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     Date : 19990831

     Dossier : T-2468-93


OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 31 AOÛT 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


Entre

     AHMAD A. SARJI,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL (Douanes et Accise),

     défendeur



     ORDONNANCE



     Par les motifs pris en l'espèce, la Cour déboute le demandeur de son action, avec dépens.


     Signé : François Lemieux

     _____________________________

     Juge


Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19990831

     Dossier : T-2468-93


Entre

     AHMAD A. SARJI,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL (Douanes et Accise),

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



Le juge LEMIEUX


INTRODUCTION


[1]      Il y a en l'espèce appel formé par le demandeur Ahmad A. Sarji en application de l'article 135 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) (la Loi), par voie d'action contre la décision rendue le 21 juillet 1993 par le ministre du Revenu national (le ministre), sous le régime de l'article 131 de la même loi, et portant confirmation de la confiscation de bijoux saisis pour contravention à cette loi ou au règlement d'application. La contravention relevée consistait en le défaut par le demandeur de déclarer les bijoux en question à son retour d'un voyage aux États-Unis, lequel défaut constituait une violation de l'article 12 de la Loi. La décision du ministre précisait aussi que ces bijoux seraient restitués au demandeur sur paiement de la somme de 3 791,04 $.

[2]      Cet appel se rapporte à 51 bijoux personnels en or, dont le défendeur avait restitué 18 au demandeur. Ces bijoux d'origine étrangère ont été achetés en Arabie saoudite et au Liban; ils sont destinés à être portés par une femme ou par un enfant. M. Sarji affirme qu'ils appartiennent à sa femme et à sa fille, et qu'ils avaient été déclarés à titre d'effets de personne rapatriée au moment où Mme Sarji immigra au Canada en 1990.

[3]      Comme noté supra, la décision du ministre a été rendue sous le régime de l'article 131 de la Loi. Cette disposition, qui prévoit un mécanisme de réexamen interne des saisies, est entré en jeu après demande de réexamen faite par le demandeur en application de l'article 129 de la Loi. En voici les passages applicables :


131. (1) After the expiration of the thirty days referred to in subsection 130(2), the Minister shall, as soon as is reasonably possible having regard to the circumstances, consider and weigh the circumstances of the case and decide

     (a) in the case of goods or a conveyance seized or with respect to which a notice was served under section 124 on the ground that this Act or the regulations were contravened in respect of the goods or the conveyance, whether the Act or the regulations were so contravened;

     "

     (3) The Minister's decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

131. (1) Après l'expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possibles en l'espèce, les circonstances de l'affaire et décide si c'est valablement qu'a été retenu, selon le cas_:

     a) le motif d'infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

     "


     (3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n'est susceptible d'appel, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

[4]      Cet appel a été formé en application de l'article 135, qui porte :


135. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.


     (2) The Federal Court Act and the Federal Court Rules applicable to ordinary actions apply in respect of actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.


135. (1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

     (2) La Loi sur la Cour fédérale et les Règles de la Cour fédérale applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), sous réserve des adaptations occasionnées par les règles particulières à ces actions.

LA DÉCISION DU MINISTRE

[5]      La décision du ministre revêt la forme d'une lettre en date du 21 juillet 1993, envoyée au demandeur par J. Bérubé, chef intérimaire, Décisions (Section de Montréal et d'Ottawa), et portant notamment ce qui suit :

         [TRADUCTION]

         La présente lettre se rapporte à l'appel cité en référence et représente la décision rendue en la matière, dont elle est l'avis officiel.
         Les circonstances de cette affaire ont été examinées et considérées et, en application de l'article 131 de la Loi sur les douanes, la décision suivante a été maintenant rendue :
             il y a eu contravention à la Loi sur les douanes et/ou au règlement pris pour son application, du fait des articles qui ont été saisis.
         Par suite de la conclusion ci-dessus, il a été décidé en application de l'article 133 de la Loi sur les douanes, que la somme de 172 $ reçue pour la restitution des effets vestimentaires saisis sera confisquée; que les articles numérotés 10, 11, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 30, 36, 37, 38, 39 et 50 sur le relevé des effets saisis, seront restitués à l'appelant sans aucun paiement et que, faute par celui-ci de s'en assurer la restitution aux conditions ci-dessus dans les 90 jours de la date du présent avis de décision, ils seront confisqués; que le restant des effets saisis sera restitué à l'appelant sur paiement de la somme de 3 791,04 $, laquelle somme sera confisquée, et que faute par celui-ci de s'assurer la restitution des articles saisis aux conditions ci-dessus dans les 90 jours de la date du présent avis de décision, ces effets saisis seront confisqués.

         "

         Il a été pris bonne note des observations présentées et des rapports officiels reçus en la matière, lesquels ont été pris en considération. En l'espèce, la confiscation est confirmée puisque la saisie a été opérée conformément à la loi et que les mesures prises par le service saisissant/d'imposition étaient appropriées. Des circonstances atténuantes ont été cependant relevées par exercice du pouvoir discrétionnaire d'appréciation, et il y a eu réduction de la confiscation en conséquence.

         "

         P.S.      Les termes de mainlevée ont été réduits en considération des bijoux décrits par le gemmologiste comme étant très usagés et en considération des factures qui correspondaient aux bijoux saisis.

