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                                                                                                                               T-1945-95

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 16 OCTOBRE 1996

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

 

 

Entre :

 

 

                                                  RAYMOND DesFOSSÉS,

 

                                                                                                                                requérant,

 

 

                                                                    - et -

 

 

                                ALLAN ROCK, ministre de la Justice du Canada,

 

                                                                                                                                     intimé.

 

 

 

 

 

 

                                                          ORDONNANCE

 

 

 

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

 

 

                                                                                ________________________________

                                                                                                                                         Juge                   

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                ________________________________

 

                                                                                                                       F. Blais, LL. L.            


 

 

 

 

 

                                                                                                                               T-1945-95

 

 

Entre :

 

 

                                                  RAYMOND DesFOSSÉS,

 

                                                                                                                                requérant,

 

 

                                                                    - et -

 

 

                                ALLAN ROCK, ministre de la Justice du Canada,

 

                                                                                                                                     intimé.

 

 

 

 

                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

Le juge DUBÉ

 

 

            Par cette requête introduite sous le régime du paragraphe 18(3) et de l'alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale[1], le requérant cherche à obtenir une ordonnance pour annuler la décision par laquelle l'intimé (le ministre) a ordonné qu'il soit extradé et livré aux États-Unis en application de la Loi sur l'extradition[2] (la Loi) et du Traité d'extradition entre le Canada et les États-Unis (le traité).  Le requérant demande en outre à être libéré des effets du mandat de dépôt et, de ce fait, libéré du Centre de prévention Parthenais (le Centre), par application du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).


1.         Le contexte

 

            Le 23 mars 1992, les États-Unis ont, par note diplomatique no 080 (la note diplomatique), demandé l'extradition du requérant qui est recherché et doit passer en jugement dans l'État de Floride sous cinq chefs d'accusation (complot en vue du trafic de cocaïne, vol à main armée, tentative de meurtre, complot pour commettre un meurtre du premier degré et meurtre du premier degré).

 

            En exécution d'un mandat d'arrêt délivré le 23 mars 1992 en application de la Loi, le requérant a été arrêté le lendemain près de Trois-Rivières (Québec).  Il a comparu les 29 mai et 1er juin 1992 à une audience d'extradition et le 19 juin 1992, le juge Ducros de la Cour supérieure du Québec a, sous les chefs d'accusation ci-dessus, ordonné son incarcération au Centre à Montréal, en attendant sa livraison aux autorités américaines.  Le 21 août 1992, le requérant a été débouté de sa demande de bref d'habeas corpus par le juge Boilard.  Son appel contre cette dernière décision est rejetée le 23 mars 1993 par la Cour d'appel du Québec.  Le 6 avril 1993, il dépose une demande d'autorisation de pourvoi en Cour suprême du Canada, laquelle demande a été subséquemment rejetée.  Le 26 mai 1994, il dépose une nouvelle demande de bref d'habeas corpus, qui est rejetée le 30 septembre 1994 par le juge Greenberg.

 

            Enfin, plus récemment, le requérant conteste, par voie de recours en habeas corpus, la valeur juridique de la note diplomatique et le 4 mai 1995, le juge Boilard rejette ce recours en concluant que la note diplomatique constituait une demande d'extradition valide pour la livraison du fugitif.  Est également rejeté l'argument que le défaut de faire rapport au ministre en application du paragraphe 10(2) et de l'alinéa 19b) de la Loi viciait les procédures d'extradition, par ce motif que l'exécution du traité relève de l'exécutif et non des tribunaux judiciaires.


2.         Les motifs de recours

 

            Le requérant fait valoir une batterie d'arguments à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire.  L'avis de requête introductive d'instance lui-même est un document de 177 pages.  L'argumentation de vive voix était érudite, compétente et éloquente, couvrant toutes les facettes de la loi et de la jurisprudence en matière d'extradition.  Dans le cadre des présents motifs, l'argumentation du requérant peut se résumer comme suit :

 

1.         Le juge de l'extradition (le juge Ducros) n'a pas fait rapport au ministre comme il y était tenu par le paragraphe 10(2) et l'alinéa 19b) de la Loi, ce qui fait que le ministre n'a pas compétence pour livrer le fugitif en application de l'article 25 de la Loi.

 

2.         Le pays requérant, savoir les États-Unis d'Amérique, était représenté à l'audience d'extradition par un certain Richard Starck, qui est un avocat au service du ministère de la Justice du Canada et qui n'était pas proprement mandaté pour représenter le pays requérant.

 

3.         Le même Richard Starck a fait preuve de préjugé faute d'avoir soumis aux juges et au ministre tous les documents qu'il avait en sa possession.

 

4.         Les preuves subséquemment découvertes, notamment à l'occasion d'autres affaires et procédures aux États-Unis, montrent qu'il y a eu parjure de la part de John Quitoni, l'auteur du principal affidavit sur lequel était fondée la demande d'extradition.

 

5.         Le crime pour lequel le requérant doit être extradé n'est pas un crime au Canada, au regard du Code criminel canadien.

