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Date : 20021203

Dossier : T-1726-01

Toronto (Ontario), le mardi 3 décembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

                     

ENTRE :        

                                                                           

JOHN FARRELL

demandeur

                                                                            

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

      

défenderesse

ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR la requête présentée pour le compte de la défenderesse le 2 mai 2002 en vue d'obtenir les réparations suivantes :       

1.          une ordonnance rejetant la réclamation contenue dans la déclaration déposée par le demandeur le 2 octobre 2002 au motif qu'elle ne révèle pas l'existence d'une véritable question litigieuse;


2.          à titre subsidiaire, une ordonnance modifiant l'intitulé de l'instance de manière à ce que la partie défenderesse y soit Sa Majesté la Reine;

3.                    les dépens de la présente requête;

4.          toute autre réparation que l'avocat peut juger à propos de réclamer et que la Cour peut estimer bon d'accorder;

APRÈS AUDITION de l'avocat de la défenderesse et de l'avocat du demandeur (intimé dans la requête) à Toronto le 2 décembre 2002, date à laquelle la Cour a décidé de reporter à plus tard le prononcé de sa décision, APRÈS EXAMEN du dossier de la requête qui a été déposé pour le compte de la défenderesse le 3 mai 2002 et du dossier qui a été déposé pour le compte du demandeur à l'audience du 2 décembre 2002 et APRÈS EXAMEN des observations qui ont été formulées à l'audience;

ET APRÈS AVOIR CONCLU que la déclaration contestée ne révèle aucune cause d'action valable :

1.         ACCUEILLE la requête de la défenderesse, RADIE la déclaration du demandeur ET REJETTE l'action;

2.         MODIFIE, avec le consentement des deux parties, l'intitulé de la cause de manière à ce que la partie défenderesse y soit Sa Majesté la Reine conformément à l'intitulé de cause de la présente ordonnance;

  

3.         ADJUGE à la défenderesse les dépens, qui sont fixés à la somme de 500 $, sauf entente contraire des parties.

  

                                                                                                                 « W. Andrew MacKay »             

                                                                                                                                                    Juge                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a, LL.L.


Date : 20021206

Dossier : T-1726-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1271

ENTRE :

                                                             JOHN FARRELL

demandeur

  

                                                                            

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

      

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

  

[1]                 Dans la présente action, la défenderesse a présenté une requête en vue d'obtenir le rejet de l'action en vertu de l'article 213 des Règles de la Cour fédérale (1998) au motif qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse.


[2]                 Après avoir entendu les avocats des parties à Toronto le 2 décembre 2002 et après examen du dossier de la requête et notamment des affidavits qui ont été déposés, de la transcription des interrogatoires qui ont eu lieu sur les affidavits en question et après examen des actes de procédure, la Cour a prononcé le 3 décembre 2002 une ordonnance radiant la déclaration et rejetant l'action du demandeur. Voici les motifs de cette ordonnance prononcée sous forme de jugement sommaire.

[3]                 Dans son action, le demandeur concluait au prononcé d'un jugement déclarant que le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) l'avait congédié injustement. Le demandeur réclamait par suite de ce congédiement injuste des dommages-intérêts spéciaux et généraux, des dommages-intérêts majorés, des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, les dépens extrajudiciaires et les intérêts accumulés entre la date de la déclaration, le 2 octobre 2001 et la date du jugement et par la suite jusqu'au paiement.

[4]                 Le point litigieux sur lequel repose la requête en radiation est l'argument de la défenderesse suivant lequel le SCRS n'a jamais été l'employeur du demandeur. La défenderesse affirme que, dans son action, le demandeur n'articule pas les faits essentiels permettant d'établir qu'il était un employé du SCRS et elle ajoute que les faits allégués ne permettent pas d'inférer qu'il travaillait pour ce service. Si les faits articulés dans la déclaration et si l'affidavit que le demandeur a déposé en réponse à la requête ne renferment aucun élément permettant d'établir que le demandeur travaillait pour le SCRS, aucune des réparations qu'il réclame ne peut lui être accordée et ce, même si son action parvient au stade de l'instruction.


