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Date : 20000912


Dossier : T-1274-99



ENTRE :

    

     ROGER MISQUADIS, PETER OGDEN, MONA PERRY,

     DOROTHY PHIPPS-WALKER ET LE CHEF BOB CRAWFORD,

     en son nom et en celui de la

     PREMIÈRE NATION ALGONQUINE D'ARDOCH,

     DARWIN LEWIS et le

     ABORIGINAL COUNCIL OF WINNIPEG INC.,

     requérants,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION



[1]          Les présents motifs concernent deux requêtes présentées dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire relative à un programme de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) visant à offrir des services d'enseignement et de formation aux collectivités autochtones urbaines.


[2]          Dans sa forme actuelle, ce programme est connu sous le nom de Stratégie de développement des ressources humaines autochtones (la SDRHA). DRHC met son programme en oeuvre au moyen d'ententes (connues sous le nom d'ententes concernant la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones) conclues avec des organismes autochtones du Canada.


[3]          Dans la présente instance en contrôle judiciaire, les requérants se fondent sur l'article 15 de la Charte des droits et libertés (la Charte). Ils allèguent qu'on a empêché certaines collectivités autochtones, tant rurales qu'urbaines, de participer aux ententes concernant la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones. Les requérants font en outre valoir que l'exclusion de ces collectivités porte atteinte aux dispositions relatives au bénéfice de la loi accordé à tous indépendamment de toute discrimination qui sont prévues à l'article 15 de la Charte.


[4]          Le présent contrôle judiciaire fait l'objet d'une gestion de l'instance et les parties ont terminé les contre-interrogatoires concernant les divers affidavits et affidavits supplémentaires déposés conformément à l'échéancier fixé par la Cour.


LES REQUÊTES


[5]          Le procureur général du Canada a présenté une requête à deux volets. Le premier consiste en une demande visant à obtenir l'autorisation de déposer un autre affidavit supplémentaire, soit celui de Robert Howsam, en application de la règle 312 des Règles de la Cour fédérale (1998). Le dépôt de cet affidavit vise uniquement à expliquer la réaction de DRHC au refus de Kagita Mikam de financer une demande de proposition que lui a présentée la Première nation algonquine d'Ardoch. Par le second volet de sa requête, le procureur général du Canada demande à la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire afin d'obliger le Centre for Aboriginal Human Resources Development (CAHRD), l'organisme de Winnipeg (Manitoba) qui a obtenu un contrat à la suite de la demande de proposition, de fournir aux autochtones de cette ville les services faisant partie de la composante urbaine et hors-réserve du programme.


[6]          Les requérants, en application de la règle 316 des Règles, ont déposé une requête en vue d'obtenir l'autorisation de produire des témoins lors de l'audition de la demande de contrôle judiciaire. Ils souhaitent que ces personnes témoignent sur des questions de fait touchant la structure des collectivités autochtones situées dans des villes comme Winnipeg et Toronto, la façon dont ces collectivités urbaines fonctionnent et s'organisent de même que la manière dont elles règlent les différentes questions qui leur sont soumises, prennent des décisions et rendent compte de leurs activités.


EXAMEN

     (a)      Requête du procureur général

[7]          Les requérants n'ont pas contesté au fond la requête à deux volets déposée par le procureur général du Canada. Ils ont reconnu que la demande de ce dernier était pertinente et susceptible d'aider la Cour à trancher la présente affaire. Ils ont déclaré que la mesure souhaitée par le procureur général était étroitement liée à la demande qu'ils ont eux-mêmes présentée à la Cour en vue de produire à l'audience des témoignages oraux portant sur la structure des collectivités autochtones urbaines.

[8]          Je suis convaincu que la requête du procureur général est opportune dans les circonstances et qu'elle doit être accordée.



     (b)      Requête des requérants visant les témoignages oraux

[9]          Comme il a déjà été signalé, il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui, normalement, est tranchée à la lumière des affidavits déposés en preuve, des contre-interrogatoires et du dossier certifié du tribunal.

[10]          La règle 316 porte que « [d]ans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, autoriser un témoin à témoigner à l'audience quant à une question de fait soulevée dans une demande » .

[11]          Les requérants font valoir qu'il existe en l'espèce des circonstances particulières en raison de deux facteurs. Premièrement, ils soutiennent que le témoignage oral est nécessaire pour résoudre les contradictions susceptibles d'être soulevées par les affidavits déposés par chacune des parties. Deuxièmement, l'avocat des requérants a mentionné que les collectivités autochtones sont par nature des sociétés de tradition orale et que l'histoire et les politiques de ces collectivités, plutôt que de se trouver dans des livres ou dans des documents écrits, sont transmises oralement.

