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Date : 19991029


Dossier : T-2707-92





AFFAIRE INTÉRESSANT la contrefaçon, par Value Village Stores Company, de la marque de commerce VALUE VILLAGE enregistrée sous le numéro LMC 149,519, pour le compte de la société Value Village Market (1990) Ltd., en vue de son emploi en liaison avec des services décrits comme des services relatifs à un centre commercial.
ET :
     AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 53 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13).

ENTRE :
     VALUE VILLAGE MARKET (1990) LTD.,
     demanderesse,
     - et -
     VALUE VILLAGE STORES COMPANY,
     défenderesse.
     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      L'avocat de la défenderesse présente une requête comportant deux volets : le premier concerne l'obtention d'une ordonnance fondée sur les règles 107 et 153 des Règles de la Cour fédérale (1998) autorisant que la présente action procède à l'instruction sans exiger des parties qu'elles produisent des éléments de preuve sur l'importance de la présumée contrefaçon et les questions relatives aux dommages-intérêts ou aux profits qui découlent de la contrefaçon; le second volet de la requête vise à obtenir, en application de la règle 75, une ordonnance autorisant que des modifications soient apportées à la défense et demande reconventionnelle.

[2]      L'avocate de la demanderesse s'oppose aux deux volets de la requête. Elle soutient, à l'égard de la première demande, qu'il est établi dans la jurisprudence que la partie demanderesse doit, si elle le souhaite, avoir la possibilité de présenter l'ensemble de sa preuve lors de l'instruction; les défenderesses n'ont pas montré que le fait de séparer les questions relatives à l'importance de la contrefaçon, aux dommages-intérêts et aux profits des autres points soulevés par le litige se traduirait par une importante économie de temps ou d'argent; l'obtention de renseignements complets grâce à une communication intégrale favoriserait le processus de règlement; le fait de séparer les questions en litige serait préjudiciable à la demanderesse.

[3]      L'avocat de la défenderesse fait valoir qu'il serait opportun de séparer les questions en litige parce que cette mesure permettrait de réaliser une économie appréciable de temps et d'argent dans la conduite de l'instance, particulièrement si la demanderesse n'obtient pas gain de cause; l'échéancier rigoureux imposé aux parties pourrait plus aisément être respecté si seule la question de la responsabilité était débattue au présent stade de l'instance; il n'existe aucune stratégie visant à restreindre l'accès de la demanderesse à certains renseignements pour ainsi affaiblir sa position de négociateur en ce qui concerne le règlement de l'affaire; la séparation des questions en litige ne causerait aucun préjudice à la demanderesse.

[4]      Bien que les avocats aient renvoyé à un certain nombre de décisions, j'estime suffisant d'examiner l'affaire Illva Saronno c. Privilegiata Fabrica Maraschino " Excelsior " (1re inst.) (1998), 84 C.P.R. 1 (C.F. 1re inst., no de greffe T-1604-95) qui a été tranchée par le juge Evans et que les deux avocats ont invoquée à l'appui de leur thèse respective.

[5]      Le juge Evans signale que, selon l'article 3 des Règles de la Cour fédérale récemment modifiées, ces règles doivent être " appliquée[s] de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ". Il arrive donc à la conclusion que les questions soulevées par une affaire doivent être instruites de manière distincte lorsque la Cour, suivant la prépondérance des probabilités, est convaincue, à la lumière de la preuve et de tous les faits de l'affaire (y compris la nature de la réclamation, la conduite de l'instance, les questions en litige et les réparations demandées), que le fait de séparer les questions apportera plus vraisemblablement une solution juste, expéditive et économique au litige.

[6]      Il mentionne en outre qu'il faut d'abord se fonder sur la prémisse voulant qu'il soit habituellement plus efficace de trancher toutes les questions ensemble plutôt que séparément. La disjonction de l'instance entraîne normalement la duplication des étapes procédurales et des frais puisqu'il y a alors deux processus de communication, deux instructions ou deux processus s'apparentant à celle-ci, et peut-être même deux appels distincts. Il appartient à la partie requérante de prouver qu'il est justifié de s'écarter de la règle générale.

