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                                                                                                                               Date : 20010808

                                                                                                                   Dossier : IMM-2638-01

                                                                                                                                                          

Ottawa (Ontario), le 8 août 2001

En présence de :            Monsieur le juge Muldoon

Entre :

                                    HANY NOSHY ATHANASSIOUS MOUSSA,

                                                                                                                                            requérant

                                                                         - et -

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                  intimé

ORDONNANCE

VU LA REQUÊTE présentée le 30 mai 2001 au nom du requérant en vue d'obtenir :

1.                    une ordonnance suspendant l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à l'issue de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire;

2.                    toute autre ordonnance que la Cour jugera indiquée,

LA COUR STATUE QUE l'exécution de la mesure de renvoi prise contre le requérant est suspendue jusqu'à l'issue de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire et pendant les 30 jours suivants; et plus longtemps si sa présence autorisée au Canada est légalement prolongée.

          F.C. Muldoon          

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                                                                                               Date : 20010808

                                                                                                                   Dossier : IMM-2638-01

                                                                                                  Référence neutre : 2001 CFPI 869

Entre :

                                    HANY NOSHY ATHANASSIOUS MOUSSA,

                                                                                                                                            requérant

                                                                         - et -

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                  intimé

                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

1. Introduction

[1]         Il s'agit d'une requête en suspension de l'exécution de la mesure de renvoi prise contre le requérant, dont le renvoi en Égypte est prévu pour le 5 juin 2001. Le requérant a déposé une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire pour contester le rejet de l'avis de risque préalable à son renvoi en date du 19 avril 2001.

2. Les questions en litige

a.        Existe-t-il une question sérieuse à trancher?


b.        Existe-t-il un risque que le requérant subisse un préjudice irréparable s'il est renvoyé du Canada?

c.        La prépondérance des inconvénients est-elle favorable à la suspension de l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que la Cour se prononce sur le fond de la demande d'autorisation et, si l'autorisation est accordée, jusqu'à l'issue de la demande de contrôle judiciaire?

3. Les arguments du requérant

a. L'existence d'une question sérieuse

[2]         L'agent de révision des revendications refusées (l'ARRR) a conclu qu'il n'existait pas de lien entre la crainte du requérant et la situation dans son pays. Le requérant fait valoir qu'il craint d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social particulier, soit les avocats qui, parce qu'ils représentent leurs clients, exercent des activités perçues comme contraires à l'Islam par les intégristes musulmans. Le requérant plaide que la considération importante en l'espèce, comme dans le cas du motif des opinions politiques, est la perception des auteurs de persécution et que l'ARRR a commis une erreur en interprétant incorrectement la persécution fondée sur la religion.

[3]         Dans l'arrêt Chan c. M.E.I.,[1995] 3 R.C.S. 593, monsieur le juge La Forest a étoffé les motifs qu'il avait exprimés dans Ward concernant les membres d'un groupe social particulier. Voici ce qu'il a dit :

Comme le reconnaît le professeur Macklin, il faut se demander si l'appelant est volontairement associé de par un statut particulier, pour des raisons si essentielles à sa dignité humaine, qu'il ne devrait pas être contraint de renoncer à cette association. L'association ou le groupe existe parce que ses membres ont tenté, ensemble, d'exercer un droit fondamental de la personne.

...


Je suis d'accord avec la façon dont l'intimé a qualifié le droit revendiqué, c'est-à-dire le droit fondamental de tous les couples et individus de décider librement et en toute connaissance du moment où ils auront des enfants, du nombre d'enfants qu'ils auront et de l'espacement des naissances. Ce droit fondamental a été reconnu, en droit international, dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ...

[4]         Le droit fondamental en cause ici est la liberté d'expression, un droit reconnu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques:

Article 19

1.            Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.