LE POINT LITIGIEUX

[6]      Il échet uniquement d'examiner si le ministre était fondé à conclure en l'espèce qu'" il y a eu contravention à la Loi sur les douanes et/ou au règlement pris pour son application, du fait des articles qui ont été saisis ".

[7]      Il convient en particulier d'examiner si le demandeur a contrevenu à l'obligation de déclarer les articles importés, que prévoit l'article 12 de la même loi, lorsqu'il fit sa déclaration en douane à la descente d'avion, le 30 octobre 1992 à l'aéroport international de Dorval.

LES ÉLÉMENTS DE PREUVE ADMINISTRÉS PAR LE DEMANDEUR

[8]      Le seul témoin comparaissant à la barre pour le demandeur était M. Sarji lui-même. Sa femme n'a pas témoigné. Voici la teneur de son témoignage.

[9]      M. Sarji est devenu un résident permanent du Canada en 1976. Mme Sarji, qui s'est vu accorder le droit d'établissement en 1990, est arrivée au Canada le 11 mars de la même année. À cette occasion, elle a indiqué sur la formule L503785 des Douanes, Déclaration en détail des marchandises occasionnelles, qu'elle avait avec elle des " effets personnels " d'une valeur de 500 $ et qu'il n'y avait " Rien à venir ". Pour ce qui était de son statut, elle a marqué " Rapatriée/Immigrante ".

[10]      Le demandeur, sa femme et leur enfant se sont rendus fin 1991 à Los Angeles, aux États-Unis, car le demandeur voulait être aux côtés de son père qui était sur le point d'être hospitalisé pendant un certain temps. Il était prévu qu'ils y feraient un long séjour, c'est pourquoi Mme Sarji a emporté les bijoux en question.

[11]      Pendant qu'elle se trouvait aux États-Unis, Mme Sarji apprit qu'elle était enceinte de son second enfant; la grossesse n'était pas normale et nécessitait une intervention chirurgicale spéciale avant l'accouchement. Les autorités canadiennes ont décidé à cette occasion que les frais médicaux ne seraient pris en charge que si l'accouchement et les soins médicaux connexes étaient assurés dans un hôpital canadien.

[12]      La famille a dû rentrer plutôt précipitamment au Canada, à cause de l'état de Mme Sarji, laissant derrière tous les bijoux dans un coffre bancaire à Los Angeles, loué par le frère du demandeur, qui habitait cette ville.

[13]      Après la naissance de l'enfant, le demandeur est revenu tout seul, le 10 juillet 1992, à Los Angeles pour être auprès de son père.

[14]      Après quelques mois, il est rentré à Montréal le 30 octobre 1992 à bord d'un avion de la Northwest Airlines. Il avait sur lui les bijoux en question, serrés dans une ceinture à porte-monnaie autour de la taille. Il dit que cette ceinture était visible, et non pas dissimulée. Il avait aussi une valise comme bagage enregistré.

[15]      À bord de l'avion, il a rempli la formule réglementaire E-311 de Douanes Canada. Dans la partie à remplir par tous les passagers, il a répondu " Non " à la question " J'apporte au Canada des marchandises (y compris les cadeaux) qui excèdent les valeurs/quantités de mon exemption personnelle ". Dans la partie réservée aux résidents canadiens, il a inscrit ce qui est souligné ci-dessous dans les espaces à remplir dans la formule réglementaire :

     Je suis parti du Canada le 10/07/92 et la valeur totale des marchandises et que j'ai achetées, reçues ou acquises à l'étranger ou dans les boutiques hors taxes, et que j'apporte au Canada, est : 200,00 $.
     - J'ai des marchandises qui arriveront à une date ultérieure, d'une valeur de : 000 $
     - J'ai droit à une exemption personnelle, que je revendique, de marchandises d'une valeur de : 300,00 $

[16]      À sa descente d'avion, le demandeur a remis la déclaration remplie et signée au douanier canadien au point de contrôle primaire (en avant de l'aire de récupération des bagages enregistrés). À la question relative à l'exemption de 200 $, il a déclaré à l'agent de contrôle primaire qu'il avait avec lui des cadeaux d'une valeur de 200 $. À la question de savoir s'il avait des boissons alcooliques ou du tabac, il a répondu non.

[17]      Le demandeur a été dirigé sur le point de contrôle secondaire. Après qu'il eut récupéré sa valise, il a été interrogé par l'agent des Douanes Larry Aubry.

[18]      Voici ce qui s'est passé, selon M. Sarji. M. Aubry a commencé par lui demander : " Avez-vous quelque chose à déclarer? ", ce à quoi il a répondu : " J'ai les bijoux de ma femme ". M. Aubry lui a demandé alors où se trouvaient ces bijoux, et il a répondu qu'ils étaient dans la bourse. M. Aubry a demandé à voir cette bourse, et le demandeur la lui a tendue. Après en avoir examiné le contenu, M. Aubry a dit à un autre douanier présent : " Bingo, allons dans une salle pour une fouille corporelle ". Le demandeur s'est vu intimer l'ordre de vider ses poches et d'enlever sa veste. Il s'est exécuté. Il n'a pas été dévêtu ni fouillé corporellement. M. Aubry lui a demandé où il avait acheté ces bijoux, et il a répondu : " C'était avant que ma femme n'immigre au Canada. Je les ai achetés surtout en Arabie saoudite et au Liban ". M. Aubry lui a demandé : " Avez-vous les reçus? ", ce à quoi il a répondu : " Oui, mais ils sont à l'étranger. Ça me prendra peut-être deux semaines pour les faire venir ". M. Aubry lui a dit alors : " Nous vous donnons un mois pour présenter les reçus; quand vous les aurez produits, nous vous rendrons les bijoux ". M. Sarji témoigne qu'il a obtenu les reçus, qu'il s'est présenté à la douane de l'aéroport Dorval, les a produits au surveillant de service, qui ne voulait rien à savoir. Il s'est rendu à Ottawa et a déposé ces reçus auprès de l'administration centrale des Douanes.