[7]      La présente action consiste en une poursuite intentée par la demanderesse en vue, d'une part, d'empêcher la défenderesse d'employer la marque de commerce enregistrée par la demanderesse et, de l'autre, d'obtenir des dommages-intérêts ou la comptabilisation des profits découlant de l'utilisation qui a déjà eu lieu. La défenderesse conteste la validité de cette marque de commerce de même que la mesure dans laquelle elle a été employée et elle affirme que, en tout état de cause, la poursuite a été introduite tardivement. Si les moyens avancés par la défenderesse réussissent, la séparation des questions en litige demandée par la défenderesse devrait se traduire par une économie de temps et d'argent. Or, au présent stade de l'instance, les thèses de la défenderesse se fondent sur des assertions de faits qui n'ont pas encore été tranchées. Il serait prématuré pour moi de supposer que ces faits ont été établis. Si la défenderesse obtient gain de cause, les frais engagés à cause du refus de la demanderesse de consentir à la disjonction des questions en litige pourront évidemment être pris en considération lors de l'évaluation des frais devant être payés par la demanderesse.

[8]      La demanderesse s'oppose à la disjonction des questions en litige parce qu'elle prévoit qu'une telle mesure entraînerait des frais supplémentaires, frais qu'une petite entreprise peut difficilement assumer. Comme il a été signalé, la demanderesse estime également que la demande de disjonction constitue une stratégie visant à affaiblir sa position de négociateur lors de discussions touchant un règlement puisque l'accès aux renseignements lui sera interdit. Il ne fait aucun doute que si cette situation devait se produire, la disjonction des questions en litige au présent stade de l'instance ne contribuerait pas à une solution juste du différend.

[9]      En tout état de cause, j'estime qu'en l'espèce il est déterminant d'établir dans quelle mesure la disjonction des questions en litige est susceptible de se traduire par des économies appréciables quant au temps et à l'ensemble des frais.

[10]      Il s'agit d'une affaire portant sur la contrefaçon d'une marque de commerce. La défenderesse emploie la marque de commerce Value Village en liaison avec une friperie qu'elle exploite (vêtements achetés d'oeuvres de bienfaisance qui les obtiennent de donateurs). Il ne s'agit donc pas d'une affaire analogue à certaines de celles auxquelles on m'a renvoyée où les documents financiers de la partie défenderesse englobent plusieurs produits différents et où seuls un ou deux de ces produits sont en litige.

[11]      L'avocat soutient que, comme les activités commerciales de la défenderesse se déroulent tant aux États-Unis qu'au Canada et que ses documents financiers sont intégrés, il serait difficile d'isoler les renseignements ne touchant que les magasins situés au Canada. Cet argument ne me convainc pas. Je ne suis pas persuadée qu'il serait ardu d'établir les profits attribuables aux friperies se trouvant au Canada. L'avocate de la demanderesse a fait état d'une autre occasion où la défenderesse n'a pas paru avoir de difficulté à produire le genre de renseignements actuellement en litige.

[12]      En ce qui concerne la question relative à l'accroissement de la durée du processus de communication, il m'apparaît que l'obtention de renseignements financiers relève principalement de la communication de documents et que l'information pertinente devrait déjà, selon toute vraisemblance, avoir été fournie. Toutefois, dans le cas contraire, il est peu probable que le fait d'exiger que ces documents soient maintenant communiqués ait pour effet de prolonger de façon notable le processus de communication orale.

[13]      On n'a pas réussi à me convaincre que la défenderesse s'est acquittée de son obligation de prouver que la séparation des questions demandée dans le cadre de la requête se traduira plus vraisemblablement par une solution au litige qui soit juste, expéditive et plus économique que ne le permettrait la poursuite d'une instance unique.

