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Date : 19990416


Dossier : IMM-2225-98

ENTRE :

     HANQING CHEN,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS :

A.      INTRODUCTION

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [tel que modifié], par laquelle Hanqing Chen (le demandeur) demande notamment l'annulation de la décision d'un agent des Affaires étrangères (l'agent des visas) datée du 26 mars 1998, par laquelle ce dernier rejetait sa demande de visa de résidence permanente au Canada.


B.      CONTEXTE

[2]      Le demandeur a trente-quatre ans et il est citoyen de la République populaire de Chine où il a vécu jusqu'en 1991. Il a obtenu son diplôme d'études secondaires en 1983, et a terminé avec succès en 1984 un programme spécialisé d'une année à l'École civique de cuisine générale de Fuzhou. Il a ensuite travaillé dans la restauration en Chine jusqu'en 1990. Depuis 1991, il est chef - mot auquel je ne donne aucun sens technique ici - dans des restaurants chinois aux États-Unis.

[3]      En avril 1997, M. Chen a déposé une demande de visa pour être admis au Canada à titre d'immigrant indépendant. Il a déclaré qu'il comptait y exercer la profession de premier chef. Le Centre régional de programmes (CRP) a été saisi de sa demande et, en août 1997, a informé le demandeur que l'étape de l'examen du dossier serait terminée en douze semaines, savoir qu'avant la fin de cette période une décision serait prise sur sa demande ou qu'elle serait renvoyée à un agent des visas qui recevrait le demandeur en entrevue.

[4]      Le CRP est un service administratif logé au Consulat général du Canada à Buffalo, qui sert de centre de tri pour les demandes de visa à traiter par les agents des visas canadiens aux États-Unis. Si une décision ne peut être prise sur papier et que le demandeur doit être convoqué à une entrevue, le dossier est envoyé à un consulat - dans la mesure du possible, celui pour lequel le demandeur a exprimé une préférence en cas d'entrevue. En l'instance, M. Chen avait choisi Détroit.

[5]      Lorsque la demande a été transmise à l'agent des visas en octobre 1997, elle a été évaluée pour la profession visée de chef et chef de spécialités, telle que décrite dans la Classification nationale des professions (la CNP). Dans une lettre datée du 4 mars 1998, le demandeur a été avisé que sa demande était rejetée.

[6]      L'avocat du demandeur, M. Leahy, a informé l'agent des visas qu'étant donné que la demande avait été présentée avant le 1er mai 1997, elle aurait dû être évaluée d'abord sous la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP) où la catégorie de profession pertinente était celle de premier chef. En conséquence, l'agent des visas a réexaminé la demande avec cette nouvelle donnée. Comme elle n'a accordé que 49 points d'appréciation à M. Chen, elle a rejeté sa demande sans bénéfice d'entrevue. C'est ce rejet qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

C.      QUESTIONS ET ANALYSE
Question 1 :      L'agent des visas avait-elle compétence pour se prononcer sur la demande de visa du demandeur?

[7]      L'avocat du demandeur a présenté deux arguments pour étayer sa prétention que la décision de refuser le visa devrait être annulée au motif que l'agent des visas n'avait pas compétence. Premièrement, l'agent des visas aurait outrepassé sa compétence en prenant sa décision plus de douze semaines après le dépôt de la demande, contrairement à ce qui avait été indiqué à l'appelant dans la formule d'accusé de réception de sa demande de résidence permanente au Canada qu'il a reçue du CRP de Buffalo.

[8]      À mon avis, même si les faits étaient avérés, ce que je n'ai pas à décider, cet argument n'aurait aucun fondement en droit. Sauf préjudice causé à l'intéressé, le défaut de respecter un délai fixé par la loi pour la prise d'une décision n'est pas normalement suffisant pour invalider cette décision lorsqu'elle est prise hors délai. Voir, par exemple, Metropolitan Toronto Board of Police Commissioners c. Metropolitan Toronto Police Association (Unit B) (1973), 37 D.L.R. (3d) 487 (C. Div. Ont.). Je considère donc en conséquence qu'il serait fort anormal que le fait que l'agent des visas n'ait pas respecté un délai qui n'est pas un délai fixé par la loi puisse invalider son refus de délivrer le visa.

[9]      La cause du demandeur n'est pas non plus étayée par la doctrine de l'expectative légitime. La jurisprudence nous indique que la seule application de cette doctrine au Canada vise à créer un droit d'être entendu qui ne découlerait pas nécessairement de l'obligation d'équité ou d'ajouter aux droits d'une personne par rapport à ce que l'équité procédurale aurait normalement prévu. Voir, par exemple : Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada, [1991] 2 R.C.S. 525; Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, à la page 1204.

