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     Date : 19980401

     IMM-1371-97


E n t r e :

     SEYED HASSAN SHAKARABI,

     requérant,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

GENÈSE DE L'INSTANCE

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 13 mars 1997 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [la Commission] a conclu que le revendicateur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il était exclu en raison de l'alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.


LES FAITS

[2]      Le requérant est un citoyen de 80 ans de l'Iran. Au cours de son service militaire, à la fin des années trente, le commandant du requérant était un certain Nassiri, qui est devenu chef de la police secrète, la SAVAK, lors de sa création en 1955. Nassiri a demandé au requérant de se joindre à la SAVAK, mais le requérant préférait continuer à s'occuper de son entreprise immobilière. Le requérant s'est toutefois porté volontaire pour servir d'indicateur et c'est ce qu'il a fait pendant une vingtaine d'années.

[3]      Lorsque l'ayatollah Khomeini a pris le pouvoir, le requérant a été emprisonné et torturé pendant une dizaine d'années. Il a été remis en liberté en 1989 et est demeuré en Iran pendant une période de cinq ans au cours de laquelle il a été harcelé. En 1991, sa demande de visa de sortie a été refusée au motif qu'il lui était interdit de quitter l'Iran. En 1992, le requérant et sa femme ont fini par obtenir un visa seulement après avoir remis certains biens en garantie. À son retour en Iran, sa terre lui a été confisquée.

[4]      En 1994, le requérant et sa femme ont obtenu un visa de visiteur au Canada mais n'ont pas réussi à obtenir de visa de sortie. Le fils du requérant a versé un pot-de-vin à un agent des visas pour obtenir le visa de sortie permettant au requérant et à sa femme de quitter l'Iran. Après leur départ, l'agent à qui le fils du requérant avait versé un pot-de-vin s'est fait prendre et une descente a été effectuée à la maison du fils. Le fils du requérant a dit à l'agent que c'était le requérant qui avait versé le pot-de-vin. La bru du requérant a appelé le requérant et sa femme et les a avertis de ne pas revenir en Iran. Après avoir été remis en liberté par les autorités, le fils s'est enfui au Canada. Le requérant, sa femme et son fils ont revendiqué le statut de réfugiés au sens de la Convention.

[5]      La Commission a conclu que la femme et le fils du requérant étaient des réfugiés au sens de la Convention, mais elle a refusé de reconnaître ce statut au requérant sur le fondement de l'alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. La Commission a conclu que la SAVAK avait commis des crimes contre l'humanité, étant donné qu'elle s'était livrée à d'innombrables violations des droits de la personne et qu'elle était investie de larges pouvoirs d'enquête et d'arrestation qui n'étaient assujettis à aucun contrôle judiciaire.

[6]      À l'audience, le requérant a déclaré qu'il avait dénoncé à la SAVAK des personnes qu'il croyait impliquées dans de la corruption et des actes répréhensibles. Le requérant a fait remarquer qu'il n'était jamais présent lors des interrogatoires de ces personnes par la SAVAK. La Commission a néanmoins estimé que son témoignage était contradictoire lorsqu'on lui a demandé s'il était au courant que la SAVAK torturait des gens lors de ses enquêtes. À plusieurs reprises, il a en effet affirmé qu'il savait que des personnes étaient torturées, mais à d'autres moments, il a déclaré qu'il n'était pas au courant des actes de torture. Un moment donné, le requérant a demandé, pour la forme, pourquoi il aurait dû se préoccuper du sort de ceux qu'il avait dénoncés et il a répété pendant tout son témoignage qu'il ne lui appartenait pas de savoir ce qu'il advenait de ces personnes. La Commission a conclu que le requérant avait participé sciemment aux actes de la SAVAK.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[7]      L'alinéa 1Fa) de l'annexe de la Loi sur l'immigration dispose :


         F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
         a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1. Prétentions et moyens du requérant

[8]      Le requérant soutient que, pour que l'alinéa 1Fa) s'applique, il faut que l'existence de deux éléments soit démontrée. En premier lieu, il faut qu'un crime de guerre ou un crime contre la paix ou contre l'humanité ait été commis. En second lieu, le crime doit être défini comme tel dans les instruments internationaux. Le requérant affirme que, pour que cette disposition s'applique, un instrument international doit être cité et qu'il doit être démontré que les actes commis donnent lieu à son application. Le requérant fait valoir que, comme la Commission n'a pas tiré de conclusion en ce sens, cette omission constitue une erreur de droit.

