. Les portions pertinentes de la décision sont rédigées comme suit :

Le tribunal conclut que le revendicateur n'a pas de crainte subjective et fondée de persécution en Iran. Le revendicateur allègue qu'il a commencé à éprouver des problèmes avec le Hezbollah en 1980. Il a dit qu'il a été exclu de l'école pour une période de trois semaines pour avoir écrit un exposé dans lequel il prônait la liberté de religion et la liberté d'opinion. Le revendicateur allègue que le Hezbollah le harcelait. Il est allé vivre chez son oncle à Masjid Soleiman où il a fréquenté l'école du soir. Malgré le fait qu'il ait changé d'école et de région, le revendicateur allègue que le Hezbollah a continué de le harceler, le traitant de « traître Bakhtiari » . Le revendicateur a allégué qu'il est retourné vivre à Ahwaz où il a été par la suite recruté par l'armée. Le tribunal estime que le revendicateur n'a aucunement tenté de quitter le pays au cours de la période où il présume avoir été harcelé.

De plus, dans son récit de son expérience militaire, le revendicateur n'a pas témoigné qu'il a été victime de mauvais traitements au sein de l'armée, mais il a allégué qu'il n'avait pas le droit de porter d'armes. Le tribunal estime qu'il est invraisemblable que le régime ait recruté un homme à qui il ne faisait pas confiance et qu'il l'ait gardé pendant 24 mois sans le harceler ou sans lui assigner des tâches difficiles pour le punir de son indifférence envers le régime.


Le revendicateur allègue qu'il a eu du mal à se trouver un emploi après avoir obtenu son congé de l'armée en raison de ses antécédents politiques. Toutefois, entre 1993 et 1998, il a travaillé pour trois entreprises différentes qui l'ont toutes congédié pour de présumées raisons d'ordre politique. Alors qu'il occupait l'un de ces emplois, le revendicateur s'est lié d'amitié avec des collègues de travail qui étaient partisans des moudjahiddines. Le revendicateur a dit que son association avec ces collègues de travail a mené à son arrestation en 1994. Il a dit qu'il a été sévèrement torturé, tant sur le plan physique que psychologique, qu'il a été détenu pendant six semaines et cloué au lit pendant trois semaines. À son retour au travail, il a été congédié. Le tribunal est d'avis que le témoignage du revendicateur n'est pas crédible puisque le revendicateur et sa famille n'ont jamais pensé à quitter le pays après avoir été victimes de tous ces présumés mauvais traitements de la part des forces de sécurité et après que le revendicateur eut éprouvé un sentiment de frustration à la suite de son congédiement.

Le conseil, dans ses observations (page 7, paragraphe 4), a allégué que « [traduction] la situation entre le 25 septembre 1994 et mars 2000 était très différente. Nous ne pouvons demander à des citoyens d'un État répressif de fuir leur pays en tout moment. Il doit y avoir une possibilité que les intéressés soient persécutés de nouveau pour qu'on leur reconnaisse le statut de réfugié au sens de la Convention. La définition de ce terme est de nature prospective » . Le revendicateur allègue que sa famille a été victime de harcèlement et de torture pendant presque vingt ans. Le revendicateur peut être victime d'un certain nombre d'actes discriminatoires ou d'actes de harcèlement. Même si ces actes peuvent, individuellement, ne pas être suffisamment graves pour constituer de la persécution, ils peuvent cumulativement en être l'équivalent. Si le revendicateur avait adopté une approche prospective ou s'il avait eu une crainte subjective de persécution, il aurait pu quitter son pays avant 2000. Le tribunal ne croit pas que la famille ait été persécutée par le passé parce que si elle l'avait été, elle aurait pu tenter de fuir ou même fuir le pays en tout temps avant 2000. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas quitté le pays, le revendicateur a répondu que c'était parce qu'il n'avait pas de documents en sa possession. Le tribunal estime que la réponse du revendicateur, à savoir qu'il n'a pas tenté de fuir son pays, est révélatrice d'une absence de crainte subjective chez lui, compte tenu de ses allégations voulant qu'il ait subi de mauvais traitements, qu'il ait été expulsé de son école, qu'il ait été torturé et congédié, que des membres de sa famille aient été arrêtés et qu'il ait été détenu, hospitalisé et alité pendant plusieurs jours. Par conséquent, le tribunal ne croit pas que le revendicateur a déjà été torturé, parce que, s'il avait réellement vécu les expériences qu'il prétend avoir vécues, il aurait tenté de fuir le pays plus tôt. De plus, le tribunal est d'avis que si le revendicateur avait des problèmes à se trouver et à conserver un emploi, ce n'est pas en raison des opinions politiques qu'on lui imputait, mais pour des raisons autres que celles énoncées dans le FRP. Le tribunal estime que le revendicateur manque de crédibilité.