[19]      Il a produit, et identifié parmi les pièces (P-1) versées au dossier, un certain nombre de reçus émanant de divers bijoutiers détaillants d'Arabie saoudite et du Liban. Ces reçus servaient à prouver l'origine des bijoux saisis, les dates d'achat ainsi que les prix. Il suffit de citer trois exemples : un serpent en or, acheté le 3 janvier 1988, coûterait 566 $US; deux autres serpents en or, achetés le même jour, coûteraient 1 212 $US. Un achat fait le 28 juin 1989 en Arabie saoudite vaut 915 $US. D'autres reçus ont été établis en livres libanaises, sans conversion en dollars canadiens. Les autres bijoux valent de 25 à 50 $ chacun.

LES ÉLÉMENTS DE PREUVE PRODUITS PAR LE DÉFENDEUR

[20]      La version du défendeur de ce qui s'est passé à l'aéroport Dorval le 30 octobre 1992, était donnée par le témoignage de Larry Aubry, l'agent des Douanes au point de contrôle secondaire. Selon M. Aubry, le demandeur a été dirigé sur lui par l'agent de contrôle primaire qui avait des doutes sur la valeur déclarée des articles importés. M. Aubry fait savoir qu'il a demandé au demandeur de lui dire ce qui était compris dans l'exemption de 200 $, c'est-à-dire ce que celui-ci avait acheté, reçu ou acquis durant son séjour aux États-Unis. Le demandeur a répondu qu'il avait acheté pour 200 $ de vêtements.

[21]      M. Aubry témoigne qu'il lui a demandé alors d'ouvrir sa valise, qu'il y a trouvé des vêtements valant 700 $, valeur qu'il a déterminée par l'examen de ces vêtements, par la vérification de leur origine et de leur prix, communiqué par le demandeur. M. Aubry a alors saisi des vêtements d'une valeur de 400 $ (c'est-à-dire 700 $ moins l'exemption de 300 $). Après l'inspection de la valise, il s'est aperçu que le demandeur portait une ceinture à porte-monnaie. Il lui a demandé de la lui remettre pour qu'il puisse l'examiner. C'est ainsi qu'il y a trouvé les bijoux enveloppés dans du papier. Il a alors dit au demandeur d'entrer dans une salle de fouille. Il lui a demandé d'où venaient ces bijoux et pourquoi il les avait dans la ceinture à porte-monnaie; celui-ci a répondu qu'ils appartenaient à sa femme et à sa fille, et qu'il s'agissait d'effets de personnes rapatriées. Ayant remarqué, après un examen plus attentif, que certains de ces bijoux étaient neufs, M. Aubry a demandé de nouveau s'il s'agissait bien d'effets de rapatriés, ce à quoi le demandeur a répondu par l'affirmative, ajoutant qu'il avait chez lui la preuve légale de leur importation initiale. M. Aubry témoigne que certains de ces bijoux étaient relativement neufs, et qu'il a décidé de les saisir. Il a énuméré les articles saisis; il s'agit de bracelets, de bagues et de boucles d'oreille en or, etc.

[22]      La Douane a envoyé les bijoux à un examinateur de l'extérieur, M. Jocelyn Gonthier, qui a fait un rapport à ce sujet et qui a témoigné au procès. Il a fixé à 9 081,60 $ la valeur marchande de ces bijoux sur la place de Montréal. Il confirme que nombre d'entre eux étaient à peine usagés, d'autres légèrement usagés, et certains presque neufs; et que d'autres encore avaient beaucoup servi.

[23]      Le défendeur a versé au dossier la pièce D-3, qui est une lettre en date du 24 novembre 1992 du demandeur à Douanes et Accise Canada. Cette lettre est essentiellement l'appel fait par celui-ci au ministre en application de l'article 129. M. Sarji s'y plaignait de la saisie, injustifiée à son avis, des bijoux de sa femme et de sa fille, et demandait un mois pour produire la preuve que sa femme en était la propriétaire avant qu'elle n'eût obtenu le droit d'établissement et qu'elle les avait déclarés à l'époque à titre d'effets d'immigrant.

LES TEXTES APPLICABLES

[24]      L'article 12 de la Loi prévoit l'obligation de déclarer les articles importés, comme suit :


12. (1) Subject to this section, all goods that are imported shall, except in such circumstances and subject to such conditions as may be prescribed, be reported at the nearest customs office designated for that purpose that is open for business.

     (2) Goods shall be reported under subsection (1) at such time and in such manner as the Governor in Council may prescribe.

     (3) Goods shall be reported under subsection (1)

     (a) in the case of goods in the actual possession of a person arriving in Canada, or that form part of his baggage where the person and his baggage are being carried on board the same conveyance, by that person;
     (a.1) in the case of goods imported by courier or as mail, by the person who exported the goods to Canada;
     (b) in the case of goods, other than goods referred to in paragraph (a) or goods imported as mail, on board a conveyance arriving in Canada, by the person in charge of the conveyance; and
     (c) in any other case, by the person on behalf of whom the goods are imported.