 

6.         Le mandat d'incarcération signé par le juge de l'extradition est invalide.

 

7.         Le fugitif n'était pas convenablement identifié à l'audience d'extradition et n'est pas le requérant.

 

8.         Le ministre a abdiqué les responsabilités qu'il tient de la Loi et du traité, en refusant de réexaminer les procédures d'extradition menant à la livraison du requérant et en donnant erronément une interprétation libérale du traité et de la Loi dans un dossier où la vigilance est de rigueur.

 

9.         Il n'y avait aucun mandat d'arrêt américain valide au moment de l'audience d'extradition et le mandat d'incarcération signé par le juge de l'extradition est nul et non avenu.

 

10.       Les fonctionnaires du ministère de la justice du Canada n'ont pas soumis au ministre, peu de temps avant sa décision, la lettre en date du 9 août 1995 de l'avocat du requérant, ce qui a privé le ministre d'éléments d'information de la plus haute importance, qui auraient grandement influé sur sa décision.

 

11.       La note diplomatique n'a pas été transmise par la voie diplomatique comme le requiert l'article 9 du traité, mais a été instruite par le ministère de la Justice du Canada.

 

12.       Le ministre aurait dû ordonner une enquête sur le rôle de Richard Starck et de son homologue américain, M. Larrinaga, le poursuivant représentant l'État de Floride, pour garantir l'intégrité du processus d'extradition.

 

13.       La demande faite par les États-Unis était défectueuse et allait à l'encontre de l'article 9 du traité, en ce qu'elle n'était pas accompagnée d'un signalement convenable du fugitif à extrader.

 

14.       Le ministre n'a pas été saisi de preuves claires et concluantes justifiant l'extradition.

 

15.       Le ministre n'a produit aucune preuve à l'appui de son assertion que les autorités américaines se sont engagées à ne pas prononcer la peine capitale contre le requérant.

 

16.       Le ministre a manqué à l'obligation qui lui incombe de protéger les droits garantis au requérant par application de l'article 7 de la Charte.

 

17.       Le ministre a permis aux autorités américaines de dénaturer les faits et de soumettre à la justice canadienne des témoignages contradictoires et des faux témoignages et, de ce fait, n'a pas protégé l'intégrité de la justice canadienne.

 

3.         Le rôle du ministre

 

            L'instance engagée en Cour fédérale représente une attaque contre la décision du ministre et, de ce fait, ne saurait être considérée comme un recours en contrôle judiciaire contre les décisions susmentionnées de juges de la Cour supérieure du Québec.  La compétence qu'exerce le ministre en matière d'extradition découle de la Loi et du traité.  En termes généraux, l'État requérant en vertu du traité demande, par voie diplomatique, au gouvernement du Canada de lui livrer un individu accusé ou reconnu coupable d'un crime aux États-Unis et qui est un fugitif au Canada.

 

            Le gouvernement du Canada doit demander l'intervention de tribunaux judiciaires canadiens puisque le pouvoir d'arrestation appartient à l'autorité judiciaire.  Ces procédures judiciaires sont engagées par le ministère de la Justice du Canada, et la poursuite peut être assurée par un avocat dont le gouvernement des États-Unis aura retenu les services (lequel peut être, et est habituellement, un employé du ministère de la Justice du Canada).

 

            Ce sont les juges de cour supérieure provinciale qui sont investis de la compétence générale en matière d'extradition.  L'audience d'extradition n'est pas un procès, mais une enquête proche de l'instruction préliminaire pour décider s'il y a un commencement de preuve.  Si le juge conclut que tel est le cas, il doit ordonner l'incarcération du fugitif en vue de sa livraison.  Les juges eux-mêmes ne sont pas investis du pouvoir de livrer le fugitif, ils peuvent seulement ordonner son incarcération en vue de la livraison.

 

            La décision de livrer le fugitif est une décision politique qui, au Canada, relève du ministre de la Justice.  Celui-ci est donc investi du pouvoir de livrer le fugitif, mais il n'y est pas tenu.  Son pouvoir est cependant limité par les dispositions de la Loi et les obligations découlant du traité.  L'article 25 de la Loi prévoit que, sur demande de l'État étranger, il «peut» ordonner la livraison du fugitif.  Aux termes de l'article 22 de la même loi, il peut refuser de prendre l'arrêté d'extradition s'il conclut que l'infraction ou la procédure en question a un caractère politique.

 

            Un traité est un instrument exécutoire entre les États signataires[3].  Aux termes de l'article premier du traité, chaque partie contractante s'engage à livrer à l'autre partie, sous réserve des conditions indiquées au traité, les individus trouvés sur son territoire qui ont été accusés d'une des infractions couvertes par l'article 2.  L'article 2 prévoit que «sera» extradé tout auteur de faits qui constituent une infraction punissable par les lois des deux parties contractantes d'une peine d'emprisonnement de plus d'un an (il s'agit là du facteur essentiel de double criminalité).  L'article 9 prévoit que la demande d'extradition «doit se faire par la voie diplomatique»; elle doit être accompagnée du signalement de l'individu recherché ainsi que d'un énoncé des faits et du texte de loi applicable.  L'article 10 prévoit que l'extradition ne «doit» être accordée que si la preuve «est jugée suffisante» selon les lois de l'État requis.

