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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Zündel c. Citron (1re inst.) [1999] 3 C.F. 409




Date : 19990811

Dossier : T-1411-98

ENTRE :

     ERNST ZÜNDEL,

                                     demandeur,

     et

    

SABRINA CITRON, LE TORONTO MAYOR'S COMMITTEE ON COMMUNITY AND RACE RELATIONS, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, LA CANADIAN HOLOCAUST REMEMBRANCE ASSOCIATION, LE CENTRE SIMON WIESENTHAL, LE CONGRÈS JUIF CANADIEN, LA LEAGUE FOR HUMAN RIGHTS OF B'NAI BRITH ET LA CANADIAN ASSOCIATION OF FREE EXPRESSION,

                                     défendeurs.



TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS


G.M. Smith,

Officier taxateur


[1]          Cette affaire tire son origine d'une demande de la Commission des droits de la personne, ci-après appelée la Commission, pour la taxation de ses dépens suite à une ordonnance de cette cour du 19 octobre 1998 qui rejetait avec dépens une requête interlocutoire présentée par le demandeur.



[2]          Le mémoire de frais de la Commission a d'abord été présenté le 22 décembre 1998. Les avocats ont demandé que l'évaluation se fasse au moyen de prétentions écrites, sans que les parties n'aient à comparaître. Au cours du délai prévu pour que les parties déposent leurs allégations par écrit, l'avocat de la Commission a informé la Cour que la question avait été réglée. Malheureusement, cette nouvelle a été infirmée le 17 mars 1999, ou vers cette date, par l'avocat de la Commission ainsi que par le demandeur. Il n'y avait donc pas eu de règlement quant aux dépens de la Commission, et il fallait continuer les procédures.



[3]          Entre temps, le 14 avril 1999, la Cour a tranché la demande principale du demandeur visant l'obtention du contrôle judiciaire ainsi que deux autres demandes de contrôle judiciaire présentées séparément, mais sur des questions connexes, et elle a accordé les dépens au demandeur. Le défendeur Centre Simon Wiesenthal a logé un appel de cette ordonnance le 22 avril 1999 et la Commission a logé un appel incident le 12 mai 1999.



[4]          Suite à la demande de la Commission de faire taxer ses dépens pour la requête interlocutoire, le demandeur a soulevé deux objections dans une lettre datée du 21 avril 1999. Premièrement, il soutient que comme les dépens de la requête n'étaient pas octroyés " quelle que soit l'issue de la cause ", et qu'il a eu gain de cause dans le cas du contrôle judiciaire, ces dépens devraient maintenant lui être accordés. Deuxièmement, le demandeur soutient qu'on ne devrait pas procéder à la taxation alors qu'on n'a pas encore disposé des appels.



[5]          Personne ne sera surpris de constater que l'avocat de la Commission ne partageait pas l'avis du demandeur quant à savoir qui avait droit aux dépens. Quant à la question de savoir si la demande était prématurée, la Commission n'a présenté aucun autre argument. Elle n'a fait que confirmer sa demande de taxer sur la base des prétentions écrites déjà déposées, dans lesquelles l'avocat suggérait que la taxation était nécessaire en vue de la compensation avec les dépens du contrôle judiciaire. Les autres parties à cette instance n'ont présenté aucun argument, bien qu'on leur en ait donné l'occasion.



[6]          Dans une lettre en date du 8 juin 1999, l'avocate du demandeur explique son point de vue en disant que quelle que soit la décision prise quant à savoir qui a droit aux dépens pour la requête interlocutoire, la détermination de ces dépens devraient attendre que la question de fond soit tranchée dans le cadre du contrôle judiciaire. L'avocate soutient que ce point de vue est confirmé par une décision ontarienne, Banke Electronics Ltd. c. Olvan Tool & Die Inc. (1981), 32 O.R. (2d) 630 (Ont. H.C.), dans laquelle le juge Cory a décidé que lorsqu'une requête interlocutoire est rejetée avec dépens, ces derniers ne doivent pas être fixés et exigibles immédiatement. Le juge Cory a déclaré que la pratique des tribunaux depuis longtemps était que les dépens ne soient taxés et payés qu'à la conclusion de l'instance, pour deux motifs : 1) le fait d'exiger le paiement immédiat des dépens d'une requête interlocutoire peut faire qu'une action valable ne se rendra pas au procès; et 2) il est préférable d'établir les dépens en une seule opération. Le demandeur en cette cour déclare que le point de vue du juge Cory a été adopté par notre Cour dans Smith & Nephew Inc. c. Glen Oak Inc., [1995] J.C.F. no 1604; (1995), 64 C.P.R. (3d) 452. Dans les circonstances, l'avocate soutient qu'il ne devrait pas y avoir de taxation avant que les appels ne soient tranchés au fond.



