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Date : 20010612

Dossier : T-1188-00

                                                                                              Référence neutre : 2001 CFPI 632

ENTRE :

SERGE DUPRAS

demandeur

et

PAUL T.L. URMSON, DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT KENT,

PEITER DEVINK, SOUS-COMMISSAIRE,

ADMINISTRATION RÉGIONALE DU PACIFIQUE,

ROXY MANDZIAK, AGENT RÉGIONAL DES TRANSFÈREMENTS,

ADMINISTRATION RÉGIONALE DU PACIFIQUE,

GUY VILLENEUVE, SOUS-COMMISSAIRE ADJOINT,

ADMINISTRATION RÉGIONALE DE LAVAL,

CAROLINE TURCOTT, AGENTE RÉGIONALE DES TRANSFÈREMENTS,

CENTRE RÉGIONAL DE RÉCEPTION, QUÉBEC

défendeurs

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]              Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision définitive du sous-commissaire adjoint (Administration régionale de Laval), en date du 7 juin 2000, d'approuver le transfèrement non sollicité du demandeur de l'établissement Kent, en Colombie-Britannique, à l'établissement de Port Cartier, dans la province de Québec.


Question

[2]              Il s'agit de savoir si les défendeurs ont fait fi de l'équité procédurale et des impératifs d'efficacité dans leur manière de traiter le demandeur.

Les faits

[3]              Le demandeur est un détenu à sécurité maximale qui purge sa troisième peine d'emprisonnement pour diverses infractions, notamment voies de fait, vol qualifié, évasion, possession d'une arme à autorisation restreinte, possession d'une arme prohibée, voies de fait graves, complot et homicide involontaire.

[4]              À la suite d'une visite de son épouse le 23 juin 1999, le demandeur a été placé dans l'Unité d'isolement de l'établissement Kent, après avoir été accusé de possession d'héroïne. L'épouse du demandeur a quant à elle été accusée de possession à des fins de trafic. Les accusations portées contre le demandeur ont plus tard été changées en accusations de possession d'héroïne à des fins de trafic.

[5]              En août 1999, le demandeur a reçu avis d'une recommandation de transfèrement non sollicité à l'Unité spéciale de détention de la Région de Québec. En réponse, l'avocat du demandeur a présenté une opposition, et finalement la demande de transfèrement non sollicité à l'Unité spéciale de détention est demeurée sans suite.


[6]              Le 17 septembre 1999, le demandeur s'est vu remettre un avis d'examen d'une recommandation relative au transfèrement non sollicité et à l'évaluation de la décision de transfèrement (non sollicité) interpénitentiaire au pénitencier de Kingston, en Ontario. Le 22 septembre 1999, l'avocat du demandeur a présenté une opposition au transfèrement vers le pénitencier de Kingston. La demande de transfèrement non sollicité au pénitencier de Kingston est restée sans suite.

[7]              En décembre 1999, l'établissement Kent communiquait à l'établissement de Port Cartier une demande de transfèrement non sollicité du demandeur sans qu'un double de la demande ne soit communiqué au demandeur et à son avocat. Le demandeur s'avisa plus tard de cette demande de transfèrement non sollicité vers l'établissement de Port Cartier, demande qui fut donc retirée pour vice de forme.

[8]              En janvier 2000, le demandeur a consenti à un transfèrement non sollicité vers l'établissement de l'Atlantique, à Renous, au Nouveau-Brunswick.


[9]              Le demandeur a réclamé le 15 février 2000 un transfèrement volontaire à l'établissement de l'Atlantique, afin que son épouse, une anglophone unilingue, puisse plus facilement s'intégrer dans la collectivité. L'agent de liberté conditionnelle de l'établissement Kent, qui appuyait sans réserve la requête du demandeur, a procédé à toutes les consultations nécessaires et rempli toutes les formalités requises, mais le 3 avril 2000 le demandeur retirait sa demande de transfèrement volontaire. Dans son affidavit au soutien du retrait, le demandeur affirmait qu'il avait retiré sa demande parce qu'un détenu antagoniste se trouvait à l'établissement de l'Atlantique.

[10]             Le 7 février 2000, une demande de transfèrement non sollicité vers l'établissement de Port Cartier fut signifiée au demandeur. Une opposition au transfèrement a été présentée par l'avocat du demandeur le 28 février 2000.

