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Date : 20040325

Dossier : T-616-01

Référence : 2004 CF 444

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

ENTRE :

                             CORPORATION HÔTELIÈRE CANADIEN PACIFIQUE

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

RECOURS EN RÉVISION EXERCÉ au titre de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de révision au titre de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. 1985, ch. A-1 (la Loi) vise la décision qui a été prise par M. E.W. Aumand, coordonnateur de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels (le coordonnateur), à Héritage Canada (l'organisme), en date du 20 mars 2001 (la décision). La décision a d'abord été communiquée à la demanderesse par lettre reçue en date du 21 mars 2001.


CONTEXTE

[2]                Le 8 mars 2002, la demanderesse (maintenant appelée « Corporation immobilière FHR » ) a reçu une lettre datée du 27 février 2001 de l'organisme qui l'avisait de la réception d'une demande présentée en vertu de la Loi pour que copie de toutes les ententes signées avec Jasper Park Lodge depuis le 1er avril 1997 soit produite (la demande).

[3]                Plusieurs documents que l'organisme envisageait de communiquer en réponse à la demande étaient joints à la lettre du 8 mars 2001. Au nombre de ces documents se trouvaient des baux signés à diverses dates par des locataires commerciaux du Jasper Park Lodge et la demanderesse (les baux commerciaux) et deux ententes, datées des mois d'avril 1969 et février 1982, intervenues entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (les baux de la Couronne). Les baux de la Couronne se rapportent à des biens-fonds du parc national Jasper sur lesquels le Jasper Park Lodge est situé.

[4]                Dans une lettre datée du 16 mars 2001, la demanderesse s'est opposée à la communication tant des baux commerciaux que des baux de la Couronne.


[5]                Par lettre datée du 20 mars 2001, le coordonnateur a avisé la demanderesse que l'organisme avait décidé de divulguer le contenu des baux commerciaux après en avoir supprimé certaines modalités confidentielles principales. Cette divulgation partielle a été jugée acceptable par la demanderesse. La question de la communication des baux commerciaux ne soulève plus aucun litige.

[6]                La lettre du 20 mars 2001 informait également la demanderesse de l'intention de l'organisme de communiquer les baux de la Couronne dans leur intégralité, parce qu'il [traduction] « y est fait référence dans d'autres documents et qu'ils sont par conséquent considérés comme étant pertinents à la demande » . C'est cette décision qui fait l'objet du présent recours exercé en vertu de l'article 44.

[7]                Le 9 avril 2002, la demanderesse a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire de la décision, au titre de l'article 44 de la Loi, auprès de la Cour fédérale du Canada. L'affidavit et le dossier de la demanderesse ont été déposés le 24 janvier et le 2 octobre 2002 respectivement.

[8]                Par ordonnance en date du 5 février 2003, le défendeur est vu accorder l'autorisation de déposer l'affidavit de Tina Bodnar, même si le délai prévu pour le dépôt d'une preuve par affidavit était écoulé depuis longtemps et que le dossier de la demanderesse avait été déposé. Cette ordonnance accordait également à la demanderesse l'autorisation de déposer un dossier révisé.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[9]                Le paragraphe 2(1) de la Loi définit l'objet de celle-ci et indique clairement que les exceptions à la communication sont précises et limitées. Ce paragraphe est rédigé comme suit :



2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.


[10]            L'article 3 de la Loi précise que le terme « tiers » s'entend « [d'une] personne, [d'un] groupement ou [d'une] organisation autres que l'auteur de la demande ou qu'une institution fédérale » . La demanderesse est un tiers dans le cadre de la présente demande.

[11]            Le paragraphe 20(1) de la Loi énonce les exceptions particulières à la communication. Les dispositions pertinentes en l'espèce sont les deux suivantes :


c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.


[12]            Le paragraphe 20(6) de la Loi établit une exception particulière aux exemptions du paragraphe 20(1). Le responsable d'une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas 20(1)b), c) ou d) pour des raisons d'intérêt public :



6) ... concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.