     (3.1) For greater certainty, for the purposes of the reporting of goods under subsection (1), the return of goods to Canada after they are taken out of Canada is an importation of those goods.

     (4) Subsection (1) does not apply in respect of goods that are reported in the manner prescribed under subsection (2) prior to importation at a customs office outside Canada unless an officer requires that the goods be reported again under subsection (1) after importation.

     (5) This section does not apply in respect of goods on board a conveyance that enters Canadian waters, including the inland waters, or the airspace over Canada while proceeding directly from one place outside Canada to another place outside Canada unless an officer otherwise requires.

     (6) Where goods are required by the regulations to be reported under subsection (1) in writing, they shall be reported in the prescribed form containing the prescribed information, or in such form containing such information as is satisfactory to the Minister.

     (7) Goods described in tariff item No. 9813.00.00 or 9814.00.00 in the List of Tariff Provisions set out in the schedule to the Customs Tariff

     (a) that are in the actual possession of a person arriving in Canada, or that form part of his baggage, where the person and his baggage are being carried on board the same conveyance,
     (b) that are not charged with duties, and
     (c) the importation of which is not prohibited under the Customs Tariff or prohibited, controlled or regulated under any Act of Parliament other than this Act or the Customs Tariff

may not be seized as forfeit under this Act by reason only that they were not reported under this section.

12. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, ainsi que des circonstances et des conditions prévues par règlement, toutes les marchandises importées doivent être déclarées au bureau de douane le plus proche, doté des attributions prévues à cet effet, qui soit ouvert.

     (2) La déclaration visée au paragraphe (1) est à faire selon les modalités de temps et de forme fixées par le gouverneur en conseil.

     (3) Le déclarant visé au paragraphe (1) est, selon le cas_:

     a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages des marchandises se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle est arrivée au Canada;
     a.1) l'exportateur de marchandises importées au Canada par messager ou comme courrier;
     b) le responsable du moyen de transport arrivé au Canada à bord duquel se trouvent d'autres marchandises que celles visées à l'alinéa a) ou importées comme courrier;
     c) la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées.

     (3.1) Il est entendu que le fait de faire entrer des marchandises au Canada après leur sortie du Canada est une importation aux fins de la déclaration de ces marchandises prévue au paragraphe (1).

     (4) Le paragraphe (1) ne s'applique qu'à la demande de l'agent aux marchandises déjà déclarées, conformément au paragraphe (2), dans un bureau de douane établi à l'extérieur du Canada.

     (5) Le présent article ne s'applique qu'à la demande de l'agent aux marchandises se trouvant à bord d'un moyen de transport qui se rend directement d'un lieu à un autre de l'extérieur du Canada en passant par les eaux canadiennes, y compris les eaux internes, ou l'espace aérien du Canada.

     (6) Les déclarations de marchandises à faire, selon les règlements visés au paragraphe (1), par écrit sont à établir en la forme, ainsi qu'avec les renseignements, déterminés par le ministre ou satisfaisants pour lui.

     (7) Ne peuvent être saisies à titre de confiscation en vertu de la présente loi, pour la seule raison qu'elles n'ont pas fait l'objet de la déclaration prévue au présent article, les marchandises, visées aux nos tarifaires 9813.00.00 ou 9814.00.00 de la liste des dispositions tarifaires de l'annexe du Tarif des douanes, pour lesquelles les conditions suivantes sont réunies_:

     a) elles sont en la possession effective ou parmi les bagages d'une personne se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle est arrivée au Canada;
     b) elles ne sont pas passibles de droits;
     c) leur importation n'est pas prohibée par le Tarif des douanes, ni prohibée, contrôlée ou réglementée sous le régime d'une loi fédérale autre que la présente loi ou le Tarif des douanes.

     [non souligné dans l'original]

[25]      L'article 13 de la Loi prévoit l'obligation de répondre aux questions et de présenter les marchandises importées :

13. Every person reporting goods under section 12 inside or outside Canada shall

     (a) answer truthfully any question asked by an officer with respect to the goods; and
     (b) where an officer so requests, present the goods to the officer, remove any covering from the goods, unload any conveyance or open any part thereof, or open or unpack any package or container that the officer wishes to examine.

13. Quiconque déclare, dans le cadre de l'article 12, des marchandises à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada doit_:

     a) répondre véridiquement aux questions que lui pose l'agent sur les marchandises;
     b) à la demande de l'agent, lui présenter les marchandises et les déballer, ainsi que décharger les moyens de transport et en ouvrir les parties, ouvrir ou défaire les colis et autres contenants que l'agent veut visiter.

[26]      L'article 8 de la Loi habilite le ministre à prescrire les formulaires à employer, comme suit :


8. The Minister may prescribe any form or any information to be given on a form that is by this Act or the regulations to be prescribed and may include on any form so prescribed a declaration, to be signed by the person completing the form, declaring that the information given by that person on the form is true, accurate and complete.

8. Le ministre peut déterminer les formulaires à employer en vertu de la présente loi ou de ses règlements, ainsi que les renseignements à y porter, et y inclure une déclaration, à signer par l'intéressé, où celui-ci atteste la véracité, l'exactitude et l'intégralité des renseignements qu'il a donnés.