 

            La double criminalité et le caractère suffisant des preuves sont des questions relevant du juge de l'extradition, non du ministre.  Le pouvoir discrétionnaire de celui-ci est donc limité.  Une fois que le juge de l'extradition a conclu à la double criminalité et à l'existence d'un commencement de preuve pour accéder à la demande d'extradition, et que le ministre a conclu que l'État requérant satisfait aux conditions du traité, il doit ordonner la livraison du fugitif.

 

            Il n'appartient pas au ministre d'examiner les preuves produites par l'État requérant à l'audience d'extradition pour décider si elles sont suffisantes ou non.  Il a d'autres responsabilités, ainsi que l'explique l'ouvrage La Forest's Extradition to and from Canada[4], en page 199 :

 

            [TRADUCTION]

À part le fait de veiller à remplir les obligations qu'il tient des traités d'extradition en jeu, le Canada a encore des responsabilités d'ordre plus général, qui découlent de son état de membre de la communauté internationale pour s'assurer qu'il y a coopération dans l'enquête, la poursuite et la suppression du crime à l'échelle internationale.[5]

 

            Le processus d'extradition comporte donc deux phases distinctes.  En premier lieu, il y a la phase judiciaire devant le juge de l'extradition, qui peut aboutir au mandat de dépôt.  La seconde phase, politique, relève de la compétence du ministre, qui doit remplir les obligations qu'il tient du traité.  Son rôle est analysé par le juge Cory dans les passages suivants de ses motifs de jugement, prononcés dans la cause Idziak[6] :

 

                On a vu que le processus d'extradition comporte deux phases distinctes.  La première est la phase judiciaire au cours de laquelle un tribunal détermine si l'extradition est justifiée sur les plans factuel et juridique.  Si cette phase aboutit à la délivrance d'un mandat de dépôt, on passe à la deuxième phase.  Le ministre de la Justice exerce alors son pouvoir discrétionnaire pour décider s'il y a lieu de décerner un mandat d'extradition.  La première phase de décision est certainement judiciaire de par sa nature et justifie l'application de toute la gamme des garanties en matière de procédure.  Par contre, la deuxième est de nature politique.  Le Ministre doit soupeser les observations du fugitif par rapport aux obligations internationales du Canada qui découlent de traités qu'il a signés.  Les différences entre les procédures ont été examinées dans l'arrêt Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779, aux pp. 798 et 799:

 

               

 

                Le Parlement a choisi d'accorder un pouvoir discrétionnaire au ministre de la Justice.  C'est le Ministre qui doit tenir compte de la bonne foi et de l'honneur du Canada dans ses relations avec les autres États.  C'est le Ministre qui possède une connaissance spécialisée des ramifications politiques d'une décision d'extrader.  Du point de vue du droit administratif, il y a lieu d'affirmer que l'examen du Ministre se situe à l'extrême limite législative du processus décisionnel administratif.

 

               

 

                Il est exact qu'il appartient au ministre de la Justice d'agir à titre de poursuivant dans le cadre des poursuites en matière d'extradition et que, pour ce faire, il doit nommer des représentants qui agiront dans l'intérêt de l'État requérant.  Toutefois, la décision de décerner un mandat d'extradition comporte l'examen de considérations fort différentes de celles dont tient compte un tribunal au cours d'une audience d'extradition.  L'audience d'extradition est clairement de nature judiciaire, alors que les actes accomplis par le ministre de la Justice, lorsqu'il examine s'il y a lieu de décerner un mandat d'extradition, sont principalement de nature politique.  Il ne s'agit certainement pas en l'espèce d'un cas où un seul fonctionnaire agit à la fois comme juge et comme poursuivant dans la même affaire.  Au cours de la phase judiciaire, le fugitif bénéficie de toute la gamme des garanties en matière de procédure qui peuvent être invoquées devant un tribunal judiciaire.  Au cours de la phase ministérielle, il n'y a plus de litige.  Un tribunal a alors ordonné l'incarcération du fugitif pour qu'il soit extradé.  La Loi accorde simplement au Ministre le pouvoir discrétionnaire d'exécuter l'extradition approuvée par un tribunal en décernant un mandat d'extradition.

 

            Il est de droit constant que la Cour fédérale a compétence pour contrôler la décision du ministre, puisque cette décision est prise en application d'une loi fédérale.  Dans Kindler c. Canada[7], la Cour d'appel fédérale a jugé que la décision prise par le ministre de livrer un fugitif n'est pas une décision judiciaire ou quasi judiciaire.  Cependant, le contrôle judiciaire au regard des obligations découlant de la Charte est limité en ce que la livraison d'un fugitif, effectuée en application de la Loi et d'un traité d'extradition et conformément aux principes de justice fondamentale, ne constitue pas en soi une violation de la Charte.