[5]                 Dans sa déclaration, M. Farrell invoque les circonstances suivantes pour soutenir qu'il était un employé du SCRS. Il affirme qu'il s'est présenté à une entrevue au bureau régional du SCRS à Toronto et qu'il a été engagé par un cadre supérieur du SCRS, qu'on lui a fourni un bureau et de l'équipement et qu'il relevait du SCRS, même s'il était payé par Postes Canada, où, du moins au début, son travail consistait à intercepter du courrier pour le compte du SCRS. Ses attributions ont par la suite été modifiées et en 1997, son employeur de substitution a été remplacé par un ancien employé de Postes Canada. Il affirme qu'il avait droit à une rémunération pour des heures supplémentaires mais qu'il n'a jamais reçu cette rétribution. Il a été congédié sans préavis raisonnable et sans indemnité de préavis. Il croit que le SCRS avait arrêté de cette manière les modalités de son emploi parce qu'il ne voulait pas révéler publiquement que le demandeur était son employé.

[6]                 Selon l'affidavit souscrit par M. Gaétan Ranger, chef de la gestion du personnel à l'Administration centrale du SCRS, à l'appui de la requête en jugement sommaire de la défenderesse, le pouvoir exclusif du directeur du SCRS de nommer les employés du SCRS qui lui est conféré par l'article 8 de la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, a été délégué au directeur général des Services du personnel du SCRS, et l'Administration centrale d'Ottawa doit autoriser toutes les offres d'emploi. Une offre d'emploi n'est faite qu'après que diverses étapes ont été franchies avec succès, notamment après la présentation d'une demande d'emploi écrite dûment remplie, la tenue d'une série d'entrevues, l'obtention d'une habilitation de sécurité, l'approbation de la nomination proposée par le directeur général régional ou par le directeur général de l'Administration centrale, et, finalement, l'approbation du directeur général des Services du personnel. La déclaration du demandeur et l'affidavit qu'il a par la suite déposé ne mentionnent aucune de ces étapes en ce qui concerne son présumé emploi au SCRS.


[7]                 Qui plus est, dans son affidavit, M. Ranger atteste les recherches approfondies qu'a effectuées le chef de la gestion du personnel de l'Administration centrale en consultant les dossiers du SCRS relatifs à toutes les demandes d'emploi, aux dossiers d'emploi, aux bases de données informatiques et aux bases de données sur le personnel du SCRS, ainsi que les dossiers du bureau régional de Toronto. Ces recherches n'ont pas permis de confirmer que le demandeur aurait demandé ou obtenu un emploi au SCRS.

[8]                 La procédure à suivre pour nommer les employés du SCRS est celle qui est prévue à la Loi sur le SCRS, précitée, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-32 et à la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F.10.

[9]                 Il est de jurisprudence constante qu'une personne ne peut devenir un employé de Sa Majesté du chef du Canada sans qu'une nomination précise soit effectuée selon la procédure établie conformément à ces lois. En l'espèce, comme le directeur du SCRS a été expressément autorisé par le Parlement à nommer les employés du SCRS, les employés de la fonction publique qui travaillent pour le SCRS doivent être nommés en conformité avec la procédure prescrite par le directeur.

[10]            Le principe que la nomination d'un employé de la fonction publique doit être effectuée en conformité avec les pouvoirs conférés par la loi est un principe de longue date. Un fonctionnaire ne peut être nommé autrement et sa nomination ne peut être inférée des faits articulés que s'il existe des faits selon lesquels la procédure prescrite a été suivie (voir l'arrêt Canada (procureur général) c. Alliance de la fonction publique, [1991] 1 R.C.S. 614, à la page 634, et le jugement Gariépy c. Canada, [1996] A.C.F. no 191 (C.F. 1re inst.), confirmé à [1998] A.C.F. no 698 (C.A.F.), autorisation d'appel refusée à [1998] C.S.C.R. no 384).


