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     T-793-96

ENTRE:

     GLAXO WELLCOME INC.


-and-


THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

     Requérantes

     ET

     THE MINISTER OF NATIONAL HEALTH AND WELFARE


-and-


APOTEX INC.

     Intimés

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU,

PROTONOTAIRE:

INTRODUCTION

     Cette requête de Glaxo Wellcome Inc. et The Wellcome Foundation Limited (les requérantes) pose la question de savoir si dans les circonstances de l'espèce cette Cour doit ordonner, tel que les requérantes le demandent, la radiation de procédures et d'arguments inclus par Apotex Inc. (l'intimée) dans son dossier de l'intimée (règle 1607 des Règles de la Cour fédérale (les règles)); dossier signifié aux requérantes dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire entreprise par ces dernières.

LES FAITS

     Le 4 avril 1996, les requérantes ont entrepris, conformément à l'article 55.2 de la Loi sur les brevets et à l'article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le règlement), une demande de contrôle judiciaire (la demande) afin qu'il soit interdit au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social d'émettre à l'intimée un avis de conformité avant l'expiration de quatre brevets, à savoir les brevets 1,062,257; 1,096,863; 1,096,864 et 1,172,169. Cette demande faisait suite à l'envoi par l'intimée d'un avis d'allégation (alinéa 5(3)(b) du règlement) daté du 21 février 1996 et portant que:

         Patents 1096863 and 1096864 have no claim for the medicine (acyclovir) itself or the use of the medicine.         

     Il faut toutefois savoir qu'au début de 1996, un débat sensiblement similaire au présent s'était déjà engagé entre les parties. En effet, le 4 janvier 1996, l'intimée signifiait aux requérantes un avis d'allégation portant sur le médicament Acyclovir et impliquant cette fois les brevets 1,062,257; 1,096,863 et 1,096,864. Cet avis entraîna les requérantes à prendre le 19 février 1996, dans le cadre du dossier T-388-96 de cette Cour, une demande de contrôle judiciaire afin d'obtenir un interdit de même nature que celui recherché par la demande du 4 avril 1996.

     Il ressort que l'intimée a choisi de faire parvenir son deuxième avis d'allégation (celui du 21 février 1996) afin d'assurer son attaque à l'encontre des brevets 1,096,863 et 1,096,864; attaque qu'elle considérait, semble-t-il, amoindrie dans le cadre du dossier T-388-96 en raison, d'une part, d'une modification apportée par les requérantes dans ce dernier dossier au texte de leur demande de contrôle judiciaire et, d'autre part, en raison du manque de précision de son avis d'allégation du 4 janvier 1996.

     Voyant certainement aux fins du dossier T-793-96 une pertinence dans l'évolution du dossier T-388-96, l'intimée, dans le cadre de la mise en état de son dossier de la règle 1607 (dossier T-793-96) a pris sur elle d'inclure, inter alia, dans ledit dossier:

         -      l'avis introductif d'instance déposé par les requérantes le 19 février 1996 dans le dossier T-388-96;         
         -      l'avis introductif d'instance amendé et déposé par les requérantes le 20 février 1996 dans le dossier T-388-96;         
         -      une ordonnance du juge Rouleau de cette Cour datée du 11 juin 1996 et émise dans le dossier T-388-96.         

     L'inclusion desdits documents (les documents du dossier T-388-96) a entraîné les requérantes à déposer la requête sous étude afin que cette Cour ordonne la radiation au dossier de l'intimée des documents du dossier T-388-96 ainsi que les passages du mémoire de l'intimée qui réfèrent ou prennent appui sur lesdits documents.

ANALYSE

     Il faut se demander en premier lieu en vertu de quelle autorité cette Cour serait autorisée à procéder à la radiation recherchée.

     L'on sait que les demandes de prohibition formulées en vertu de l'article 6 du règlement sont vues comme des demandes de contrôle judiciaire (voir l'affaire Merck Frosst Canada Inc. et al. v. Minister of National Health and Welfare et al. (1994), 58 C.P.R. (3d) 245, page 247 (l'arrêt Merck Frosst) et la jurisprudence y citée).

     Toute demande de contrôle judiciaire se trouve, partant, gouvernée par la règle 1600 et suivantes. Tel que la Cour d'appel fédérale l'a rappelé, les règles 1600 à 1620 ne contiennent, à escient, aucune disposition permettant la radiation d'une demande de contrôle judiciaire (Bull (David) Laboratories (Canada) Inc. v. Pharmacia Inc. et al. (1994), 176 N.R. 48, pages 52 et suivantes (l'arrêt Pharmacia)).