 

            Dans Schmidt c. La Reine[8], la Cour suprême du Canada a jugé que le ministre doit déterminer en tout premier lieu si le système général d'administration de la justice dans le pays requérant correspond suffisamment à notre propre conception de la justice.  Cette question ne se pose certes pas dans le contexte de nos traités avec les États-Unis.  La Cour a pris acte qu'il s'agit d'un domaine où l'exécutif est probablement mieux informé que le pouvoir judiciaire.  Et de conclure (en page 215) :

 

En un mot, l'intervention des tribunaux doit se limiter aux cas où cela s'impose réellement.

 

            Il échet donc d'examiner si l'un quelconque des nombreux motifs pris dans cette demande de contrôle judiciaire contre la décision du ministre porte sur un vice de fond.

 

4.         Analyse des motifs de recours

 

(1) -     Défaut par le juge de l'extradition d'informer le ministre

 

            Aux termes du paragraphe 10(2) de la Loi, le juge de l'extradition «informe aussitôt le ministre de la Justice de la délivrance du mandat et lui communique une copie certifiée conforme des éléments de preuve, ainsi que du mandat étranger ou de la dénonciation ou plainte».  L'alinéa 19b) prévoit qu'il «transmet au ministre de la Justice un certificat d'incarcération et une copie des pièces ou transcriptions de témoignages qu'il n'a pas déjà transmises, ainsi que tout rapport qu'il juge utile».  Il est constant qu'en l'espèce, le juge de l'extradition ne s'est pas conformé à toutes les prescriptions de la loi.

 

            Cependant, la Loi ne dit nulle part que le défaut de transmettre ces documents au ministre est un motif d'annulation de l'arrêté d'extradition.  Selon l'article 25, le ministre peut, sur demande de l'État étranger, ordonner que soit livré à ce dernier un fugitif déjà incarcéré aux fins de livraison.  Il peut s'y refuser dans l'un des cas prévus à l'article 22 et selon les dispositions du traité.

 

            En l'espèce, le ministre, avant d'ordonner la livraison, avait déjà le bénéfice des motifs de décision détaillés du juge Ducros ainsi que de la transcription des témoignages et du mandat de dépôt.  Pour ce qui est du «rapport» visé à l'alinéa 19b), cette disposition prévoit que le juge de l'extradition transmettra «tout rapport qu'il juge utile».  Le simple fait qu'il n'ait pas transmis pareil rapport ne constitue pas, à mon avis, un vice de fond qui invalide la décision subséquente du ministre.


(2) -     Richard Starck n'était pas régulièrement mandaté

 

            Il n'y a dans le dossier aucun document indiquant que le gouvernement des États-Unis a dûment retenu les services de M. Starck.  Il est visible que ce dernier agissait en cette qualité.  Il s'était vu communiquer les dossiers et documents des autorités américaines et travaillait manifestement de concert avec ces dernières.  Comme le ministre l'a indiqué dans sa décision, un usage de longue date au Canada veut que des représentants du procureur général du Canada représentent l'État requérant dans les procédures d'extradition.  Cet usage est conforme au paragraphe 17(1) du traité, aux termes duquel «les officiers de justice compétents de l'État dans lequel se déroulent les procédures d'extradition doivent, par tous les moyens juridiques dont ils disposent, aider l'État requérant devant les juges et magistrats respectifs».  Le ministre n'avait pas à se préoccuper des détails relatifs à la nomination de M. Starck.

 

(3) -     M. Starck a fait preuve de préjugé faute d'avoir produit toutes les preuves.

 

            La jurisprudence pose clairement que l'État requérant n'est pas tenu de présenter toutes les preuves dont il dispose contre le fugitif.  Il lui suffit de produire assez de preuves pour constituer un dossier apparemment fondé.  Que M. Starck eût fait montre de préjugé ou non, c'était là quelque chose qui relevait du juge de l'extradition et non du ministre.  Par ailleurs, il n'y a dans la Loi ou dans le traité aucune disposition prévoyant que le représentant de l'État requérant doit rendre compte au ministre.

 

(4) -     Le parjure de John Quitoni

 

            Cette allégation de parjure pourrait être un facteur dans le contexte d'un procès éventuel en Floride, vu les preuves découvertes par le requérant après l'audience d'extradition.  On peut présumer sans risque de se tromper que l'État requérant, c'est-à-dire les États-Unis, qui a un système juridique démocratique et des valeurs humaines fondamentales semblables aux nôtres, tiendra un procès équitable au cours duquel l'avocat du requérant aura amplement la possibilité de contre-interroger M. Quitoni (le contre-interrogatoire des témoins par affidavit n'est pas permis dans les procédures d'extradition).  Les autorités américaines chargées de la poursuite ont informé les autorités canadiennes que ce dernier sera cité comme témoin.  Il n'appartient pas au ministre de juger de la crédibilité des témoins dont les affidavits sont soumis à l'examen du juge de l'extradition.