[11]             Le 17 avril 2000, le demandeur recevait l'avis du directeur intérimaire qui maintenait son transfèrement non sollicité. Le demandeur affirme que la décision contenait des inexactitudes, au regard desquelles son avocat avait répondu le 26 avril 2000. Le 7 juin 2000, était signifiée au demandeur la décision du sous-commissaire adjoint du Québec, portant cette même date, qui approuvait le transfèrement du demandeur à l'établissement de Port Cartier.


[12]             Le demandeur affirme que les documents sur lesquels était fondée la décision étaient inexacts et mentionnaient également deux points qui n'avaient pas été évoqués dans les motifs des défendeurs. D'abord, le demandeur dit qu'il n'est pas vrai qu'un détenu antagoniste se trouvait à l'établissement Kent dans la population sous garde protégée. Selon le demandeur, seul un détenu de l'établissement Kent l'avait désigné comme antagoniste. Le demandeur soutient que le détenu antagoniste de l'unité H n'avait aucun contact avec le reste de la population carcérale, et le sous-commissaire adjoint n'aurait donc pas dû en tenir compte dans sa décision. Dans ces conditions, il n'est pas inexact d'affirmer qu'il y avait un détenu antagoniste à l'établissement Kent. L'information est incomplète, elle n'est pas fausse. Le sous-commissaire adjoint mentionnait ce qui suit, à la page 3 de sa décision :

De plus, nous remarquons la présence d'un antagoniste à l'établissement Kent. Selon les informations disponibles, cet antagonisme est toujours d'actualité et un retour en population de votre part compromettrait la sécurité des personnes, de l'établissement et votre propre sécurité. Dans ces circonstances, il ne vous est pas possible de réintégrer la population régulière de l'établissement Kent.

[13]             Deuxièmement, selon le demandeur, les documents renferment aussi de faux renseignements, à savoir les suivants : le demandeur avait indiqué que son épouse pouvait déménager à un endroit situé à proximité de l'établissement de Port Cartier. Cependant, comme l'affirme avec justesse le demandeur, cela n'est pas exact parce que son épouse n'est pas en mesure de déménager à cet endroit, étant donné que la région est très francophone et qu'elle ne parle pas le français. De plus, elle est étudiante et elle demeure dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique avec sa mère, laquelle lui apporte un soutien financier qu'elle perdrait si elle déménageait.

[14]             Les décideurs étaient parfaitement au courant du problème de langue, comme le montre la page 3 de la décision du directeur intérimaire de l'établissement Kent en date du 11 avril 2000. Le directeur intérimaire avait écrit ceci :

[TRADUCTION]


Selon M. TOUT, vous aviez demandé un transfèrement volontaire à l'établissement de l'Atlantique le 15 février 2000 afin qu'il soit plus facile pour votre épouse, une anglophone unilingue, de s'intégrer dans la collectivité.

Puis le directeur intérimaire poursuivait ainsi :

[TRADUCTION]

Vous avez manifesté le désir d'aller à l'établissement de l'Atlantique pour faciliter l'intégration de votre épouse dans la collectivité. Vous avez été appuyé en cela par l'équipe de gestion des cas.

Cependant, il était tout à fait inopportun pour le Comité régional des transfèrements d'affirmer, dans la décision définitive, à la page 83 du dossier du demandeur, que :

[TRADUCTION]

[a]vant le retrait, [M. Dupras] avait déclaré que son épouse serait en mesure de le suivre au Québec, de manière à préserver les liens familiaux et à accroître ses possibilités de réinsertion.

[15]             La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLSC) énumère les critères devant présider au choix d'un pénitencier, à l'article 28, qui est rédigé ainsi :




Incarcération et transfèrement des détenus

Incarcération : facteurs à prendre en compte

28. Le Service doit s'assurer, dans la mesure du possible, que le pénitencier dans lequel est incarcéré le détenu constitue le milieu le moins restrictif possible, compte tenu des éléments suivants :

a) le degré de garde et de surveillance nécessaire à la sécurité du public, à celle du pénitencier, des personnes qui s'y trouvent et du détenu;

b) la facilité d'accès à la collectivité à laquelle il appartient, à sa famille et à un milieu culturel et linguistique compatible;

c) l'existence de programmes et services qui lui conviennent et sa volonté d'y participer.

