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Date : 19990921


T-1209-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU


E n t r e :

     BOW VALLEY NATURALISTS SOCIETY et

     BANFF ENVIRONMENTAL ACTION AND RESEARCH SOCIETY,

     demanderesses,

     et


     MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN,

     JOHN ALLARD, DIRECTEUR INTÉRIMAIRE DE L'UNITÉ DE GESTION

     DE KOOTENAY, YOHO ET LAKE LOUISE DE PARCS CANADA et

     CORPORATION HÔTELIÈRE CANADIEN PACIFIQUE LTÉE,

     défendeurs.



     ORDONNANCE


    

     La demande est rejetée. Les dépens sont adjugés aux défendeurs.



     " Paul Rouleau "

                                         Juge

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.




Date : 19990921


T-1209-98


E n t r e :

     BOW VALLEY NATURALISTS SOCIETY et

     BANFF ENVIRONMENTAL ACTION AND RESEARCH SOCIETY,

     demanderesses,

     et


     MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN,

     JOHN ALLARD, DIRECTEUR INTÉRIMAIRE DE L'UNITÉ DE GESTION

     DE KOOTENAY, YOHO ET LAKE LOUISE DE PARCS CANADA et

     CORPORATION HÔTELIÈRE CANADIEN PACIFIQUE LTÉE,

     défendeurs.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE ROULEAU


[1]      La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 2 avril 1998 par laquelle M. John Allard, directeur intérimaire de l'unité de gestion de Kootenay, Yoho et Lake Louise de Parcs Canada, s'est dit d'avis, en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37. (la Loi), que la construction par la Corporation hôtelière Canadien Pacifique (CP Hotels) d'un pavillon de conférences au Chateau Lake Louise, dans le parc national Banff, n'était pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants.

[2]      Les demanderesses sollicitent une ordonnance annulant la décision du directeur intérimaire, une ordonnance interdisant au ministre de délivrer tout permis ou d'accorder toute autorisation qui permettrait à CP Hotels de procéder à la construction du pavillon des conférences tant que les exigences de la Loi n'auront pas toutes été satisfaites et, finalement, une ordonnance renvoyant la question au ministre pour qu'il la réexamine conformément aux dispositions des articles 15 et 16 de la Loi.

[3]      La demanderesse Bow Valley Naturalists Society est une association sans but lucratif dont les activités consistent à observer la nature, à sensibiliser le public au milieu naturel de la région de la vallée de la Bow et à protéger et conserver la faune, les régions sauvages, les parcs et l'écosystème naturel de la région. La demanderesse Banff Environmental Action and Research Society est une association sans but lucratif vouée à la conservation et à la restauration de l'habitat faunique et des espèces sauvages vivant sur le versant est des montagnes Rocheuses canadiennes, particulièrement dans le parc national Banff.

[4]      La défenderesse CP Hotels exploite à Lake Louise un hôtel, le Chateau Lake Louise, depuis 1890, c'est-à-dire avant que le site ne soit intégré au parc national. L'hôtel est ouvert à l'année depuis 1982. Le Chateau Lake Louise est situé sur un territoire cédé à bail d'une superficie de 62,98 acres. Il se compose d'un édifice principal, dans lequel se trouve un hôtel de neuf étages, de trois pavillons de chambres, d'un parc de stationnement à trois étages, d'un bâtiment où se trouve une piscine intérieure, d'une piscine extérieure plus ancienne, de sept bâtiments servant au logement du personnel et de divers bâtiments de service. Le ministre du Patrimoine canadien défendeur, qui agit par l'intermédiaire de Parcs Canada, est l'autorité responsable au sens de l'article 15 de la Loi.