 

(5) -     Double criminalité

 

            L'article 2 du traité prévoit que l'extradition est accordée à l'égard de «faits qui constituent une infraction» punissable par les lois des deux parties contractantes.  Selon le requérant, le «felony murder» dont il est inculpé aux États-Unis n'est plus un crime au Canada.  Il faut cependant se rappeler que l'article 2 ne vise pas nommément l'infraction reprochée, mais le «fait» commis par le fugitif.  En d'autres termes, ce fait doit constituer une infraction punissable dans l'un et l'autre pays.  Peu importe que ce fait soit appelé «felony murder» aux États-Unis et quelque chose d'autre au Canada.  Dans États-Unis c. McVey[9] (en pages 526 et 549), le juge La Forest de la Cour suprême du Canada s'est prononcé en ces termes au sujet de «ce qu'on appelle la règle de la double criminalité» :

 

                L'audience d'extradition a donc une fonction modeste, comme notre Cour l'a fait remarquer dans l'arrêt Argentine c. Mellino, [1987] 1 R.C.S. 536.  Cette fonction consiste à déterminer s'il y a suffisamment de preuve qu'un fugitif accusé a commis un acte dans l'État requérant qui, s'il avait été commis au Canada, constituerait un crime inscrit ou décrit dans le traité.  Bref, et j'y reviendrai, le juge d'extradition doit déterminer si l'acte de l'accusé constituerait un crime s'il avait été accompli dans notre pays.  Cette fonction, même si elle n'a pas une grande portée, est importante pour la liberté de la personne.  Notre Cour a ainsi formulé ce point dans Canada c. Schmidt, [1987] 1 R.C.S. 500, à la p. 515:

 

               

 

C'est la composante ‑‑ et en l'absence de disposition expresse, la seule composante ‑‑ de la définition globale de crime donnant lieu à l'extradition qui relève de la décision du juge d'extradition.  L'article 18 de la Loi sur l'extradition confère cette compétence au juge d'extradition.  Comme je l'ai indiqué, cette fonction est très limitée mais d'une grande importance.  Elle garantit qu'aucune personne ne sera extradée de notre pays à moins qu'un juge ne soit convaincu que cette personne a été déclarée coupable relativement à un acte qui, s'il avait été accompli dans notre pays, y aurait constitué un crime qui est décrit dans le traité, (ou qu'il existe une preuve à première vue que cette personne a accompli un tel acte).

 

            Il ressort des passages cités ci-dessus qu'aux yeux du juge La Forest, c'est le fait commis par le fugitif qui détermine la double criminalité, et le verdict de double criminalité relève du juge de l'extradition (et non du ministre).

 

(6) -     Le mandat de dépôt est invalide

 

            Le mandat de dépôt a été décerné par le juge de l'extradition en application de l'alinéa 18(1)b) de la Loi, aux termes duquel celui-ci délivre un mandat de dépôt portant incarcération du fugitif accusé d'un crime donnant lieu à l'extradition «lorsque les éléments de preuve produits justifieraient en droit canadien sa citation au procès si le crime avait été commis au Canada».  Le juge Ducros a bien conclu qu'il y avait des éléments de preuve de ce genre; il a décidé en conséquence en prononçant des motifs détaillés à cet effet.  Le ministre n'est pas habilité à reprendre cette décision et la Cour fédérale n'a pas pouvoir de contrôle judiciaire à l'égard des décisions d'une cour supérieure du Québec.  Le mandat de dépôt lui-même a été confirmé à l'occasion de la demande de bref d'habeas corpus.

 

(7) -     Identification fautive

 

            Il ressort de certains documents déposés à l'audience que le nom du requérant était mal orthographié et que la couleur de ses yeux n'était pas proprement identifiée.  Le juge de l'extradition a constaté qu'il y avait des preuves suffisantes pour lui permettre de conclure que le requérant était en fait le fugitif recherché par les autorités américaines.  Dans les procédures d'habeas corpus subséquentes, les tribunaux du Québec ont rejeté l'allégation d'identification fautive faite par le requérant.


(8) -     Le ministre a abdiqué sa responsabilité

 

            Selon le requérant, le ministre, qui est tenu de le protéger en tout état de cause, n'a pas exercé le degré de vigilance que lui imposent la Loi et le traité.  À ce propos encore, il n'appartient pas au ministre de surveiller les procédures judiciaires engagées en application de la Loi.  Le requérant était dûment représenté devant les tribunaux canadiens et ses droits d'appel dûment exercés.  Quoi qu'il en soit, ces procédures d'extradition s'apparentent aux instructions préliminaires et rien n'indique qu'elles ne se soient pas déroulées selon les normes judiciaires et conformément à la loi.  L'État requérant n'est nullement tenu de produire toutes les preuves en sa possession.  L'incarcération doit s'ensuivre s'il y a une preuve quelconque sur la foi de laquelle un jury pourrait prononcer un verdict de culpabilité[10].