Placement and Transfer of Inmates

Criteria for selection of penitentiary

28. Where a person is, or is to be, confined in a penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to ensure that the penitentiary in which the person is confined is one that provides the least restrictive environment for that person, taking into account

(a) the degree and kind of custody and control necessary for

(i)        the safety of the public,

        (ii)       the safety of that person and other persons in the penitentiary, and

        (iii)      the security of the penitentiary;

(b) accessibility to

        (i)        the person's home community and family,

        (ii)       a compatible cultural environment, and

        (iii)      a compatible linguistic environment; and

(c) the availability of appropriate programs and services and the person's willingness to participate in those programs.

[16] La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision ultime de transfèrement est celle de la décision manifestement déraisonnable. Voir l'affaire Fitzgerald c. William Head Institution, [1994] B.C.J. no 1534 (C.S.). Cependant, il est possible que la norme de contrôle ait été modifiée par suite des décisions rendues dans l'arrêt Pushanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 et l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Par conséquent, j'utiliserai la norme de la décision raisonnable simpliciter pour examiner la décision.


[17] La décision de transférer des détenus est une décision discrétionnaire. Lorsqu'ils procèdent au contrôle de décisions discrétionnaires, les tribunaux doivent s'abstenir de s'ingérer dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi, simplement parce qu'ils seraient, eux, arrivés à une décision différente. Lorsque la décision est prise de bonne foi, qu'elle est fondée sur des considérations qui s'accordent avec l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire et qu'aucun poids n'est accordé à des considérations inopportunes ou extrinsèques, la décision ne doit pas être modifiée. Voir l'affaire Légère c. Canada [1997], 133 F.T.R. 77 (C.F. 1re inst.).

[18] Pour le contrôle des décisions des fonctionnaires du système correctionnel, je dois tenir compte du contexte difficile dans lequel ces décisions sont prises, ainsi que de la nécessité d'équilibrer les intérêts en présence. Je souscris aux propos du juge Bouck dans l'affaire Bachynski c. William Head Institution, [1995] B.C.J. no 1715 (C.S.), aux paragraphes 36-37 :

[TRADUCTION]

Les autorités carcérales doivent agir en fonction des meilleurs renseignements disponibles. Parfois ces renseignements ne sont pas fiables, et un détenu est accusé à tort ou transféré à tort. Mais, étant donné la nature de la population carcérale et la nécessité de préserver l'ordre, il n'y a souvent pas d'autres solutions.

...

Les tribunaux doivent toujours veiller à protéger les droits individuels d'un détenu qui est traité d'une manière excessive. En revanche, nous devons avoir conscience des situations difficiles avec lesquelles doit composer le personnel carcéral.

[19] C'est là un aspect particulièrement important dans les cas de transfèrement, où il ne s'agit pas de dire si la partie concernée est coupable ou innocente. Dans l'arrêt Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel du Canada), [1989] 3 C.F. 329 (C.A.), le juge Marceau affirmait, à la page 342, que, lorsqu'une sanction ou une peine est imposée à la suite d'une infraction :


... les règles de l'équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l'infraction. Il n'en est pas de même dans le cas d'une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l'établissement et fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester où il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n'y a pas de raison d'exiger que le détenu dispose d'autant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne. En effet, dans le premier cas, ce qu'il faut vérifier est la commission même de l'infraction et la personne visée devrait avoir la possibilité d'établir son innocence; dans le second cas, c'est uniquement le caractère raisonnable et sérieux des motifs sur lesquels la décision est fondée, et la participation de la personne visée doit être rendue pleinement significative pour cela, mais rien de plus. ...

[20] La décision définitive en date du 7 juin 2000 contenait les commentaires suivants du directeur de l'établissement Kent, à la page 2 :

[TRADUCTION]

Ce transfèrement permettra au détenu Dupras de mettre fin à sa relation avec la culture de la drogue qui caractérise l'établissement Kent. Le détenu Dupras pourra ainsi se concentrer sur son PFD.

La décision définitive du sous-commissaire adjoint faisait état à la page 3 de cette participation du détenu à la culture de la drogue :

Nous avons pris connaissance de l'information pertinente à la présente étude. Nous constatons que vous vous êtes impliqué dans des activités illicites en établissement. Vous avez d'ailleurs été surpris à agir de la sorte et avez été reconnu coupable de possession de drogue en vue d'en faire le trafic par la Cour.