[9]      Le requérant soutient en outre qu'en ne citant aucun instrument international, la Commission n'a pas défini ce qui constitue un crime contre l'humanité et qu'elle n'a pas précisé pourquoi les activités de la SAVAK devaient être considérées comme telles. Il ajoute que, faute de renvoi explicite aux instruments en question, le tribunal saisi de la demande de contrôle judiciaire ne peut décider si la norme que le tribunal administratif a utilisée est correcte. Selon le requérant, cette omission constitue une erreur de droit.

[10]      Le requérant fait également valoir que l'omission de la Commission de citer l'instrument international applicable constitue un manquement à l'obligation de la Commission de motiver sa décision que lui impose le paragraphe 69.1(11) de la Loi sur l'immigration.

[11]      En ne formulant à l'audience qui s'est déroulée devant moi aucun commentaire sur les observations précédentes qu'il avait faites dans sa demande écrite, le requérant a de toute évidence renoncé à invoquer ce moyen.

[12]      Le deuxième moyen principal que fait valoir le requérant est que la Commission a commis une erreur en qualifiant la SAVAK d'organisation visant d'abord et avant tout un objectif brutal et limité. Il soutient qu'il ressort de la preuve documentaire que le principal objectif de cet organisme était la sécurité interne et étrangère et que la SAVAK s'adonnait à une foule d'activités à cet égard. Le requérant affirme que la Commission a confondu l'objectif avec les moyens utilisés pour atteindre cet objectif, parce que, bien que les moyens puissent avoir constitué de graves violations des droits de la personne, l'objectif visé par l'organisme demeurait légitime.

[13]      Finalement, le requérant soutient qu'il n'a pas participé sciemment et personnellement à la perpétration de crimes contre l'humanité. Il affirme qu'il servait d'indicateur pour la SAVAK en raison de ses relations personnelles avec Nassiri. Il affirme qu'il dénonçait les personnes coupables (suivant son interprétation de ce terme) de corruption et qu'il avait même dénoncé un potentiel assassin du schah. Le requérant soutient qu'il n'était pas rémunéré par la SAVAK, qu'il n'en était pas l'employé et qu'il dénonçait des gens qui violaient la loi à cause de son sentiment de devoir envers son pays. Il affirme qu'il n'y a aucun élément de preuve suivant lequel il aurait dénoncé des opposants politiques, exception faite de l'assassin potentiel.

[14]      Le requérant fait valoir que, malgré le fait que ses connaissances des méthodes employées par la SAVAK semblent confuses et contradictoires, la Commission aurait dû tenir compte de son âge pour apprécier son témoignage. Le requérant soutient également que, face à deux éléments de preuve contradictoires du revendicateur, la Commission devrait accepter le témoignage qui favorise le requérant, car cette façon de procéder serait conforme au principe du bénéfice du doute.

2. Prétentions et moyens de l'intimé

[15]      L'intimé cite l'arrêt Ramirez c. Canada (M.E.I.), [1992] 2 C.F. 306, dans lequel la Cour d'appel fédérale a énoncé certains principes utiles pour décider si un revendicateur devrait être exclu en vertu de l'alinéa 1Fa). La thèse de l'intimé serait que, si la Commission a rendu sa décision en conformité avec ces principes, sa décision est bien fondée.

[16]      L'intimé affirme par ailleurs que le requérant a participé personnellement et sciemment aux actes commis par la SAVAK. L'intimé soutient en effet que le requérant s'est porté de son plein gré volontaire auprès de la SAVAK et qu'il était un ami personnel du général Nassiri. Aucun élément de preuve n'a été soumis à la Commission pour démontrer que le requérant avait protesté contre les crimes en question ou qu'il avait tenté d'en stopper la perpétration ou encore qu'il avait essayé de se retirer. Suivant d'autres éléments de preuve, le requérant savait que les crimes contre l'humanité commis par la SAVAK étaient fréquents. L'intimé affirme en conséquence que le requérant s'est fait le complice de la SAVAK parce qu'il a indirectement participé sciemment et personnellement aux actes commis par la SAVAK même s'il n'en était pas un membre en bonne et due forme. Selon l'intimé, il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que le requérant satisfaisait au critère énoncé à l'alinéa 1Fa).