[11]            Conformément aux articles des Règles de la Cour concernant les jugements sommaires, la défenderesse a, après avoir déposé sa défense, présenté sa requête et déposé un dossier de requête en conformité avec l'article 214 des Règles, mais M. Farrell, l'intimé, n'a pas déposé de dossier de requête avant l'expiration du délai prescrit au paragraphe 214(2). Il a soumis un dossier de requête au greffe de la Cour la veille de l'audience qui était prévue, et j'en ai ordonné le dépôt lors de l'audience. Ce dossier contient l'affidavit que M. Farrell a souscrit le 13 novembre 2002 en réponse à la requête en jugement sommaire et dans lequel il articule d'autres faits que ceux qui étaient allégués dans la déclaration, pour démontrer l'existence d'une véritable question litigieuse (article 215 des Règles).

[12]            Dans son affidavit, M. Farrell affirme qu'il a travaillé au SCRS du 27 février 1991 au 3 janvier 1999 et qu'il servait au sein de la Direction générale des services opérationnels spéciaux. Il déclare qu'il a répondu à l'invitation que lui avait adressée un cadre supérieur à se présenter à une entrevue d'emploi au bureau régional de Toronto où il a été question de perspectives d'emploi. Lors de la rencontre, il a fourni tous les renseignements demandés et a communiqué tous les détails au sujet des renseignements personnels demandés sur la formule de demande d'emploi du gouvernement qu'il a remplie. On lui a dit que, s'il était engagé, il ne pourrait pas révéler qu'il travaillait au SCRS ou pour le SCRS, mais qu'il devait déclarer qu'il travaillait pour Postes Canada.

[13]            Plus tard, à la suite de l'entrevue, il a reçu un appel téléphonique d'un préposé aux entrevues du SCRS qui lui a offert un emploi au SCRS. Ses fonctions ont été élargies au fil des ans et il a entrepris diverses tâches, même s'il continuait à recevoir le même tarif horaire par le biais de Postes Canada sans avoir droit aux avantages sociaux et sans être payé pour ses heures supplémentaires. On lui a fourni un bureau à Postes Canada ou ailleurs, on lui a procuré de l'équipement et on lui a attribué un téléphone payé du SCRS.


[14]            Lors de son congédiement, il a rencontré deux cadres supérieurs du SCRS qui ont offert de lui verser 6 000 $ s'il s'engageait à ne pas révéler avoir travaillé pour le SCRS. Il a refusé. Voici un extrait de la lettre écrite le 30 mars 1999 par le directeur du SCRS :

[TRADUCTION]

Essentiellement, vos relations de travail avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) se sont déroulées dans le cadre du Programme des inspecteurs auxiliaires du service postal. En janvier 1999, vous avez choisi de votre plein gré de cesser de travailler en cette qualité. Le Service n'est pas tenu de vous verser une rémunération supplémentaire pour tout travail que vous avez effectué en tant qu'employé de Postes Canada et il ne vous en versera aucune.

Je reconnais que vous avez aidé le Service d'autres manières à l'occasion et nous tenons à vous exprimer notre gratitude. Vous avez alors été payé directement par le SCRS qui vous a versé une rétribution proportionnelle à la nature de l'aide fournie. Toutefois, le Service n'a plus aucune autre obligation envers vous à cet égard.

Compte tenu du fait que vous avez êtes retrouvé sans travail durant un certain temps, le Service vous a offert une aide financière de 6 000 $ pour vous aider à passer cette période de transition. Cette offre ne se voulait pas une reconnaissance de ce que vous appelez votre engagement de longue durée envers les programmes du Service. Elle se voulait plutôt un geste humanitaire visant à vous aider à remplir les obligations financières que vous avez contractées alors que vous étiez sans travail. Or, vous avez refusé cette offre.