[14]      Je me pencherai maintenant sur la demande d'autorisation visant à modifier la défense et demande reconventionnelle. Un grand nombre des modifications demandées sont des changements de pure forme. Il m'apparaît n'y avoir aucune objection en ce qui a trait à ces modifications. Par contre, les modifications proposées qui suivent sont contestées : l'ajout d'une allégation subsidiaire voulant que la portée et l'effet de la marque de commerce enregistrée de la demanderesse soient restreints à Lethbridge (Alberta) (paragraphes 18 et 19 (ii) de la défense et demande reconventionnelle modifiée proposée), et l'ajout d'une allégation fondée sur l'alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce (paragraphes 19 (iii), 19 (iv) et 23 de la défense et demande reconventionnelle modifiée proposée).

[15]      L'avocat de la défenderesse a renvoyé à la jurisprudence selon laquelle la modification d'un acte de procédure doit normalement être autorisée " même si l'instance est rendue à un stade fort avancé au moment où la modification est proposée " à la condition qu'aucun préjudice n'en découle pour la partie adverse; voir, par exemple, les arrêts Scottish & York Insurance Co. c. Canada , [1999] A.C.F. no 277, no de greffe A-34-98 (C.A.F.) et Visx Inc. c. Nidek Co., [1998] A.C.F. no 1766, no de greffe A-313-98 (C.A.F.).

[16]      Il existe en l'espèce un autre facteur qui s'ajoute à ceux habituellement applicables. En effet, les règles relatives à la gestion des instances sont maintenant appliquées par la présente Cour, particulièrement lorsqu'une action est en instance depuis de nombreuses années. La présente action a été introduite en 1992. Le 30 juillet 1998, un avis d'examen de l'état de l'instance donné à la demanderesse demandait à cette dernière d'expliquer pourquoi l'action ne devrait pas être rejetée puisqu'elle n'avait pas été poursuivie de manière opportune. Le 26 novembre 1998, le juge Pinard a autorisé la poursuite de l'action suivant un échéancier convenu et produit par les parties, selon lequel toutes les requêtes touchant les actes de procédure devaient être déposées au plus tard le 22 février 1999. Les requêtes à cet effet ont été déposées et les actes de procédure ont été modifiés. Un second avis d'examen de l'instance a été donné le 2 septembre 1999 parce que les parties semblaient à nouveau piétiner. On a donc ordonné que le processus de communication débute le 15 novembre 1999.

[17]      La conclusion fondée sur l'alinéa 7a) que l'on tente maintenant d'ajouter par voie de modification découle d'une lettre envoyée par la demanderesse à l'un des points de vente de bienfaisance de la défenderesse, la Cerebral Palsy Association, le 8 décembre 1998. Dans sa lettre, la demanderesse se plaint de ce que la défenderesse emploie sa marque de commerce Value Village. Dans l'affidavit déposé à l'appui de la requête visant la modification de la défense et demande reconventionnelle, le vice-président de la défenderesse, dont l'entreprise est située à Washington, aux États-Unis, affirme qu'il n'a pas eu connaissance de la lettre de décembre 1998 ou de ses conséquences juridiques avant l'été 1999. Lorsqu'une partie est autorisée à poursuivre une action en fonction d'un échéancier qui fixe la date à laquelle les requêtes touchant les actes de procédure doivent être déposées, je ne pense pas qu'il soit justifié d'autoriser, après cette date, une modification fondée sur des faits dont cette partie pouvait raisonnablement avoir connaissance avant la date limite. Je ne suis pas disposée à interpréter l'absence de connaissance du vice-président comme s'il s'agissait d'un élément de preuve établissant que la défenderesse n'était pas au courant, en date du 22 février 1999, de la lettre du 8 décembre 1998. Compte tenu de la situation, je n'estime pas qu'il y ait lieu d'autoriser cette modification au présent stade de l'instance.