[5]      Voici un résumé des faits à l'origine de la présente demande. Le parc national Banff a été créé en 1885. C'est le plus ancien parc national du Canada. En 1985, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (l'UNESCO) a désigné le parc national Banff comme site du patrimoine mondial. Le parc reçoit annuellement plus de quatre millions de visiteurs. Le plan directeur de Lake Louise a été élaboré en 1979. Il prévoit un scénario de faible croissance pour la région de Lake Louise. En ce qui concerne le Chateau, le plan prévoyait que, même si on autorisait le Chateau Lake Louise à procéder à des rénovations pour lui permettre d'ouvrir ses portes à l'année, aucune augmentation de la capacité d'hébergement ne serait envisagée dans ce secteur. Le plan a été mis à jour en 1994, année où il a été confirmé qu'aucune croissance commerciale autre que celle qui avait été planifiée en 1979 ne serait permise.

[6]      En 1994, le ministre a annoncé le lancement d'une étude sur la vallée de la Bow en réponse aux préoccupations de plus en plus vives formulées par la population, la communauté scientifique et les écologistes au sujet de la santé écologique et de l'avenir du parc. Le groupe de travail chargé de procéder à cette étude a évalué sur une période de deux ans l'état du parc et les répercussions que les activités commerciales et touristiques avaient sur la santé écologique de la vallée, tant à l'intérieur des limites du parc que dans ses environs. Le groupe de travail a remis son rapport au ministre du Patrimoine canadien en octobre 1996. Les auteurs du rapport ont signalé que le degré de développement que le parc avait connu avait eu pour effet de perturber l'écosystème terrestre et aquatique du parc et que l'habitat de nombreuses espèces de grands mammifères, tels que les grizzlis, était fragmenté et qu'il avait diminué de façon inacceptable pour un parc national.

[7]      Parcs Canada a mené d'autres consultations, notamment auprès des groupes d'intérêts, et a élaboré les principes d'orientation suivants au sujet des aménagements prévus au Chateau Lake Louise :

     -      Restriction de la capacité d'hébergement à 3 500 personnes pour la partie supérieure et la partie inférieure de l'agglomération de Lake Louise, et à 1 166 au Chateau Lake Louise ;
     -      Adoption de la Stratégie sur le tourisme patrimonial comme modèle tant en ce qui concerne les activités des visiteurs que les installations ;
     -      Examen par Parcs Canada du projet de construction d'un pavillon de conférences au Chateau Lake Louise.

Cet examen de la politique a débouché sur l'élaboration du plan directeur du parc national Banff. On explique dans ce plan directeur que la politique de Parcs Canada est de concentrer le développement des services aux visiteurs soit dans la ville de Banff, soit dans la région de Lake Louise, en respectant une stratégie stricte de faible croissance.

[8]      En septembre 1996, CP Hotels a soumis un projet de construction d'un pavillon de conférences au Chateau Lake Louise. Pour le moment, les salles de réunion et de conférence du Chateau sont peu nombreuses, mal adaptées aux besoins de la clientèle et constituent une grave lacune et un obstacle majeur à l'exploitation d'un hôtel patrimonial d'envergure internationale ouvert à l'année. L'hôtel ne possède que 5,3 pieds carrés de surface de réunion par chambre. En comparaison, d'autres hôtels situés dans le parc national Banff ont entre 42,2 et 98,7 pieds carrés de surface de réunion et de conférence par chambre.

[9]      Parcs Canada a étudié le projet et, le 9 janvier 1997, a fait connaître de nouveaux paramètres pour l'évaluation environnementale du pavillon de conférences. Par la suite, en mai ou en juin 1997, CP Hotels a soumis son projet révisé, intitulé [TRADUCTION] " Plan d'aménagement à long terme du Chateau Lake Louise (1997) ". Dans ce document, CP Hotels a expliqué la façon dont il envisageait l'avenir lointain du Chateau tout en essayant de tenir compte des préoccupations du public ainsi que des objectifs écologiques et des principes exposés dans le plan directeur du parc national Banff.

[10]      Le plan directeur prévoyait de nombreux aménagements. La construction du pavillon de conférences est le seul projet auquel on a jusqu'à maintenant donné suite. Le pavillon projeté, d'une superficie de 148 547 pieds carrés, devrait prendre la forme d'un bâtiment de sept étages composé de six salles de réunion, d'une salle de conférence de 700 places, d'une salle à manger pouvant accueillir 252 convives et de 81 nouvelles chambres. Il s'agirait d'une aile qui serait ajoutée à l'hôtel et qui serait construite sur l'emplacement actuel d'un parc de stationnement et d'un bâtiment des chaudières désaffecté.

