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     Date : 19980225

     Dossier : T-2446-97



ENTRE :



     WILLIAM KRAUSE ET PIERRE DESPRÉS

     EN LEUR NOM PERSONNEL ET EN LEUR QUALITÉ

     DE MEMBRES DE L'EXÉCUTIF DE

     L'ASSOCIATION DES EMPLOYÉ(E)S EN SCIENCES SOCIALES,

     EDWARD HALAYKO ET HELEN RAPP

     EN LEUR NOM PERSONNEL ET EN LEUR QUALITÉ

     DE MEMBRES DE L'EXÉCUTIF DE L'ASSOCIATION

     DES PENSIONNÉS ET RENTIERS MILITAIRES DU CANADA,

     LUC POMERLEAU ET LINE NIQUET EN LEUR NOM PERSONNEL

     ET EN LEUR QUALITÉ DE MEMBRES DE L'EXÉCUTIF

     DU SYNDICAT CANADIEN DES EMPLOYÉS PROFESSIONNELS

     ET TECHNIQUES, ET WAYNE C. FOY EN SON NOM PERSONNEL

     ET EN SA QUALITÉ DE MEMBRE DE L'EXÉCUTIF DE

     L'ASSOCIATION DU GROUPE DE LA NAVIGATION AÉRIENNE,

     requérants,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     intimée.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]      L'intimée demande par voie de requête la radiation de l'avis de requête introductive d'instance des requérants au motif que cet avis n'est pas conforme à la règle 1602 des Règles de la Cour fédérale1. Plus précisément, l'avis de requête introductive d'instance a été déposé et signifié hors délai; le nom de l'office fédéral visé dans la demande n'est pas indiqué; la date et les particularités de la décision, de l'ordonnance ou de toute autre question à l'égard de laquelle le contrôle judiciaire est demandé ne sont pas indiquées; et " Sa Majesté la Reine du chef du Canada " est incorrectement désignée à titre d'intimée.

[2]      Dans une requête incidente, les requérants demandent le rejet de la requête en radiation de l'intimée en niant principalement le non-respect du délai de prescription étant donné que la demande repose sur un manquement répété et continu à l'obligation de l'intimée.

[3]      À titre subsidiaire, les requérants demandent la prorogation du délai de dépôt de leur avis de requête introductive d'instance et la modification de cet avis et de leurs affidavits de manière à désigner " Le président du Conseil du Trésor " et "Le ministre des Finances " à titre d'intimés.

[4]      Enfin, les requérants demandent subsidiairement à la Cour d'instruire leur demande comme s'il s'agissait d'une action en application du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale2.

GENÈSE DE L'INSTANCE

[5]      Les requérants3 ont déposé une demande de contrôle judiciaire le 13 novembre 1997. Dans leur avis de requête introductive d'instance, ils affirment que l'intimée n'observe pas strictement les dispositions de la Loi sur la pension de la fonction publique4 (LPFP) et de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes5 (LPRFC), en particulier quand il s'agit d'administrer le compte de pension de retraite de la fonction publique (le compte PRFP) et le compte de pension de retraite des Forces canadiennes (le compte PRFC).

[6]      La LPFP et la LPRFC instituent des régimes de retraite pour certains employés du secteur public. Ces deux lois prescrivent la création de " comptes de pension de retraite ", qui sont des comptes internes du gouvernement du Canada dont les soldes font partie de la dette publique. Les prestations à payer sont portées au débit de ces comptes, tandis que les cotisations patronales et salariales, de même que l'intérêt sur les soldes sont portés au crédit. Les cotisations patronales et l'intérêt représentent des dépenses publiques et doivent être portés au crédit des comptes en vertu du paragraphe 44(1) de la LPFP et du paragraphe 55(1) de la LPRFC. Ces dispositions sont ainsi libellées :


44.(1)      There shall be credited to the Superannuation Account in each fiscal year

(a) in respect of every month, an amount equal to the total of

     (i) an amount matching the total amount estimated by the Minister to have been paid into the Account during the month by way of contributions in respect of current service other than current service with any Public Service corporation or other corporation as defined in section 37, and
     (ii) such additional amount as is determined by the Minister to be required to provide for the cost of the benefits that have accrued in respect of that month in relation to current service and that will become chargeable against the Account;

(b) in respect of every month, such amount in relation to the total amount paid into the Account during the preceding month by way of contributions in respect of past service as is determined by the Minister; and

(c) an amount representing interest on the balance from time to time to the credit of the Account, calculated in such manner and at such rates and credited at such times as the regulations provide, but the rate for any quarter in a fiscal year shall be at least equal to the rate that would be determined for that quarter using the method set out in section 46 of the Public Service Superannuation Regulations, as that section read on March 31, 1991.

