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Date : 20040527

Dossier : IMM-4532-03

Référence : 2004 CF 770

Entre :

                                                             XU HUI LAN

                                                                                                                   Demanderesse

Et :

                   MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                            Défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent des visas Candace Brooks ("l'agent des visas") a rejeté, le 2 avril 2003, la demande de résidence permanente de la demanderesse présentée dans la catégorie des « immigrants investisseurs » .


[2]                Le 18 juin 2001, la demanderesse recevait son certificat de sélection du Québec, ayant été sélectionnée à titre d'immigrant investisseur aux termes d'une entrevue avec M. Gilles Cyr, conseiller à l'immigration, à la délégation du Québec de Hong Kong. Le 24 mars 2003, la demanderesse se présentait à son entrevue de sélection auprès de l'agent des visas, au Consulat Général du Canada à Hong Kong.

[3]                Le 2 avril 2003, l'agent a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse car celle-ci ne s'est pas conformée au paragraphe 16(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ("la Loi"). L'agent des visas a écrit à la demanderesse pour l'informer que sa demande de résidence permanente était rejetée. La lettre est en partie ainsi libellée:

"Specifically you have failed to comply with the requirements of Subsection 16(1) of Canada's Immigration and Refugee Protection Act reads as follow:

A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

You do not meet the requirements of subsection 16(1) because you have not complied with my request to satisfactorily demonstrate the origins of your personal net worth."

[4]                II appert des notes du système informatique CAIPS que l'agent des visas n'était pas convaincue que les fonds de la demanderesse provenaient de sources légales et légitimes.


[5]                La demanderesse n'ayant pas fourni les documents pertinents exigés par l'agent des visas (talons de chèque, etc.) qui prouvent les revenus accumulés par la demanderesse entre 1984 et 1989 dans l'entreprise Chengdu Vegetable Company, l'agent a jugé que ce défaut de la demanderesse la rendait non admissible au Canada. En effet les notes du système informatique CAIPS indiquent:

"Any pay stubs/salary receipts from the period of time she worked for the company? - No, at the time the system was not complete. (Explain?) PI then said that she had the pay stubs. I asked to see them. She said she did not bring them to the interview. Explains that she paid tax on all of them. Give her her paperwork back and ask her to find the documents that demonstrate she paid tax on them. States that she only has the most recent three years tax receipts. Ask if she was paid in cash? Yes. Where did the cash go? States she invested all in the Chengdu mattress company. I request the documents to show the deposits being entered in the bank. States that she does not have the bankbooks as proof that she deposited the money in the bank. Did not think she d apply for immigration at that time so she threw them away already. Now says the same for the pay stubs - cannot provide any indication that she was paid the stated salary and bonuses.

Summary: Worked for five years for Chengdu vegetable, ended in Feb 1989. No evidence of income/savings - confirm with PI that this is the case. PI confirms.

CHENGDU GREAT WALL MATTRESS

[...]

What did she have to do to become a partner? Shows me some papers.

Certification

She had to make an investment. The registered capital was 4 million. She got 10% so she invested 400 000. Where did the 400 000 come from? Savings of her whole family including her husband's. More than 200 000 came from her work. (No proof of this, as established above, since documents have been thrown away.

[...]

Conclusion: I am not satisfied regarding the source of funds used to make the initial investment in the Chengdu Great Wall Mattress Plant. There is no paper trail of earnings or savings leading up to the investment made in this company and made on the responses made to my questioning. I have concerns regarding the credibility of the applicant and her spouse. I am not satisfied that the applicant's initial investment in the mattress plant was legally obtained."


[6]                La demanderesse prétend que l'agent des visas aurait commis une erreur de droit en concluant qu'elle n'avait pas démontré l'origine licite de ses avoirs. Elle soumet que cette dernière aurait erré dans son interprétation des critères de sélection en vigueur au moment de la présentation de la demande de résidence permanente de la demanderesse.

[7]                De plus, la demanderesse argumente que l'agent des visas aurait été déraisonnable en exigeant des documents qui ont été émis il y a plus de 15 ans.

