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                                                                                                                                           Date : 20021122

                                                                                                                                     Dossier : T-1898-01

                                                                                                        Référence neutre : 2002 CFPI 1205

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                            BRISTOL-MYERS SQUIBB COMPANY et

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA INC.

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                              - et -

                                       LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

                                                BIOLYSE PHARMA CORPORATION

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (DORS/99-133), modifié. Les demanderesses affirment que le ministre ne s'est pas conformé aux exigences du règlement en question lorsqu'il a délivré l'avis de conformité à Biolyse relativement à la présentation de drogue nouvelle qu'elle lui avait soumise relativement au « PACLITAXEL pour perfusion » . Les demanderesses affirment qu'elles auraient dû recevoir un avis d'allégation avant que l'avis de conformité ne soit délivré, comme le prévoit l'alinéa 7(1)b) et l'article 5 du Règlement. Les demanderesses affirment pour cette raison que le ministre a commis une erreur justifiant l'intervention du tribunal. Le litige porte essentiellement sur la question de savoir si les paragraphes 5(1) et 5(1.1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'appliquent, compte tenu des faits de l'espèce.

[2]                 Les demanderesses sollicitent une ordonnance annulant l'avis de conformité, un jugement déclarant que le ministre de la Santé n'a pas exigé de Biolyse qu'elle se conforme à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Biolyse un avis de conformité relativement au « PACLITAXEL pour perfusion » avant que ne se réalise le dernier de la série d'événements énumérés au paragraphe 7(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), et, finalement, les dépens.

  

LES FAITS

[3]                 La demanderesse Bristol-Myers Squibb Company est titulaire de deux brevets canadiens portant sur des solutions injectables de 6 mg/ml de paclitaxel. Les brevets en question portent les numéros 2,086,874 (le brevet 874) et 2,132,936 (le brevet 936), et ils expirent respectivement en 2013 et en 2014. Le médicament est commercialisé sous le nom de « Taxol » . La filiale canadienne de Bristol-Myers Squibb, Bristol-Myers Squibb Canada (BMS), est titulaire d'avis de conformité et a soumis des listes de brevets relativement au Taxol.


[4]                 Le Taxol contient du paclitaxel, une substance issue de l'écorce de l'if du Pacifique (taxus brevifolia). Le médicament est composé de paclitaxel combiné à du Crémophor EL (huile de ricin polyoxyéthylénée) et à de l'alcool éthylique. Son emploi est indiqué pour le traitement du cancer du sein, de l'ovaire et du poumon « non à petites cellules » .

[5]                 Le 22 mars 2001, Biolyse a soumis une présentation de drogue nouvelle (PDN) relativement à son médicament, une solution de 6 mg/ml de paclitaxel injectable qui provient des brindilles et des aiguilles de l'if du Canada (taxus canadensis).

[6]                 En 1999, Biolyse a demandé et reçu des renseignements de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada (DPT/SC) sur la question de savoir si sa présentation de médicament devait prendre la forme d'une PDN ou d'une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN). La DPT/SC a recommandé une PDN, en grande partie parce que le médicament proposé par Biolyse provenait d'une nouvelle source biologique. Biolyse a procédé à des essais cliniques et a soumis ces données, de même que les données appartenant au domaine public concernant l'innocuité et l'efficacité du produit.

[7]                 L'avis de conformité suivant a été délivré à Biolyse le 20 septembre 2001 :

                                                                                                                                                                                                 9427-B1591/1-21                 

Submission Number/Numéro de présentation :                                 066127

Product name/Nom du produit :                                                             PACLITAXEL pour perfusion, 6 mg/ml

Medicinal Ingredient(s)/Ingrédient(s) médicinal(aux) : paclitaxel

Therapeutic Classification/Classification Thérapeutique :            Agent antinéoplasique

Drug Identification Numbers/

Identification Numérique de(s) drogues(s) :                                       02244372


Le médicament a été approuvé pour le traitement du cancer avancé du sein et du cancer avancé du poumon « non à petites cellules » . Le ministre a estimé que l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ne s'appliquait pas et il a par conséquent délivré un avis de conformité sans exiger de Biolyse qu'elle envoie un avis d'allégation à BMS.