55.(1)      There shall be credited to the Superannuation Account in each fiscal year

(a) in respect of every month, an amount equal to the amount estimated by the President of the Treasury Board to be required to provide for the cost of the benefits that have accrued in respect of that month and that will become chargeable against the Account; and

(b) an amount representing interest on the balance from time to time to the credit of the Account, calculated in such manner and at such rates and credited at such times as the regulations provide, but the rate for any quarter in a fiscal year shall be at least equal to the rate that would be determined for that quarter using the method set out in section 36 of the Canadian Forces Superannuation Regulations, as that section read on March 31, 1991.

44. (1) Lors de chaque exercice, sont portés au crédit du compte de pension de retraite_:

a) pour chaque mois, un montant égal à la somme des montants suivants_:

     (i) le montant correspondant à la somme globale que le ministre estime avoir été versée au compte au cours du mois sous la forme de contributions à l'égard du service en cours autre que le service en cours auprès d'un organisme de la fonction publique ou autre organisme défini à l'article 37,
     (ii) le montant additionnel qui, selon le ministre, est nécessaire pour couvrir le coût des prestations acquises pour ce mois relativement au service en cours et qui deviendront imputables au compte;

b) pour chaque mois, le montant que le ministre détermine en fonction de la somme globale versée au compte pendant le mois précédent sous forme de contributions à l'égard d'un service passé;

c) le montant qui représente l'intérêt sur le solde figurant au crédit du compte, calculé de la manière et selon les taux et porté au crédit aux moments fixés par règlements. Toutefois, le taux applicable à un trimestre donné au cours d'un exercice doit être au moins égal à celui qui serait obtenu pour le même trimestre par la méthode de calcul prévue à l'article 46 du Règlement sur la pension de la fonction publique, dans sa version du 31 mars 1991.








55. (1) Lors de chaque exercice, sont portés au crédit du compte de pension de retraite :

a) pour chaque mois, le montant que le président du Conseil du Trésor estime nécessaire pour couvrir le coût des prestations acquises pour ce mois et qui deviendront imputables au compte;

b) le montant qui représente l'intérêt sur le solde figurant au crédit du compte, calculé de la manière et selon les taux et porté au crédit aux moments que peuvent fixer les règlements. Toutefois, le taux applicable à un trimestre donné au cours d'un exercice doit être au moins égal à celui qui serait obtenu pour le même trimestre par la méthode de calcul prévue à l'article 36 du Règlement sur la pension de retraite des Forces canadiennes, dans sa version du 31 mars 1991.

[7]      Ainsi qu'il est mentionné dans ces dispositions, le gouvernement doit porter au crédit des comptes non seulement un montant correspondant au total des cotisations salariales, mais aussi le montant qui, de l'avis du président du Conseil du Trésor, est nécessaire pour garantir que les obligations futures découlant des régimes de retraite relativement au service en cours des employés de la fonction publique sont entièrement capitalisées. Ce dernier montant représente la différence entre l'estimation actuarielle faite par l'actuaire en chef de la valeur courante des prestations de retraite futures à payer relativement au service en cours et les cotisations faites par les employés.

[8]      Selon les requérants, le compte PRFP et le compte PRFC sont excédentaires depuis environ 19926. Un compte est excédentaire lorsque le solde est supérieur à l'obligation ou à l'engagement au titre des prestations de retraite futures, établi au moyen de calculs actuariels. En revanche, un compte est déficitaire lorsque l'engagement est supérieur au solde du compte.

[9]      Conformément aux pratiques comptables recommandées par l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA) pour les engagements au titre des prestations de retraite, le gouvernement a entrepris d'amortir les gains ou les pertes sur une période de plusieurs années. Comme M. Potts l'explique dans son affidavit7 :

     [traduction] Comme les engagements en matière de prestations de retraite de tous les régimes de retraite du secteur public du gouvernement du Canada sont élevés (93,6 milliards de dollars), de légères inexactitudes dans la prévision des facteurs employés pour calculer l'engagement peuvent entraîner d'importants gains et pertes actuariels (jusqu'à 10 milliards de dollars par année). Le fait d'inclure ces gains ou ces pertes dans le déficit annuel pourrait faire fluctuer considérablement le déficit ou l'excédent du gouvernement et embrouiller les résultats d'exploitation du gouvernement. Par conséquent, l'ICCA recommande l'étalement, ou l'amortissement, de ces gains ou pertes sur plusieurs années de manière à atténuer l'effet produit sur le déficit ou l'excédent annuel. Plus précisément, l'ICCA recommande d'utiliser la durée moyenne estimative des années de service restantes des employés comme période d'amortissement des gains ou des pertes. Dans le cas du gouvernement fédéral, cette période est d'environ treize ans.