[17]      L'intimé conteste également l'argument du requérant suivant lequel la Commission a confondu l'objectif visé par la SAVAK avec les moyens utilisés pour atteindre cet objectif, étant donné que, malgré le fait que les moyens peuvent constituer de graves violations des droits de la personne, l'objectif visé par l'organisation demeurait légitime. L'intimé soutient que ce raisonnement s'apparente à la notion discréditée suivant laquelle la fin justifie les moyens et qu'il méconnaît le fait que ce sont les moyens qui déterminent la fin.

ANALYSE

[18]      Le requérant cite l'extrait suivant du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCNAR en date de janvier 1988 concernant l'alinéa 1F :


     150. La mention des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité s'accompagne d'une référence générale aux " instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ". Il existe un nombre considérable de ces instruments, conclus depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à l'époque actuelle. Tous contiennent des définitions des crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. La définition la plus complète est celle qui est donnée dans l'Accord de Londres de 1945 et dans le Statut du tribunal militaire international.

[19]      Je suis convaincu qu'en règle générale, les tribunaux citent l'Accord de Londres de 1945 et le Statut du tribunal militaire international [le Statut du TMI] pour définir la notion de crime contre l'humanité, même si d'autres définitions sont employées séparément ou de concert avec le Statut du TMI. Les tribunaux vont toutefois au-delà des instruments internationaux et citent parfois certaines autres qualifications juridiques. Ainsi, dans l'arrêt Sivakumar c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.F.), à la page 442, le juge Linden déclare sous la rubrique " Crimes contre l'humanité " :


     Certaines autres qualifications juridiques sont communément reconnues comme faisant partie de la définition de crimes contre l'humanité dans la sphère internationale. Il faut qu'ils soient commis de façon généralisée et systématique (voir, par exemple, Flick Trial (trial of Friedrick Flick and five others), United States Military Tribunal à Nuremberg, Law Reports of Trials of War Criminals, Vol. IX, page 1, et le Justice Trial (trial of Joseph Alstötter ans others), United States Military Tribunal à Nuremberg, Law Reports of Trials of War Criminals, Vol. VI, page 1, aux pages 37 et 47).

     [...]

     Un autre élément constitutif, traditionnellement reconnu, du crime contre l'humanité veut qu'il soit commis contre les propres citoyens du pays concerné. Il s'agit là d'un trait qui a servi par le passé à distinguer crime contre l'humanité et crime de guerre (voir Frick Trial, supra et le Justice Trial, supra).

[20]      Les tribunaux tiennent également souvent compte des déclarations des professeurs de droit, des auteurs de doctrine et des divers tribunaux judiciaires et administratifs nationaux et internationaux pour en arriver à une définition des crimes contre l'humanité. Ces déclarations aident à préciser les grandes définitions que l'on trouve dans des instruments internationaux comme le Statut du TMI. Dans ses décisions, la Cour fédérale interprète ces déclarations en conformité avec les instruments internationaux pour proposer une définition à tous les intéressés. Ainsi, la véritable question en litige est celle de savoir si les actes que la Commission a examinés constituent des crimes contre l'humanité au sens de la jurisprudence de notre Cour.

[21]      Le principal moyen qu'invoque le requérant est que la Commission a commis une erreur en considérant la SAVAK comme une organisation qui visait principalement des objectifs limités et brutaux. Le requérant soutient en effet que, malgré les violations des droits de la personne dont elle s'est rendue coupable, la SAVAK avait pour principal objectif la sécurité interne et étrangère. Après avoir examiné la preuve anecdotique et la preuve statistique, je suis d'avis que la Commission était en droit de conclure que le principal objectif visé par la SAVAK n'était pas la sécurité interne et étrangère. À titre d'exemple des actes de torture commis par la SAVAK, la Commission a cité l'extrait suivant d'un document de la Commission internationale des juristes [voir Dilip Hiro, Iran Under the Ayatollahs, à la page 21, en annexe à la Response to Information Request IRN3784 en date du 16 janvier 1990] :

     [TRADUCTION]
     La CIJ a interrogé plus de 3 000 anciens prisonniers et a constaté que [...] 90 pour 100 d'entre eux avaient été battus, que 80 pour 100 avaient été fouettés avec des verges ou des câbles, que plus de la moitié avaient été brûlés avec des cigarettes et que jusqu'à 40 pour 100 d'entre eux avaient été balafrés avec des verges brûlantes.