     En conséquence, la règle 419 - qui porte sur la radiation dans le cadre d'une action - ou toute règle de procédure en droit provincial ne peuvent par le biais de la règle 5 être invoquées pour rechercher une radiation d'une demande de contrôle judiciaire, et a fortiori, ajouterais-je, pour obtenir la radiation de dossiers ou partie de dossiers produits par les parties aux termes des règles 1606 ou 1607.

     Alors, cette Cour a-t-elle néanmoins juridiction pour procéder à radiation dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire?

     Une mince porte semble ouverte aux cas exceptionnels qui le méritent. En effet, dans l'arrêt Pharmacia, le juge Strayer a précisé en fin d'analyse ce qui suit (en pages 54-5):

         This is not to say that there is no jurisdiction in this court either inherent or through rule 5 by analogy to other rules, to dismiss in summary manner a notice of motion which is so clearly improper as to be bereft of any possibility of success. (See e.g. Cyanamid Agricultural de Puerto Rico Inc. v. Commissioner of Patents (1983), 74 C.P.R. (2d) 133 (F.C.T.D.); and the discussion in Vancouver Island Peace Society et al. v. Canada (Minister of National Defence) et al., [1994] 1 F.C. 102; 64 F.T.R. 127, at 120-121 F.C. (T.D.)). Such cases must be very exceptional and cannot include cases such as the present where there is simply a debatable issue as to the adequacy of the allegation in the notice of motion.         
         (mes soulignés)         

     C'est ce même raisonnement qu'a suivi le juge Nadon de cette Cour dans une décision récente du 13 août 1996 (Tom Pac Inc. c. Kem-A-Trix (Lubricants) Inc., dossier T-1238-96, en page 5).

     Requise de préciser la règle ou l'autorité en vertu de laquelle la procureure des requérantes recherchait la radiation en litige, cette dernière signifia qu'elle s'autorisait, d'une part, de la règle 1607, qui précise ce que peut contenir le dossier de l'intimé dans toute affaire et, d'autre part, des enseignements formulés par le juge Richard de cette Cour dans l'arrêt Merck Frosst, supra.

     Quant à la règle 1607, l'affaire Merck Frosst rappelle bien que la règle 1606 - à l'instar de la règle 1607 forcément - établit de façon non exhaustive ce que peut contenir le dossier du requérant. Je ne crois pas que les règles 1606 ou 1607 peuvent servir pour réclamer la radiation d'une procédure ou partie d'icelle.

     Quant à l'arrêt Merck Frosst, je ne crois pas que dans cette affaire le juge Richard ait voulu diverger ou étendre le test établi par le juge Strayer dans l'affaire Pharmacia et cité plus avant.

     Dans Merck Frosst, le juge Richard débute son analyse en rappelant avec force la procédure sommaire et le caractère rapide que doit suivre toute demande de contrôle judiciaire (Merck Frosst, supra, p. 248). Il souligne, de plus, l'inconsistance entre la présentation de requêtes interlocutoires - de la nature de celle sous étude - avec les objectifs poursuivis par le régime gouvernant les demandes de contrôle judiciaire.

     Le juge Richard se réfère même à l'affaire Pharmacia pour soutenir ses propos à cet égard.

     On doit donc retenir qu'il était fort conscient de l'ouverture qu'offre la Cour d'appel fédérale de s'appuyer sur la juridiction inhérente de cette Cour en présence de cas exceptionnels pour procéder à une radiation à l'encontre d'une requête.

     Suivant mon analyse des motifs du juge Richard, on doit en conclure que ce dernier a considéré qu'il était, dans l'arrêt Merck Frosst, en présence d'un cas exceptionnel et qu'il y avait lieu dans les circonstances de procéder à élaguer le dossier des requérantes.

     Il faut constater à cet égard que l'affaire Merck Frosst impliquait principalement deux compagnies pharmaceutiques dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire mue par les mêmes dispositions législatives et réglementaires que celles pertinentes à la présente affaire.

     Au terme de plus de quinze (15) requêtes interlocutoires, les requérantes d'alors introduisirent dans leur dossier l'ensemble des documents ayant supporter la présentation de ces requêtes. Sur requête en radiation de l'intimée, le juge Richard permit, entre autres, que les ordonnances interlocutoires et les avis de requêtes pertinents auxdites quinze (15) requêtes demeurent au dossier des requérantes mais ordonna la radiation d'affidavits supportant ces requêtes puisque le sujet que ces affidavits touchaient avait été décidé par les ordonnances subséquemment rendues. Qui plus est, j'en déduis des motifs du juge Richard qu'au moins un tel affidavit contenait comme pièce un affidavit dont la Cour avait refusé la production.

     Le caractère volumineux du dossier des requérantes et surtout l'introduction de documents par ailleurs refusée par la Cour ont amené, à mon avis, le juge Richard à intervenir.

     Les éléments ayant amené le juge Richard à intervenir dans l'arrêt Merck Frosst ne sont pas ici présents.