[15]                         Dans ses observations écrites, l'avocat de la défenderesse reconnaît que M. Farrell a fourni ses services à des tiers en tant qu'entrepreneur indépendant et non en tant qu'employé du SCRS. Même si les tiers en question agissaient comme substituts du SCRS, ce qui est nié, le statut juridique du demandeur ne pouvait être différent de celui qu'il avait face aux tiers en question. En tant qu'entrepreneur indépendant, il n'était pas un employé du SCRS.


[16]            Dans sa déclaration et dans l'affidavit qu'il a déposé en réponse à la requête en jugement sommaire, le demandeur n'allègue pas de faits qui permettraient d'établir qu'il a suivi la procédure prescrite par le directeur du SCRS en matière d'embauche. Il n'a soumis aucun élément de preuve qui permettrait de penser qu'une offre d'emploi a été autorisée par le directeur ou son délégué et il n'a fait allusion à aucune offre d'emploi écrite.

[17]            Si les faits articulés par M. Farrell étaient établis, ils démontreraient qu'un fonctionnaire du SCRS, qui n'était ni le directeur, ni le directeur général des Services du personnel et qui prétendait agir au nom du SCRS, lui a offert un emploi au SCRS, a

pris des dispositions pour qu'il soit rémunéré pour ses services et a supervisé son travail pendant huit ans. Ils n'établiraient pas qu'il était un employé de Sa Majesté qui travaillait au SCRS.

[18]            Ainsi, les faits articulés n'établissent pas le fondement juridique de sa demande de réparation, en l'occurrence le fait qu'il était un employé du SCRS. Le jugement déclaratoire et les dommages-intérêts qu'il réclame pour l'indemniser de son présumé congédiement injuste ne peuvent tout simplement pas lui être accordés à moins qu'il précise dans sa déclaration les modalités de son travail au SCRS, en conformité avec la procédure prescrite, et qu'il soit en mesure d'en faire la preuve au procès. Or, il n'a pas allégué en l'espèce le fondement de ces conclusions et il n'existe pas de véritable question litigieuse.

[19]            Quelle que soit la nature des relations qui existaient entre le demandeur et le SCRS, ces relations n'ont pas été alléguées d'une manière qui permettrait d'établir qu'il était un employé du SCRS, et toute réparation qu'il pourrait obtenir ne pourrait lui être accordée que dans le cadre d'une action fondée sur un autre motif que le congédiement injuste.


[20]            L'avocat de la défenderesse affirme que c'est Sa Majesté la Reine qui est la bonne partie défenderesse dans la présente action, et non le Service canadien du renseignement de sécurité, comme la partie défenderesse a d'abord été désignée. Je suis d'accord avec lui et la Cour ordonnera dans son jugement que l'intitulé de la cause soit modifié pour que la défenderesse soit désignée comme étant Sa Majesté la Reine, comme c'est le cas au début des présents motifs.

[21]            L'avocat de Sa Majesté a réclamé les dépens. La Cour adjugera dans son jugement la somme de 500 $ à la défenderesse à titre de dépens, sauf entente contraire des parties.

     

                                                                         « W. Andrew MacKay »             

                                                                                                             Juge                              

  

Toronto (Ontario)

Le 6 décembre 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                               T-1726-01

INTITULÉ :                                              JOHN FARRELL

demandeur

- et -

                                                         

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LUNDI 2 DÉCEMBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :                           VENDREDI 6 DÉCEMBRE 2002

   

COMPARUTIONS :

Me Patrick Martin                                                POUR LE DEMANDEUR

mandataire de Me Ernest Rovet

  

Mes Charleen Brenzall                                           POUR LA DÉFENDERESSE

et Sean Baudet

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ERNEST ROVET                                                POUR LE DEMANDEUR

1278, rue Yonge, bureau 201

Toronto (Ontario) M4T 1W5

  

Morris Rosenberg                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20021206

                              Dossier: T-1726-01

ENTRE :

JOHN FARRELL

demandeur

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

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MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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