RÉGIME LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE

[8]                 Le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1985, ch. 870, modifié, ainsi que le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), prévoient un régime dans le cadre duquel un fabricant de produits pharmaceutiques peut obtenir un avis de conformité, lui permettant ainsi de commercialiser ses médicaments au Canada. Ce régime comporte deux mécanismes, à savoir un processus administratif visant à assurer l'innocuité et l'efficacité des médicaments, et un processus judiciaire conçu pour protéger les droits des titulaires de brevets. Ainsi que le juge Marceau l'a fait remarquer dans l'arrêt Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), (1999), 249 N.R. 110, à la p. 114 [Merck no 1] : « [...] Ce sont des processus parallèles. Ils ne se recoupent que sur le plan de leurs résultats : le ministre ne peut délivrer un avis de conformité sans tenir compte de l'issue des deux processus. » L'expression « avis de conformité » apparaît dans les deux règlements, créant ainsi un « lien explicite » entre eux, comme le juge McGillis l'a fait remarquer dans le jugement Merck & Co. c. Canada (Procureur général), (1999), 176 F.T.R. 21, à la page 38 [Merck no 2].


[9]                 Le Règlement sur les aliments et drogues prévoit deux types de présentations de drogue nouvelle. Le paragraphe C.08.002.(1) prévoit notamment ce qui suit :


C.08.002. (1) Il est interdit de vendre ou d'annoncer une drogue nouvelle, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) le fabricant de la drogue nouvelle a, relativement à celle-ci, déposé auprès du ministre une présentation de drogue nouvelle ou une présentation abrégée de drogue nouvelle que celui-ci juge acceptable; (je souligne)

b) le ministre a, aux termes de l'article C.08.004, délivré au fabricant de la drogue nouvelle un avis de conformité relativement à la présentation de drogue nouvelle ou à la présentation abrégée de drogue nouvelle;

C.08.002. (1) No person shall sell or advertise a new drug unless

(a) the manufacturer of the new drug has filed with the Minister a new drug submission or an abbreviated new drug submission relating to the new drug that is satisfactory to the Minister; (Emphasis added)

(b) the Minister has issued, pursuant to section C.08.004, a notice of compliance to the manufacturer of the new drug in respect of the new drug submission or abbreviated new drug submission;


  

[10]            La présentation de drogue nouvelle doit contenir « suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la drogue nouvelle » [paragraphe C.08.002(2)].

[11]            Une présentation abrégée de drogue nouvelle, par contre, est le document qu'il convient de produire dans le cas des drogues qui sont des copies de drogues existantes dont l'innocuité et l'efficacité ont déjà été démontrées. La PADN repose sur des études cliniques menées au sujet d'un « produit de référence canadien » déjà approuvé. La drogue nouvelle doit être un « équivalent pharmaceutique » du produit de référence [alinéa C.08.002.1.(1)a)].


[12]            La Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, modifiée, prévoit, à son paragraphe 55.2(4), qu' « afin d'empêcher la contrefaçon d'un brevet d'invention par l'utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d'une invention brevetée [...] le gouverneur en conseil peut prendre des règlements [...] » .

[13]            Le paragraphe 7(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) prévoit que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive d'une série de dates, et notamment de la « date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5 » (alinéa b)).

[14]            Le paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) prévoit :



5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit

inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

Where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug and compares that drug with, or makes reference to, another drug for the purpose of demonstrating bioequivalence on the basis of pharmaceutical and, where applicable, bioavailability characteristics and that other drug has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.


[15]      Les paragraphes 5(1.1) et 5(1.2), qui ont été ajoutés en 1999, prévoient :

  


5(1.1) Sous réserve du paragraphe (1.2), lorsque le paragraphe (1) ne s'applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d'administration et une forme posologique et une

concentration comparables :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne soit pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

5(1.2) Si une personne visée au paragraphe (1.1) a signifié, conformément aux alinéas (3)b) ou c), un avis d'allégation à une première personne à l'égard d'un brevet inscrit au registre, elle n'est tenue de signifier un avis d'allégation à l'égard de la même demande, de la même allégation et du même brevet à aucune autre première personne.