[10]      Le deuxième argument du demandeur sur la question de compétence porte que la création du CRP n'a pas de fondement légal et que le demandeur avait le droit de voir son dossier traité par le consulat désigné dans sa demande de visa. Cet argument est aussi sans fondement, à mon avis, parce qu'il postule que toutes les décisions administratives doivent être distinctement prévues par la législation. Ceci n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de décisions administratives qui n'ont aucun impact juridique sur les personnes et qui ne sont pas prises au détriment de leurs droits ou de leurs intérêts. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de décider de l'organisation du traitement des demandes de visa. De plus, comme M. Leahy l'a noté, l'alinéa 115b) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 [tel que modifié], autorise le ministre à désigner par arrêté des points d'entrée et des postes d'attente aux fins de la Loi.

[11]      La loi ne reconnaît aucun droit aux demandeurs de visa de voir leur dossier traité par un consulat donné. Il va de soi que des efforts sont faits pour que les demandeurs soient reçus en entrevue au consulat qui leur convient, afin de maintenir les déplacements au minimum. Le fait que les demandeurs puissent préciser dans la formule de demande à quel consulat ils voudraient que celle-ci soit traitée, et qu'on leur impose des frais de traitement, ne crée aucun lien contractuel qui accorderait au demandeur le droit de voir sa demandée traitée par le consulat qu'il a désigné.

Question 2 :      L'agent des visas a-t-elle commis une erreur en n'exerçant pas le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 [tel que modifié] (le Règlement)?

[12]      Le paragraphe 11(3) porte que l'agent des visas peut délivrer un visa d'immigrant à un demandeur même si ce dernier n'a pas obtenu le nombre de points d'appréciation requis par la législation

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

[13]      Les notes que l'agent des visas a inscrites dans la banque de données informatisée font ressortir clairement qu'elle a examiné la possibilité d'exercer en faveur de M. Chen le pouvoir discrétionnaire que lui accorde le paragraphe 11(3). Il est clair qu'elle a conclu que les faits ne justifiaient pas le renversement de la décision négative conséquente à l'examen du dossier du défendeur, qui ne lui avait accordé que 49 points d'appréciation sur la base des facteurs prévus à l'Annexe 1 du Règlement. Ces facteurs sont le fondement juridique de l'évaluation des demandes par les agents des visas (paragraphe 8(1) du Règlement). Il faut normalement 60 points d'appréciation pour qu'une personne faisant une demande dans la catégorie visée par M. Chen soit convoquée à une entrevue, et 70 points pour qu'elle se voie délivrer un visa : sous-alinéa 11.1a)(i) et alinéa 9(1)a).

[14]      Le demandeur plaide que l'agent des visas a agi de façon déraisonnable en n'utilisant pas son pouvoir discrétionnaire à son avantage, compte tenu du fait que la preuve documentaire qu'on lui avait soumise faisait ressortir que le demandeur pouvait réussir son installation au Canada du fait qu'il était autonome financièrement. L'avocat du demandeur a notamment rappelé que ce dernier travaille aux États-Unis dans la profession visée depuis 1991, qu'il gagne 49 000 $ par an et qu'il a 31 000 $ d'épargnes, en plus d'être propriétaire d'un bien immobilier en Chine valant 52 000 $.

[15]      M. Leahy a convenu que la preuve de l'autonomie financière du demandeur dans son pays d'origine n'est pas suffisante pour qu'il se voie accorder le bénéfice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3). Il a toutefois plaidé que lorsqu'un demandeur a quitté son pays d'origine et démontré qu'il pouvait être autonome financièrement en pratiquant la profession visée dans un environnement économique et social semblable à celui du Canada, ce fait devrait être un facteur important pour la délivrance d'un visa même si par ailleurs ce demandeur n'a pas le nombre de points d'appréciation qui justifierait une décision en sa faveur.

[16]      L'avocat a cité, à l'appui de cet argument, trois affaires où il a été décidé que l'appréciation de l'agent des visas au titre de la personnalité n'avait pas été raisonnable car ce dernier n'avait pas pris en compte de façon appropriée le fait que les demandeurs résidaient au Canada depuis plusieurs années lorsqu'on leur a refusé un visa : So c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 28 Imm. L.R. (2d) 153 (C.F. 1re inst.); Chand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 41 Imm. L.R. (2d) 165 (C.F. 1re inst.); Mui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998) 146 F.T.R. 51 (C.F. 1re inst.).