[12]          L'avocat du procureur général s'est vigoureusement opposé à la demande des requérants en affirmant que ces derniers ne s'étaient pas acquittés de leur obligation de prouver l'existence de circonstances particulières.

[13]          L'avocat du procureur général a allégué que l'existence d'éléments de preuve contradictoires, ou susceptibles de l'être, ne peut constituer une raison suffisante. S'appuyant sur l'arrêt MacInnis c. Canada (Procureur général), [1994] 2 C.F. 464 (C.A.), il fait valoir que les requérants ont omis d'établir que la preuve par affidavit est inadéquate en l'espèce, non que les témoignages de vive voix sont préférables.

[14]          Je reconnais le bien-fondé des conclusions formulées par le procureur général du Canada. Lors d'instances visant un contrôle judiciaire, il incombe souvent à la Cour de résoudre les difficultés qu'entraîne une preuve contradictoire. Le fait que le dossier comporte ce genre de preuve ne peut être considéré comme une circonstance particulière.

[15]          De surcroît, l'argument des requérants, selon lequel il est nécessaire de produire quatre ou cinq témoins pour expliquer la manière dont les collectivités autochtones urbaines sont actuellement organisées et comment elles prennent leurs décisions, ne me convainc pas. À mon sens, il est parfaitement approprié de fournir cette preuve sous forme d'affidavit.

[16]          Bien que je doive refuser la demande des requérants visant à produire une preuve de vive voix restreinte relativement à la structure des collectivités autochtones urbaines mentionnées dans leur requête, j'estime qu'une preuve par affidavit concernant la façon dont ces collectivités sont constituées, définissent les questions à traiter, se conduisent les unes envers les autres et sont représentées, constitue un aspect important de la présente affaire. Je fais donc droit à la demande présentée par les requérants en vue d'obtenir l'autorisation de déposer des éléments de preuve restreints sur le mode de fonctionnement des collectivités autochtones urbaines à Winnipeg, Toronto et Niagara Falls, soit les villes précisées dans la demande.

[17]          L'ordonnance accompagnant les présents motifs tient compte de l'échéancier déjà établi par la Cour et y apporte les modifications rendues nécessaires par l'issue des requêtes susmentionnées.

     « François Lemieux »

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

LE 12 SEPTEMBRE 2000



Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.





Date : 20000912


Dossier : T-1274-99



OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 12 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


ENTRE :

    

     ROGER MISQUADIS, PETER OGDEN, MONA PERRY,

     DOROTHY PHIPPS-WALKER ET LE CHEF BOB CRAWFORD,

     en son nom et en celui de la

     PREMIÈRE NATION ALGONQUINE D'ARDOCH,

     DARWIN LEWIS et le

     ABORIGINAL COUNCIL OF WINNIPEG INC.,

     requérants,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.



     ORDONNANCE


     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      Les requérants ont l'autorisation de déposer trois affidavits pour expliquer la structure et le processus décisionnel adoptés par les collectivités autochtones urbaines à Winnipeg, à Toronto et dans la péninsule de Niagara.

2.      L'intimé est autorisé à déposer un autre affidavit supplémentaire de Robert Howsam dans le but d'expliquer la réaction de Développement des ressources humaines Canada au refus de Kagita Mikam de financer la demande de proposition que lui a présentée la Première nation algonquine d'Ardoch.

3.      Les requérants doivent produire la proposition qui a été retenue, soit celle présentée par le Centre for Aboriginal Human Resources Development au sujet de la fourniture de programmes visant les Autochtones à Winnipeg et, s'il y a lieu, Marileen McCormick devra se présenter à nouveau pour subir un contre-interrogatoire et un nouvel interrogatoire.

4.      Les affidavits et autres documents devant être produits aux termes de la présente ordonnance doivent être déposés et signifiés au plus tard le vendredi 29 septembre 2000, et l'interrogatoire et le contre-interrogatoire doivent être terminés au plus tard le lundi 9 octobre 2000.

     « François Lemieux »

    

     J U G E



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :                      T-1274-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          ROGER MISQUADIS ET AL. c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 28 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX EN DATE DU 12 septembre 2000.



ONT COMPARU :


Christopher Reid

Greg Tramley

                                     pour les requérants


Gail Sinclair

Michael Morris

Lara Speirs

Sadian Campbell

                                     pour l'intimé



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Christopher Reid

Toronto (Ontario)

Greg Tramley

Winnipeg (Manitoba)

                                     pour les requérants

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

                                     pour l'intimé

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