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Date : 20010703

Dossier : IMM-3751-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 3 JUILLET 2001

En présence de :         M. LE JUGE W. P. McKEOWN

ENTRE :

SUKDEV BASSAN, PARAMJIT K. BASSAN,

SUNNY BASSAN et BUNNY BASSAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 21 juin 2000 est annulée. L'affaire est renvoyée au défendeur pour réexamen et nouvelle décision par un agent d'immigration différent.

                                                                                                                                             W.P. McKeown

                                                                                                                                                               JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20010731

Dossier : IMM-3751-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 31 JUILLET 2001

En présence de :         M. LE JUGE W. P. McKEOWN

ENTRE :

SUKDEV BASSAN, PARAMJIT K. BASSAN,

SUNNY BASSAN et BUNNY BASSAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                         ORDONNANCE MODIFIÉE

La présente ordonnance modifie mon ordonnance du 3 juillet 2001.

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 21 juin 2000 est annulée. L'affaire est renvoyée au défendeur pour réexamen et nouvelle décision par un agent d'immigration différent.

Les deux questions suivantes sont certifiées :


1.                    En décidant d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, un agent d'immigration peut-il tenir compte du fait qu'un demandeur savait que son statut d'immigration était incertain lorsqu'il a procédé à la conception de l'enfant né au Canada, dans la mesure où ce fait est lié aux épreuves qu'il doit subir?

2.                    Au vu de l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, quel est le sens de la déclaration qu'on doit porter attention et être sensible aux intérêts de l'enfant, et cette exigence vient-elle inverser le fardeau et imposer une obligation à l'agent d'immigration de s'enquérir des intérêts de l'enfant, en sus de ce qu'un demandeur a pu alléguer?

                                                                                                                                       « W.P. McKeown »

                                                                                                                                                               JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20010703

Dossier : IMM-3751-00

Référence neutre : 2001 CFPI 742

ENTRE :

SUKDEV BASSAN, PARAMJIT K. BASSAN,

SUNNY BASSAN et BUNNY BASSAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'une agente d'immigration en date du 21 juin 2000, rendue en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, tel que modifié (ci-après la Loi sur l'immigration ou la Loi), par laquelle elle refusait d'accorder une dispense des exigences du paragraphe 9(1) de la Loi pour des raisons d'ordre humanitaire.

[2]                 Voici les questions en litige :


           1.        L'agente d'immigration a-t-elle commis une erreur ne concluant que les demandeurs ne s'étaient pas établis au Canada, sauf [Traduction] « à un niveau minimal » ?

          2.        L'agente d'immigration a-t-elle fait preuve de partialité?

          3.        L'agente d'immigration a-t-elle tenu compte d'une considération étrangère et préjudicielle, savoir la décision des parents d'avoir un autre enfant alors qu'ils savaient que leur statut au Canada était précaire, ne tenant ainsi pas compte des intérêts supérieurs de l'enfant né au Canada?

Analyse


[3]                 L'agente d'immigration a conclu que le demandeur et sa famille ne s'étaient établis au Canada qu'à un niveau minimal. Bien que dans les circonstances j'aurais pu conclure que les demandeurs s'étaient établis au Canada, l'agente d'immigration n'a pas commis une erreur qui obligerait à renvoyer l'affaire à un agent d'immigration différent. L'agente d'immigration a fait état des antécédents de travail du demandeur, du fait qu'il était propriétaire d'un commerce, qu'il avait pris des cours de métiers au Canada, ainsi que du fait que son épouse avait un certificat d'anglais langue seconde. Elle a aussi noté que les deux fils à charge plus âgés allaient à l'école primaire, tout en concluant qu'ils étaient assez jeunes pour s'assimiler à un nouvel environnement. Elle a aussi tenu compte du fait que la famille fréquentait le temple sikh. Elle a tenu compte de plusieurs autres facteurs qui étaient favorables aux demandeurs, tout en concluant que leur installation n'atteignait pas un niveau tel qu'ils seraient soumis à des difficultés indues, imméritées ou disproportionnées s'ils devaient présenter leur demande d'établissement de l'extérieur du Canada. Il n'est pas clair que cette conclusion soit erronée.

[4]                 La conclusion de l'agente d'immigration, que le demandeur soutient être une démonstration d'une crainte raisonnable de partialité, est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

LE DEMANDEUR A EU UNE FILLE AU CANADA À UN MOMENT OÙ SON STATUT D'IMMIGRANT ÉTAIT INCERTAIN. C'EST LÀ UNE SITUATION DONT IL EST SEUL RESPONSABLE.

Cette déclaration ne porte que sur l'établissement. Elle peut être pertinente dans la mesure où il n'y a pas lieu de la considérer comme appuyant la démonstration que le demandeur veut faire de son établissement. Toutefois, ma préoccupation en l'instance est due au fait que cette déclaration dans les notes de l'agente d'immigration se situe juste avant la déclaration suivante portant sur l'intérêt supérieur de l'enfant qui est citoyen canadien. L'agente d'immigration déclare ceci :

[TRADUCTION]

LA FILLE NÉE AU CANADA, AINSI QUE LES AUTRES PERSONNES À CHARGE, SONT ASSEZ JEUNES POUR S'ASSIMILER À UN NOUVEL ENVIRONNEMENT ET ILS NE SERAIENT PAS SOUMIS À DES DIFFICULTÉS INDUES OU DISPROPORTIONNÉES S'ILS ÉTAIENT RENVOYÉS EN INDE.