[17]      À mon avis, il y a trois considérations qui font que ces décisions ont une portée limitée en l'instance. Premièrement, les demandeurs dans ces affaires résidaient tous au Canada depuis plusieurs années, alors que M. Chen vivait aux États-Unis. Malgré les ressemblances réelles entre le contexte économique et social du Canada et celui des États-Unis, il ne s'ensuit pas nécessairement que le demandeur serait aussi fortuné au Canada qu'il semble l'avoir été aux États-Unis.

[18]      Deuxièmement, ces affaires portaient sur l'évaluation de la personnalité des demandeurs, un des facteurs de l'Annexe I du Règlement qui doit être évalué dans le cadre d'une entrevue. En l'instance, le demandeur n'a pas atteint l'étape de l'entrevue et il invoque le pouvoir discrétionnaire résiduel prévu au paragraphe 11(3), pouvoir qui est moins clairement défini.

[19]      Troisièmement, comme l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi doit se fonder sur les faits particuliers de chaque affaire, et qu'il y a nécessairement des différences importantes d'une affaire à l'autre, on peut difficilement conclure en droit que l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans une affaire donnée doit être reproduit exactement dans une autre.

[20]      À mon avis, le fait que le demandeur soit financièrement autonome aux États-Unis en pratiquant la profession à laquelle il aspire au Canada est un facteur pertinent dont l'agent des visas devait tenir compte pour déterminer si la capacité d'un demandeur de réussir son installation au Canada est adéquatement reflétée dans le nombre de points d'appréciation qu'il a reçu sur la base des facteurs prévus à l'Annexe I.

[21]      Ce n'est toutefois pas à la Cour de juger si l'agent des visas a accordé un poids suffisant à cet aspect. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire est confié à l'agent des visas qui doit en décider au vu de tout le dossier, y compris le plus ou moins grand nombre de points d'appréciation qui font défaut au demandeur. C'est seulement si l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive, arbitraire ou déraisonnable que la Cour doit intervenir.

[22]      Le point de vue du demandeur voulant que l'agent des visas a agi de façon déraisonnable en donnant peu de poids à son autonomie financière est ancré dans sa conviction que le choix des immigrants indépendants porte essentiellement sur la question de savoir s'ils seront autonomes financièrement une fois au Canada. Dans un tel cas, la preuve d'autonomie financière aux États-Unis devrait avoir assez de poids pour qu'un tel demandeur ait prima facie droit à un visa ou, à tout le moins, à une entrevue.

[23]      Je ne suis pas de cet avis. Sans m'ingérer dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 11(3) accorde aux agents des visas, je crois que le pouvoir en question est de nature résiduelle et qu'il ne peut être exercé pour emporter une décision que lorsque les faits d'une affaire sont très particuliers ou lorsque le demandeur a presque atteint les 70 points d'appréciation.

[24]      L'outil principal permettant de décider de la délivrance de visas aux immigrants indépendants est l'évaluation des facteurs prévus à l'Annexe I, facteurs dont les agents des visas doivent tenir compte en vertu du paragraphe 8(1) du Règlement lorsqu'ils décident si un demandeur peut vraisemblablement réussir son installation au Canada. Un des objectifs de la législation mise en place pour l'évaluation des demandes de visas est de promouvoir la cohérence du processus décisionnel et d'éviter autant que possible l'exercice par les agents des visas d'un pouvoir discrétionnaire peu structuré et potentiellement arbitraire, situation qui se produirait vraisemblablement si ces derniers pouvaient évaluer les chances qu'un demandeur réussisse son installation sans faire référence à un cadre juridique précis.

[25]      En l'instance, le fait est que M. Chen était loin d'avoir obtenu le nombre de points d'appréciation lui donnant droit à une entrevue et encore plus loin du nombre requis pour l'obtention d'un visa. Au vu de la preuve, je ne suis pas convaincu que l'agent des visas a agi de façon déraisonnable en n'exerçant pas en faveur du demandeur le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3).

Question 3 :      L'agent des visas a-t-elle commis une erreur de droit en n'accordant au demandeur que 10 points d'appréciation pour le facteur études de l'Annexe I, plutôt que 13 points?

[26]      Le facteur études de l'Annexe I du Règlement prévoit l'attribution de dix points d'appréciation au demandeur qui a obtenu un diplôme d'études secondaires qui rend le titulaire admissible à des études universitaires. Le demandeur qui a obtenu un certificat de formation professionnelle d'un collège qui a comme prérequis un diplôme d'études secondaires de ce genre reçoit trois points d'appréciation additionnels.