     [non souligné dans l'original]

[27]      Le qualificatif " réglementaire " se définit comme suit à l'article 2 de la Loi :


"prescribed" means

     (a) in respect of a form, the information to be provided on or with a form, or the manner of filing a form, prescribed by the Minister, and
     (b) in any other case, prescribed by regulation or determined in accordance with rules prescribed by regulation;

" réglementaire "

     a) Prescrit par le ministre, pour les formulaires, leurs modalités de production et les renseignements afférents;
     b) prévu par règlement ou déterminé en conformité avec les règles prévues par règlement, dans tous les autres cas.

     [non souligné dans l'original]

[28]      Trois dispositions de la Loi relatives aux saisies et confiscations sont en jeu en l'espèce. Il s'agit du paragraphe 110(1), et des articles 122 et 123, que voici :


110. (1) An officer may, where he believes on reasonable grounds that this Act or the regulations have been contravened in respect of goods, seize as forfeit

     (a) the goods; or
     (b) any conveyance that the officer believes on reasonable grounds was made use of in respect of the goods, whether at or after the time of the contravention.

122. Subject to the reviews and appeals established by this Act, any goods or conveyances that are seized as forfeit under this Act within the time period set out in section 113 are forfeit

     (a) from the time of the contravention of this Act or the regulations in respect of which the goods or conveyances were seized, or
     (b) in the case of a conveyance made use of in respect of goods in respect of which this Act or the regulations have been contravened, from the time of such use,

and no act or proceeding subsequent to the contravention or use is necessary to effect the forfeiture of such goods or conveyances.

123. The forfeiture of goods or conveyances seized under this Act or any money or security held as forfeit in lieu thereof is final and not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by section 129.

110. (1) L'agent peut, s'il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises, saisir à titre de confiscation_:

     a) les marchandises;
     b) les moyens de transport dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu'ils ont servi au transport de ces marchandises, lors ou à la suite de l'infraction.

122. Sous réserve des révisions, réexamens, appels et recours prévus par la présente loi, les marchandises ou moyens de transport saisis à titre de confiscation dans le délai fixé à l'article 113 sont confisqués_:

     a) soit à compter de l'infraction à cette même loi ou à ses règlements qui a motivé la saisie;
     b) soit à compter de l'utilisation des moyens de transport qui ont servi au transport des marchandises ayant donné lieu à pareille infraction.

Il n'est besoin de nul acte ni de nulle procédure postérieurs à l'infraction ou à l'utilisation pour donner effet à la confiscation.


123. La confiscation des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi, ou celle des montants ou garanties qui en tiennent lieu, est définitive et n'est susceptible de révision, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues à l'article 129.

[29]      La charge de la preuve est prévue à l'article 152 de la Loi, comme suit :


152. (1) In any proceeding under this Act relating to the importation or exportation of goods, the burden of proof of the importation or exportation of the goods lies on Her Majesty.

     (2) For the purpose of subsection (1), proof of the foreign origin of goods is, in the absence of evidence to the contrary, proof of the importation of the goods.

     (3) Subject to subsection (4), in any proceeding under this Act, the burden of proof in any question relating to

     (a) the identity or origin of any goods,
     (b) the manner, time or place of importation or exportation of any goods,
     (c) the payment of duties on any goods, or
     (d) the compliance with any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods

lies on the person, other than Her Majesty, who is a party to the proceeding or the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty.

     (4) In any prosecution under this Act, the burden of proof in any question relating to the matters referred to in paragraphs (3)(a) to (d) lies on the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty, only if the Crown has established that the facts or circumstances concerned are within the knowledge of the accused or are or were within his means to know.

152. (1) Dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi en matière d'importation ou d'exportation de marchandises, la charge de prouver l'importation ou l'exportation incombe à Sa Majesté.

     (2) Pour l'application du paragraphe (1), la preuve de l'origine étrangère des marchandises constitue, sauf preuve contraire, celle de leur importation.

     (3) Sous réserve du paragraphe (4), dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, non à Sa Majesté, mais à l'autre partie à la procédure ou à l'inculpé pour toute question relative, pour ce qui est de marchandises_:

     a) à leur identité ou origine;
     b) au mode, moment ou lieu de leur importation ou exportation;
     c) au paiement des droits afférents;
     d) à l'observation, à leur égard, de la présente loi ou de ses règlements.

     (4) Dans toute poursuite engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, pour toute question visée aux alinéas (3)a) à d), non à Sa Majesté, mais au prévenu, à condition toutefois que la Couronne ait établi que les faits ou circonstances en cause sont connus de l'inculpé ou que celui-ci est ou était en mesure de les connaître.

[30]      Le dernier texte invoqué en l'espèce est le Règlement sur la déclaration des marchandises importées, DORS/86-873 (le Règlement sur les déclarations en douane), pris pour l'application de la Loi. Les dispositions applicables sont l'article 3, une partie du paragraphe 5(1) et le paragraphe 5(3), que voici :


3. Except as otherwise provided in these Regulations, all goods that are imported shall be reported under section 12 of the Act forthwith in writing at the nearest designated customs office that is open for business.

5. (1) Subject to subsections (2) to (4), the following goods may be reported orally unless an officer requires the importer of the goods to report the goods in writing:

     (a) goods in the actual possession of a person arriving in Canada, or that form part of his baggage where the person and his baggage are being carried on board the same conveyance;

"

     (3) Goods that are imported by a person arriving in Canada on board a commercial passenger conveyance other than a bus shall be reported in writing.