 

            Le requérant a intenté des procédures d'habeas corpus, dans le contexte desquelles les juges saisis ont dû s'assurer que le fugitif était bien la personne recherchée par l'État requérant, que l'infraction en question était bien un crime donnant lieu à l'extradition, et qu'il y avait des preuves suffisantes pour justifier l'incarcération.  Ils ont conclu que ces conditions étaient remplies.

 

            Pour ce qui est du rôle du ministre, il doit donner une interprétation libérale du traité qui est une convention exécutoire entre les deux parties contractantes.  Si l'État requérant satisfait aux conditions du traité et que les conditions prévues par la Loi sont remplies, il est tenu à l'obligation légale et politique d'accéder à la demande et de livrer le fugitif.


(9) -     Il n'y avait pas de mandat d'arrêt américain valide

 

            Il est constant qu'à la suite de la mise en accusation par grand jury en Floride, un mandat d'arrêt ou ordonnance de prise de corps a été décerné aux États-Unis et que ce document a été soumis au juge de l'extradition au Canada.  Il est aussi constant qu'à la suite d'une autre mise en accusation par grand jury, qui s'était substituée à la précédente, une nouvelle ordonnance de prise de corps a été prise, mais non déposée à l'audience d'extradition au Canada.  Selon le témoignage par affidavit de M. Larrinaga (découvert par la suite par l'avocat du requérant), la seconde mise en accusation a eu pour effet d'annuler la première ordonnance de prise de corps.  Le requérant en conclut que la seconde ordonnance de prise de corps était essentielle par application du paragraphe 10(2) de la Loi.  En d'autres termes, le juge Ducros était tenu de la prendre en considération et de la transmettre au ministre à titre de fondement de la décision d'extradition.  Ce qui n'a pas été fait, et le requérant soutient que l'arrêté d'extradition est invalide.

 

            À première vue, cet argument paraît convaincant.  Le mandat d'arrêt est en effet une condition préalable.  Ainsi que l'a fait observer le juge La Forest dans McVey[11] (en page 526), «[l]'audience d'extradition a une fonction modeste [mais] est importante pour la liberté de la personne».  La protection accordée au fugitif, à part celle qui consiste à examiner s'il y a la preuve suffisante qu'il a commis un crime, ne s'arrête pas là.  La demande de l'État requérant doit être accompagnée du texte de loi étranger «ainsi que d'un mandat d'arrêt émis par un juge ou une autre autorité judiciaire de cet État».

 

            Le requérant soutient ainsi qu'il incombait au ministre d'examiner la question et de veiller à ce que l'ordonnance de prise de corps applicable soit soumise au juge de l'extradition.  L'avocat du requérant soulève encore cette question dans sa lettre en date du 9 août 1995 au ministre, peu de temps avant que la décision de celui-ci ne soit rendue publique.  Dans cette lettre, il fait état de l'affidavit subséquemment découvert de M. Larrinaga, selon lequel la première ordonnance de prise de corps a été automatiquement annulée par la seconde mise en accusation.

 

            Il ressort de sa décision que le ministre avait parfaitement conscience de la seconde mise en accusation du requérant (en page 7) :

 

            [TRADUCTION]

                J'ai conclu que je dois présumer que la seconde mise en accusation, pendante en Floride contre M. Desfossés, a été validement faite par l'autorité compétente en la matière, et il ne m'appartient pas d'examiner les preuves relatives aux pouvoirs de l'autorité qui a signé la mise en accusation ou à la compétence de la juridiction devant laquelle elle est pendante.

 

                L'examen de ces preuves revient aux autorités américaines compétentes à l'émission des actes de procédure ou au procès.  Il n'est pas nécessaire que j'examine les tenants et aboutissants de la mise en accusation pendante contre un fugitif.

 

                  À mon avis, que le juge de l'extradition ait été saisi de la première ou de la seconde ordonnance de prise de corps est un point de procédure qu'il aurait examiné si la question avait été soulevée au moment voulu.  Dans l'accomplissement des obligations qu'il tient du traité, il suffisait au ministre de constater qu'il y a eu mise en accusation par grand jury.  Le traité prévoit en son article premier que chaque partie contractante s'engage à livrer à l'autre partie les individus accusés ou déclarés coupables d'une des infractions couvertes par l'article 2.  Celui-ci prévoit que sera extradé tout auteur de faits qui constituent une infraction punissable par les lois des deux parties contractantes.  L'ordonnance de prise de corps n'est pas un élément essentiel au regard du traité et le ministre n'a pas pour responsabilité d'en juger la validité.  En cas de mise en accusation par grand jury, il n'aurait pu refuser de livrer le fugitif à l'État requérant du seul fait que le juge de l'extradition n'a pas été saisi de la seconde ordonnance de prise de corps.  Que la seconde mise en accusation ait eu ou non pour effet juridique d'annuler la première ordonnance de prise de corps, comme le prétend M. Larrinaga, voilà une question qui relève de la justice de l'État requérant, et certainement pas du ministre de la Justice du Canada.


