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Date : 20000831


Dossier : IMM-2939-99


Toronto (Ontario), le jeudi 31 août 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN


ENTRE :


RAJWANT SINGH SANDHU


demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAI est rejetée et l'affaire est renvoyée à une autre formation de la SAI pour qu'elle statue à son tour sur celle-ci.


« W. P. McKeown »

                                         J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 20000831


Dossier : IMM-2939-99


ENTRE :


RAJWANT SINGH SANDHU


demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN


[1]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, datée du 26 mai 1999, dans laquelle la Section d'appel de l'immigration (la SAI) a rejeté l'appel qu'il avait formé contre une décision qui avait rejeté une demande d'établissement parrainée que sa mère et sa soeur avaient présentée.

[2]      Les questions litigieuses sont de savoir si la SAI a commis une erreur de droit lorsqu'elle a omis de suivre un précédent, stare decisis, et si la SAI a commis une erreur en négligeant ou appréciant mal des éléments de preuve pertinente.

[3]      Dans la présente affaire, la formation s'est fondée sur deux décisions de la SAI, plutôt que sur la décisionKirpal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 1 C.F. 352 (1re inst.), de la Section de première instance de la Cour fédérale, pour étayer sa conclusion qu'elle pouvait tenir compte de l'état de santé de la mère en examinant l'appel fondé sur des motifs d'ordre humanitaires. Dans la décision Kirpal, précitée, le juge Gibson a dit :

Pour plus de commodité, voici de nouveau la disposition applicable du paragraphe 77(3) qui investit le tribunal de la compétence en la matière:
77. . . .
(3) S'il est citoyen canadien ou résident permanent, le répondant peut . . . en appeler devant la section d'appel en invoquant les moyens suivants:
. . .
b) raisons d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une mesure spéciale.
Selon l'avocat du requérant, il faut opposer ces mots au membre de phrase qu'on retrouve au paragraphe 70(1) [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18; L.C. 1995, ch. 15, art. 13] de la Loi qui donne compétence à la section d'appel en cas d'ordonnance de renvoi ou de renvoi conditionnel prise entre autres contre un résident permanent, mais qui n'a pas du tout le même sens. Dans ce dernier cas, la compétence en equity de la section d'appel est prévue en ces termes:
70. (1) . . .
b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.
Voici l'argument proposé par l'avocat du requérant. Dans le contexte des dispositions attributives de compétence du paragraphe 70(1), il est indiqué, voire impératif, pour la section d'appel de prendre en compte toutes les circonstances de la cause, non seulement les raisons d'ordre humanitaire qui pourraient être favorables à l'appelant, mais tous les facteurs qui s'opposent à une mesure de renvoi. Par contraste, les termes attributifs de compétence du paragraphe 77(3) se limitent aux raisons d'ordre humanitaire qui justifient l'octroi d'une mesure spéciale. Les facteurs défavorables n'entrent nullement en ligne de compte dans l'exercice de la compétence de la section d'appel, c'est-à-dire du tribunal, sous le régime de l'alinéa 77(3)b).
À cet égard, le tribunal a relevé dans sa décision diverses raisons d'ordre humanitaire en faveur de l'octroi d'une mesure spéciale. Il les a mises dans la balance contre les facteurs défavorables, et a conclu [au paragraphe 45]:
[traduction] Je dois encore mettre dans la balance l'ampleur de l'obstacle posé par la loi d'une part, et la force des raisons d'ordre humanitaire qui entrent en ligne de compte, de l'autre.
Je conclus que le tribunal a commis une erreur en engageant ce processus de pondération. Si telle avait été la volonté du législateur, il aurait pu facilement employer des termes identiques ou très similaires à ceux figurant à l'alinéa 70(1)b) de la Loi. Il ne l'a pas fait, ce qui oblige à présumer qu'il visait un résultat tout autre. Le seul autre résultat que je puisse concevoir est que le processus de pondération visiblement prévu à l'alinéa 70(1)b) devait être exclu de l'application de l'alinéa 77(3)b).

                                     [Non souligné dans l'original]

[4]      En l'espèce, la SAI a refusé de suivre la décision Kirpal et elle n'a pas tenté de distinguer cette affaire d'avec l'espèce. Sur ce fondement, le principe du stare decisis s'applique et la formation a commis une erreur de droit lorsqu'elle a omis de suivre la décision du juge Gibson. Voici ce que la SAI a écrit au sujet de la décision Kirpal et de son opinion :