Subject to subsection (1.2), where subsection (1) does not apply and where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine found in another drug that has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent included on the register in respect of the other drug containing the medicine, where the drug has the same route of administration and a comparable strength and dosage form,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.


  

[16]         Lorsqu'une personne fait une allégation visée aux alinéas 5(1)b) ou 5(1.1)b), elle doit « fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde » et signifier un avis de l'allégation à la première personne [paragraphe 5(3)].

[17]            L'article 6 dispose que la première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation, demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet à condition que l'allégation ne soit pas fondée.

[18]            Lorsque la première personne a demandé une ordonnance d'interdiction en vertu de l'article 6, l'alinéa 7(1)e) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique : il prévoit que le ministre ne peut délivrer un avis de conformité avant la date qui suit de 24 mois la présentation de la demande visée à l'article 6.

QUESTIONS EN LITIGE

[19]            Nous examinerons les points litigieux suivants dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

            A.        La présente demande de contrôle judiciaire a-t-elle été régulièrement introduite conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale?


            B.         Le paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique-t-il, compte tenu des faits de la présente demande?

            C.        Le paragraphe 5(1.1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique-t-il, compte tenu des faits de la présente demande?

            D.        Le ministre a-t-il commis une erreur justifiant l'intervention du tribunal en concluant que le paragraphe 5(1.1) ne s'appliquait pas aux faits de la présente demande?

NORME DE CONTRÔLE

[20]            Les parties ne s'entendent pas sur la norme de contrôle applicable en ce qui concerne la question de savoir si l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique, compte tenu des faits de la présente espèce. Le procureur général du Canada soutient que la question soumise à la Cour est une question de compétence et porte sur la question de savoir si le ministre a commis une erreur en décidant qu'il avait compétence pour délivrer l'avis de conformité. Le procureur général soutient essentiellement qu'une telle question n'entraîne pas automatiquement l'application de la norme du bien-fondé de la décision, mais que la question de la compétence ne constitue qu'un des facteurs dont il y a lieu de tenir compte pour l'application de l'analyse pragmatique et fonctionnelle en vue d'arrêter la norme de contrôle appropriée [voir l'arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet, 2002 CAF 106, [2002] A.C.F. no 691 (QL), aux paragraphes 46 et 47].


[21]            Le procureur général soutient qu'un autre facteur dont il y a lieu de tenir compte est l'expertise scientifique et technique du ministre. Il affirme que, compte tenu des faits de la présente espèce, la question de savoir si l'avis de conformité a été délivré par comparaison ou par renvoi au produit de Bristol-Myers est [Traduction] « de toute évidence une question technique complexe » qui fait appel aux compétences spécialisées du ministre. Le ministre a par conséquent droit à la retenue du tribunal et sa décision peut être révisée en fonction de la norme du caractère raisonnable.

[22]            Je suis d'avis que, bien que les compétences spécialisées du ministre puissent effectivement fort bien entrer en jeu lorsqu'il s'agit de tirer des conclusions au sujet de l'innocuité et de l'efficacité d'un médicament déterminé après évaluation d'éléments de preuve scientifiques, il n'est pas nécessaire de faire appel à de telles compétences spécialisées pour bien interpréter l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). J'estime que, sur ce point, le ministre ne possède vraisemblablement pas une plus grande expertise que la Cour, de sorte que le degré de retenue dont la Cour doit faire preuve en l'espèce est peu élevé.


[23]            J'accepte l'argument du procureur général suivant lequel le fait d'invoquer sa compétence ne dispense pas de la nécessité de se livrer à une analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle applicable. Pour procéder à cette analyse, il faut examiner les facteurs énumérés dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Je n'ai pas l'intention de passer tous ces facteurs en revue dans les présents motifs. J'estime toutefois que l'objet de la loi et du règlement sont des facteurs importants qui méritent d'être abordés explicitement dans les présents motifs, compte tenu des faits de l'espèce.