3. Sauf disposition contraire du présent règlement, toutes les marchandises qui sont importées doivent aussitôt être déclarées, aux termes de l'article 12 de la Loi, par écrit, au plus proche bureau de douane établi qui soit ouvert.

5. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), les marchandises suivantes peuvent être déclarées verbalement, sauf si un agent demande à l'importateur de faire une déclaration écrite :

     a) les marchandises en la possession effective d'une personne arrivant au Canada ou parmi ses bagages lorsque cette personne et ses bagages sont arrivés à bord du même moyen de transport;

"

     (3) Les marchandises importées par des personnes arrivant au Canada à bord d'un moyen de transport commercial autre qu'un autobus doivent être déclarées par écrit.

     [non souligné dans l'original]

ANALYSE ET CONCLUSIONS

         a) Ce qui doit être déclaré, et à quel moment

[31]      Dans sa déclaration modifiée, M. Sarji affirme qu'il a déclaré en toute bonne foi les bijoux saisis à l'agent des Douanes, et qu'il n'avait rien fait pour les dissimuler. Tel est aussi le sens de l'argumentation de son avocat, qui est fondée sur le fait, si on y ajoute foi, que le demandeur a fait savoir à M. Aubry, l'agent de contrôle secondaire, que les bijoux en sa possession étaient les effets personnels de rapatriées, savoir sa femme (et sa fille).

[32]      Je conclus de faits de la cause qu'il n'y a pas lieu de me prononcer sur la crédibilité du demandeur. À supposer que son témoignage fût digne de foi, il ne s'est quand même pas conformé à l'obligation de déclarer les marchandises, que prévoient la Loi et le Règlement sur les déclarations en douane.

[33]      La solution du litige se réduit à l'interprétation des textes applicables : que signifie l'article 12 de la Loi, qu'est-ce que le Règlement sur les déclarations en douane prévoit et quelle est la nature de l'obligation énoncée par la formule réglementaire E-311? En particulier, que signifient les mots " la valeur totale de toutes les marchandises (y compris les cadeaux) que vous avez achetées, reçues ou acquises à l'étranger ou dans les boutiques hors taxes et que vous apportez au Canada " qui y figurent?

[34]      Tout récemment, la Cour suprême du Canada a fixé la méthodologie à observer en matière d'interprétation des lois par la voix du juge Major dans Canadianoxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743, comme suit :

         Les dispositions législatives doivent être interprétées de manière à donner aux mots leur sens ordinaire le plus évident qui s'harmonise avec le contexte et l'objet visé par la loi dans laquelle ils sont employés; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, aux par. 21 et 22. C'est uniquement lorsque deux ou plusieurs interprétations plausibles, qui s'harmonisent chacune également avec l'intention du législateur, créent une ambiguïté véritable que les tribunaux doivent recourir à des moyens d'interprétation externes.

[35]      Par application de cette méthodologie, je conclus que l'article 12 de la Loi et le Règlement sur les déclarations en douane faisaient au demandeur obligation de déclarer les bijoux de sa femme et de sa fille au moyen de la formule réglementaire E-311, autorisée par le ministre en application de l'article 8 de la Loi; cette déclaration doit être faite par écrit et remise à l'agent de contrôle primaire.

[36]      Cette obligation ressort clairement d'une simple lecture des dispositions applicables de la Loi et du Règlement.

         a)      Le paragraphe 12(1) porte obligation de déclarer toutes les marchandises importées.
         b)      Le paragraphe 12(2) prévoit que la déclaration se fera selon les modalités de temps et de forme fixées par voie de règlement.
         c)      L'alinéa 12(3)a) prévoit que le déclarant est la personne ayant en sa possession effective les marchandises à déclarer.
         d)      Le paragraphe 12(6) prévoit que la déclaration à faire par écrit conformément aux règlements, se fera en la forme et renfermera les renseignements, prescrits par voie de règlement.
         e)      L'article 3 du Règlement sur les déclarations en douane porte obligation de déclarer aussitôt au bureau de douane établi le plus proche.
         f)      L'article 5 du Règlement sur les déclarations en douane prévoit, pour ceux qui arrivent par avion, l'obligation de faire la déclaration par écrit.

[37]      La formule réglementaire E-311 faisait au demandeur obligation de déclarer " toutes les marchandises [qu'il avait] achetées, reçues ou acquises à l'étranger ", c'est-à-dire lors de son voyage du 10 juin 1992 aux États-Unis où il a pris possession des bijoux de sa femme.

[38]      Dans son sens ordinaire et évident, " recevoir " signifie : " Être mis en possession de (qqc.) par un envoi, un don, un paiement, etc. " (Le Nouveau Petit Robert, 1993, p. 1884). Qui plus est, le terme " reçues " figurant dans le formulaire E-311 doit s'entendre dans le contexte de la phrase tout entière, dont la version anglaise comprend les mots suivants : " in any manner while outside the country ".

[39]      Ces mots ont un sens large et embrassent indubitablement les circonstances dans lesquelles M. Sarji a pris possession des bijoux de sa femme et de sa fille aux États-Unis et les a rapportés au Canada, le 30 octobre 1992.