[TRADUCTION] Enfin, la formation ne souscrit pas à l'argument de l'avocat selon lequel on n'est pas tenu de tenir compte de l'état de santé qui donne lieu à un refus en accordant une réparation extraordinaire. L'avocat a soutenu, dans sa plaidoirie, que la formation pouvait tenir compte de considérations humanitaires indépendamment de l'état de santé du demandeur principal. Il s'est vraisemblablement appuyé sur la décision Kirpal pour avancer cela, de même que sur l'argument selon lequel les considérations humanitaires ne doivent pas être appréciées au regard de considérations qui vont dans le sens contraire. L'avocat a souligné qu'un deuxième choix s'offrait à la formation, soit examiner les considérations humanitaires en ayant à l'esprit la nature du problème médical qui a donné lieu au refus.
La formation souscrit à ce deuxième choix et suit le raisonnement de Chauhan et d'une décision plus récente, Jugpall, dont voici un extrait :
Un exemple simple illustre le point : le demandeur qui n'est pas admissible à immigrer au Canada en raison d'un problème de santé relativement bénin et traitable, et un autre demandeur qui ne l'est pas non plus parce qu'il souffre d'une maladie de reins chronique, d'insuffisance rénale, et doit subir des traitements de dialyse pour le reste de sa vie, sont inadmissibles au même titre. Cependant, si l'on compare le fardeau que pourrait faire peser l'acceptation du premier demandeur sur les services de santé canadiens et celui que l'acceptation du deuxième demandeur serait susceptible d'entraîner, il est clair que les deux demandeurs ne sont pas dans la même position. Pour que leur appel soit accueilli, les deux demandeurs devraient établir qu'il existe dans leur cas des motifs d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une réparation extraordinaire, mais le deuxième demandeur devrait, lui, présenter des arguments considérablement plus convaincants, vu la nature de son état de santé.

[5]      Bien que Chauhan tienne effectivement compte de la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale, la formation n'y a pas expressément renvoyé dans ses motifs; au surplus, elle a renvoyé à Jugpall en raison des faits de cette affaire. La SAI ne respecte pas le principe du stare decisis en choisissant de considérer deux de ses décisions plutôt qu'une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale. La SAI aurait dû renvoyer aux arrêts de la Cour d'appel fédérale dans sa décision et dit clairement qu'elle suivait ces arrêts, plutôt que la décision Kirpal. Bien que je doute grandement du bien-fondé de la décision Kirpal, la SAI est tenue de suivre les décisions de la Section de première instance à moins qu'elle puisse les distinguer d'avec des arrêts de la Cour d'appel fédérale ou de la Cour suprême du Canada ou que ces décisions soient fondées sur de tels arrêts.

[6]      La formation a donc commis une erreur de droit lorsqu'elle a refusé de suivre un précédent obligatoire de la Section de première instance de la Cour fédérale ou de distinguer ce précédent d'avec l'affaire dont elle était saisie. La primauté du droit doit régner.

[7]      Le demandeur soutient que la SAI a omis de tenir compte de l'ensemble de la preuve. Il avance que la formation a tiré des conclusions de fait abusives en inférant qu'il prendrait des dispositions de rechange eu égard au soin de son enfant ou encore qu'il pourrait chercher à obtenir du counseling dans la collectivité. La formation ne disposait pas de preuve permettant de conclure que d'autres ressources permettant au demandeur de soulager son stress émotionnel s'offraient à lui. La formation a reconnu que le demandeur était déprimé, seul, et incapable de maîtriser la situation.

[8]      À l'époque où l'audition a eu lieu, le demandeur avait la garde de son enfant un jour par semaine, soit le dimanche. Il a dit qu'il cherchait à obtenir la garde exclusive de l'enfant. La formation ne pouvait inférer qu'il n'y parviendrait pas. Aucune preuve n'étayait la conclusion que le demandeur serait en mesure de prendre plus tard des dispositions de rechange eu égard au soin de son enfant. Cette conclusion était fondée sur la supposition que le demandeur n'obtiendrait que la garde temporaire de l'enfant les fins de semaine. La formation a accepté le témoignage du demandeur dans lequel il a dit qu'il trouvait qu'il était extrêmement difficile de maîtriser la situation. Malgré cela, la formation a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs justifiant qu'une réparation humanitaire soit accordée au demandeur. Aucune preuve n'établissait que le demandeur serait en mesure d'obtenir d'autres types de counseling pour soulager son stress émotionnel. Cette situation traîne depuis deux ans. La SAI ne disposait pas de preuve indiquant que l'instance en divorce serait bientôt terminée.

[9]      La présente affaire est quelque peu inhabituelle parce que je dois accepter le témoignage par affidavit du demandeur au lieu des déclarations de la SAI, étant donné qu'on a perdu la transcription de l'instance devant la formation pour des raisons qui échappent au contrôle de l'une ou l'autre des parties. Je dois donc accepter le témoignage sous serment du demandeur de préférence à la conclusion de la Commission. En conséquence, je conclus que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a tiré les conclusions de fait abusives susmentionnées.


[10]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAI est rejetée et l'affaire est renvoyée à une autre formation de la SAI pour qu'elle statue à son tour sur celle-ci.


« W. P. McKeown »

                                         J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

Le 31 août 2000.










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier


NO DU GREFFE :                  IMM-2939-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              RAJWANT SINGH SANDHU

                         - c. -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION


DATE DE L'AUDIENCE :              LE LUNDI 14 AOÛT 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR M. LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU :                  JEUDI 31 AOÛT 2000


ONT COMPARU :                  M. Lorne Waldman

                             Pour le demandeur

                         Mme Mielka Visnic

                             Pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Jackman, Waldman & Associates

                         Barristers & Solicitors

                         281, avenue Eglinton est

                         Toronto (Ontario)

                         M4P 1L3

                             Pour le demandeur

                         Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                             Pour le défendeur

COUR FÉDÉRALE DU CANADA



Date : 20000831


Dossier : IMM-2939-99


ENTRE :


RAJWANT SINGH SANDHU


demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur







MOTIFS D'ORDONNANCE




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