[24]            Dans l'arrêt Pushpanathan, précité, le juge Bastarache déclare, à la page 1008, que « [l]orsque les objectifs de la loi et du décideur sont définis non pas principalement comme consistant à établir les droits des parties, ou ce qui leur revient de droit, mais bien à réaliser un équilibre délicat entre divers intérêts, alors l'opportunité d'une supervision judiciaire diminue » . Les dispositions du Règlement sur les aliments et drogues relatives à l'avis de conformité visent à protéger la santé du public en assurant un certain degré d'innocuité et d'efficacité des médicaments. En soi, la décision qu'une présentation de drogue nouvelle satisfait aux exigences du Règlement sur les aliments et drogues est une décision polycentrique, car elle suppose l'application « d'une politique sociale et économique au sens large » [Pfizer Canada Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et autre, 12 C.P.R. (3d) 438, à la page 440]. En l'espèce, il s'agit précisément de l'applicabilité du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), lequel prévoit un processus administratif parallèle mais distinct de celui qui est prévu par le Règlement sur les aliments et drogues. La Loi sur les brevets et le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ont pour objet de protéger les droits conférés par les brevets. La décision de délivrer un avis de conformité selon la procédure prévue par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est soumise à un processus judiciaire en tenant compte des droits de celui qui présente une demande au sujet d'une drogue nouvelle et éventuellement des droits du breveté actuel, et vise principalement à définir les droits des parties. Il ne s'agit pas dans ce cas d'une décision polycentrique [Merck no 1, précité, à la page 114.]

[25]            Guidé par l'analyse exposée dans l'arrêt Pushpanathan, précité, je suis par conséquent d'avis que la décision de délivrer un avis de conformité en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) justifie un degré peu élevé de retenue de la part du tribunal saisi d'une demande de contrôle judiciaire.

[26]            Dans l'affaire Merck no 2, précitée, la question de droit était celle de savoir si le paragraphe 5(1) - et, partant, l'article 7 - du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'appliquaient, compte tenu des faits de cette affaire. Eu égard aux circonstances de l'espèce, le juge McGillis a appliqué la norme de contrôle du bien-fondé. Elle a déclaré, à la page 43, au paragraphe 68 :

[...] La question de savoir si les interdictions prévues à l'article 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'appliquent en l'espèce est une pure question de droit ou une question mixte de droit et de fait à l'égard de laquelle peu de retenue, s'il en est, devrait être manifestée envers le ministre. Dans les circonstances, la décision correcte est la norme de contrôle applicable.

Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale.

[27]            Je souscris pour l'essentiel au raisonnement suivi par le juge McGillis dans le jugement Merck no 2, précité, particulièrement en ce qui concerne les paragraphes de ses motifs où elle parle de l'interprétation de la loi et de la norme de contrôle applicable.


[28]            Je conclus que la norme de contrôle qui s'applique à la question de savoir si l'article 5 du Règlement s'applique compte tenu des faits de l'espèce est la norme du bien-fondé. La question soumise à la Cour est une question mixte de droit et de fait qui risque de faire jurisprudence. Cette conclusion repose sur une « analyse pragmatique et fonctionnelle » et sur l'examen des facteurs énumérés dans l'arrêt Pushpanathan, précité.

[29]            De plus, je ne suis pas convaincu que la norme déjà établie par le juge McGillis dans le jugement Merck no 2, précité, ne convient pas ou que la nature des dispositions législatives en litige en l'espèce sont à ce point manifestement différentes de celles qu'a examinées le juge McGillis pour que l'analyse pragmatique et fonctionnelle exige l'application d'une norme de contrôle judiciaire différente (voir l'arrêt SOCAN, précité, le juge Evans, aux paragraphes 37 et 38).

ANALYSE DES QUESTIONS EN LITIGE

A.        La présente demande de contrôle judiciaire a-t-elle été régulièrement introduite conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale?

[30]            La défenderesse Biolyse soutient que les demanderesses n'ont pas la qualité pour introduire une demande en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, parce qu'elles n'ont pas réussi à démontrer qu'elles sont « directement touchées » . Biolyse affirme que les répercussions financières éventuelles sur les demanderesses de la décision du ministre de délivrer l'avis de conformité ne sont pas suffisantes pour « toucher directement » les demanderesses au sens de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.