2.            Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

[5]         Le requérant soutient qu'en représentant ses clients, il exerce son droit à la liberté d'expression. Il s'est ainsi associé volontairement aux membres du groupe. L'ARRR a commis une erreur en interprétant la persécution du fait de l'appartenance à un groupe social particulier. [Re Ontario Film and Video Appreciation Society v. Ontario Board Censors (1983), 147 D.L.R. (3d) 58.].

[6]         L'ARRR a conclu que le requérant n'a pas essayé d'obtenir la protection de l'État. Dans l'arrêt Ward c. M.E.I., [1993] 2 R.C.S. 689, la Cour suprême du Canada a dit :

...Il s'agit donc de savoir comment, en pratique, un demandeur arrive à prouver l'incapacité de l'État de protéger ses ressortissants et le caractère raisonnable de son refus de solliciter réellement cette protection. D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée...


[7]         Le requérant a demandé la protection des autorités policières égyptiennes, mais il a été chassé du poste de police. Par la suite, un intégriste musulman qui savait qu'il avait demandé la protection des autorités a communiqué avec lui. La preuve documentaire examinée par l'ARRR a révélé que, dans le cadre d'une enquête de police sur les meurtres de deux chrétiens, les policiers ont détenu, maltraité et torturé des centaines de citoyens, dont la plupart étaient chrétiens. L'ARRR ne doutait pas de la crédibilité du requérant ni du fait qu'il était déraisonnable de s'attendre que le requérant continue à essayer d'obtenir une protection. De plus, l'ARRR n'a pas tenu compte de la situation particulière du requérant - c.-à-d. du fait qu'il était un avocat en exercice et qu'il était en mesure de savoir s'il était vraisemblable qu'il obtienne une protection. [Zalzali c. M.E.I., [1991] 3 C.F. 605 (C.A); Maharajah c. M.E.I. (24 mai 1994), A-260-91 (C.A.F.); Toro c. M.E.I. [1981] 1 C.F. 652 (C.A.)]. La Cour souligne avec approbation les prétentions écrites déposées au nom du requérant à l'appui de sa requête le 30 mai 2001.

b. Le préjudice irréparable

[8]         Le requérant soutient qu'il subira un préjudice irréparable parce que sa vie et sa liberté seront menacées s'il est renvoyé. [Membreno-Garcia c. M.E.I. (1992), 17 Imm. L.R. 291 (C.F. 1re inst.)] Le requérant fait aussi valoir que sa fiancée et sa famille immédiate subiront également un préjudice irréparable s'il est expulsé. [Richards c. M.E.I. (8 juin 1999), IMM-2720-99 (C.F. 1re inst.)]

c. La prépondérance des inconvénients


[9]         Le requérant subvient à ses propres besoins depuis le mois d'avril 2000. Il n'a commis aucune infraction criminelle et fait du bénévolat au sein de l'église copte chrétienne au Canada. Le requérant affirme que la prépondérance des inconvénients lui est favorable.

4. Les arguments de l'intimé

[10]       La Cour n'avait pas reçu d'arguments de la part de l'intimé au moment de rédiger les présents motifs.

5.    L'ordonnance demandée

[11]       Le requérant demande que l'exécution de la mesure de renvoi soit suspendue. La façon dont l'ARRR s'est acquitté des ses tâches et ses conclusions rendent cette suspension pratiquement impérative. La Cour répond aux trois questions énoncées au paragraphe [1] par l'affirmative.

Ottawa (Ontario),

le 8 août 2001

F.C. Muldoon

                                                                                                                                                    Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                      IMM-2638-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :    HANY NOSHY ATHANASSIOUS MOUSSA c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 4 JUIN 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :              LE 8 AOÛT 2001        

ONT COMPARU

Me JOHN GRANT                                              POUR LE REQUÉRANT

Me MICHAEL BUTTERFIELD                         POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

GRANT, DICKISON                                        POUR LE REQUÉRANT

MISSISSAUGA (ONTARIO)

Me Morris Rosenberg                                           POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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