[27]      Le demandeur a présenté ses diplômes d'études secondaires et de cuisine, documents mentionnés dans la liste qui se trouve dans la documentation envoyée par Immigration Canada aux personnes qui veulent faire une demande de visa. L'agent des visas a déclaré accorder le bénéfice du doute au demandeur, même si celui-ci n'avait pas soumis la preuve que son diplôme d'études secondaires le rendait admissible à des études universitaires. Elle lui a donc accordé dix points d'appréciation. Par contre, à défaut d'une preuve que l'admission au programme d'un an à l'école de cuisine de Fuzhou avait comme prérequis la détention d'un diplôme de ce genre, elle ne lui a pas accordé les trois points d'appréciation additionnels.

[28]          Même si le fardeau de démontrer qu'ils ont qualité pour obtenir un visa incombe aux demandeurs, je partage l'avis de M. Leahy lorsqu'il dit qu'il n'était pas juste de refuser d'accorder les trois points d'appréciation additionnels prévus pour le programme de l'école de cuisine uniquement parce que M. Chen n'avait pas fourni une documentation qu'on ne lui demandait pas. Avant de décider de ne pas lui accorder les points d'appréciation additionnels pour ce motif, l'agent des visas aurait dû en informer le demandeur et l'inviter à fournir la preuve requise.

[29]      On ne peut raisonnablement s'attendre à ce que les demandeurs connaissent les arcanes du cadre juridique applicable aux questions d'immigration, et qu'ils sachent ainsi qu'ils doivent fournir des renseignements sur leur éducation autres que ceux qui sont précisés dans la documentation qu'on leur envoie. Par conséquent, au vu des faits en l'instance, le défaut de l'agent des visas d'informer le demandeur quant à la nature de ses préoccupations et de lui donner l'occasion de fournir des informations additionnelles constitue une infraction aux règles de l'équité.

[30]      Toutefois, ce défaut d'équité procédurale n'entraîne pas l'annulation de la décision de refuser le visa car il n'a pas d'impact sur la décision. Même avec trois points d'appréciation de plus, le demandeur est encore très loin des 60 points nécessaires pour obtenir une entrevue.

Question 4 :      L'agent des visas a-t-elle commis une erreur de droit en refusant d'examiner l'expérience de travail du demandeur au motif qu'il n'avait pas reçu de formation structurée pour la profession de premier chef comme prévu au facteur de Préparation professionnelle spécifique (PPS) de l'Annexe I?

[31]      En évaluant M. Chen en vertu du CCDP, l'agent des visas a conclu que ce dernier ne répondait pas aux critères de formation prévus pour la profession de premier chef. Elle a considéré ce facteur comme un seuil à franchir avant que l'on puisse évaluer l'expérience d'un demandeur dans le domaine où il prévoit travailler au Canada. Elle a conclu que M. Chen n'avait pas les quatre années de formation structurée nécessaires pour une profession comme premier chef, ce qui lui aurait valu 18 points PPS, non plus qu'il n'avait apporté la preuve d'une formation sur le tas.

[32]      Selon l'avocat du demandeur, en procédant ainsi l'agent des visas a mis la charrue avant les boeufs. Elle aurait dû, selon lui, évaluer d'abord l'expérience du demandeur comme premier chef; ensuite, si elle avait conclu qu'il possédait l'expérience requise, elle devait automatiquement lui accorder les 18 points d'appréciation PPS prévus par la CCDP pour la profession de premier chef. En d'autres mots, il a plaidé que les points PPS sont accordés en fonction de l'expérience du demandeur dans la profession visée, et non de l'évaluation de la formation professionnelle de celui-ci.

[33]          M. Leahy s'appuie sur la décision dans Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 29 Imm. L.R. (2d) 222 (C.F. 1re inst.), dans laquelle on a jugé que l'agent des visas en cause avait accordé trop d'importance au fait que la demanderesse n'avait pas eu de formation structurée en tant que secrétaire juridique, alors qu'elle exerçait cette profession au Canada depuis plusieurs années. Selon l'avocat, la PPS peut être un élément important lorsque l'intéressé n'a pas ou a peu d'expérience dans la profession, mais elle ne compte pas autant lorsque le demandeur a de l'expérience dans la profession visée au Canada ou dans un pays où le contexte économique et social est comparable.

[34]      À mon avis, l'agent des visas n'a pas commis d'erreur de droit dans sa façon d'évaluer la PPS. La raison d'être de l'évaluation d'un demandeur en vertu de ce facteur est de permettre de déterminer si ce dernier a les qualifications que les employeurs canadiens considèrent nécessaires pour exercer la profession en cause. Une personne qui a lesdites qualifications sera moins souvent écartée par un employeur potentiel au motif qu'elle n'a " pas d'expérience canadienne ou un équivalent acceptable ". De plus, comme M. Leahy l'a fait valoir en l'instance, les dispositions de la loi devraient être interprétées dans le sens d'une évaluation de la probabilité qu'un demandeur réussisse son installation au Canada.

