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     Date : 19980521

     Dossier : IMM-3549-97

ENTRE :

     JALIL ALI BAHRAMI,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE

JOHN A. HARGRAVE

[1]      Ces brefs motifs portent sur la radiation par la Cour, de son propre chef, d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une mesure d'expulsion prise en juillet 1997.

CONTEXTE

[2]      La demande a été déposée par les avocats du demandeur dans le délai imparti le 29 août 1997 et le ministre y a donné suite en déposant un avis de comparution. Le 17 octobre 1997, Tita De Rousseau a obtenu une ordonnance l'autorisant à cesser d'occuper en qualité d'avocate inscrite au dossier. M. Bahrami, alors incarcéré à l'établissement de Drumheller et incapable d'obtenir l'aide juridique, a présenté une demande ex parte par écrit le 4 novembre 1997 en vue d'obtenir la prorogation du délai dans lequel il devait signifier et déposer son dossier de demande. Le 19 novembre 1997, je lui ai enjoint par ordonnance de signifier sa requête et son affidavit au ministère de la Justice à Edmonton, à l'attention de l'avocat qui avait déposé l'avis de comparution de la Couronne.

[3]      À la fin du mois de mars 1998, environ quatre mois et demi après la demande de prorogation ex parte, l'un des agents du greffe d'Edmonton, n'ayant pas reçu la preuve de la signification de la requête en prorogation de délai du demandeur, a demandé des instructions à la Cour. Conformément à ces instructions, il a écrit au demandeur et à l'avocat de la Couronne le 3 avril 1998 pour les informer qu'en l'absence de preuve de la signification de la requête en prorogation de délai, j'examinerais la possibilité de radier en totalité la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire le 20 mai 1998, jour réservé aux requêtes à Edmonton. Ces lettres sont restées sans réponse et, comme ni celle adressée à M. Bahrami ni celle adressée au ministère de la Justice n'ont été retournées au greffe, il n'y a pas lieu de croire qu'elle n'ont pas été livrées.

ANALYSE

[4]      Bien qu'il fasse partie de leurs attributions de fournir des installations et des services aux plaideurs, les tribunaux ne peuvent plus se permettre de leur obéir au doigt et à l'oeil et ils doivent plutôt utiliser leurs ressources pour parvenir au meilleur résultat global possible. Les plaideurs ont, pour leur part, des obligations à la fois envers les tribunaux et envers les contribuables, et notamment le devoir de faire trancher leurs litiges comme il se doit, et de ne pas les abandonner simplement. Les actions et les demandes abandonnées, qui doivent néanmoins être traitées et administrées par les tribunaux, coûtent cher, tant en temps qu'en argent, non seulement aux tribunaux, mais aussi aux contribuables. C'était peut-être l'une des raisons d'être de l'ancienne règle 1617.

[5]      La règle 1617 permettait à la Cour fédérale d'ordonner, de son propre chef, le rejet d'une demande de contrôle judiciaire en raison d'un retard injustifié en donnant un préavis d'au moins dix jours aux parties. La procédure de contrôle judiciaire est une procédure sommaire assujettie à des délais stricts conçus pour qu'une décision soit rendue dans un délai relativement court. Un retard de quelque quatre mois et demi, non seulement à signifier une requête et à déposer la preuve de sa signification, mesure pourtant simple, mais encore à donner suite aux demandes et à la correspondance de la Cour, constitue à la fois un abus de procédure et un retard injustifié.

[6]      Il n'existe plus de disposition équivalente à la règle 1617 qui permettrait à la Cour de rejeter une demande de son propre chef en raison d'un retard injustifié. L'alinéa 380(1)b), que la Cour peut utiliser pour inciter les parties à déposer un désistement, n'entrera en vigueur qu'en mars 1999 à l'égard d'une demande datant de 1997, comme celle qui nous intéresse,. Toutefois, la Cour a la compétence implicite pour assurer le bon fonctionnement de son système procédural : voir par exemple les décisions Margem Chartering Co. c. Bocsa (Le), [1997] 2 C.F. 1001, aux pages 1004 et 1005 et Pawar c. Canada (1997), 132 F.T.R. 44, à la page 48.

[7]      Les tribunaux ont commencé récemment à rejeter des actions non pas pour défaut de poursuivre, ce qui les oblige à examiner la question de l'existence d'un préjudice, mais simplement en raison d'un retard. Je pense ici à l'arrêt Grovit v. Doctor, [1997] 1 W.L.R. 640, prononcé par la Chambre des lords. Dans Grovit v. Doctor, le juge de première instance qui a entendu la requête à l'origine a décidé qu'il y avait eu retard excessif et inexcusable de la part d'une demanderesse qui n'avait aucun intérêt à poursuivre activement l'instance et il a rejeté l'action pour défaut de poursuivre. La Cour d'appel a confirmé sa décision en concluant qu'un demandeur était fautif lorsqu'il engageait et poursuivait une procédure qu'il n'avait pas l'intention de mener à terme sans retard et que cette manière de procéder constituait un abus des procédures. L'appelant dans l'affaire Grovit v. Doctor a énergiquement contesté l'ordonnance de rejet, mais la Chambre des Lords était convaincue qu'il convenait de rejeter l'action. Lord Woolf, qui a rédigé le jugement au nom de la Chambre des Lords, a souligné qu'en présence d'un abus des procédures causé par un retard et en l'absence de toute intention véritable de faire avancer le dossier jusqu'à l'instruction, le juge des requêtes et la Cour d'appel étaient autorisés à rejeter la procédure.

[8]      Le raisonnement retenu dans l'affaire Grovit v. Doctor est semblable au concept voulant que, lorsqu'une partie au litige ne se préoccupe nullement des délais fixés par les Règles, son manquement soit considéré non seulement sous l'angle du préjudice causé à certaines parties en particulier, mais encore sous l'angle d'un préjudice causé à l'administration de la justice. Je pense en l'occurrence que le fait de laisser une action stagner est préjudiciable au système judiciaire et à l'administration de la justice. Pour cette raison, l'abandon d'une action pourrait fonder le rejet de l'instance, indépendamment de la règle posée dans l'arrêt Berkett v. James, [1978] A.C. 297 (H.L.), comme l'a reconnu la Cour d'appel en prononçant l'arrêt Arbuthnot Latham Bank Ltd. v. Trafalgar Holdings Ltd., publié dans The Times, le 29 décembre 1997, et dans lequel la Cour a souligné que le facteur du retard excessif gagnerait de l'importance à l'avenir, plus particulièrement avec l'introduction de la gestion des dossiers par la Cour.

CONCLUSION

[9]      La demande de contrôle judiciaire est régie par des règles de procédure sommaire qui ne laissent planer aucun doute sur l'obligation de mener ce type d'instance à terme le plus rapidement possible. Le fait de retarder l'instance de façon excessive et d'abandonner par la suite la procédure, comme en l'espèce et comme dans plusieurs autres dossiers de la Cour, constitue un abus des procédures qui coûte cher. La demande d'autorisation et de contrôle judiciaire est rejetée pour cause de retard excessif. Les parties supporteront chacune leurs propres frais.

                             " John Hargrave "

                                 Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

21 mai 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-3549-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Jalil Ali Bahrami

                         c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE PROTONOTAIRE JOHN HARGRAVE

DATE :                      21 mai 1998

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jalil Ali Bahrami

a/s du Bureau de libération conditionnelle du District de Calgary

510, 12e Avenue sud-ouest

Calgary (Alberta) T2R 0H3                  pour le demandeur

George Thomson

Sous-procureur général du Canada              pour le défendeur

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