[10]      Cet amortissement s'effectue au moyen d'un compte distinct appelé " provision pour redressement au titre des régimes de retraite ". Ce compte a été créé au cours de l'exercice 1989-19908 en vertu du pouvoir que l'alinéa 64(2)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques9 confère au président du Conseil du Trésor et au ministre des Finances. Voici le libellé de cette disposition :

64.(2)      The Public Accounts shall be in such form as the President of the Treasury Board and the Minister may direct, and shall include

     ...

(d) such other accounts and information relating to the fiscal year as are deemed necessary by the President of the Treasury Board and the Minister to present fairly the financial transactions and the financial position of Canada or as are required by this Act or any other Act of Parliament to be shown in the Public Accounts.

64.(2) Les Comptes publics, à présenter en la forme fixée par le président du Conseil du Trésor et le ministre, comportent les éléments suivants_:

     ...

d) les autres comptes et renseignements relatifs à l'exercice que le président du Conseil du Trésor et le ministre jugent nécessaires à une présentation sincère des opérations et de la situation financières du Canada ou à faire figurer aux termes de la présente loi ou d'une autre loi fédérale.

[11]      Les requérants soutiennent qu'en utilisant la provision pour redressement au titre des régimes de retraite, l'intimée a omis ou refusé de porter ou de conserver les montants nécessaires au crédit des comptes PFP et PRFC. Selon eux, l'intimée a affecté des portions des montants portés ou devant être portés au crédit de ces comptes à d'autres dépenses budgétaires ou à la dette publique, et a débité ou réduit les comptes d'une manière interdite par la loi. Par conséquent, les requérants demandent une ordonnance de mandamus enjoignant à l'intimée de porter au crédit des comptes de pension de retraite les montants nécessaires qui ont été irrégulièrement débités ou n'ont pas été crédités et de conserver au crédit des comptes tous les montants nécessaires. Ils demandent également une ordonnance interdisant à l'intimée de débiter les comptes, ainsi qu'un jugement déclaratoire portant que l'utilisation de la provision pour redressement au titre des régimes de retraite contrevient à la loi.

ANALYSE

[12]      Le pouvoir de radier un avis de requête introductive d'instance est inhérent à la compétence de la Cour. Toutefois, la Cour ne peut exercer ce pouvoir discrétionnaire que dans les cas patents, lorsque la requête est manifestement irrecevable au point d'être vouée à l'échec10. Comme l'a déclaré le juge MacKay dans l'affaire Vancouver Island Peace Society c. Canada11 :

     Je n'ai aucun doute que la compétence inhérente de la Cour pour contrôler sa propre procédure comprend le pouvoir discrétionnaire de radier une requête introductive d'instance de contrôle judiciaire. Cependant, ce pouvoir discrétionnaire ne doit être exercé que si la requête introductive d'instance est manifestement irrecevable. [...] Il se peut que des questions de compétence ou des questions relatives à la manière dont la requête et les documents présentés à l'appui sont formulés amènent la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire de radier une requête, sans que celle-ci ne soit plaidée au fond12.

[13]      Ainsi qu'il a été mentionné plus haut, l'intimée demande par voie de requête la radiation de l'avis de requête introductive d'instance des requérants au motif que cet avis a été déposé après l'expiration du délai de trente jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi. Cette disposition est ainsi libellée :

18.1(2) An application for judicial review in respect of a decision or order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within thirty days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected thereby, or within such further time as a judge of the Trial Division may, either before or after the expiration of those thirty days, fix or allow.

18.1(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

[14]      Selon l'intimée, l'avis de requête introductive d'instance des requérants ne précise pas la date de la décision ou de l'ordonnance que ceux-ci désirent contester, de sorte qu'il est impossible de savoir si la demande a été déposée à temps.

[15]      À l'audience, les requérants ont affirmé qu'ils contestent la pratique du gouvernement qui consiste à distraire des régimes de retraite en cause une portion amortie de l'excédent. Ils qualifient cette pratique de " processus continu " dans le cadre duquel un certain nombre de décisions sont prises, par opposition à une seule décision. Dans des cas pareils, la Cour a autorisé l'introduction d'instances en contrôle judiciaire en dehors du délai prévu puisqu'il est impossible de relever une date ou une décision précise13.