(10) -   La lettre du 9 août 1995

 

            L'avocat du requérant prétend que sa lettre portant cette date n'a pas été soumise au ministre par les conseillers juridiques de celui-ci ou les fonctionnaires du ministère avant qu'il ne rende publique sa décision du 19 août 1995.  Bien que cette décision soit motivée en détail, la lettre n'y est mentionnée nulle part.  Comme noté supra, cette lettre ne parle que de la seconde ordonnance de prise de corps et demande une entrevue personnelle avec le ministre.  Elle mentionne l'affidavit par lequel M. Larrinaga affirme que la première ordonnance de prise de corps «était automatiquement révoquée».  Cet affidavit était joint à la lettre.

 

            Il ressort de la décision du ministre qu'il a pris en considération un grand nombre de documents et d'arguments.  Le paragraphe cité plus haut montre qu'il était convaincu que la seconde mise en accusation était valide et qu'il ne lui appartenait pas d'examiner les preuves qui y avaient abouti.  On ne saurait donc dire que son défaut de considérer cette lettre, qui précédait sa décision de quelques jours, constitue un vice de fond.

 

(11) -   La note diplomatique

 

            La note diplomatique datée du 24 mars 1992 est un document de deux pages sur papier à en-tête de l'ambassade des États-Unis.  Au premier paragraphe, celle-ci «présente ses compliments au ministère des Affaires extérieures».  Elle demande ensuite l'extradition du requérant pour les diverses infractions qui y sont énumérées.  Elle mentionne certains faits de la cause et fait référence au traité.  Elle donne le signalement du requérant et de deux complices (Alain Strong et James Allardyce).  Elle indique que «la documentation à l'appui de la demande d'extradition a été envoyée directement au ministère de la Justice du Canada par lettre exprès».

 

            L'article 9 du traité prévoit que «la demande d'extradition doit se faire par la voie diplomatique».  La demande a été visiblement envoyée par l'ambassade américaine d'Ottawa au ministère des Affaires extérieures du Canada, ce qui représente certainement une «voie diplomatique».  Le requérant se plaint cependant de ce que la documentation a été envoyée par lettre exprès au ministère de la Justice du Canada, donc en dehors des voies diplomatiques.

 

            L'article 9 ne dit nulle part que les documents afférents à la demande d'extradition doivent être transmis par la voie diplomatique.  Ainsi que l'a noté le ministre dans sa décision (en page 4), les documents portant le sceau du Département d'État des États-Unis ont été envoyés au Groupe d'entraide internationale du ministère de la Justice du Canada par le bureau des affaires internationales du ministère de la Justice des États-Unis.

 

(12) -   Enquête sur le rôle de Richard Starck et de M. Larrinaga

 

            Comme noté supra, le ministre n'a pas pour responsabilisé de contrôler les agissements du poursuivant américain de l'État de Floride ou de son représentant, qui est un fonctionnaire du ministère de la Justice du Canada.  Si le dossier qu'ils présentaient au juge de l'extradition fourmillait de contradictions, d'incohérences, ou de faux témoignages, tout cela se ferait jour au procès.  Si le juge de l'extradition au Canada a vu un commencement de preuve dans les éléments d'information qu'ils lui ont présentés, il n'appartient certainement pas au ministre de faire une enquête là-dessus.

 

(13)      Signalement fautif du fugitif dans la demande américaine

 

            Voici le signalement que donne la note diplomatique du requérant :

 

            [TRADUCTION]

                Raymond Joseph Desfosses est un citoyen canadien, né le 22 septembre 1950 au Canada.  C'est un homme de race blanche, qui mesure 5 pieds 8 pouces et pèse 150-170 livres, cheveux gris, yeux bruns.  Il se trouve au 3675 Landerneall, Trois-Rivières (Québec).

 

            La dénonciation, signée à Montréal le 23 mars 1992 par le sergent-détective Kevin McGarr, donne du requérant le signalement suivant :

 

            [TRADUCTION]

Raymond Desfosse est né le 22 septembre 1950.  Il est citoyen canadien.  Il mesure 5 pieds 8 pouces, pèse 150-170 livres, cheveux gris, yeux bruns.  Raymond Desfosse habite actuellement au 3675 Landerneau, Trois-Rivières (Québec).

 

            Dans les motifs de sa décision, le juge Ducros fait état d'une photographie du requérant identifiée le 18 février 1992 et qui est la même que celle annexée à l'affidavit de John Quitoni.  Le distingué juge mentionne aussi qu'il a entendu le témoignage de l'épouse du requérant, qui faisait savoir que celui-ci «avait les yeux pairs», c'est-à-dire des yeux qui tournent au gris ou au bleu selon la couleur des vêtements qu'il porte.  Le juge de l'extradition a identifié le requérant comme étant le fugitif recherché par les autorités américaines.

 

            L'avocat du requérant invoque le témoignage d'autres personnes selon lesquelles la personne qu'ils apercevaient sur la scène du crime ne ressemblait pas à ce dernier.  Je présume que ces témoins seront cités au procès mais, dans le cadre de l'extradition, la décision du juge de l'extradition au Canada demeure valide.