[35]          De plus, l'affaire Lee, précitée, peut être distinguée parce que la Cour y a conclu que l'agent des visas n'avait pas l'autorité requise pour exiger la formation structurée en question. La Cour écrit, à la page 222 :

                 Rien dans les lignes directrices de la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP) concernant les secrétaires juridiques n'envisage de telles exigences de formation.                 

Ce n'est pas le cas pour la profession de premier chef.

Question 5 :      L'agent des visas a-t-elle commis une erreur de droit dans le calcul des points d'appréciation à accorder au demandeur en vertu du Facteur études et formation (FEF) dans la CNP en fondant sa décision sur des données fournies par l'ordinateur?

[36]      Après qu'elle eut déterminé que le demandeur n'avait pas les points requis lorsqu'il était évalué en vertu de la CCDP, l'agent des visas s'est tournée vers la CNP pour évaluer la demande de M. Chen dans la catégorie de chef et chef de spécialités. Le facteur FEF de la CNP est l'équivalent du facteur PPS de la CCDP. L'agent des visas a calculé les points devant être accordés en rapport avec ce facteur en se fondant sur l'Index études et formation (IEF) dans la CNP pour la profession en cause et en convertissant les valeurs IEF en points d'appréciation FEF au moyen d'un logiciel prévu à cette fin.

[37]      Il faut insister ici sur le fait que ni la CCDP, ni la CNP n'ont été conçues pour évaluer les personnes faisant une demande de visa d'immigrant, mais bien d'abord et avant tout pour fournir aux Canadiens de l'information sur les carrières. Pour les chefs et chefs de spécialités, l'IEF assigne une valeur de " 4+ ". Le logiciel utilisé par les agents des visas pour transformer les valeurs IEF en point d'appréciation FEF accorde sept points FEF pour un " 4 " IEF, et 15 points FEF pour un " 5 " IEF. Le logiciel a donc accordé 7 points d'appréciation FEF pour la valeur IEF de " 4+ ".

[38]      Selon l'avocat du demandeur, l'agent des visas a restreint son pouvoir discrétionnaire de façon indue en se fondant sur le logiciel en question pour le calcul des points d'appréciation FEF. Il a plaidé que " 4+ " était à l'évidence plus que " 4 ", mais moins que les " 5 " qui auraient valu 15 points d'appréciation FEF, et donc que l'agent des visas aurait dû évaluer les études et la formation du demandeur pour fixer le chiffre approprié. Ce chiffre aurait dû se situer entre les sept points FEF qui sont accordés pour une valeur IEF de " 4 " et les 15 points FEF qui sont accordés pour une valeur IEF de " 5 ".

[39]      Je ne suis pas convaincu que l'agent des visas a commis une erreur de droit en suivant la méthode prescrite par Immigration Canada à ses agents pour l'établissement de ces calculs. L'avocat du défendeur, M. Lunney, a fait ressortir que rien dans la preuve ne permet de savoir ce que le chiffre " 4+ " veut dire. La conversion des valeurs IEF en points d'appréciation FEF est une question technique qui, en l'absence d'une preuve de mauvaise foi ou d'abus dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire, ne soulève aucune question de droit.

[40]          Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Comme je ne suis pas convaincu que les questions posées par M. Leahy, ou l'une d'entre elles, répondent aux critères prévus au paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, savoir que l'affaire soulève " une question grave de portée générale ", je n'ai pas certifié de question à porter en appel.

TORONTO (ONTARIO)      " John M. Evans "

    

Le 16 avril 1999.      J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Nom des avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-2225-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              HANQING CHEN,

                                             demandeur,

                             et
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE JEUDI 28 JANVIER 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE EVANS

EN DATE DU :                      VENDREDI 16 AVRIL 1999

ONT COMPARU :                      M. Timothy Leahy

                                 pour le demandeur

                             M. Kevin Lunney

                                 pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Timothy Leahy

                             408-5075, rue Yonge

                             Toronto (Ontario)

                             M2N 6C6

                                 pour le demandeur

                              Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général

                             du Canada

                            

                                 pour le défendeur

                            

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19990416

                        

         No du greffe : IMM-2225-98

                             Entre :

                             HANQING CHEN,

     demandeur,

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                        

     défendeur.

                    

                            

            

                                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                            

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