[11]      En outre, le plan d'aménagement à long terme prévoyait de nombreuses mesures d'atténuation, telles que la mise en oeuvre d'un programme de partenariat vert pour la gérance de l'environnement, des travaux d'amélioration au système de traitement des eaux et des modifications aux postes de pompage conjointement avec un programme de contrôle de la qualité de l'eau à Lake Louise et de transmission des lectures de la qualité de l'eau au Bureau d'évaluation environnementale. Le Chateau a convenu de limiter d'ici l'an 2000 la capacité d'hébergement à 1 126, ce qui est inférieur à la limite permise de 1 166. De plus, CP Hotels a accepté de rétrocéder à Parcs Canada 20,5 acres de terres intactes se trouvant sur le territoire qu'il a loué à bail, ramenant ainsi la superficie du territoire cédé à bail à ce qui est strictement nécessaire pour ses activités et limitant, sinon supprimant, tout autre aménagement éventuel.

[12]      Dans le cadre de sa proposition, CP Hotels a procédé à un examen environnemental préalable et a rédigé un rapport intitulé [TRADUCTION] " Examen préalable du projet de construction d'un pavillon de conférences au Chateau Lake Louise (juin 1997) ". Cet examen préalable avait pour objet de déterminer les éventuelles répercussions environnementales de la construction du pavillon de conférence. Pour ce faire, CP Hotels a abordé les questions suivantes : logement du personnel, disparition d'habitat, approvisionnement en eau, répercussions communautaires, traitement des eaux usées, besoins en matière de stationnement, alimentation en énergie, circulation automobile, gestion du flux des déchets, participation du public, analyse de la demande, mesures d'atténuation, solutions de rechange, effets cumulatifs, répercussions des travaux de construction, connaissance des lacunes et intensification de l'utilisation du territoire.

[13]      Le public a été consulté au sujet des résultats de l'examen préalable les 12 et 13 août 1997. Parcs Canada a organisé des journées d'accueil à Lake Louise et à Calgary. Le plan d'aménagement à long terme du Chateau et les résultats de l'examen préalable ont été présentés à l'occasion de journées d'accueil organisées à Lake Louise et à Calgary les 18 et 19 août 1997, et lors d'une réunion tenue le 11 septembre de la même année à laquelle des groupes d'intérêts avaient été convoqués. Les résultats de ce processus de consultation ont été publiés dans une analyse des préoccupations du public publiée par Parcs Canada dans un rapport en date du 17 octobre 1997 intitulé [TRADUCTION] " Résultats du processus de consultation sur le plan d'aménagement à long terme proposé, la construction d'un pavillon de conférences et l'évaluation environnementale de ce projet ".

[14]      Le MacLeod Institute, un tiers engagé par Parcs Canada à titre de conseiller, a procédé à une étude indépendante de l'examen préalable effectué par CP Hotels en juin 1997 et a fourni une liste des points qui nécessitaient un examen plus poussé, de plus amples renseignements ou un analyse plus critique. Par la suite, en réponse aux préoccupations soulevées lors des consultations publiques et de l'examen interne effectué au sein de Parcs Canada, CP Hotels a soumis d'autres documents relatifs à l'examen préalable.

[15]      Le 2 avril 1998, le directeur intérimaire John Allard a conclu que le projet n'était pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, à condition que l'on prenne les mesures d'atténuation associées au projet. Par lettre en date du 3 juillet 1998 de M. G. Fortin, directeur exécutif des parcs des Rocheuses, ministère du Patrimoine canadien, l'approbation de la construction du pavillon de conférences a été confirmée et les conditions à remplir pour respecter les mesures d'atténuation ont été précisées.

