Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010608

Dossier : T-1608-99

Référence neutre : 2001 CFPI 633

ENTRE :

MICHAEL MAASSEN, MARGE NICHOLS

ARLENE M. RODE et ELAINE WASS

demandeurs

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

EDIE K. PREUGSCHAT, FRANK J. RINK

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN

[1]                 Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue par le comité d'appel de la fonction publique (le comité d'appel) le 4 août 1999 (99-MOT-00195).

Les questions en litige


[2]                 La question en litige consiste à déterminer si le comité d'appel a commis une erreur en affirmant que le processus de sélection en cause constitue un processus entièrement nouveau et non une mesure visant à corriger le premier processus de sélection, ainsi qu'à déterminer si la Commission de la fonction publique (la Commission) avait le pouvoir de tenir un nouveau processus.

Les faits

[3]                 Le défendeur, le procureur général du Canada, a présenté une requête visant à modifier l'intitulé de l'instance en l'espèce de façon que les deux candidats retenus, soit Edie K. Preugschat et Frank J. Rink, y figurent en qualité de défendeurs.

[4]                 Les demandeurs ne s'y sont pas opposés. Mme Preugschat et M. Rink avaient exprimé aux avocats du défendeur leur désir de ne pas participer à la procédure de contrôle judiciaire. J'ai accueilli la requête en modification de l'intitulé de l'instance.

[5]                 Transport Canada a lancé un concours interne ministériel pour combler le poste de directeur régional des ressources humaines (PE-05) en 1997. M. Maassen a formé un appel, qui a été accueilli, à l'encontre de la nomination de la candidate retenue. Le comité d'appel a statué que le jury de sélection avait commis une erreur :

(1)                 en appliquant une définition trop stricte du critère de sélection de l' « expérience significative en matière de supervision » ;

(2)                 en évaluant l'expérience de la candidate retenue, Edie Preugschat;


(3)                 en tenant compte de renseignements additionnels soumis par les candidats retenus et deux autres candidats concernant leur expérience en matière de supervision après que leur candidature a été rejetée, sans accorder aux autres candidats éventuels l'occasion de présenter des renseignements additionnels.

[6]                 Le président du comité d'appel a aussi affirmé, dans sa décision : [TRADUCTION] « Je suis d'avis qu'un processus de sélection entièrement nouveau doit être tenu par un jury de sélection différent. »

[7]                 La Commission a annulé la nomination d'Edie Preugschat en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la LEFP) et l'a nommée à nouveau à son ancien poste. La Commission a ensuite ordonné à Transport Canada de tenir un nouveau concours dans une lettre en date du 1er mai 1998 émanant du consultant régional en dotation intérimaire, Commission de la fonction publique, adressée au Directeur du bureau des ressources humaines intérimaire de Transport Canada. Cette lettre disait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] ... cela confirmera que le concours, en raison des irrégularités constatées dans le processus de dotation susmentionné, doit être repris entièrement depuis le début.

...


Le président du comité d'appel a autorisé la présente décision en s'appuyant sur plusieurs éléments, dont certains ont été reconnus par le ministère. Comme nous l'avons déjà mentionné, un processus de sélection entièrement nouveau doit être entrepris, dans le cadre duquel l'énoncé des qualités sera examiné en profondeur, les modifications nécessaires seront apportées pour refléter les qualités à évaluer et le poste sera affiché à nouveau.

La lettre concluait en disant : [TRADUCTION] « J'estime important de répéter que le processus de sélection est un processus entièrement nouveau, et non une mesure correctrice. Comme il s'agit d'un processus entièrement nouveau, il n'a aucun lien avec le processus antérieur et il engendre son propre ensemble de droits. »

[8]                 Transport Canada a ensuite tenu un nouveau concours fondé sur une nouvelle combinaison d'expérience et de qualités; le jury de sélection était composé de nouveaux membres, à l'exception d'un seul. Deux candidats ont été inscrits sur la liste d'admissibilité, soit les défendeurs Mme Preugschat et M. Rink.

[9]                 Le 4 août 1999, le comité d'appel a rejeté l'appel interjeté par les appelants à l'encontre du deuxième processus de sélection.