[16]      Enfin, les requérants soutiennent que la décision de distraire des régimes de retraite des portions amorties de l'excédent n'a jamais fait l'objet d'une " communication " aux parties concernées, comme le prévoit le paragraphe 18.1(2) de la Loi.

[17]      Selon moi, le mot " objet " employé au paragraphe 18.1(1) et le mot " question " qui figure dans le libellé de l'alinéa 1602(2)f ) des Règles de la Cour fédérale expriment moins un processus continu que la nécessité de trouver des mots pour désigner diverses mesures administratives qui comprendraient par exemple des mesures administratives ainsi que des mesures judiciaires ou quasi-judiciaires.

[18]      Madame le juge Desjardins a exprimé ce point de vue dans le cadre d'une conférence intitulée [traduction] " Contrôle de mesures administratives devant la Cour fédérale du Canada : Le nouveau style dans un cadre pluraliste "14 :

     [traduction] On ne répète pas non plus l'expression " décision ou [...] ordonnance " dans le nouvel alinéa 18.1(1). Seul le mot " objet " est employé. Assurément, le mot " objet " englobe des décisions administratives ainsi que des décisions judiciaires et quasi-judiciaires, étant donné que toutes les demandes de contrôle judiciaire sont visées par le nouvel article 18.1. La question de savoir si le mot " objet " s'appliquera aux décisions provisoires des offices fédéraux ainsi qu'aux décisions définitives sera tranchée dans des affaires à venir15.

[19]      Bien entendu, dans des circonstances exceptionnelles comme celles de l'affaire Puccini c. Canada (Directeur général, Services de l'administration corporative, Agriculture Canada)16, il peut y avoir un processus continu qui fait en sorte qu'il est impossible de relever une date. Toutefois, je ne puis accepter l'argument des requérants que la " pratique " contestée est une décision continue et conclure que la demande de contrôle judiciaire n'a pas été déposée tardivement.

[20]      Dans l'affaire Drolet c. Surintendant des faillites et autre17, le requérant demandait le contrôle de la décision du surintendant des faillites et du surintendant adjoint pour le district du Québec, ceux-ci ayant systématiquement refusé de délivrer des certifications de nomination comme syndic au nom du requérant. Ce dernier a qualifié la décision contestée de décision continue pour tenter d'échapper à l'effet du paragraphe 18.1(2). Le juge Teitelbaum a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Il a statué que le délai de trente jours avait commencé à courir à la date de la décision initiale de l'office fédéral et non à la date des refus subséquents étant donné que ces refus découlaient de la décision initiale :

     J'estime que la demande de contrôle judiciaire a été présentée hors délai parce que je suis convaincu que la seule décision en cause est la première décision des intimés de refuser d'accepter les requêtes du requérant. Tout refus subséquent découlerait de la première décision du 1er septembre 1995, par laquelle les intimés ont refusé d'accepter des requêtes de faillite dans lesquelles le requérant se désignerait comme syndic sans être associé à un cabinet de syndics, contrairement aux exigences formulées par les intimés ou, ainsi que ces derniers le soutiennent, contrairement aux conditions applicables à la licence du requérant18.

[21]      En l'espèce, une décision initiale a été prise au moment de la création de la provision pour redressement au titre des régimes de retraite au cours de l'exercice 1989-1990. Les requérants soutiennent qu'ils ne contestent pas cette décision, mais la pratique consistant à amortir l'excédent. À supposer que cette pratique constitue une " décision ", elle a quand même un point de départ. Elle a commencé en 1993-1994.

[22]      C'est cette décision qui est renouvelée d'année en année. Toute décision subséquente de distraire des régimes de retraite une portion amortie de l'excédent découle de cette décision initiale.

[23]      À mon avis, admettre qu'une " nouvelle " décision est prise chaque année pourrait provoquer une " avalanche " de demandes de contrôle judiciaire. Une partie concernée pourrait bien déposer un avis de requête introductive d'instance chaque fois qu'un office fédéral prend des mesures découlant de sa décision initiale.

[24]      Quant à l'argument des requérants selon lequel la décision ne leur a jamais été communiquée, je ne puis l'accepter. La décision d'amortir l'excédent a bel et bien été communiquée aux parties concernées au moyen de sa publication dans les Comptes publics du Canada.

[25]      En conséquence, je conclus que la demande de contrôle judiciaire est prescrite.