(6) ... would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment and, if the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to, prejudice to the competitive position of or interference with contractual or other negotiations of a third party.


[13]            Les articles 27 et 28 traitent de la question de l'intervention du tiers sous le régime de la Loi. Ces articles sont rédigés comme suit :


27. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une institution fédérale qui a l'intention de donner communication totale ou partielle d'un document est tenu de donner au tiers intéressé, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle-ci ainsi que de son intention, si le document contient ou s'il est, selon lui, susceptible de contenir :

27. (1) Where the head of a government institution intends to disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains or that the head of the institution has reason to believe might contain

a) soit des secrets industriels d'un tiers;

(a) trade secrets of a third party,

b) soit des renseignements visés à l'alinéa 20(1)b) qui ont été fournis par le tiers;

(b) information described in paragraph 20(1)(b) that was supplied by a third party, or

c) soit des renseignements dont la communication risquerait, selon lui, d'entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d).

(c) information the disclosure of which the head of the institution could reasonably foresee might effect a result described in paragraph 20(1)(c) or (d) in respect of a third party,

La présente disposition ne vaut que s'il est possible de rejoindre le tiers sans problèmes sérieux.

[¼]

the head of the institution shall, subject to subsection (2), if the third party can reasonably be located, within thirty days after the request is received, give written notice to the third party of the request and of the fact that the head of the institution intends to disclose the record or part thereof.

¼

28. (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d'une institution fédérale est tenu :

28. (1) Where a notice is given by the head of a government institution under subsection 27(1) to a third party in respect of a record or a part thereof,


a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document;

(a) the third party shall, within twenty days after the notice is given, be given the opportunity to make representations to the head of the institution as to why the record or the part thereof should not be disclosed; andb) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l'avis, pourvu qu'il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l'alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.

[¼]

(b) the head of the institution shall, within thirty days after the notice is given, if the third party has been given an opportunity to make representations under paragraph (a), make a decision as to whether or not to disclose the record or the part thereof and give written notice of the decision to the third party.

¼

(4) Dans les cas où il décide, en vertu de l'alinéa (1)b), de donner communication totale ou partielle du document à la personne qui en a fait la demande, le responsable de l'institution fédérale donne suite à sa décision dès l'expiration des vingt jours suivant la transmission de l'avis prévu à cet alinéa, sauf si un recours en révision a été exercé en vertu de l'article 44.

(4) Where, pursuant to paragraph (1)(b), the head of a government institution decides to disclose a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall give the person who made the request access to the record or the part thereof forthwith on completion of twenty days after a notice is given under that paragraph, unless a review of the decision is requested under section 44.


[14]            Le paragraphe 44(1) de la Loi prévoit que le tiers que le responsable d'une institution fédérale est tenu d'aviser de la communication totale ou partielle d'un document peut, dans les 20 jours suivant la transmission de l'avis, exercer un recours en révision devant la Cour.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]            La demanderesse soulève les questions suivantes :

Les baux de la Couronne devraient-ils être divulgués en réponse à la demande de communication?

Les baux de la Couronne échappent-ils à la portée de la demande?

Les références aux baux de la Couronne faites dans d'autres documents divulgués obligent-elles à la communication de ceux-ci?


Les baux de la Couronne sont-ils visés par les exemptions prévues à l'article 20 de la Loi?

ANALYSE

La norme de contrôle applicable

[16]            Dans l'arrêt 3430901 Canada Inc. c. Canada (Ministre de l'Industrie), [2001] A.C.F. no 1327 (autorisation de pourvoi refusée), [2001] A.C.S.C. no 537, le juge Evans de la Cour d'appel fédérale a souligné que, à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte pour les décisions prises sous le régime de la Loi.

[17]            Dans une décision récente de la Cour suprême du Canada, à savoir Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] A.C.S. no 7, le juge Gonthier a eu recours à l'approche pragmatique et fonctionnelle pour déterminer que la norme de contrôle applicable aux décisions prises sous le régime de la Loi est celle de la décision correcte. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a noté ce qui suit aux pages 7 et 8 de l'arrêt :

a)          La Loi ne contient pas de clause privative.

b)          La Loi prévoit le droit d'exercer un recours en révision.


c)          Conformément au paragraphe 2(1), la Loi a pour objet de garantir que « les décisions quant à la communication [soient] susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif » .

[18]            Considérant cette jurisprudence, j'estime que la norme applicable aux questions en litige soulevées dans la présente demande est celle de la décision correcte.

Les questions en litige

[19]            À mon avis, la demanderesse soulève trois questions importantes dans la présente demande soumise à l'examen de la Cour.

Portée de la demande

[20]            Tout d'abord, la demanderesse dit que les baux de la Couronne ne devraient pas être divulgués en réponse à la demande de communication (l'identité de la personne à l'origine de cette demande est inconnue) parce qu'ils échappent à la portée de celle-ci.     


[21]            La demande faisait état d'[traduction] « une copie de toutes les ententes signées avec Jasper Park Lodge depuis le 1er avril 1997 » . Les baux de la Couronne sont datés des mois d'avril 1969 et de février 1982 respectivement. L'organisme est d'avis que les baux de la Couronne devraient être communiqués étant donné les références faites à ceux-ci dans d'autres documents satisfaisant aux paramètres de la demande et leur pertinence historique et contextuelle à l'égard des ententes signées depuis le 1er avril 1997.

[22]            La demanderesse fait remarquer que les baux de la Couronne ont été signés bien avant 1997 et qu'ils l'ont été par Sa Majesté la Reine du chef du Canada et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, et non par le Jasper Park Lodge.

[23]            Qui plus est, les documents qui font référence aux baux de la Couronne sont des consentements de l'Agence Parcs Canada à des sous-locations à bail entre CP Hôtels et les locataires commerciaux du Jasper Park Lodge. La demanderesse n'était pas au courant que ces documents étaient pris en compte pour la divulgation dans le cadre de la demande de communication et elle ne s'est en fait pas vu accorder par l'organisme la possibilité de s'opposer à cette divulgation.

[24]            Essentiellement, la demanderesse dit que la Loi ne contient aucune disposition exigeant la communication d'un document d'un tiers simplement parce que d'autres documents qui doivent être divulgués y font référence. La référence à un document d'un tiers ne peut rendre nécessaire sa divulgation sous le régime de la Loi si ce document échappe à la portée de la demande ou est visé par les exceptions énoncées à l'article 20 de la Loi.

[25]            Cette question soulève deux points importants que la Cour doit examiner. En premier lieu, la Cour doit décider si un tiers dans la position de la demanderesse qui exerce un recours en révision au titre de l'article 44 de la Loi peut faire valoir des objections relativement à la pertinence et à la portée de la demande pour empêcher la divulgation. La demanderesse convient que la Loi ne comporte aucune disposition particulière pour guider la Cour relativement à cette question mais elle l'invite à appliquer les motifs généraux de contrôle judiciaire à la décision.

[26]            Ma conclusion sur ce point est que, pour l'examen d'une demande de révision présentée par un tiers au titre de l'article 44, la Cour doit se pencher sur les particularités de la Loi et le régime général de divulgation que la Loi prévoit.

[27]            L'orientation générale et l'objet de la Loi sont précisés au paragraphe 2(1).

[28]            La lecture de cette disposition m'amène à conclure que le législateur voulait faire en sorte que le public ait accès aux documents de l'administration fédérale et que les exceptions à ce droit soient précises et limitées.

[29]            Je crois que ces exceptions dites « précises et limitées » doivent expressément être énoncées dans la Loi. La lecture de la Loi m'amène à conclure qu'il n'existe aucune exception fondée sur la portée et la pertinence de la demande qui pourrait être invoquée par un tiers dans le cadre d'un recours en révision au titre de l'article 44.


[30]            La seule situation où la portée et la pertinence jouent un rôle est celle du contexte de l'article 6 et la procédure de demande de communication. Cette disposition est rédigée comme suit :


6. La demande de communication d'un document se fait par écrit auprès de l'institution fédérale dont relève le document; elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l'institution de trouver le document sans problèmes sérieux.

