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     Date : 19981113

     Dossier : IMM-5833-98

     IMM-5834-98

     IMM-5836-98

     IMM-5839-98

     IMM-5833-98

ENTRE :

     AI JUAN YANG,

     requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé,

     IMM-5834-98

ET ENTRE :

     CUI WAN SU,

     alias SHUN HAR LEE,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé,



     IMM-5836-98

ET ENTRE :

     CAN XING YANG,

     alias KA HO KARL SO,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé,

     IMM-5839-98

ET ENTRE :

     YIN BIN YANG,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

[1]      Les présentes requêtes déposées par Ai Juan Yang, Cui Wan Su et Can Xing Yang, qui sont des citoyens de la République populaire de Chine, visent à obtenir un sursis à l'exécution de leur renvoi à Hong Kong demain conformément à des mesures d'exclusion prises le 9 mars 1998, après leur arrivée à l'aéroport international de Vancouver plus tôt ce jour-là.

[2]      Une requête similaire a été déposée relativement à Yin Bin Yang, qui est également un citoyen de la République populaire de Chine, mais le ministre ou ses fonctionnaires ont renvoyé sa revendication du statut de réfugié à la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié lorsqu'ils ont découvert qu'il était mineur, et son renvoi a été annulé en attendant la décision de la Section du statut. Par conséquent, aucun sursis n'est demandé en ce qui le concerne.

[3]      Des mesures d'exclusion ont été prises contre les requérants au motif qu'ils n'étaient pas admissibles en vertu de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] [modifiée] puisqu'ils n'étaient pas en possession de passeports ou d'autres documents de voyage en cours de validité, ainsi que l'exige le paragraphe 14(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172] [modifié]. Les fonctionnaires de l'Immigration qui les ont interrogés étaient d'avis que les documents de voyage délivrés à Hong Kong étaient faux; de fait, Ai Juan Yang a reconnu qu'elle était née en Chine et qu'elle avait acheté son passeport à Hong Kong.

[4]      Aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi sur l'immigration, une personne frappée d'une mesure de renvoi est dans l'impossibilité de revendiquer par la suite le statut de réfugié : suivant la définition qui figure au paragraphe 2(1), une " mesure de renvoi " comprend une mesure d'exclusion.

[5]      Mme Tammy Sigurdson est l'AIS qui, avec son collègue M. Jan Tsang, a interrogé les requérants et pris les mesures d'exclusion. Dans son affidavit, elle a déclaré qu'avant la prise de ces mesures, les requérants ont affirmé qu'ils séjourneraient au Canada pendant deux ou trois semaines, qu'ils n'avaient pas de problèmes en Chine ni à Hong Kong, et qu'ils ne craignaient pas d'y être renvoyés. Elle a en outre mentionné que les requérants avaient été mis au courant de la teneur des mesures d'exclusion et avaient été avisés de l'importance de la prise de ces mesures et de l'existence d'un droit d'appel. On leur a également demandé s'ils comprenaient ces explications et s'ils avaient des questions; ils ont répondu qu'ils comprenaient et qu'ils n'avaient pas de questions.

[6]      Après la prise des mesures d'exclusion, les requérants ont été avisés que la constitution leur reconnaissait le droit à l'assistance d'un avocat et ils ont obtenu le numéro de téléphone d'un avocat. Mme Sigurdson a également déclaré qu'un autre fonctionnaire, M. Kooner, avait pris des arrangements en vue de leur transport jusqu'au centre de détention; comme il s'agissait d'une façon de faire courante, elle a cru que M. Kooner aiderait les requérants à communiquer avec un avocat s'ils le désiraient.

[7]      Dans leurs affidavits, les requérants ont déclaré que les demandes qu'ils ont faites pendant leur détention en vue de communiquer avec un avocat et de revendiquer le statut de réfugié ont été refusées. Ils ont également affirmé qu'on avait menacé de les menotter s'ils parlaient et qu'on leur avait servi un seul repas par jour. L'avocate de l'intimé a affirmé que le ministre avait pris ces allégations très au sérieux, mais avait refusé d'admettre leur véracité.

[8]      L'avocat des requérants a demandé un sursis à l'exécution de leur renvoi au motif qu'ils avaient été privés du droit à l'assistance d'un avocat qui est garanti à l'article 7 et à l'alinéa 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, et du droit à l'examen du bien-fondé de leur revendication en conformité avec l'article 7 de la Charte.