[40]      L'interprétation ci-dessus est conforme à l'objectif des dispositions en matière de déclarations de la Loi et du Règlement. À ce propos, le juge Martin de la Cour d'appel de l'Ontario a fait l'observation suivante sur le but général de la Loi sur les douanes, dans The Queen v. Walker et al. (1981), 2 C.E.R. 238, page 242 :

         [TRADUCTION]

         La Loi sur les douanes a pour objectif général de faire à la personne qui importe des marchandises au Canada obligation de les déclarer à la Douane et de les importer en bonne et due forme, afin que les autorités douanières puissent contrôler l'entrée des marchandises au Canada et juger si elles sont assujetties aux droits de douane.

                                                     [non souligné dans l'original]

[41]      L'avocat du demandeur soutient que celui-ci a bel et bien déclaré les articles en question lorsqu'il répondit à M. Aubry qu'il avait sur lui les bijoux de sa femme et de sa fille. Cet argument ne saurait être accueilli. Le demandeur était tenu à l'obligation de déclarer ces bijoux par écrit, au moyen de la formule E-311, et de remettre immédiatement celle-ci à l'agent de contrôle primaire. Il ne s'est pas conformé à cette obligation légale. Il était simplement trop tard pour lui de faire une déclaration verbale au point de contrôle secondaire. Une telle déclaration n'est, vu les circonstances dans lesquelles se trouvait M. Sarji, conforme ni à la Loi ni au Règlement sur les déclarations en douane, et ferait échec au régime institué en la matière.

[42]      L'avocat de M. Sarji soutient que celui-ci était libéré de l'obligation de déclarer les bijoux en question, lesquels avaient été déjà déclarés par sa femme à titre d'effets de personne rapatriée. La jurisprudence établie par notre Cour s'oppose à pareil argument (voir par exemple Kong c. Sa Majesté la Reine (1985), 7 C.E.R. 240, et Shaikh c. Sa Majesté la Reine (1983), 4 C.E.R. 122). Les principes fondamentaux dégagés par cette jurisprudence sont, dans l'ensemble, toujours applicables malgré la révision de la Loi sur les douanes au milieu des années 1980. Les dispositions de la Loi nouvelle en la matière ont été légèrement modifiées mais, à mon sens, le cadre et le régime général des déclarations demeurent en place comme précédemment.

[43]      Dans Lakhia c. La Reine (1992), 10 T.T.R. 180, le juge Teitelbaum a ajouté un autre élément au jugement de la question des bijoux rapportés par une personne rapatriée. Il s'agissait de savoir si les bijoux saisis avaient été auparavant déclarés à titre d'effets de personne rapatriée. Faisant observer que la charge de la preuve incombait à la partie demanderesse, il a conclu que celle-ci ne s'en est pas acquittée.

[44]      Je partage en l'espèce la conclusion qu'a tirée le juge Teitelbaum dans Lakhia. Lorsqu'en mars 1990, Mme Sarji déclara les effets de personne rapatriée qui comprenaient les bijoux saisis, elle a déclaré une valeur totale de 500 $. Au procès, M. Sarji a produit les factures indiquant le prix d'achat des bijoux en question, lequel dépassait de loin les 500 $ mentionnés dans la déclaration d'effets de personne rapatriée, qu'avait faite sa femme. Rien que pour cette raison, je ne suis pas convaincu que le demandeur ait établi un lien tant soit peu raisonnable entre ces bijoux et la déclaration d'effets de personne rapatriée, faite précédemment par Mme Sarji. En l'espèce, le défendeur a restitué à M. Sarji ceux des bijoux saisis qui correspondaient à la déclaration précédente. J'estime que les mesures prises par le défendeur, tout discrétionnaires qu'elles aient été, étaient indiquées en l'espèce.

L'ARGUMENT DE LA BONNE FOI

[45]      Le demandeur fait valoir qu'il était de bonne foi tout au long : il n'a rien fait pour dissimuler les bijoux, et les a déclarés à M. Aubry lorsque celui-ci lui posa la question.

[46]      Je n'ai pas à m'étendre sur ce point. Il est clair que sous le régime de la Loi, le défaut de déclarer conformément à la Loi et au Règlement sur les déclarations en douane est sanctionné par la saisie, peu importe que l'intéressé soit de bonne foi et peu importent ses mobiles. Cette question a été tranchée par le juge Pratte, J.C.A., dans La Reine c. Letarte, [1981] 2 C.F. 76 (C.A.F.).

[47]      Dans Fenn (H.B.) and Co. Ltd. c. Ministre du Revenu national (Douanes et Accise), 53 F.T.R. 7, le juge Strayer a fait l'observation suivante en page 14 :

         Peu importe, sur le plan des principes, que l'importateur commette une erreur innocente sur un point de fait ou de droit. Le régime en place est celui de la déclaration volontaire, et il y a présomption de responsabilité en cas de défaut de déclaration. Il y a contravention à la Loi dès qu'une déclaration fautive est faite pour le compte de l'importateur, et la source de l'erreur ne présente aucune importance.

[48]      On retrouve la même conclusion dans Nguyen c. Ministre du Revenu national (1996), 121 F.T.R. 241, décision rendue par Mme le juge Tremblay-Lamer.