[26]      Je dois maintenant examiner la requête présentée par les requérants en vue d'obtenir la prorogation du délai de présentation de leur demande de contrôle judiciaire. Il est bien établi que l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire après l'expiration du délai prévu par la loi ne sera accordée que si les critères suivants sont respectés : (i) les requérants peuvent expliquer d'une manière satisfaisante leur défaut d'agir en temps voulu; et (ii) ils ont une cause défendable19.

[27]      En l'espèce, les requérants n'ont fourni aucune explication sur la tardiveté de leur demande autre que le caractère continu de la pratique à l'origine de l'espèce. Comme j'ai déjà conclu qu'il ne s'agit pas d'un " processus continu ", cette explication me paraît insuffisante. De plus, comme les requérants ont eux-mêmes reconnu que la pratique contestée a commencé en 1993-1994, ils auraient dû dire pourquoi ils ont attendu si longtemps avant d'agir. Puisqu'ils ne l'ont pas fait, il ne me paraît pas nécessaire de déterminer si la présente demande a des chances sérieuses de réussir.

[28]      La requête en prorogation de délai est rejetée.

[29]      Dans l'éventualité où cette autorisation n'est pas accordée, les requérants demandent à la Cour d'instruire leur demande comme s'il s'agissait d'une action en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale.

[30]      Toutefois, comme l'a souligné l'intimée, les mesures de réparation demandées par les requérants (brefs de prohibition et de mandamus et jugement déclaratoire) ne peuvent être accordées que dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l'article 18.1 de la Loi, de sorte qu'une action ne saurait accorder une réparation utile aux requérants. Je partage entièrement ce point de vue.

[31]      En conséquence, la requête en radiation de l'avis de requête introductive d'instance des requérants est accueillie et la requête incidente des requérants est rejetée.




                                 Danièle Tremblay-Lamer

                                         Juge






OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 février 1998






Traduction certifiée conforme


Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :                  T-2446-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              WILLIAM KRAUSE ET AUTRES C. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :              LE 17 FÉVRIER 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :                      25 FÉVRIER 1998




ONT COMPARU :

Me PETER ENGELMANN                      POUR LES REQUÉRANTS

Me RICHARD ELLIS


Me JAN BRONGERS                      POUR L'INTIMÉE





PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

CAROLINE ENGELMANN GOTTHEIL              POUR LES REQUÉRANTS

OTTAWA (ONTARIO)


GEORGE THOMSON                          POUR L'INTIMÉE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

__________________

     1      C.R.C. 1978, ch. 663.

     2      L.R.C. (1985), ch. F-7.

     3      Les requérants présentent la demande en leur nom personnel en tant que membres en service ou à la retraite de la fonction publique, ainsi qu'en leur qualité de membres de l'exécutif de plusieurs syndicats et associations représentant des membres en service ou à la retraite du secteur public (comme l'Association des employé(e)s en sciences sociales, l'Association du groupe de la navigation aérienne, le Syndicat canadien des employés professionnels et techniques et l'Association des pensionnés et rentiers militaires du Canada). Les requérants et les membres de leurs associations respectives sont des cotisants à des régimes de retraite créés en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-36, et de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-17, ou des prestataires (dans le cas des retraités ou de leurs survivants) de ces régimes.

     4      Ibid.

     5      Supra, note 3.

     6      Affidavit en date du 13 novembre 1997 de Walter Kelm, à la p. 4. Il est mentionné au par. 38 de l'affidavit de J. Colin Potts déposé par les intimés que, [traduction] " le 31 mars 1997, les soldes des compte PRFP et PRFC dépassaient les engagements calculés sur une base actuarielle au titre des prestations de retraite ".

     7      Affidavit de J. Colin Potts, au par. 36.

     8      Ibid., au par. 37.

     9      L.R.C. (1985), ch. F-11.

     10      David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, à la p. 600 (C.A.); Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102, à la p. 121 (1re inst.).

     11      Ibid.

     12      Ibid., à la p. 121.

     13      Puccini c. Canada (Directeur général, Services de l'administration corporative, Agriculture Canada), [1993] 3 C.F. 557 (1re inst.).

     14      A. Desjardins, " Review of Administrative Action in the Federal Court of Canada: The New Style in a Pluralist Setting " dans Special Lectures of the Law Society of Upper Canada 1992 (Toronto: Carswell, 1992) 405.

     15      Ibid., à la p. 429.

     16      Supra, note 13.

     17      (1997), 118 F.T.R. 147 (1re inst.).

     18      Ibid., aux p. 152 et 153.

     19      Conseil des Canadiens et autres c. Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence et autres (1997), 212 N.R. 254 (C.A.F.); Grewal c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 263 (C.A.).

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