Analyse


[10]            Le comité d'appel s'est d'abord demandé si l'appel interjeté à l'encontre de la nomination résultait de mesures prises par la Commission en vertu du paragraphe 21(3) de la LEFP pour remédier aux irrégularités constatées par le premier comité d'appel. Le comité d'appel a conclu que ce n'était pas le cas, en s'appuyant sur l'affirmation faite dans la lettre que la Commission avait adressée à Transport Canada le 1er mai 1998 et dans laquelle elle disait : [TRADUCTION] « le processus de sélection est un processus entièrement nouveau, et non une mesure correctrice » . Le comité d'appel a conclu que l'appel était interjeté en vertu du paragraphe 21(1) de la Loi et n'était pas assujetti aux dispositions du paragraphe 21(4).

[11]            Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous l'article 21 :



(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.


[12]            Le comité d'appel a ensuite cité une décision rendue par un comité d'appel dans l'affaire Peet (98-RSN-01049) :

[TRADUCTION] Il ressort clairement du paragraphe 21(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que la Commission de la fonction publique peut opter pour l'une ou l'autre de deux solutions lorsqu'elle reçoit une décision d'un comité d'appel accueillant un appel. La Commission peut exercer soit le pouvoir que lui confèrent les alinéas a) ou b) de ce paragraphe, soit le pouvoir que lui confère le paragraphe 21(3) de la Loi.

Le comité d'appel a conclu que la Commission avait expressément refusé d'exercer le pouvoir que lui confère le paragraphe 21(3), d'application facultative. Je suis d'accord pour dire que le paragraphe 21 (3) confère un pouvoir discrétionnaire. Selon moi, la Commission doit révoquer la nomination de la candidate retenue lorsque l'appel est accueilli, mais elle n'est pas tenue de prendre une mesure pour remédier aux irrégularités. La Commission peut ainsi tenir un processus de sélection entièrement nouveau et les appels ne sont pas régis par les dispositions du paragraphe 21(4). Le comité d'appel l'a reconnu et a conclu qu'il n'avait pas compétence pour se prononcer sur le premier processus de sélection.


[13]            Les demandeurs ont fait valoir que, malgré la lettre qui concluait en disant que le deuxième concours constituait un processus entièrement nouveau, et non une mesure correctrice, le contenu substantiel de la lettre rédigée par la Commission le 1er mai 1998 commandait que la Commission prenne les mesures qu'il a prises et que ces mesures étaient de nature correctrice. Les demandeurs soutiennent que chacune des directives énoncées dans la lettre peut être attribuée aux irrégularités relevées dans la première décision du comité d'appel. Les demandeurs soutiennent de plus que même la directive de la Commission de préparer un nouvel énoncé des qualités témoigne d'un effort mal orienté visant à corriger les irrégularités du concours original.

[14]            Le comité d'appel a donc examiné la lettre en détail et déclaré, à la page 13 :

[TRADUCTION] la mention dans la lettre de questions telles la composition du jury de sélection et les modifications touchant les qualités, qui auraient pu, dans un autre contexte, constituer des mesures prises en vertu du paragraphe 21(3), ne suffit pas pour l'emporter sur l'affirmation expresse, contenue dans la lettre, qu'elles ne constituent pas de telles mesures.

Selon moi, il s'agit d'une conclusion de fait à l'égard de laquelle je dois faire preuve d'une certaine retenue. La norme de contrôle de la décision du comité d'appel est celle de la décision correcte en ce qui concerne les questions de droit comme l'interprétation de la LEFP. Voir : Boucher c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 86 (C.A.F.). Toutefois, les conclusions de fait tirées par les comités d'appel ont droit au plus haut degré de retenue, sauf si elles sont tirées sans tenir compte de la preuve présentée au comité d'appel. Voir : Canada (Procureur général) c. Rogerville, (1996) 117 F.T.R. 53 (1re inst.).