[22]            Le demandeur prétend qu'il existe diverses erreurs susceptibles de contrôle à l'égard de cet aspect de la décision. À mon avis, les points importants sont les suivants :

[TRADUCTION]

1.              La Commission reconnaît qu'il y a vraisemblablement eu une suite d'événements qui ne sont pas, lorsque pris séparément, des actes de persécution. Par conséquent, elle ne peut pas, en même temps, dire que le demandeur aurait dû avoir une crainte subjective suffisante pour quitter l'Iran plus tôt qu'il l'a fait.


2.              Différentes personnes réagissent de différentes façons aux événements. La crédibilité du demandeur ne peut pas être mise en doute simplement parce qu'il est resté en Iran plus longtemps qu'une autre personne l'aurait fait. Il est tout à fait arbitraire pour la Commission de dire que le demandeur aurait dû quitter l'Iran plus tôt.

3.              À l'égard de l'expérience militaire du demandeur, la Commission ne disposait pas d'éléments de preuve démontrant que ceux qui sont indifférents au régime sont dispensés de faire leur service militaire. Le récit du demandeur ne peut pas être jugé invraisemblable à moins qu'il existe des éléments de preuve à l'égard de l'invraisemblance. La Commission ne mentionne aucun élément de preuve ni aucun motif quant à une telle conclusion.

[23]            Le défendeur répond aux prétentions du demandeur en affirmant que les préoccupations de la Commission s'appuient sur l'incident clé de 1994 à l'égard duquel le demandeur a témoigné qu'après avoir été torturé, détenu et cloué au lit, il ne voyait pas la nécessité de quitter l'Iran. Les portions pertinentes de la transcription sur cette question sont rédigées comme suit :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          D'accord. L'avocate vous a questionné à l'égard de l'incident de 1994. Vous avez dit que vous aviez été accusé à ce moment de... juste un moment. J'ai mes notes ici. Qu'on vous avait informé à propos de la soeur de Masud [...]

AVOCATE :                                               Non, on a informé son père et sa mère à propos de la soeur et du père de Masud.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          En 2000.

AVOCATE :                                              Oui. On a informé le père en 2000.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Alors, les autorités ont porté des accusations à l'égard de l'incident de 1994.

REVENDICATEUR :                               Oui.


PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Plus tôt, lorsque l'avocate vous a questionné quant aux raisons pour lesquelles vous n'aviez pas quitté l'Iran à ce moment, je crois, et qu'on me corrige si je me trompe, que vous avez dit à ce moment ils n'avaient pas de documents qui vous incriminaient.

REVENDICATEUR :                               Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          C'est un peu contradictoire avec le Sepa postérieur... la déclaration postérieure des autorités selon laquelle il y avait contre vous des accusations qui dataient de 1994. Pouvez-vous expliquer cela?

REVENDICATEUR :                               À ce moment, lorsque j'ai été arrêté, c'était parce que Masud et (inaudible) n'avaient pas été arrêtés. Par la suite, lorsqu'ils ont été arrêtés, ils ont su ce qui s'était passé pour moi.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          D'accord. Mais c'est encore... la question est encore actuelle parce que selon vous, vous étiez (inaudible), avez été torturé durant ce temps. Pourquoi n'avez-vous pas pensé à quitter à ce moment?

REVENDICATEUR :                               Parce qu'à ce moment, ils n'avaient rien pour m'incriminer. Ils essayaient de me faire avouer.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Mais ce n'est cependant pas ça la question, savoir s'ils avaient quelque chose pour vous incriminer. La question est celle du traitement que vous avez subi. Cela m'apparaît être de la persécution. Notamment, s'ils n'avaient rien pour vous incriminer.

REVENDICATEUR :                               Alors, que voulez-vous que je dise?

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Pourquoi n'avez-vous pas quitté le pays, pensé à partir à ce moment? Vous avez (inaudible) des antécédents, des antécédents familiaux. Vos expériences.


REVENDICATEUR :                               À ce moment, je ne sentais pas que j'étais totalement en danger. Parce que les autorités... il n'était pas clair pour les autorités que je suis... que j'étais une personne qui s'opposait au régime. Par la suite, indépendamment de cette manifestation des étudiants, j'étais d'avis que les autorités étaient certaines que je m'y opposais. C'est à ce moment que je suis devenu certain que si les autorités m'appréhendaient un jour, s'ils m'arrêtaient un jour, c'était la fin. C'est pourquoi j'ai décidé de quitter le pays.

[24]            Le demandeur fait valoir qu'il n'est pas loisible à l'avocat du défendeur de fournir à la Cour les motifs appropriés de décision qui auraient dû être énoncés dans la décision elle-même.

[25]            Le demandeur fait remarquer que la raison d'être des motifs d'une décision est de permettre au demandeur de savoir pourquoi sa demande a été rejetée. Des conclusions quant à l'invraisemblance doivent être fondées sur des inférences raisonnables tirées des éléments de preuve dont la Commission dispose. En l'espèce, la Commission, lorsqu'elle tire ses conclusions quant à la crédibilité, n'utilise pas vraiment des termes clairs et explicites qui, selon ce qu'exige la jurisprudence, sont essentiels pour qu'elle puisse rejeter le témoignage du demandeur.