[31]            La défenderesse Biolyse n'a pas repris cet argument lors des débats. Son avocat a toutefois soutenu que le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ne permet pas d'annuler un avis de conformité et que le Règlement n'est pas censé remplacer les recours de droit privé. Il était loisible à BMS d'intenter une action en contrefaçon de brevet si cette mesure était justifiée.

[32]            Les demanderesses agissent non pas sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), mais en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. À mon avis, il s'agit d'une procédure appropriée compte tenu des réparations qu'elles réclament.

[33]            Dans le jugement Merck no 2, précité, le juge McGillis a annulé un avis de conformité en raison du défaut de se conformer à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel fédérale. De toute évidence, la qualité pour agir avait été démontrée. Bien que l'action en contrefaçon de brevet soit ouverte à la demanderesse, le Règlement prévoit un mécanisme conçu pour aviser ceux dont les droits de brevet risquent d'être lésés. Le droit d'introduire une action en contrefaçon de brevet ne devrait pas avoir d'incidence sur son droit de chercher à obtenir l'annulation d'un avis de conformité qui n'a pas été régulièrement délivré et le contrôle judiciaire de la décision du ministre de ne pas exiger la signification d'un avis d'allégation lorsque l'intéressé est d'avis que le ministre a commis une erreur en prenant une telle décision.


[34]            À mon avis, vu l'ensemble de la preuve, les droits que possèdent les demanderesses, du moins en ce qui concerne leurs brevets, sont de toute évidence « directement touchés » par la PDN. Cette conclusion repose sur la décision que le ministre a prise au cours du processus de délivrance de l'avis de conformité, en l'occurrence que la drogue visée renferme le même médicament que celui que l'on trouve dans le Taxol des demanderesses, à savoir du paclitaxel.

  

B.       Le paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique-t-il, compte tenu des faits de la présente demande?

[35]            Les demanderesses soutiennent que la PDN de Biolyse renferme suffisamment de renvois au produit de Bristol-Myers, le Taxol, pour donner lieu à l'application du paragraphe 5(1), parce que Biolyse « fait la comparaison » ou « fait renvoi » au Taxol pour démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques.

[36]            Les demanderesses soutiennent que, dans sa présentation de drogue nouvelle, Biolyse fait de nombreux renvois directs et indirects au Taxol de BMS. À leur avis, le fait de tabler fortement sur des études basées sur le Taxol qui ont été soumises en tant que données faisant partie du domaine public constitue un renvoi indirect. Les demanderesses soutiennent également qu'il y a des comparaisons directes avec le profil d'impuretés du Taxol et que Biolyse se fonde sur la monographie thérapeutique du Taxol. L'expert des demanderesses affirme qu'une PDN typique contient de 300 à 500 documents, alors que la PDN de Biolyse n'en compte que 17. Il affirme que la PDN de Biolyse ne renferme pas suffisamment de données pour constituer une présentation « autonome » .


[37]            La défenderesse Biolyse soutient qu'aucun produit de référence canadien n'est nommé dans sa PDN et que Biolyse n'a pas demandé et n'a pas obtenu de déclaration de bioéquivalence. On a demandé à Biolyse de [Traduction] « fournir des données faisant partie du domaine public et d'établir des liens plus généraux entre ces renseignements et l'innocuité et l'efficacité du produit » . Suivant Biolyse, les nombreux renvois à d'autres drogues dans sa demande visaient à démontrer l'innocuité et l'efficacité de son médicament et non à démontrer la bioéquivalence » .

[38]            La question déterminante en ce qui concerne l'applicabilité du paragraphe 5(1) dans la présente demande est celle de savoir si Biolyse a fait des comparaisons ou des renvois au Taxol d'après ses caractéristiques pharmaceutiques. L'analyse comparative prévue au paragraphe 5(1) comporte deux volets : elle vise dans un premier temps à démontrer la bioéquivalence avec une autre drogue dans le but de démontrer l'innocuité et l'efficacité du médicament, et, en second lieu, de vérifier s'il y a contrefaçon de brevet « [...] à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte àcette autre drogue » .