[21] Le sous-commissaire adjoint décrivait ensuite les préoccupations entraînées par la présence de détenus antagonistes. Il semblerait que le demandeur a des antagonistes dans tout le système. Le sous-commissaire adjoint s'est exprimé ainsi :

Tenant compte du nombre d'antagonistes que vous possédez à travers le pays, les alternatives à votre situation actuelle sont très limitées. Considérant la nécessité de mettre un terme à votre isolement préventif, il apparaît qu'un transfèrement non sollicité constitue, à ce stade-ci la seule option valable et sécuritaire, pusique [sic] vous refusez de bénéficier d'un transfèrement sollicité. Nous sommes donc en accord avec la recommandation de transfèrement présentée. En effet, l'établissement Port-Cartier offre l'encadrement et les programmes correspondant à vos besoins, et vous n'y avez aucun antagoniste identifié.


Comme on peut le voir, le sous-commissaire adjoint a tenu compte du fait que le demandeur avait été dans une unité d'isolement à l'établissement Kent et que cette situation n'était pas une solution souhaitable à long terme.

[22] L'avocat du demandeur soutient que le processus d'approbation du transfèrement du demandeur devrait être examiné par la Cour parce que le demandeur se trouvait dans une unité d'isolement depuis juin 1999. Cependant, il n'est pas opportun ici de s'interroger sur la période d'isolement du demandeur, car cet aspect devrait faire l'objet d'un autre contrôle judiciaire. À mon avis, les longueurs du processus de transfèrement sont attribuables aux tentatives de transfèrement du demandeur, ainsi qu'à la propre tentative du demandeur d'obtenir un transfèrement volontaire vers un autre établissement.

[23] Le demandeur affirme que le processus de transfèrement doit en premier lieu respecter les principes d'équité et d'efficacité. Le demandeur invoque l'article 4 de la LSCMLSC, rédigé ainsi :

Le Service est guidé, dans l'exécution de ce mandat, par les principes qui suivent :

...

g) ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;

The principles that shall guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are

...

(g) that correctional decisions be made in a forthright and fair manner, with access by the offender to an effective grievance procedure;


Conformément à l'alinéa 11b) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement), le détenu doit être informé par écrit des motifs de son placement dans tel ou tel pénitencier, et il doit avoir la possibilité de présenter des observations à ce sujet. Ces droits sont énoncés plus en détail à l'article 12 du Règlement :

12. Sauf dans le cas du transfèrement demandé par le détenu, le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui doit, avant le tranfèrement du détenu en application de l'article 29 de la Loi:

a) l'aviser par écrit du transfèrement projeté, des motifs de cette mesure et de la destination;

b) après lui avoir donné la possibilité de préparer ses observations à ce sujet, le rencontrer pour lui expliquer les motifs du transfèrement projeté et lui donner la possibilité de présenter ses observations à ce sujet, en personne ou par écrit, au choix du détenu;

12. Before the transfer of an inmate pursuant to section 29 of the Act, other than a transfer at the request of the inmate, an institutional head or a staff member designated by the institutional head shall

(a) give the inmate written notice of the proposed transfer, including the reasons for the proposed transfer and the proposed destination;

(b) after giving the inmate a reasonable opportunity to prepare representations with respect to the proposed transfer, meet with the inmate to explain the reasons for the proposed transfer and give the inmate an opportunity to make representations with respect to the proposed transfer in person or, if the inmate prefers, in writing;

[24]             Il existe des lignes directrices appelées « Directives du commissaire » , qui prévoient que « le personnel est tenu de communiquer au délinquant les renseignements qui se rapportent à son cas » . Le demandeur affirme que ces lignes directrices n'ont pas été observées, en ce sens que les défendeurs ne l'ont pas informé des préoccupations touchant le détenu antagoniste à l'établissement Kent, non plus que de l'intérêt de son épouse, dont il devait être tenu compte. Toutefois, à mon avis, comme je l'ai déjà dit, il n'était pas nécessaire que la question du détenu antagoniste soit évoquée auprès du demandeur. Pour cette raison, et pour les raisons mentionnées aux paragraphes [24] et [25], les renseignements se rapportant à l'épouse du demandeur n'auraient pas suffi à modifier le résultat. Je crois que dans certains cas le non-respect des lignes directrices pourrait constituer un motif suffisant pour annuler la décision, mais nous ne sommes pas devant un tel cas ici.


[25]             Qui plus est, s'agissant des lignes directrices sur le transfèrement des détenus, il y a la section qui traite de l'obligation d'agir avec équité. Plus précisément, l'article 10 est rédigé ainsi :

Les procédures de transfèrement doivent garantir que les transfèrements sont effectués d'une manière équitable, efficace et sûre qui répond aux besoins du délinquant aussi bien qu'aux exigences des établissements concernés, et ne portent pas atteinte aux droits du délinquant.