LA DILIGENCE RAISONNABLE

[49]      L'avocat du demandeur invoque la diligence raisonnable en réponse à l'accusation de contravention à l'article 12 de la Loi, citant à cet effet la décision rendue par le juge McNair dans Chahill c. Canada, [1988] 3 C.F. 345. L'avocat du ministre n'excluait pas la possibilité d'un tel moyen de défense.

[50]      Ce point a été récemment examiné par la Cour d'appel fédérale dans Time Data Recorder International Ltd. et al. c. Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) (1997), 211 N.R. 229, où le juge Pratte s'est prononcé en ces termes, page 234, sous le titre " Présomption simple ou présomption irréfragable de responsabilité " :

         [16] Une infraction à l'article 12 de la Loi sur les douanes est punissable de sanctions à la fois pénales et civiles. Dans ce cas, puisque l'infraction pénale est exactement la même que l'infraction civile, il s'ensuit, selon l'appelante, que les moyens de défense qu'elle peut faire valoir dans l'instance civile doivent être les mêmes que dans l'instance pénale. Comme la plupart des infractions pénales à la Loi sur les douanes sont des infractions emportant présomption simple de responsabilité, c'est-à-dire présomption réfutable par le moyen de diligence raisonnable, ce moyen doit être également disponible en matière civile.
         [17] Cet argument a été rejeté par le juge de première instance, par ce motif que selon la jurisprudence La Reine c. Letarte, [1981] 2 C.F. 76 (C.A.F.), l'importateur dont les marchandises ont été saisies et confisquées pour cause de déclaration erronée ne peut faire valoir le moyen de diligence raisonnable.
         [18] L'avocat de l'appelante soutient, non sans raison, que le juge de première instance a mal interprété la décision Letarte, où il a été jugé que la bonne foi de ceux qui ne se sont pas conformés à la Loi sur les douanes n'est pas une excuse.
         [19] Mais il s'agit là d'une discussion tout académique. En l'espèce, la personne qui était tenue de déclarer les marchandises conformément à l'article 12 était le conducteur du camion. Il ne l'a pas fait, et les preuves produites ne montrent pas qu'il ait fait raisonnablement diligence pour se conformer à cette disposition; l'eût-il fait, il n'aurait pas oublié d'apporter les documents relatifs aux marchandises qui ont été saisies.

[51]      Dans Kong susmentionnée, le juge Collier rapporte comme suit le moyen de diligence raisonnable invoqué par la demanderesse :

         L'avocat de Mme Kong a prétendu que, par leur façon d'agir, les fonctionnaires de l'immigration et des douanes ont empêché sa cliente de se conformer aux prescriptions de la Loi; que dans les circonstances elle avait essayé de le faire : elle avait exercé une diligence raisonnable. Le principe retenu dans l'arrêt S. M. La Reine c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, qui accorde une exonération des obligations de " responsabilité stricte " lorsqu'on a exercé une diligence raisonnable, s'applique en l'espèce.

[52]      Le juge Collier a rejeté l'argument de diligence raisonnable en ces termes, page 250 :

         Le principe énoncé dans Sault Ste. Marie, à mon avis, ne s'applique pas aux circonstances de l'espèce. L'article 18 [l'article 12 actuel] de la Loi sur les douanes exige un rapport écrit volontaire et non sollicité (une " déclaration " en termes contemporains). La preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure qu'on a dissuadé ou empêché Mme Kong de le faire. Elle a fait ce qu'un voyageur expérimenté fait normalement lorsqu'il entre au Canada. On ne lui a pas expressément demandé quels effets elle apportait. Elle portait plusieurs bijoux. Ils étaient visibles. En raison de la difficulté qui s'était présentée au sujet de son statut, elle a dit qu'elle " apportait des choses ". Les fonctionnaires l'ont traitée comme ayant un statut de visiteur. Ils ne lui ont rien demandé d'autre au sujet de sa déclaration. Elle a alors supposé, malheureusement erronément, qu'elle avait fait tout ce qu'elle devait faire, ou peut-être plus exactement, ce qu'elle avait l'habitude de faire.
         Toutefois, je ne peux pas conclure, en présence de la preuve soumise, qu'elle a exercé une diligence raisonnable ou qu'elle a, de quelque façon, été empêchée d'exécuter son obligation légale.

[53]      L'observation ci-dessus du juge Collier vaut tout aussi bien pour les faits de la cause en instance, et j'applique son raisonnement à l'affaire qui nous occupe. À la lumière de la jurisprudence R. c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, je conclus qu'il incombe à M. Sarji de faire la preuve, selon le critère de la probabilité la plus forte, qu'il a pris toutes mesures raisonnables pour ne pas contrevenir aux dispositions relatives aux déclarations en douane de la Loi et du Règlement. Autrement dit, il lui incombe de prouver qu'il a pris toutes mesures raisonnables pour déclarer les bijoux saisis. Les éléments de preuve qu'il a produits n'établissent nullement qu'il les a prises.

DÉCISION

[54]      Par ces motifs, la Cour déboute le demandeur de son action, avec dépens.

     Signé : François Lemieux

     _____________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 31 août 1999



Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER No :              T-2468-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ahmad A. Sarji

                         c.

                         Le ministre du Revenu national (Douanes et Accise)


LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)


DATE DE L'AUDIENCE :      16 mars 1999


MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE LEMIEUX


LE :                      31 août 1999



ONT COMPARU :


Nagi Ebrahim                  pour le demandeur

Francisco Couto                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Ebrahim, MacLeod & Gervais          pour le demandeur

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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