[39]            Biolyse n'a pas comparé sa drogue ou fait référence à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence. Biolyse n'a pas présenté de demande en vue d'obtenir une déclaration de bioéquivalence et aucune n'a été accordée.


[40]            Il ressort de l'ensemble de la preuve que la PDN de Biolyse renferme des études cliniques sur des patients malades et plus précisément sur des femmes atteintes de cancer du sein avancé ne répondant pas aux traitements habituels et sur des personnes souffrant de cancer avancé du poumon « non à petites cellules » . L'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité du produit de Biolyse était fondée sur les études en question et sur les connaissances scientifiques relatives au paclitaxel qui faisaient partie du domaine public. Cette façon de procéder était conforme à la procédure habituellement suivie dans le cas d'une PDN. À mon avis, le libellé du paragraphe 5(1) est sans équivoque. À défaut de seconde drogue utilisée à des fins de comparaison pour évaluer l'innocuité et l'efficacité du nouveau produit, le paragraphe 5(1) ne s'applique pas. De plus, une seconde personne serait incapable de satisfaire à l'obligation que lui impose ce paragraphe de fournir les renseignements précisés « [...] à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte àcette autre drogue » , étant donné qu'aucune « autre drogue » n'est désignée dans le cas présent.

[41]            Je conclus donc que le paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ne s'applique pas à la PDN de Biolyse. Cette conclusion ne règle toutefois pas le sort de la présente demande, compte tenu de mon autre conclusion que le paragraphe 5(1.1) s'applique eu égard aux faits de la présente demande.

  

C.        Le paragraphe 5(1.1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)    s'applique-t-il, compte tenu des faits de la présente demande?

[42]            Les demanderesses affirment que le paragraphe 5(1.1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'applique en l'espèce et que le ministre n'aurait pas dû délivrer l'avis de conformité avant de s'assurer que BMS avait reçu un avis d'allégation en tant que première personne dont la drogue « a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité [...] et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise » .


[43]            Les demanderesses soutiennent énergiquement que le paragraphe 5(1.1) s'applique et que : (i) la drogue de Biolyse contient « un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada [...] à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise » et (ii) la drogue « présente la même voie d'administration » et (iii) « une forme posologique et une concentration comparables » .

[44]            À l'appui de cet argument, les demanderesses affirment, dans leurs observations écrites, que [Traduction] « tout comme le Taxol de BMS, le paclitaxel que Biolyse se propose de commercialiser est une solution à 6 mg/ml de paclitaxel qui contient de l'huile de ricin polyoxyéthylénée (Crémophor EL) et de l'alcool éthylique. En tant que tel, non seulement le paclitaxel de Biolyse présente-t-il une forme posologique, une concentration et une voie d'administration identiques à celle du Taxol, mais il comporte la même formulation que le Taxol » .

[45]            Lors de son contre-interrogatoire, la présidente de Biolyse a admis que la formule structurelle et le poids moléculaire du composé chimique de paclitaxel utilisé pour la drogue de Biolyse sont identiques à ceux du paclitaxel utilisé par BMS pour son Taxol. Elle a également affirmé que le produit de Biolyse présente la même forme posologique que le Taxol et la même voie d'administration.


[46]            En contre-interrogatoire, le témoin de DPT/SC a déclaré que [Traduction] « le PACLITAXEL pour perfusion » et le Taxol contiennent tous les deux le même composé chimique, en l'occurrence le paclitaxel. Elle a en outre déclaré que le poids moléculaire des deux sources de paclitaxel était identique, que la stéréochimie était la même et que l'ingrédient médicamenteux était identique dans les deux cas. Elle souscrit à l'affirmation de l'avocat suivant laquelle [Traduction] « bien qu'il puisse confirmer l'existence d'une source végétale différente, le produit qui est isolé est identique » .