[16]      Les demanderesses sollicitent maintenant l'annulation de cette décision au motif que le ministre a commis une erreur de droit et qu'il a outrepassé sa compétence en prétendant procéder à l'évaluation environnementale du centre des congrès sans respecter les exigences de la Loi. Les demanderesses reprochent également au ministre d'avoir commis une erreur de droit et d'avoir excédé sa compétence en décidant de façon définitive, en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, que le projet n'était pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, sans avoir d'abord respecté les exigences de la loi.

[17]      Dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 982, la Cour suprême a retenu une approche pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle applicable dans les affaires de ce genre. Notre Cour a, sous la plume du juge Reed, examiné récemment la portée de cet arrêt de la Cour suprême, dans le jugement Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines), T-1801-98, 13 août 1999 :

La considération la plus importante est l'intention du législateur : celui-ci avait-il l'intention que le tribunal de révision fasse preuve de retenue à l'égard de la décision, ou avait-il l'intention de prévoir un appel de plein droit, ou la norme pertinente se trouve-t-elle quelque part entre ces deux pôles. En outre, la norme de contrôle doit être déterminée en faisant référence à la nature spécifique de la décision faisant l'objet du contrôle. La même norme ne s'appliquera pas nécessairement à toutes les décisions provenant du même décideur. Les facteurs devant être pris en compte selon l'arrêt Pushpanathan sont les suivants : (1) les dispositions législatives régissant le processus de contrôle, notamment la question de savoir s'il y a une clause privative ; (2) le degré d'expertise du tribunal ayant trait à la question en litige, comparativement au degré d'expertise que possède le tribunal de révision sur le sujet ; (3) l'objet de la loi et les objectifs du décideur, c'est-à-dire si le décideur cherche à établir un équilibre entre des considérations d'ordre public (souvent formulées en termes vagues) ou à se prononcer sur les droits des particuliers ; (4) la nature de la décision faisant l'objet du contrôle, c'est-à-dire notamment de savoir s'il s'agit d'une question de droit ou de fait.

[18]      La considération la plus importante est donc l'intention du législateur : avait-il l'intention que le tribunal saisi de la demande de contrôle judiciaire fasse preuve de retenue à l'égard de la décision, ou avait-il l'intention de prévoir un appel de plein droit, ou la norme pertinente se trouve-t-elle quelque part entre ces deux pôles. Par ailleurs, la norme de contrôle applicable doit être déterminée en fonction de la nature précise de la décision faisant l'objet du contrôle. La même norme ne s'appliquera pas nécessairement à toutes les décisions provenant du même auteur. Les facteurs devant être pris en compte selon l'arrêt Pushpanathan sont les suivants : (1) les dispositions législatives régissant le processus de contrôle, notamment la question de savoir s'il y a une clause privative ; (2) le degré d'expertise du tribunal ayant trait à la question en litige, comparativement au degré d'expertise que possède le tribunal de révision sur le sujet ; (3) l'objet de la loi et les objectifs de l'auteur de la décision, c'est-à-dire si l'auteur de la décision cherche à établir un équilibre entre des considérations d'ordre public (souvent formulées en termes vagues) ou à se prononcer sur les droits de particuliers ; (4) la nature de la décision faisant l'objet du contrôle judiciaire, c'est-à-dire notamment la question de savoir s'il s'agit d'une question de droit ou de fait.

[19]      L'évaluation environnementale est une outil permettant de prévoir les incidences environnementales d'un projet déterminé. L'article 5 de la Loi exige qu'une évaluation environnementale ait lieu avant que l'autorité fédérale compétente puisse, " aux termes d'une disposition prévue par règlement pris en vertu de l'alinéa 59f) , délivre[r] un permis ou une licence, donne[r] toute autorisation ou prend[re] toute mesure en vue de permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie. "

[20]      La procédure à suivre pour effectuer une évaluation environnementale est précisée aux articles 14 à 17 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Pour tenir compte de la grande diversité de projets qui peuvent être présentés, la Loi fait dépendre le degré de précision exigé de l'évaluation de la nature et de l'ampleur du projet en cause et de l'importance des incidences prévues du projet proposé. L'article 14 dispose qu'une évaluation environnementale consiste, selon le cas, en un examen préalable et en l'établissement d'un rapport d'examen préalable ou encore en une étude approfondie et en l'établissement d'un rapport d'étude approfondie. Le paragraphe 15(1) prévoit que " l'autorité responsable détermine " la portée de l'évaluation. De même, le paragraphe 16(3) prévoit que l'évaluation des facteurs dont il faut tenir compte lors de l'évaluation " incombe à l'autorité responsable ".