[9]      Je doute fort que j'aie compétence pour accorder un sursis sur la base de la preuve et des arguments qui m'ont été soumis. Les affidavits des requérants ne contredisent pas celui de l'AIS qui a déclaré que les requérants avaient nié, lorsqu'on leur a posé la question, avoir des problèmes à Hong Kong ou en Chine, ou craindre d'y retourner. Par conséquent, j'ai de la difficulté à comprendre comment leur renvoi porterait atteinte à un droit reconnu par la constitution.

[10]      Selon moi, le fait que, par la suite, les requérants auraient été privés du droit de communiquer avec un avocat et n'auraient pu revendiquer le statut de réfugié n'invalide pas, selon moi, les mesures d'exclusion ou leur renvoi. Comme les requérants ont eu la possibilité de revendiquer le statut de réfugié avant la prise des mesures d'exclusion et qu'ils ne l'ont pas fait, ils n'ont aucun autre droit reconnu par la constitution de revendiquer le statut de réfugié avant leur renvoi. De plus, aucune demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire n'a été présentée.

[11]      Même si j'avais le pouvoir d'accorder un sursis, ce dont je doute, je ne suis pas convaincu que je l'exercerais parce que les requérants n'ont pas satisfait aux trois conditions du critère applicable à l'octroi d'un sursis qui ont été définies dans l'arrêt Toth c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

[12]      En ce qui concerne l'existence d'une question sérieuse à juger relativement à la légalité du renvoi des requérants, Mme Sigurdson a déclaré sous serment que les requérants avaient eu la possibilité de revendiquer le statut de réfugié et que l'un d'eux avait utilisé le téléphone public à l'aéroport avant la prise des mesures d'exclusion pour donner plusieurs coups de fil. L'avocate de l'intimé a soutenu que la constitution ne reconnaissait pas aux requérants le droit à l'assistance d'un avocat durant un examen en matière d'immigration avant la prise d'une mesure d'exclusion : Nayci c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 105 F.T.R. 122.

[13]      Pour parvenir à cette décision, le juge Muldoon s'est fondé sur l'arrêt Dehghani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053, dans lequel il a été statué que l'article 7 de la Charte ne s'applique pas à un examen secondaire en matière d'immigration parce que cet examen est effectué simplement dans le but de recueillir des renseignements et ne vise pas à statuer sur les droits d'une personne : pareille décision serait prise durant l'enquête sur le renvoi du requérant, et celui-ci serait entendu en présence d'un avocat.

[14]      Toutefois, aux termes des dispositions législatives en vigueur, l'examen effectué par l'AIS peut donner lieu à la prise d'une mesure d'exclusion, comme en l'espèce, sans la tenue d'une audience; on ne saurait donc plus affirmer que le droit à l'assistance d'un avocat crée une " mini-enquête " avant une enquête. Comme la prise d'une mesure d'exclusion produit un effet important sur les droits d'une personne puisqu'il devient impossible par la suite d'exercer le droit de présenter une revendication du statut de réfugié à la Section du statut de réfugié, la question de savoir si l'article 7 de la Charte exige de l'AIS qu'il avise l'intéressé de son droit à l'assistance d'un avocat avant la prise d'une mesure de renvoi est une question sérieuse.

[15]      En ce qui concerne le deuxième élément du critère énoncé dans l'arrêt Toth, rien ne me permet de conclure que les requérants subiraient un préjudice irréparable s'ils étaient renvoyés à Hong Kong, et peut-être même en Chine. La simple affirmation qu'ils avaient une crainte de persécution, sans plus, n'est pas une preuve suffisante d'un préjudice irréparable : Atakora c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 68 F.T.R. (C.F. 1re inst.). Étant donné ces conclusions, je suis convaincu que la prépondérance des inconvénients favorise le renvoi rapide des requérants par le ministre ainsi que la loi l'y oblige.

[16]      Par conséquent, je rejette les présentes requêtes en sursis.

                                 (S) " John M. Evans "

                                         Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 13 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Noms des avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉROS DU GREFFE :      IMM-5833-98

                     IMM-5834-98
                     IMM-5836-98
                     IMM-5839-98

INTITULÉS :              IMM-5833-98 : AI JUAN YANG c. MCI

                     IMM-5834-98 : CUI WAN SU c. MCI
                     IMM-5836-98 : CAN XING YANG c. MCI
                     IMM-5839-98 : YIN BIN YANG c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EVANS

EN DATE DU :              13 NOVEMBRE 1998

COMPARUTIONS :

                     Milan Uzelac

                     Pour le requérant

                     Brenda Carbonell

                     Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Milan Uzelac
                     Avocat
                     202 - 938, rue Howe
                     Vancouver (C.-B.)
                     V6Z 1N9
                     Pour le requérant

                     Morris Rosenberg

                     Sous-procureur général du Canada
                     Pour l'intimé
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