[7]          Dans une taxation récente en cette Cour dans l'affaire Nature's Path Foods Inc. c. Country Fresh Enterprises Inc. et autres (non publiée), no du greffe T-2647-97, l'O.T. Stinson, le 21 mai 1999, l'officier taxateur renvoie à un certain nombre d'affaires qui permettent d'affirmer que, sauf en cas de situation particulière ou extraordinaire, les dépens afférents à une instance interlocutoire doivent être taxés en même temps que tous les autres frais, de manière à bénéficier de la conclusion définitive prononcée à l'égard des questions de fond soulevées par le litige :

Waterfurnace Inc. c. 803943 Ontario Ltd. (1991), 50 F.T.R. 19 (C.F.1re inst.)
Sim c. Canada (1996), 114 F.T.R. 98 (C.F.1re inst. - protonotaire)
     confirmé en appel [Q.L. 1996 A.C.F. no 1050] (C.F.1re inst.)
Pawliw c. Canada [Q.L. 1995 J.C.F. no 835] (C.F.1re inst.)
Casden c. Cooper Enterprises Ltd., [1991] 3 C.F. 281 (C.F.1re inst.)
Coca-Cola Ltd. c. Pardhan, (1997) 75 C.P.R. (3d) 318 (C.F.1re inst.)
Smith & Nephew Inc. c. Glen Oak Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 452
     (C.F.1re inst.)
Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc. (1998), 81 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.)



[8]          En prenant cette décision, l'officier taxateur a fait une distinction entre les circonstances de la taxation dans l'affaire Nature's Path Foods et celles d'une autre taxation récente dans cette Cour Mennes c. Le Procureur général du Canada et autres (non publiée) no du greffe T-2019-98, l'O.T. Pilon, le 4 mai 1999. Dans cette affaire, l'officier taxateur a conclu qu'un ajournement de la taxation au motif qu'elle était prématurée équivaudrait dans les faits à une suspension de l'instance. Il a examiné la jurisprudence laissant entendre qu'il n'y a pas de suspension automatique lors du dépôt d'un appel et constaté que l'ajournement demandé n'était pas fondé au vu des Règles. Donc, en l'absence d'une demande de suspension des procédures en vertu de l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, il a procédé à la taxation.



[9]          La taxation Mennes suit une affaire antérieure en cette Cour, Time Data Recorder International Ltd. c. Ministre du Revenu national (non publiée), no du greffe T-1707-90, le 12 mai 1994, l'O.T. Lamy, dans laquelle l'officier taxateur a décidé que le dépôt d'un appel ne suffisait pas en soi à suspendre le droit d'une partie aux dépens accordés dans un jugement. Je note que la taxation dans Time Data Recorder a par la suite été confirmée par un juge de cette Cour.



[10]          Je suis d'accord avec les points de vue exprimés dans les taxations pour Time Data Recorder et Mennes (précitées), savoir que le dépôt d'un appel ne porte pas suspension automatique des procédures devant la Section de première instance de cette Cour. Je veux aussi souligner que l'appui recherché par l'avocate dans l'affaire Smith & Nephew Inc., du moins en ce qui concerne les taxations, est mis en échec par une décision ultérieure dans AIC Ltd. c. Infinity Investment Counsel Ltd. 148 FTR 240, dans laquelle cette Cour a de nouveau expliqué que :

La demanderesse invoque également la décision Smith and Nephew c. Glen Oak Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 452, pour soutenir que les dépens ne devraient être adjugés qu'une fois que l'appel de la décision rendue au sujet de la requête est tranché. La décision Smith and Nephew est un cas d'espèce reposant sur des faits particuliers. Je ne crois pas qu'elle doive recevoir une application générale en ce qui a trait à l'adjudication des dépens, car la pratique générale ne consiste pas à attendre le résultat d'un appel avant de trancher la question des dépens engagés devant la Section de première instance.

Par ailleurs, je partage aussi l'avis exprimé dans les affaires Banke Electronics et Nature's Path Foods (précitées), savoir qu'en temps normal les parties devraient éviter de multiplier les taxations et attendre le jugement sur le fond du litige, sauf si la Cour déclare que les dépens doivent être payés sans délai. Ceci ne fait pas seulement faciliter la recherche d'une conclusion finale, mais évite d'imposer aux parties et à la Cour des coûts additionnels résultant de taxations qui peuvent être modifiées, ou même infirmées, par des décisions ultérieures de la Cour quant aux dépens entre les parties.