6. A request for access to a record under this Act shall be made in writing to the government institution that has control of the record and shall provide sufficient detail to enable an experienced employee of the institution with a reasonable effort to identify the record.


[31]            Il s'agit d'une disposition facilitante. La demande doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre de trouver le document et d'y répondre de manière adéquate. Le libellé de l'article 6 n'interdit pas la divulgation des documents qui ne sont pas pertinents à la demande. En fait, l'article 6 ne traite même pas de la pertinence. Il précise simplement que la demande de communication se fait par écrit et qu'elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre de trouver le document demandé. Il faudrait une interprétation très libre pour arriver à la conclusion que cette disposition impose aux institutions fédérales l'obligation de refuser de divulguer des renseignements qui ne sont pas pertinents à la demande. Compte tenu des objectifs sous-jacents du Parlement en adoptant la Loi, lesquels sont exposés à l'article 2, je conclus que la demanderesse ne peut réclamer une exemption pour absence de pertinence. Voir Rubin c. Canada (Ministre des Transports), [1998] 2 C.F. 430 (C.A.F.), paragraphe 23; Conseil canadien des fabricants des produits du tabac c. Canada (Ministre du Revenu national) (2003), A.C.F. 1308 (1re inst.), paragraphe 91; et Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), [1990] 107 N.R. 89 (C.A.F.), page 91.


Alinéa 20(1)c)

[32]            La demanderesse cherche en outre à empêcher la divulgation des baux de la Couronne (ou du moins certaines parties de ceux-ci) parce que cela risquerait de lui causer des pertes financières appréciables et vraisemblablement de nuire à sa position concurrentielle.

[33]            Les motifs invoqués pour cette question sont les suivants :

a.          Si les modalités des baux de la Couronne sont divulguées, un concurrent pourrait offrir au locateur des conditions plus avantageuses et tenter d'acquérir le bail à son expiration ou de nuire aux négociations de renouvellement.

b.          Les baux de la Couronne portent sur des biens-fonds situés dans le parc national Jasper. Ce parc fait l'objet de restrictions extrêmement strictes sur le plan de la croissance et les possibilités de développement y sont limitées.

c.          Les baux de la Couronne comportent des modalités délicates du point de vue commercial, notamment la durée, les dispositions de renouvellement, le montant des loyers et les conditions applicables par défaut. Si ces renseignements sont divulgués, les concurrents et les fournisseurs bénéficieront d'un avantage concurrentiel, au détriment de la demanderesse.

[34]            Il est bien établi que, pour invoquer l'exception de l'alinéa 20(1)c), la demanderesse a la charge de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, l'existence d'un risque vraisemblable de préjudice probable pour sa position concurrentielle et sa situation financière qui découle de la divulgation. Voir Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale (1998), 147 F.T.R. 264 (1re inst.), paragraphe 24. La preuve nécessaire pour justifier une exception au titre de cet alinéa doit être détaillée et convaincante et elle doit démontrer un lien direct entre la divulgation et le préjudice allégué. La preuve fondée sur des conjectures n'est pas suffisante. La demanderesse doit démontrer un risque vraisemblable de préjudice.

[35]            À mon avis, la preuve présentée par la demanderesse quant à cette question relève du domaine de la conjecture. La demanderesse fait valoir essentiellement que la divulgation des principales modalités des baux de la Couronne pourrait l'exposer à une concurrence beaucoup plus forte que celle à laquelle elle a dû faire face dans le passé à l'égard du Jasper Park Lodge. Je suis toutefois d'avis qu'une plus forte concurrence ne donne pas lieu à un risque vraisemblable de pertes financières appréciables ou d'atteinte à la position concurrentielle de la demanderesse au sens de l'alinéa 20(1)c) et de la jurisprudence d'interprétation de cette disposition. Le lien est trop fiable et la preuve correspondante est insuffisante en l'espèce.