[15]            Le comité d'appel poursuit en affirmant :

[TRADUCTION] il ne m'appartient pas de décider s'il est ou non régulier que la Commission de la fonction publique soulève de telles questions auprès du ministère relativement à la tenue d'un nouveau concours à la suite de la révocation d'une nomination en vertu du paragraphe 21(2). La Commission de la fonction publique a la responsabilité générale de la dotation dans la fonction publique, comme le prévoit l'alinéa 5a) de la Loi :

5. La Commission :

a) conformément aux dispositions et principes énoncés dans la présente loi, nomme ou fait nommer à un poste de la fonction publique des personnes qualifiées, appartenant ou non à celle-ci;


et l'article 8 :

8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à des postes de la fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont la nomination n'est régie par aucune autre loi fédérale.

Le pouvoir de tenir des concours peut être délégué aux ministères en vertu du paragraphe 6(1) :

6. (1) La Commission peut autoriser un administrateur général à exercer, selon les modalités qu'elle fixe, tous pouvoirs et fonctions que lui attribue la présente loi, sauf en ce qui concerne ceux prévus aux articles 7.1, 21, 34, 34.4 et 34.5.

Aucune preuve n'a été produite à l'audition pour établir que le pouvoir exclusif accordé par le législateur à la Commission de la fonction publique a été délégué au ministère de façon complète et irrévocable au point où elle ne pouvait lui donner aucune directive, si ce n'est en vertu du paragraphe 21(3). Il est très possible que le commissaire ait conservé un pouvoir suffisant pour donner la directive qu'il a formulée dans la lettre. Quoi qu'il en soit, si la Commission de la fonction publique outrepasse sa compétence, réparation ne doit pas nécessairement être obtenue auprès d'un comité d'appel, établi à une fin particulière. Mon rôle consiste à déterminer si les résultats du concours concordent avec une sélection fondée sur le mérite.

[16]            Les demandeurs soutiennent que le paragraphe 21(3) exige que la Commission prenne des mesures correctrices après avoir révoqué une nomination visée par un appel accueilli par un comité d'appel. Les demandeurs s'appuient sur une décision antérieure d'un comité d'appel , Lawlor (98-NAR-01774), qui statuerait que la Commission doit prendre des mesures correctrices en conformité avec la décision du comité d'appel. Je suis néanmoins d'avis que le paragraphe 21(3) confère simplement à la Commission le pouvoir de remédier à une irrégularité signalée par le comité d'appel, sans l'obliger à y remédier. Comme je l'ai déjà mentionné, selon les paragraphes 21(2) et 21(3), la seule mesure que la Commission est tenue de prendre lorsqu'un appel d'une nomination est accueilli consiste à révoquer cette nomination.

[17]            À mon avis, la Commission avait le pouvoir d'ordonner la tenue d'un processus entièrement nouveau en vertu des articles de la LEFP énumérés au paragraphe 15 des présents motifs et de l'article 10 de la LEFP, qui dispose :



10. Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique

.10. Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.


Par conséquent, l'appel interjeté par les demandeurs est régi par le paragraphe 21(1.1) de la LEFP. Les seuls arguments qu'ils peuvent faire valoir portent que la Commission n'a pas tenu le concours en conformité avec le principe du mérite. Le comité d'appel a ensuite examiné, aux pages 14 à 18, le bien-fondé de la cause et j'estime que les conclusions qu'il a tirées sont correctes.

[18]            L'affaire soulève un nouveau point, soit le pouvoir de la Commission d'ordonner la tenue d'un nouveau concours, alors qu'elle refuse de dicter certaines mesures correctrices en vertu du paragraphe 21(3) tout en incluant dans le nouveau processus toutes les mesures correctrices suggérées ainsi que quelques ajouts mineurs. Selon moi, la Commission est investie de ce pouvoir pour les motifs qui précèdent. La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

          (Signature) « William P. McKeown »          

          Juge                                      

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 8 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-1608-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Michael Maassen et autres c. Le procureur général du Canada et autres            

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                         le 31 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

DE LA COUR PAR :                                     le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                         le 8 juin 2001            

ONT COMPARU

Michael Maassen                                                 POUR LES DEMANDEURS

Elaine Wass

Marge Nichols

Me Lysanne Lafond                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

POUR LES DEMANDEURS

Sous-procureur général du Canada                         POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.