[47]            Le procureur général défendeur reconnaît que, vu le libellé du paragraphe 5(1.1) et [Traduction] « en faisant abstraction du contexte du règlement et de l'objectif visé » , [Traduction] « il peut sembler que ce paragraphe s'applique à la drogue de Biolyse » . Il ajoute cependant que ce paragraphe n'est censé s'appliquer qu'à la situation dont il était question dans l'affaire Merck no 2, précitée et qu'il [Traduction] « n'était pas censé signaler un changement de politique » ou élargir la portée du Règlement.

[48]            Le procureur général du Canada soutient - et cela n'a pas été contesté - que le paragraphe 5(1.1) a été édicté en réponse à une situation bien précise, celle dont il était question dans l'affaire Merck no 2, précitée. Dans cette affaire, la société A avait soumis des listes de brevets et détenait un avis de conformité relativement à une drogue. La société B avait obtenu un avis de conformité par renvoi à la drogue de la société A, en conformité avec le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). La société C a alors soumis une demande d'avis de conformité et avait désigné le médicament générique de la société B comme produit de référence canadien. À la suite de ces événements, la société C avait réussi à se soustraire à l'application du Règlement, étant donné que la société B n'avait pas soumis de liste de brevets à l'égard de son médicament générique. La société C n'avait donc pas envoyé d'avis d'allégation à l'innovateur, en l'occurrence la société A, et ce, malgré le fait que sa drogue était identique.


[49]            Le procureur général du Canada signale qu'il est précisé, dans le Résumé d'étude d'impact de la réglementation (REIR), au sujet des modifications apportées au Règlement par l'insertion du paragraphe 5(1.1), que « il ne s'agit pas de changements touchant la politique » et que les modifications en question « visent à clarifier la loi et à confirmer l'application du Règlement » .

[50]            Le procureur général soutient que, compte tenu de la situation que le paragraphe 5(1.1) était censé réformer et des affirmations du REIR suivant lesquelles cette disposition ne renferme aucun changement touchant la politique, le paragraphe 5(1.1) ne devrait s'appliquer que lorsque l'approbation d'une présentation de drogue nouvelle repose sur une comparaison avec une autre drogue. Or, en l'espèce, comme aucun produit de référence canadien n'est désigné et qu'aucune étude comparative n'a été soumise, le paragraphe 5(1.1) ne s'applique pas. L'avocat ajoute que [Traduction] « le simple fait qu'une drogue renferme un médicament déjà approuvé ne suffit pas à déclencher l'application du paragraphe 5(1.1) » .


[51]            Je ne souscris pas à cette interprétation du paragraphe 5(1.1). Pour retenir l'interprétation proposée par l'avocat du procureur général du Canada, il faudrait que je fasse abstraction du libellé non équivoque du paragraphe 5(1.1). L'application de cet article est déclenchée lorsqu'une drogue pour laquelle un avis de conformité est demandé contient « un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise » . Lorsque le ministre a délivré l'avis de conformité à Biolyse le 20 septembre 2001, il a confirmé que la drogue de Biolyse contenait un médicament, le paclitaxel, qui se trouve aussi dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par BMS, en l'occurrence le Taxol. BMS a obtenu des avis de conformité relativement au Taxol et a soumis des listes de brevets à l'égard du Taxol. Le paragraphe 5(1.1) exige en outre que la nouvelle drogue « présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables » . Il ressort de la preuve que le « PACLITAXEL pour perfusion » de Biolyse présente la même voie d'administration que le Taxol (injection intraveineuse) et qu'il a une forme posologique et une concentration identiques à celles du Taxol (6 mg/ml).

[52]            Le sens ordinaire du libellé du paragraphe 5(1.1) s'accorde avec une méthode d'interprétation du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) fondée sur l'objet. Le Règlement vise à empêcher la violation des droits conférés par les brevets tout en permettant aux fabricants de médicaments génériques, ainsi que le procureur général du Canada l'a signalé, de soumettre une présentation avant l'expiration des brevets pertinents, facilitant ainsi l'entrée sur le marché des médicaments génériques.


[53]            Cette interprétation est renforcée par le REIR qui accompagne les modifications au Règlement et qui déclare que « le paragraphe 5(1.1) s'appliquera au cas où la drogue du deuxième fabricant, ou du fabricant subséquent, contient le même médicament et présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables à celles de la drogue déjà inscrite au registre des brevets » .