[26]             Le demandeur reconnaît que le transfèrement a été effectué d'une manière sécuritaire, mais il soutient qu'il n'a pas eu la possibilité de répondre aux renseignements prétendument faux contenus dans les déclarations touchant la présence du détenu antagoniste à l'établissement Kent et l'intérêt de son épouse à déménager au Québec. Par ailleurs, le demandeur affirme que le nombre de mois passés en isolement à l'établissement Kent ne constitue pas une procédure équitable. Cependant, la question de savoir s'il aurait dû être mis fin plus tôt à l'isolement du demandeur ne peut être examinée par moi à ce stade, puisque, selon les règles, une seule décision peut être contestée dans un contrôle judiciaire. Le demandeur demande réparation pour le temps qu'il a passé dans l'unité d'isolement parce que cet aspect intéresse la question de l'équité et de l'efficacité. J'ai déjà examiné la raison pour laquelle, selon moi, le temps passé par le demandeur à l'unité d'isolement n'a pas constitué un manquement à l'équité. Je voudrais faire observer que la seule période considérée ici est celle qui va de la date à laquelle le directeur a donné avis du transfèrement projeté (le 7 février 2000) jusqu'à la date à laquelle le transfèrement a été effectué (le 7 juin 2000). Une période d'isolement de quatre mois n'est pas excessive.


[27]             Comme l'a déjà indiqué le juge Marceau dans l'arrêt Gallant c. Canada, précité, il n'est pas nécessaire que chaque allégation soit communiquée au demandeur, et, par ailleurs, le critère d'un transfèrement est simplement le caractère raisonnable et sérieux de la croyance sur laquelle est fondée la décision, outre que le demandeur doit avoir pu valablement intervenir. Le demandeur s'est adonné à des activités illégales à l'établissement Kent et constituait un maillon essentiel de la culture de la drogue. Il a refusé d'être traité pour son problème de toxicomanie et n'a montré de l'intérêt pour un tel traitement que lorsqu'un transfert non sollicité a été proposé. Dans la recommandation de transfèrement (le 17 avril 2000), le directeur intérimaire de l'établissement Kent mentionnait, à la page 2 :

[TRADUCTION]

Par ailleurs, bien que votre héroïnomanie préoccupe énormément l'équipe de gestion des cas, c'est votre participation à la sous-culture de l'établissement, ainsi que la violence qu'elle implique, qui ont constitué le fondement de la recommandation de transfèrement non sollicité.

[28]             Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion de la décision du sous-commissaire adjoint en date du 7 juin 2000, et dans les documents sur lesquels elle est fondée.

[29]             La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« William P. McKeown »

Juge

Calgary (Alberta)

12 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20010612

Dossier : T-1188-00

ENTRE :

SERGE DUPRAS

demandeur

et

PAUL T.L. URMSON, DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT KENT,

PEITER DEVINK, SOUS-COMMISSAIRE,

ADMINISTRATION RÉGIONALE DU PACIFIQUE,

ROXY MANDZIAK,

AGENT RÉGIONAL DES TRANSFÈREMENTS,

ADMINISTRATION RÉGIONALE DU PACIFIQUE,

GUY VILLENEUVE,

SOUS-COMMISSAIRE ADJOINT,

ADMINISTRATION RÉGIONALE DE LAVAL,

CAROLINE TURCOTT,

AGENTE RÉGIONALE DES TRANSFÈREMENTS,

CENTRE RÉGIONAL DE RÉCEPTION, QUÉBEC

défendeurs

                                                                                                          

                       MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                          


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               T-1188-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 SERGE DUPRAS

c.

PAUL T.L. URMSON ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 7 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :            MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

DATE DES MOTIFS :                                            le 12 juin 2001

ONT COMPARU

Donna M. Turko,                                                        POUR LE DEMANDEUR

Rodney M. Yamanouchi,                                            POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Donna Rurko                                                               POUR LE DEMANDEUR

601, 134, rue Abbott

Vancouver (C.-B.) V6B 2K4

Rodney M. Yamanouchi                                             POUR LES DÉFENDEURS

Ministère de la Justice

Bureau 900, 840, rue Howe

Vancouver (C.-B.) V6Z 2S9

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