[21]      Le plan d'aménagement à long terme du Chateau Lake Louise comporte cinq volets : la construction du pavillon des conférences, les travaux de rénovation de la piscine et des installations d'hydrothérapie, la transformation de la salle Tom Wilson, la construction d'hébergements pour le personnel et l'ajout d'un étage au parc de stationnement étagé déjà existant. Le défendeur CP Hotels reconnaît qu'une évaluation environnementale serait nécessaire s'il devait décider de procéder aux travaux d'agrandissement relatifs à l'hébergement du personnel et au parc de stationnement. De plus, CP Hotels a accepté de procéder à des évaluations environnementales distinctes à l'égard de chacun des autres volets du plan, y compris ceux concernant les travaux de rénovation de la piscine et des installations d'hydrothérapie et de transformation de la salle Tom Wilson, en supposant qu'il donne suite à ces projets. Il maintient toutefois que l'examen préalable et l'établissement du rapport d'examen préalable qui constituent l'évaluation environnementale relative au pavillon des conférences satisfont aux exigences de la Loi.

[22]      Compte tenu des faits de la présente affaire, des dispositions législatives applicables et des principes de droit exposés dans l'arrêt Pushpanathan, je suis convaincu que rien ne justifie la Cour de modifier la décision du directeur intérimaire de l'unité de gestion de Kootenay, Yoho et Lake Louise de Parcs Canada.

[23]      Premièrement, Parcs Canada est l'autorité chargée de conserver les parcs nationaux intacts pour la jouissance des générations futures et de conserver l'intégrité écologique des parcs en question en en protégeant les ressources naturelles. Cela est particulièrement vrai dans le cas du parc national Banff, qui occupe une place spéciale parmi les parcs nationaux du Canada. Pour cette raison, Parcs Canada a procédé à un examen détaillé et approfondi de l'habitat écologique du parc et des relations réciproques entre cet habitat et l'activité humaine. Cet examen a débouché sur l'élaboration du plan directeur du parc national Banff, qui a été publié en 1997. Les décisions quant au degré acceptable d'activité humaine au parc national Banff, les objectifs de gestion et de politique applicables au parc et la protection de son intégrité écologique sont des questions extrêmement spécialisées au sujet desquelles Parcs Canada possède des connaissances et des compétences spécialisées considérables.

[24]      Un aspect important et crucial de la Loi est la reconnaissance, par le législateur fédéral, des compétences particulières de Parcs Canada et de sa participation à des études poussées et à des mesures de planification pour répondre à des préoccupations environnementales. C'est pour cette raison que l'autorité compétente se voit conférer un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de déterminer l'ampleur du projet qui fait l'objet de l'évaluation, ainsi que la portée de l'évaluation à effectuer. Ce pouvoir discrétionnaire permet à l'évaluation de porter comme il se doit sur les caractéristiques propres à chaque projet à la lumière des politiques de planification et de gestion en vigueur dans le but de protéger l'intégrité écologique. Il permet aussi à Parcs Canada de définir la portée des projets et des évaluations environnementales et de déterminer le degré souhaitable de développement durable.