[18]      La modification qui n'a pas pour effet de présenter des renseignements factuels autres que ceux déjà en litige, par exemple l'ajout d'une qualification juridique des faits, est une question d'un ordre différent. Ce genre de modification est peu susceptible d'accroître la durée des mesures préparatoires au procès et se traduira uniquement par l'allongement des plaidoiries.

[19]      Par conséquent, je suis arrivée à la conclusion que le fait d'autoriser la modification fondée sur l'alinéa 7a) causerait un préjudice à la demanderesse et prolongerait l'échéancier fixé; il n'est donc pas opportun d'accorder cette modification. Par contre, la modification prévoyant la présentation de moyens à l'appui de la réparation supplémentaire qui vise à restreindre la portée géographique des droits de la demanderesse découlant de sa marque de commerce sera accordée tout comme chacun des changements de pure forme proposés en ce qui a trait aux actes de procédure.


    

                                 Juge


OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 octobre 1999






Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.





Date : 19991029


Dossier : T-2707-92



OTTAWA (Ontario), le vendredi 29 octobre 1999.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED



AFFAIRE INTÉRESSANT la contrefaçon, par Value Village Stores Company, de la marque de commerce VALUE VILLAGE enregistrée sous le numéro LMC 149,519, pour le compte de la société Value Village Market (1990) Ltd., en vue de son emploi en liaison avec les services décrits comme des services relatifs à un centre commercial.
ET :
     AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 53 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13).

ENTRE :
     VALUE VILLAGE MARKET (1990) LTD.,
     demanderesse,
     - et -
     VALUE VILLAGE STORES COMPANY,
     défenderesse.

     ORDONNANCE
     VU l'avis de requête donné pour le compte de la défenderesse et déposé le 19 octobre 1999 en vue d'obtenir :
(i)      une ordonnance en application des règles 107 et 153 autorisant que la présente action procède à l'instruction sans exiger des parties qu'elles produisent des éléments de preuve relatifs aux points énoncés ci-dessous et prescrivant que toute question de fait liée à chacun de ces points fasse, après l'instruction, l'objet d'une décision distincte conformément à la règle 107 ou d'un renvoi aux termes des règles 153 à 161, s'il apparaît alors que ces questions de fait doivent être tranchées :
     a)      toute question relative à l'importance de la violation de n'importe quel droit par la défenderesse;
     b)      toute question relative aux dommages-intérêts découlant de la violation de n'importe quel droit;
     c)      toute question relative aux profits tirés de la violation de n'importe quel droit;
(ii)      une ordonnance en application de la règle 75 accordant à la défenderesse l'autorisation de modifier sa défense et demande reconventionnelle conformément à l'annexe A ci-jointe.

LA COUR ORDONNE :
     1.      que l'ordonnance demandée au paragraphe (i) susmentionné ne soit pas accordée;
     2.      que l'ordonnance demandée au paragraphe (ii) susmentionné soit accordée en partie " l'autorisation de modifier la défense et demande reconventionnelle conformément à l'annexe A de l'avis de requête est accordée, sauf en ce qui concerne les paragraphes 19 (iii), 19 (iv) et 23 de cet acte de procédure;
     3.      l'ordonnance datée du 5 octobre 1999 est modifiée de manière à prévoir que le processus de communication débute le 17 novembre 1999.

                             B. Reed
                                 Juge






Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :                  T-2707-92
INTITULÉ DE LA CAUSE :      VALUE VILLAGE MARKET (1990) LTD. c. VALUE VILLAGE STORES COMPANY

LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 27 octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED EN DATE DU 29 OCTOBRE 1999.



ONT COMPARU :

Mme Stephanie Pride-Boucher              POUR LA DEMANDERESSE

M. Gordon Zimmerman                  POUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hustwick Wetsch Moffat & McCrae          POUR LA DEMANDERESSE

Edmonton (Alberta)

Borden & Elliott                      POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)

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