Je ne peux trouver aucun autre commentaire au dossier soumis par l'agente d'immigration au sujet de la fille née au Canada, sauf pour une mention sous l'en-tête « Commentaire de l'avocat » qui déclare à son sujet qu'il [Traduction] « n'est pas dans son intérêt supérieur de la renvoyer au Pendjab » . Je ne conclus pas que cette déclaration de l'avocat établit le fait, mais le manque de preuve au sujet de l'enfant vient m'indiquer qu'on a peu tenu compte des intérêts de l'enfant né au Canada. Comme Mme le juge L'Heureux-Dubé l'a déclaré dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 74 et 75 :

Par conséquent, l'attention et la sensibilité à l'importance des droits des enfants, de leur intérêt supérieur, et de l'épreuve qui pourrait leur être infligée par une décision défavorable sont essentielles pour qu'une décision d'ordre humanitaire soit raisonnable.

...

Cela ne veut pas dire que l'intérêt supérieur des enfants l'emportera toujours sur d'autres considérations, ni qu'il n'y aura pas d'autres raisons de rejeter une demande d'ordre humanitaire même en tenant compte de l'intérêt des enfants. Toutefois, quand l'intérêt des enfants est minimisé, d'une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

L'agente d'immigration ne s'est pas posée la question de savoir s'il était possible que l'enfant demeure au Canada au départ de ses parents, même si la présence de deux parents fait qu'il serait rare qu'il soit dans l'intérêt supérieur de l'enfant de demeurer au Canada sans ses parents et ses frères et soeurs.


[5]                 Comme on l'indique dans l'arrêt Baker, précité, la présence de la fille née au Canada et le fait qu'elle a besoin de ses parents sont des facteurs dont il faut tenir compte dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre. Ceci ne veut pas dire que dans chaque cas le pouvoir discrétionnaire du ministre sera exercé de façon à ce que l'enfant né au Canada reste au Canada. Toutefois, en l'instance et dans le contexte des notes de l'agente d'immigration, je m'inquiète du fait qu'elle semble vouloir faire payer à l'enfant né au Canada les erreurs de ses parents. L'obligation de porter attention et d'être sensible aux intérêts de l'enfant n'est pas satisfaite lorsqu'on ne fait qu'identifier les raisons de ne pas leur accorder de poids. Le fait de suggérer que les intérêts de l'enfant seraient aussi bien servis si elle accompagnait ses parents en Inde, puisqu'elle reste une citoyenne canadienne quel que soit son lieu de résidence, ne tient pas compte du paragraphe 4(2) de la Loi sur l'immigration qui porte que :


Sous réserve des autres lois fédérales, les citoyens canadiens et, sauf s'il a été établi qu'ils appartiennent à l'une des catégories visées au paragraphe 27(1), les résidents permanents ont le droit de demeurer au Canada.

Subject to any other Act of Parliament, a Canadian citizen and a permanent resident have a right to remain in Canada except where, in the case of a permanent resident, it is established that that person is a person described in subsection 27(1).


[6]                 Un agent examinant les raisons d'ordre humanitaire doit aller plus loin dans son enquête lorsqu'un enfant né au Canada est en cause, afin de démontrer l'attention et la sensibilité requises à l'importance des droits de l'enfant, de son intérêt supérieur et à l'épreuve qui pourrait lui être infligée par une décision défavorable. Comme l'indique Mme L'Heureux-Dubé, de telles démarches « sont essentielles pour qu'une décision d'ordre humanitaire soit raisonnable » .

[7]                 Selon moi, le fait que l'agente d'immigration n'a pas examiné les questions relatives à l'intérêt supérieur de l'enfant indique qu'elle n'a pas répondu aux exigences précisées dans l'arrêt Baker, précité. L'approche adoptée par l'agente d'immigration fait peu de cas des intérêts de l'enfant né au Canada et elle est donc déraisonnable, à mon avis.

[8]                 La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 21 juin 2000 est annulée. L'affaire est renvoyée au défendeur pour réexamen et nouvelle décision par un agent d'immigration différent.


[9]                 Les deux questions suivantes sont certifiées :

3.                    En décidant d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, un agent d'immigration peut-il tenir compte du fait qu'un demandeur savait que son statut d'immigration était incertain lorsqu'il a procédé à la conception de l'enfant né au Canada, dans la mesure où ce fait est lié aux épreuves qu'il doit subir?

4.                    Au vu de l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, quel est le sens de la déclaration qu'on doit porter attention et être sensible aux intérêts de l'enfant, et cette exigence vient-elle inverser le fardeau et imposer une obligation à l'agent d'immigration de s'enquérir des intérêts de l'enfant, en sus de ce qu'un demandeur a pu alléguer?

                                                                                         W.P. McKeown

                                                                                                           JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a. , LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  IMM-3751-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :    SUKDEV BASSAN ET AUTRES c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 26 JUIN 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE W.P. McKEOWN

EN DATE DU :                                       3 JUILLET 2001

ONT COMPARU

MUNYONZWE HAMALENGWA

POUR LE DEMANDEUR

AMINA RIAZ

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

MUNYONZWE HAMALENGWA                                            POUR LE DEMANDEUR

TORONTO (ONTARIO)

MORRIS ROSENBERG                                                              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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