Alinéa 20(1)d)

[36]            À mon avis, la préoccupation réelle et l'argument le plus solide de la demanderesse dans le cadre de la présente demande de révision sont liés à l'incidence de la divulgation sur les négociations contractuelles courantes. En prenant en considération les précautions imposées par l'article 47 de la Loi et le pouvoir conféré à la Cour en vertu de l'article 51 de la Loi, j'ai examiné attentivement la preuve présentée par la demanderesse concernant ce motif. Compte tenu du fardeau qui incombe de manière ultime à la demanderesse pour établir une entrave réelle, plutôt que conjecturale, aux négociations contractuelles et de la nécessité d'un lien direct entre la divulgation et le préjudice envisagé, j'estime que la demanderesse s'est acquittée de son fardeau à l'égard de ce motif. Le préjudice dont il est fait état est toutefois temporaire et non perpétuel. Il est attribuable aux exigences d'une situation particulière à laquelle la demanderesse doit faire face.

[37]            Considérant ces facteurs, la Cour est d'avis que les baux de la Couronne devraient être divulgués, mais sous forme d'une rédaction faisant en sorte que le préjudice envisagé par la demanderesse au titre de l'alinéa 20(1)d) de la Loi ne se matérialise pas. La Cour estime que le principe et le libellé particulier de la Loi exigent que les modalités des baux de la Couronne soient divulguées dans leur intégralité dès que les risques associés à la situation actuelle seront dissipés.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          En ce qui a trait au bail de la Couronne du mois d'avril 1969, l'organisme divulguera ce document en réponse à la demande de communication, en apportant d'abord les modifications suivantes afin que les renseignements correspondants ne soient pas divulgués :

a)          À la page 1, le paragraphe commençant par les mots « To Have And To Hold » doit être supprimé en entier.

b)          À la page 1, le sous-paragraphe (a) sous « Yielding And Paying Therefor » doit être modifié de manière à supprimer le montant du loyer annuel.

c)          À la page 3, au paragraphe 14, les lignes 6 et 7 doivent être supprimées.

d)          À la page 3, au paragraphe 15, les trois dernières lignes doivent être supprimées.

e)          Le paragraphe 16, aux pages 3 et 4, doit être supprimé en entier.

f)           À la page 4, le paragraphe 21 doit être supprimé en entier.


2.          En ce qui a trait au bail de la Couronne daté du 24 février 1982, l'organisme divulguera ce document en réponse à la demande de communication, en apportant d'abord les modifications suivantes afin que les renseignements correspondants ne soient pas divulgués :

a)          À la page 1, les deux dernières lignes du paragraphe 3 doivent être supprimées.

b)          À la page 2, aux sous-paragraphes 7(a), 7(b), 7(c), 7(d) et 7(e), le pourcentage inscrit sur la première ligne et le montant en dollars de la valeur estimée figurant sur la deuxième ligne doivent être supprimées à chacun de ces sous-paragraphes.

3.          Une fois les présentes négociations de renouvellement des baux de la Couronne terminées (soit à la signature d'une nouvelle entente par les parties ou à la rupture des négociations par l'une ou l'autre des parties), la demanderesse en avisera immédiatement l'organisme et ce dernier divulguera les renseignements épurés (suivant les indications des paragraphes 1 et 2 de la présente ordonnance).

4.          En tout temps avant la divulgation de tous les renseignements contenus dans les baux de la Couronne conformément aux modalités de la présente ordonnance, les parties peuvent, par voie de requête présentée à la Cour, demander d'autres mesures de réparation ou directives concernant la divulgation des renseignements devant être exclus conformément au paragraphe 3 de la présente ordonnance.


5.          Aucuns dépens ne sont adjugés.

                                                                                                                                 _ James Russell _             

                                                                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-616-01

INTITULÉ :                                                    CORPORATION HÔTELIÈRE CANADIEN PACIFIQUE

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 27 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 25 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Julie Whitaker                                        POUR LA DEMANDERESSE

Robert Drummond                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MACLEOD DIXON                                        POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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