 

(14) -   L'absence de preuves concluantes

 

            Par les motifs mentionnés supra, je conclus le ministre a été saisi des preuves nécessaires au sens de la Loi et du traité, qui l'obligeaient à remplir ses obligations et à ordonner l'extradition.

 

(15) -   La question de la peine capitale

 

            Comme noté supra, le ministre a pris acte dans sa décision que [TRADUCTION] «bien qu'à l'origine, cette affaire comporte l'application possible de la peine capitale sur déclaration de culpabilité, les autorités poursuivantes compétentes de cet État ont fait savoir par écrit qu'elles ne requerront pas la peine de mort contre M. DesFossés».  Il a conclu que vu cette assurance de la part des autorités de la Floride, il était inutile de demander d'autres assurances en application de l'article 6 du traité, et qu'en conséquence, il ne refuserait pas l'extradition sous ce chef.

 

            Devant la Cour, l'avocat du requérant soutient qu'il n'a vu aucun document de ce genre de la part des autorités américaines et qu'il craint que son client n'aurait aucune garantie écrite s'il devait être livré aux autorités américaines pour passer en jugement en Floride.  Je lui ai fait observer qu'au besoin, la Cour pourrait ordonner au ministre de déposer l'assurance en question mais qu'il n'y avait aucune raison de mettre en doute son intégrité.  L'avocat du requérant n'a pas poursuivi cet argument.

 

(16) -   L'article 7 de la Charte

 

            L'article 7 de la Charte garantit à tout un chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, droit auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.  Comme noté supra, la Cour suprême du Canada a jugé que l'extradition d'une personne ne vaut pas violation de ces droits, à condition que cette extradition soit conforme aux principes de justice fondamentale.

 

            Le requérant a fait état à l'audition de son recours en contrôle judiciaire de la décision du ministre de nombre d'exemples d'erreur judiciaire, de déni des droits fondamentaux, ou de défaut de se conformer aux principes d'équité procédurale, qui se seraient produits en divers états des procédures d'extradition.  Tous ces arguments ont été avancés en temps voulu au cours de plusieurs audiences et appels y afférents.  Jusqu'à cette date, toutes les décisions judiciaires en la matière ont été confirmées.


(17) -   L'intégrité de la justice canadienne

 

            L'argument final est un amalgame de tous les autres et doit subir le même sort.  Il n'appartient pas au ministre de reprendre les décisions des juges de cour supérieure ou des cours d'appel.  Les juges en question ne sont ni sourds ni aveugles.  Le ministre doit les tenir pour honnêtes et compétents.  Si les autorités américaines ont donné des faux renseignements et «ont délibérément induit les juges canadiens en erreur», comme le prétend le requérant, tout cela paraîtra au grand jour au procès.

 

            Je m'empresse d'ajouter que l'avocat du requérant n'a pas prétendu que les juges canadiens soient malhonnêtes ou incompétents.  Son argumentation tend à démontrer qu'après les audiences d'extradition, des preuves ont fait surface qui montrent que le dossier monté par les autorités américaines fourmille de contradictions, d'incohérences, voire de faux témoignages.  Si tel est le cas, le requérant aura la possibilité de le prouver devant la juridiction compétente.  Entre-temps, l'État requérant a présenté des éléments d'information suffisants pour constituer un commencement de preuve justifiant l'extradition, et le requérant n'a pu faire valoir aucun vice de fond pour annuler la décision du ministre.

 

5.         Décision

 

            Par tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire en instance est rejetée.

 

OTTAWA,

le 16 octobre 1996

 

 

                                                                                ________________________________

                                                                                                                                         Juge                    

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                ________________________________

 

                                                                                                                       F. Blais, LL. L.            


 

 

                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

NUMÉRO DU GREFFE :   T-1945-95

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :         Raymond DesFossés

 

                                                            c.

 

                                                            Allan Rock, ministre de la Justice du Canada

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 30 septembre, 1er et 2 octobre 1996

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ

 

 

LE :                                                    16 octobre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

 

M. Jack Waissman                                          pour le requérant

Mme Isabelle Teolsis

M. Morris Manning, c.r.

 

 

M. David Lucas                                              pour l'intimé

M. Eric Lafrenière

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Laurin, Frigon, Waissman                               pour le requérant

Montréal (Québec)

 

 

George Thomson                                             pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada



[1]L.R.C. (1985), ch. 10.

[2]L.R.C. (1985), ch. E-23.

[3]P.W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 2e édition, page 241.

[4]Troisième édition, par Anne Warner La Forest.

[5]États-Unis d'Amérique c. Cotroni (1989), 48 C.C.C. (3d) 193, pages 215 et 216.

[6]Idziak c. Canada (Ministre de la Justice) 77 C.C.C. (3d) 65.

[7](1986), 69 N.R. 227 (C.A.F.).

[8](1987), 33 C.C.C. (3d) 193 (C.S.C.), page 250.

[9][1992] 3 R.C.S. 475.

[10]États-Unis d'Amérique c. Shepperd (1976), 30 C.C.C. (2d) 424 (C.S.C.).

[11]Note 7 supra.

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