[11]          Ceci ne veut toutefois pas dire qu'on ne peut trouver de cas où la taxation serait justifiée avant la fin des procédures. Dans l'affaire Nature's Path Foods Inc. (précitée), par exemple, l'officier taxateur indique que " les dépens afférents à un incident interlocutoire peuvent néanmoins être taxés et déclarés payables sans délai, mais la Cour doit d'abord conclure qu'il existe des circonstances exceptionnelles, frivoles ou vexatoires ". Comme je l'ai déjà fait remarquer, ceci s'exprime généralement dans une ordonnance portant que les dépens soient " payés sans délai ", ou de toute autre façon qui exprime le point de vue de la Cour que l'une ou l'autre des parties a droit d'obtenir ses dépens sans délai. Rien de tel n'existe ici.



[12]          Je sais bien sûr que l'existence d'un appel n'est pas en soi de mauvais augure pour la décision qui est contestée, ni pour les procédures devant le tribunal d'instance. En ce cas-ci, la Cour a jugé bon d'accorder à la Commission les dépens en rejetant la requête du demandeur et, contrairement à ce que l'avocate soutient maintenant, savoir que ces dépens doivent être versés au demandeur, la taxation ne peut rien changer à cette décision (voir IBM Canada c. Xerox of Canada [1977] 1 C.F. 181).



[13]          Néanmoins, l'argumentation de l'avocate du demandeur à l'appui de son objection préliminaire fondée sur le fait que la demande est prématurée est plus convaincante que l'argument contraire présenté par la Commission, savoir que cette taxation devrait avoir lieu pour permettre la compensation avec les coûts du contrôle judiciaire, alors qu'on n'a pas encore demandé cette taxation. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, je ne suis pas convaincu que cette taxation doit avoir lieu alors qu'il est beaucoup plus pratique d'attendre pour procéder qu'on ait tranché les appels au fond. Je ne procéderai donc pas à la taxation et délivrerai un certificat portant que l'objection du demandeur à la taxation du mémoire de frais de la Commission portant sur la requête interlocutoire est accueillie.


                                 Gregory M. Smith                                          Gregory M. Smith                                      Officier taxateur


Ottawa (Ontario)

Le 11 août 1999




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

     Dossier : T-1411-98

     ERNST ZÜNDEL,

                                     demandeur,

     et


SABRINA CITRON, LE TORONTO MAYOR'S COMMITTEE ON COMMUNITY AND RACE RELATIONS, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, LA CANADIAN HOLOCAUST REMEMBRANCE ASSOCIATION, LE CENTRE SIMON WIESENTHAL, LE CONGRÈS JUIF CANADIEN, LA LEAGUE FOR HUMAN RIGHTS OF B'NAI BRITH ET LA CANADIAN ASSOCIATION OF FREE EXPRESSION,

                                     défendeurs.


TAXATION PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

- MOTIFS DE L'OFFICIER TAXATEUR G.M. SMITH

DATE DES MOTIFS :      Le 11 août 1999

ONT COMPARU :

Mme Barbara Kulaszka      pour le demandeur

M. René Duval      pour la défenderesse, la Commission canadienne des droits de la personne
Aucune comparution      pour les défendeurs, Sabrina Citron et la Canadian Holocaust Remembrance Association, le Toronto Mayor's Committee on Community and Race Relations, le Procureur général du Canada, le Centre Simon Wiesenthal, le Congrès juif canadien, la League for Human Rights of B'Nai Brith et la Canadian Association for Free Expression.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbara Kulaszka

Barrister & Solicitor

Brighton (Ontario)

Douglas Christie

Barrister & Solicitor

Victoria (Colombie-Britannique)      pour le demandeur

Tory Tory DesLauriers & Bennington

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)      pour les défendeurs, Sabrina Citron et la Canadian Holocaust Remembrance Association

René Duval

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)      pour la défenderesse, la Commission canadienne des droits de la personne

Bureau de l'avocat municipal

Toronto (Ontario)      pour le défendeur, le Toronto Mayor's Committee on Community and Race Relations

Blake Cassels & Graydon

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)      pour le défendeur, le Congrès juif canadien

Bennet Jone Verchere

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)      pour le défendeur, le Centre Simon Wiesenthal

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)      pour le défendeur, le Procureur général du Canada

Dale Streiman & Kurz

Barristers & Solicitors

Brampton (Ontario)      pour la défenderesse, la League for Human Rights of B'Nai Brith

Paul Fromm

Canadian Association for

Free Expression

Mississauga (Ontario)      pour la défenderesse, la Canadian Association for Free Expression
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