[25]      Qui plus est, l'objet de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui est précisé dans le préambule de la Loi ainsi qu'à l'article 4 est d'assurer que l'on prenne en compte les facteurs environnementaux dans les processus de planification et de décision, de façon à promouvoir un développement durable. La loi ne vise donc pas à empêcher la réalisation de tous les projets de développement visant des régions écologiquement vulnérables, mais à trouver un juste milieu entre ce développement et la situation écologique unique de la région en cause. Dans le cas d'un objectif législatif de ce genre, le tribunal doit être conscient de la portée limitée de ses pouvoirs en matière de contrôle judiciaire. Ainsi qu'il a été déclaré dans l'arrêt Pushpanathan à la page 1008 :

Lorsque les objectifs de la loi et du décideur sont définis non pas principalement comme consistant à établir les droits des parties, ou ce qui leur revient de droit, mais bien à réaliser un équilibre délicat entre divers intérêts, alors l'opportunité d'une supervision judiciaire diminue.
                                                          (Non souligné dans l'original.)

[26]      En l'espèce, la salle de conférence proposée prendrait la forme d'un pavillon qui serait ajouté à l'hôtel actuel et qui serait construit sur l'emplacement d'un parc de stationnement de surface déjà existant et d'un bâtiment de chaufferie désaffecté. Il n'est pas nécessaire pour sa réalisation que le nouveau parc de stationnement et les locaux d'hébergement supplémentaires du personnel soient construits, et la construction du pavillon projeté n'a aucune incidence sur les installations d'hydrothérapie, la piscine ou la transformation de la salle Tom Wilson. La méthode d'évaluation environnementale retenue par Parcs Canada pour le projet de construction du pavillon des conférences prévoit d'autres approbations à la suite d'une évaluation environnementale ainsi qu'un contrôle permanent des divers aspects du projet de construction du pavillon des conférences et des autres volets du plan d'aménagement à long terme du Chateau, en supposant que celui-ci soit effectivement réalisé. Ce sont là des mesures d'atténuation que l'alinéa 20(1)a) de la Loi permet à Parcs Canada d'exiger comme conditions d'approbation du projet.

[27]      Les documents relatifs à l'examen environnemental préalable comprennent une description de chacun des volets du plan d'aménagement à long terme du Chateau, des prévisions au sujet des effets environnementaux et des effets cumulatifs de tous les volets par rapport aux installations actuelles et des mesures visant à atténuer les effets du plan d'ensemble. Une fois que cette évaluation des effets environnementaux du plan d'aménagement à long terme du Chateau aura été effectuée, Parcs Canada sera en mesure d'approuver la réalisation du projet de construction du pavillon des conférences parce que ce projet fera partie des effets résiduels prévus une fois qu'auront été prises les mesures d'atténuation proposées pour l'ensemble du territoire cédé à bail. Grâce à l'évaluation environnementale qui sera effectuée pour chaque volet du projet, Parcs Canada sera alors en mesure d'évaluer chacun des volets du plan, de déterminer s'ils doivent être réalisés et dans quels délais.

[28]      En conséquence, pour tous ces motifs, je suis convaincu que l'évaluation environnementale dont le pavillon des conférences a fait l'objet satisfait aux exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et qu'elle tient dûment compte du plan directeur du parc national Banff et du plan directeur de l'agglomération de Lake Louise. Il m'est impossible de conclure que le directeur intérimaire a, en prenant sa décision, commis une erreur de droit ou de fait qui donnerait ouverture à un contrôle judiciaire et qui justifierait l'intervention de la Cour.

[29]      La demande est rejetée. Les dépens sont adjugés aux défendeurs.



     " Paul Rouleau "

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 21 septembre 1999.




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-1209-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Bow Valley Naturalists Society et al. c. Ministre du Patrimoine canadien et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 20 juillet 1999


MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Rouleau le 21 septembre 1999



ONT COMPARU :

Me Karen Wristen

Me Margot Venton                              POUR LES DEMANDERESSES


Me Kirk N. Lambrecht

Me Judson E. Virtue                              POUR LES DÉFENDEURS



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Karen Wristen                              POUR LES DEMANDERESSES

Me Kirk N. Lambrecht(ministre du Patrimoine canadien)

Me Judson E. Virtue (Corporation hôtelière Canadien Pacifique)      POUR LES DÉFENDEURS

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