Il est difficile de justifier les affirmations suivant lesquelles un traitement aussi inhumain était infligé d'abord et avant tout pour assurer la sécurité interne et étrangère.

[22]      Je conclus que, si je devais l'accepter, l'argument du requérant pourrait être invoqué pour justifier les pires violations des droits de la personne. On pourrait ainsi soutenir que le but visé par de nombreuses organisations gouvernementales oppressives est la sécurité interne et étrangère, mais il ne s'ensuit pas pour autant que de graves violations des droits de la personne devraient être commises impunément. Cela irait à l'encontre des principes énoncés à l'alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Je n'ai donc aucune difficulté à rejeter ce moyen d'appel.

[23]      Le dernier moyen que fait valoir le requérant est qu'il n'a pas participé sciemment et personnellement aux crimes contre l'humanité qui ont été commis par la SAVAK. Le requérant fait remarquer qu'il était un indicateur non rémunéré de la SAVAK et qu'il n'est devenu un indicateur qu'en raison de ses relations personnelles avec le général Nassiri. Le requérant fait également valoir que, à une exception près, il ne dénonçait que des citoyens corrompus et non des opposants politiques du schah.

[24]      Il ressort de l'arrêt Bazargan c. Canada (M.C.I.), (1996), 205 N.R. 282 (C.A.F.), qu'il n'est pas nécessaire d'être un membre en bonne et due forme d'une organisation qui commet des crimes contre l'humanité pour être jugé avoir participé sciemment et personnellement à ces crimes. Le requérant ne peut donc se soustraire à sa responsabilité pour ce motif.

[25]      La Commission a conclu que le requérant avait été complice de crimes contre l'humanité parce qu'il avait servi d'indicateur pendant une vingtaine d'années, qu'il avait des relations personnelles avec le général Nassiri et que les citoyens iraniens étaient en gros au courant des activités de la SAVAK. D'ailleurs, à la lecture de la transcription, on peut conclure que le requérant savait que les personnes qu'il dénonçait à la SAVAK risquaient d'être victimes de graves violations de leurs droits de la personne, mais qu'il estimait que c'était pour le bien de son pays. Il m'est impossible de conclure que la Commission a commis une erreur en statuant que le requérant poursuivait un objectif commun avec la SAVAK, celui d'éliminer toute opposition au schah. La Commission n'a pas non plus commis d'erreur en concluant que le requérant était au courant des activités de la SAVAK. Il n'est pas raisonnable de penser qu'une personne ayant servi régulièrement d'indicateur pour la SAVAK pendant 20 ans et qui entretenait des rapports personnels avec le chef de cette organisation pouvait ignorer à ce point la nature des activités de la SAVAK. Il est beaucoup trop facile de dire qu'on n'est pas au courant des actes de barbarie d'une organisation pour essayer de se distancier de ces actes de barbarie. Si, comme c'est le cas en l'espèce, un individu vit et travaille dans un pays où des personnes de son entourage disparaissent et où il entend parler d'arrestations et de torture, il me semble tout à fait invraisemblable qu'il ne soit pas au courant de ce qui se passe. J'estime que la Commission en est arrivée à la bonne conclusion vu l'ensemble de la preuve portée à sa connaissance.

DISPOSITIF

[26]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[27]      Ni l'une ni l'autre des parties n'a soumis de question à certifier.


     " Max M. Teitelbaum "

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 1er avril 1998.






Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-1371-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SEYED HASSAN SHAKARABI c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      17 mars 1998


MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Teitelbaum le 1er avril 1998



ONT COMPARU :


     Me Ronald Poulton                  pour le requérant

     Me Cheryl Mitchell                  pour l'intimé


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


     Me Ronald Poulton                  pour le requérant
     Toronto (Ontario)

     Me George Thomson                  pour l'intimé
     Sous-procureur général
     du Canada
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