[26]              Dans la décision Akhigbe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 332 (C.F. 1re inst.), Mme la juge Dawson énonce comme suit certains principes qui régissent la façon selon laquelle la preuve dont dispose la Section du statut de réfugié doit être traitée :

12       Par ailleurs, parmi les principes qui régissent la façon dont la SSR doit considérer les éléments de preuve, certains trouvent application en l'espèce :


(i)           Quand un requérant jure que certaines allégations sont vraies, celles-ci sont présumées l'être, à moins qu'il n'existe des raisons d'en douter. Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.);

(ii)          La SSR a le droit de tirer des conclusions raisonnables, se fondant en cela sur le manque de vraisemblance, le bon sens et la raison, et de rejeter des témoignages irréfutés si ceux-ci ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l'affaire prise dans son ensemble. Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); Shahamati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.F.);

(iii)         Bien que la SSR puisse même rejeter des témoignages irréfutés, elle doit tenir compte des éléments de preuve qui expliquent les incompatibilités apparentes avant de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 106 (C.A.F.);

(iv)         Lorsque la SSR conclut à un manque de crédibilité en se fondant sur des inférences, notamment sur des inférences au sujet de la vraisemblance de la preuve, il faut que la preuve permette d'étayer ces dernières. Miral c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 254 (C.F. 1re inst.);

(v)          À défaut d'éléments de preuve réfutant la preuve présentée par le requérant, il est fautif de la part de la SSR d'exiger une preuve documentaire pour étayer les allégations du requérant. Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 65 F.T.R. 137 (C.F. 1re inst.); Lachowski c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 18 Imm. L.R. 134 (C.F. 1re inst.); et


(vi)         L'omission d'un fait important dans le FRP du requérant peut fonder une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Grinevich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 444 (C.F. 1 re inst.); Lobo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 597 (C.F. 1re inst.).

[27]              La norme de contrôle appropriée à l'égard des conclusions quant à la crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable, comme l'a mentionné Mme la juge Snider dans la décision Ozo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 561 (C.F. 1re inst.) :

10              Les parties conviennent que la norme de contrôle judiciaire appropriée est celle de la décision manifestement déraisonnable, ce qui veut dire que les conclusions quant à la crédibilité doivent être étayées par la preuve et ne pas être tirées de façon arbitraire ni fondées sur des conclusions de fait erronées (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 732 (C.A.) (Q.L.); Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. n ° 514 (C.A.) (QL); Muhammed c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 815 (1re inst.) (QL)).

11             Bien que notre Cour puisse être en aussi bonne position pour évaluer si la revendication du demandeur est plausible compte tenu de la preuve documentaire, elle n'a pas pour rôle d'apprécier de nouveau la preuve dont la Commission était saisie et il incombe toujours au demandeur de démontrer qu'il n'était pas raisonnable pour la Commission de tirer les inférences qui ont été les siennes (Aguebor, précitée). Même dans le cas où la Cour en serait arrivée à une autre conclusion sur le fondement de la preuve, la décision de la Commission ne doit pas être infirmée, à moins qu'elle ne soit abusive ou arbitraire ou rendue sans tenir compte des éléments dont celle-ci disposait (Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 560 (1re inst.) (QL); Tao c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 622 (1re inst.) (QL); Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1983] A.C.F. n ° 129 (C.A.) (QL); Muhammed, précitée).

[28]            Le principal motif de la Commission pour le rejet du récit du demandeur, lorsqu'il est examiné dans son ensemble à l'égard de la question de l'absence de crainte subjective de persécution, est que si le demandeur et sa famille avaient subi ce que le demandeur affirme qu'ils ont subi, ils auraient quitté l'Iran beaucoup plus tôt.

[29]            La jurisprudence de la Cour établit que lorsque la Commission tire une conclusion quant au manque de crédibilité fondée sur des inférences, y compris des inférences à l'égard de la vraisemblance du témoignage, ces inférences doivent s'appuyer sur des éléments de preuve. À mon avis, la Commission a en l'espèce omis d'énoncer à l'égard de ce point important un fondement suffisant dans la preuve. Les conclusions de la Commission à cet égard s'appuient sur un nombre important d'hypothèses pour lesquelles il n'existe pas de véritable fondement probatoire. En agissant ainsi, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle.

[30]            Étant donné que ces questions sont des questions importantes dans la décision, je conclus qu'elles sont déterminantes dans la demande qui m'est soumise. D'autres questions étaient quelque peu accessoires à la décision de la Commission.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision rendue le 31 mai 2002 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu'il statue à nouveau sur l'affaire;


2.          Aucune question ne sera certifiée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-3219-02

INTITULÉ :                                           AMIN MOHAMMADI c. MCI

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 29 JUILLET 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                        LE 5 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :             

Micheal Crane                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Avocat

166, rue Pearl, bureau100

Toronto (Ontario)    M5H 1L3                                                        POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield

Ministère de la Justice

130, rue King Ouest, bureau 3400, case postale 36

Toronto (Ontario)    M5X 1K6                                           POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.