[54]            Je conclus donc que la drogue pour laquelle Biolyse a demandé la délivrance d'un avis de conformité contient un médicament, le paclitaxel, que l'on trouve dans une autre drogue, le Taxol, qui a été commercialisée au Canada en vertu d'un avis de conformité délivré à une première personne, BMS, et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise. En conséquence, le paragraphe 5(1.1) s'applique, compte tenu des faits de la présente demande et le ministre a commis une erreur en n'exigeant pas qu'un avis d'allégation soit signifié aux demanderesses en conformité avec ce paragraphe.

D.         Le ministre a-t-il commis une erreur justifiant l'intervention du tribunal en concluant que le paragraphe 5(1.1) ne s'appliquait pas aux faits de la présente demande?

[55]            Il ressort des éléments de preuve non contredits que le paclitaxel que l'on trouve dans la drogue de Biolyse est identique au paclitaxel que l'on trouve dans le Taxol de BMS. Le paragraphe 5(1.1) n'exige pas que la présentation de drogue nouvelle soit fondée sur des comparaisons avec des drogues approuvées ou que la présentation soit une PADN. Le ministre a mal interprété le paragraphe 5(1.1) en décidant que seules les présentations fondées sur des études comparatives pouvaient déclencher l'application du paragraphe 5(1.1).


[56]            Je suis d'avis que le ministre a commis une erreur justifiant l'intervention du tribunal en concluant que le paragraphe 5(1.1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ne s'appliquait pas à la PDN de Biolyse. La décision de délivrer un avis de conformité à Biolyse sans exiger qu'un avis d'allégation soit signifié aux demanderesses justifie donc l'intervention du tribunal.

[57]            Vu l'ensemble des faits de l'espèce, le ministre a commis une erreur en délivrant un avis de conformité à la défenderesse Biolyse avant que la première personne, BMS, ne reçoive signification d'un avis d'allégation comme l'exige l'article 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

[58]            Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et les dépens seront adjugés aux demanderesses.

[59]            Les demanderesses obtiendront le jugement déclaratoire qu'elles réclament et l'avis de conformité sera annulé. Dans ces conditions, je suis d'avis qu'il n'est pas nécessaire de prononcer l'ordonnance d'interdiction réclamée, étant donné que la réparation sollicitée est identique à l'obligation que le Règlement impose au ministre.

                                                                     ORDONNANCE

1.         LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et ACCORDE en partie les réparations demandées par les demanderesses selon les modalités suivantes :


2.         LA COUR DÉCLARE que le ministre a fait défaut d'exiger de Biolyse qu'elle se conforme à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en envoyant notamment un avis d'allégation à BMS Canada relativement au « PACLITAXEL pour perfusion 6 mg/ml » avant de délivrer un avis de conformité à Biolyse relativement au « PACLITAXEL pour perfusion 6 mg/ml » ;

3.         ANNULE l'avis de conformité que le ministre a délivré à Biolyse à l'égard de la présentation de drogue nouvelle 066127 que Biolyse lui a soumise relativement au « PACLITAXEL pour perfusion 6 mg/ml » ;

4.         ADJUGE les dépens de la présente demande aux demanderesses.

   

                                                                                                                             « Edmond P. Blanchard »            

                                                                                                                                                                 Juge                                

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                           T-1898-01

INTITULÉ :                                        Bristol-Myers Squibb Company et al. c. Le procureur général du Canada et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              22 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                      22 novembre 2002

COMPARUTIONS :

ANTHONY CREBER                                               POUR LES DEMANDERESSES

CRISTIN WAGNER

GORDON JEPSON                                                  POUR LA DÉFENDERESSE,

BIOLYSE PHARMA CORPORATION

FREDERICK WOYIWADA                                    POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP          POUR LES DEMANDERESSES

OTTAWA

DEETH WILLIAMS WALL LLP                           POUR LA DÉFENDERESSE,

TORONTO                                                                BIOLYSE PHARMA CORPORATION

MORRIS ROSENBERG                                           POUR LE DÉFENDEUR,

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL                          LE MINISTRE

DU CANADA

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