[8]                Par ailleurs, la demanderesse est d'avis que l'agent des visas aurait violé les principes de justice naturelle en n'énonçant pas clairement ses préoccupations et en ne donnant pas à la demanderesse l'opportunité de répondre à ses doutes quant à l'insuffisance de la preuve documentaire sur l'origine de ses avoirs et la conséquence probable de cette insuffisance documentaire.

[9]                Pour faire droit à la demande de visa, l'agent des visas doit être convaincu que l'immigrant éventuel est une personne admissible au Canada. L'article 11(1) de la Loi stipule que « L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi. »


[10]            En vertu de la Loi, l'agent des visas est tenu de refuser d'émettre un visa à la demanderesse qui n'a pas rempli les obligations prévues au premier alinéa de l'article 16 de la Loi qui se lit ainsi:

"L'auteur d'une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis."

[11]            Comme on peut remarquer à la lecture de cette disposition, pour que le défaut de fournir des renseignements puisse justifier le refus d'émettre un visa, ces renseignements doivent être pertinents, à la lumière des particularités du dossier examiné. Ainsi, la demande de renseignements faite par l'agent des visas doit revêtir une certaine raisonnabilité. La version anglaise de la cette disposition confirme cette interprétation puisque le législateur y énonce:

"...must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires."

(Je souligne)


[12]            Il s'agit donc en l'espèce de déterminer s'il était pertinent d'exiger la preuve documentaire des revenus accumulés par la demanderesse entre 1984 et 1989. La preuve au dossier illustre qu'afin de démontrer la valeur de ses actifs actuels la demanderesse a soumis en preuve lors de l'entrevue les états financiers de son entreprise depuis 1996 ainsi que ses certificats bancaires. Ainsi, la valeur des parts de la demanderesse dans son entreprise qui compose la majeure partie des actifs déclarés sur son formulaire de demande de résidence permanente a été démontrée par les états financiers de l'entreprise depuis 1996.

[13]            L'agent des visas n'ayant pas contesté l'authenticité et la valeur probante de ces documents, je suis d'avis qu'il est possible de conclure à partir de ces documents que les avoirs actuels de la demanderesse, principalement accumulés au cours des dernières années, ont été obtenus de façon légale et légitime et qu'il n'était donc nul besoin d'exiger la preuve documentaire des revenus accumulés entre 1984 et 1989 pour constater que les avoirs actuels de la demanderesse découlent d'activités licites et non d'activités criminelles.

[14]            Pourtant la seule préoccupation de l'agent des visas qui l'a conduit à sa décision de refus est la provenance des revenus de la demanderesse accumulés au cours des années 1984 et 1989. L'approche préconisée par l'agent des visas ne peut pas tenir puisqu'elle impose un fardeau trop lourd à la demanderesse.


[15]            En effet, il était déraisonnable d'exiger de la demanderesse qu'elle produise des documents difficilement accessibles sinon impossibles à obtenir, pour une période lointaine dans le temps, qui de plus sont sans pertinence ou d'une pertinence très ténue en ce qui a trait à la preuve de la légalité des fonds indiqués dans sa demande de résidence permanente.

[16]            Par conséquent, l'agent des visas a erré en fondant sa décision de refus uniquement sur l'incapacité de la demanderesse à fournir des documents qui dataient d'une quinzaine d'années et qui n'étaient pas véritablement pertinents à la demande de résidence permanente de la demanderesse.

[17]            Cette erreur à elle seule justifie l'intervention de la Cour puisque l'absence documentaire reprochée à la demanderesse ne peut servir, à elle seule, de fondement à la décision de refus de l'agent des visas.


[18]            Pour les motifs susmentionnés, cette demande est accueillie. La décision de l'agent des visas doit être annulée et l'affaire doit être renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci procède à une nouvelle entrevue et statue de nouveau sur l'affaire en conformité avec les présents motifs.

      JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 27 mai 2004


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                       

DOSSIER :                                IMM-4532-03              

INTITULÉ:                                XU HUI LAN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :         Montréal                       

DATE DE L'AUDIENCE :        18 mai 2004                

MOTIFS :                                    Juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :               27 mai 2004

COMPARUTIONS:

Me Sylvie Tardif                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Me Michel Pépin                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Sylvie Tardif

Montréal, Québec                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                               POUR LE DÉFENDEUR


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