     De plus, je ne considère pas que les requérantes ici soient en présence d'une situation par ailleurs exceptionnelle, c'est-à-dire inacceptable, au point qu'il faille intervenir et radier les documents du dossier T-388-96 et autres mentions y reliées.

     Dans leur avis introductif d'instance, les requérantes font elles-mêmes référence à l'existence du dossier T-388-96 et dénoncent la possibilité pour l'intimée de pouvoir émettre un deuxième avis d'allégation. Au paragraphe 14 de cet avis, elles établissent même que:

         These proceedings are instituted ex abundanti cautela and without prejudice to the Applicants' right to maintain that Apotex's "further" notice of allegation is irregular and should never have been served.         

     Peut-on maintenant décrier le fait que l'intimée ait voulu inclure les documents du dossier T-388-96 dans son dossier de l'intimée dans le présent dossier. Je ne le crois pas. À tout hasard, s'il y a là quelque chose d'inapproprié ou d'inacceptable de la part de l'intimée - ce que j'ai peine à voir pour l'instant - ce n'est certes pas de nature à enclencher la juridiction inhérente de cette Cour au sens de l'affaire Pharmacia.

     Il est évident ici que mon point de vue ne lie aucunement le juge qui sera appelé à entendre le mérite de cette affaire.

     Les requérantes ont soulevé également dans leur avis de requête en radiation le fait que l'inclusion des documents du dossier T-388-96 leur causait préjudice. Cette affirmation est toutefois demeurée un simple allégué à leur requête et n'a pas été développée et soutenue par une preuve par affidavit. Je ne saurais donc m'y attarder davantage.

     Enfin, la procureure des requérantes a soutenu que les documents du dossier T-388-96 se devaient, à tout le moins, d'être introduits par l'intimée via un affidavit. Je ne suis pas convaincu que tel devait être le cas, spécialement en ce qui a trait à l'ordonnance du juge Rouleau. Quant aux autres procédures, elles constituent des copies de copies certifiées de procédures à un dossier public de la Cour. À leur égard, si l'exigence de procéder par affidavit existait, l'irrégularité qu'elle entraîne ne peut être de nature à entraîner à ce stade-ci une radiation.

     À mon avis, les difficultés que les requérantes perçoivent relativement au contenu du dossier de l'intimée sont des éléments qu'elles se doivent de traiter, si elles le souhaitent, dans leur dossier supplémentaire à être produit conformément à la règle 1608 et dans l'échéancier arrêté par le juge Rouleau dans une ordonnance du 9 juillet 1996 et non pas par la présentation d'une requête interlocutoire qui forcément retarde le déroulement de l'affaire. Tel que le soulignait le juge Strayer en page 53 dans l'affaire Pharmacia:

         This all reinforces the view that the focus in judicial review is on moving the application along to the hearing stage as quickly as possible. This ensures that objections to the originating notice can be dealt with promptly in the context of consideration of the merits of the case.         

     Pour ces motifs, cette requête en radiation des requérantes sera rejetée et leur dossier supplémentaire devra être produit suivant l'échéancier établi par le juge Rouleau dans son ordonnance du 9 juillet 1996.

     Frais à suivre.

     Richard Morneau

     Protonotaire

Montréal (Québec)

le 6 septembre 1996

     T-793-96

MONTRÉAL (QUÉBEC), CE 6e JOUR DE SEPTEMBRE 1996

EN PRÉSENCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

ENTRE:

     GLAXO WELLCOME INC.


-and-


THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

     Requérantes

     ET

     THE MINISTER OF NATIONAL HEALTH AND WELFARE


-and-


APOTEX INC.

     Intimés

     ORDONNANCE

     La requête en radiation des requérantes est rejetée et leur dossier supplémentaire devra être produit suivant l'échéancier établi par le juge Rouleau dans son ordonnance du 9 juillet 1996.

     Frais à suivre.

     Richard Morneau

     Protonotaire

             T-793-96

GLAXO WELLCOME INC.

-and-

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

             Requérantes

THE MINISTER OF NATIONAL HEALTH AND WELFARE

-and-

APOTEX INC.

             Intimés

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-793-96

GLAXO WELLCOME INC.

-and-

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

     Requérantes

ET

THE MINISTER OF NATIONAL HEALTH AND WELFARE

-and-

APOTEX INC.

     Intimés

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 20 août 1996

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR:Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 6 septembre 1996

COMPARUTIONS:

Me Judith Robinson pour les requérantes

Mr. Harry B. Radomski pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Judith Robinson pour les requérantes

Ogilvy, Renault S.E.N.C.

Montréal (Québec)

Mr. Harry B. Radomski pour les intimés

Goodman Phillips & Vineberg

Toronto (Ontario)


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