Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980501

     Dossier : IMM-1805-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er MAI 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

Entre :

     JAGDEO, MANJIT SINGH,

     Requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Intimé.

     ORDONNANCE

     Pour les raisons énoncées dans mes motifs d'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             "Max M. Teitelbaum"     

                             J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

     Date : 19980501

     Dossier : IMM-1805-97

Entre :

     JAGDEO, MANJIT SINGH,

     Requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 14 avril 1997 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [ci-après la Section du statut de réfugié] statuant que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

EXPOSÉ DES FAITS

[2]      Le requérant, Manjit Singh Jagdeo, est un citoyen indien âgé de 26 ans qui, en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social déterminé, dit avoir de bonnes raisons de craindre la persécution. Outre son témoignage à l'audience, le requérant a fourni, dans sa fiche de renseignements personnels, les données suivantes.

[3]      Le requérant travaillait avec son père dans l'entreprise de construction familiale à Ludhiana. Le 27 décembre 1994, la police l'a arrêté au travail et l'a emmené au poste de police, où il fut accusé de permettre à des militants membres de l'organisation Babbar Khalsa d'utiliser le chantier de construction et d'y cacher des armes. Ayant nié cette accusation, le requérant a été suspendu par les pieds et battu. Une fois détaché, on l'a frappé sur la plante des pieds et sur les fesses avec des lanières de cuir jusqu'à lui faire perdre connaissance.

[4]      Il a été relâché le lendemain soir après que son père eut versé un pot-de-vin et grâce à l'intervention de "notabilités locales" et du commissaire municipal.

[5]      La police ayant commencé à se rendre au domicile familial et à interroger le requérant sur ses activités, celui-ci s'est enfui en février 1995 vers un autre village. Il a décidé de travailler pour la cause sikh et s'est intéressé aux activités de la Section jeunesse du mouvement Akali Dal. Il ne s'est pas enrôlé dans cette section, mais a effectivement voituré des gens aux réunions et travaillé à la cuisine. Il s'est également engagé comme travailleur communautaire au temple sikh, ce qui lui a valu d'être populaire auprès des villageois.

[6]      Ceux-ci ont décidé de commémorer la journée du 15 août 1995, fête de l'indépendance de l'Inde, à titre de "Journée noire". Le requérant avait pour mission de rassembler les villageois et de les transporter à Moga par tracteur, munis de drapeaux noirs. Le 14 août 1995, avec 13 ou 14 autres personnes, il a été arrêté et battu. On l'a accusé d'être antinational tout en lui intimant de cesser toute activité partisane sans quoi il s'exposerait à de graves conséquences. Il a été relâché trois jours plus tard suite aux assurances données par le conseil de village et au versement d'un pot-de-vin par ses parents. Il a été hospitalisé à sa libération.

[7]      Le 15 septembre 1995, la police a effectué une descente au domicile du requérant qu'elle a arrêté ainsi qu'une autre personne. On l'a emmené vers une destination peu familière où la police l'a accusé de fournir aide et appui à des militants dont il connaissait supposément les refuges. Ayant rejeté cette accusation, il a été battu avec des barres de fer et des crosses de fusil jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Il a été emmené dans un lieu inconnu ainsi qu'à Gurudawara pour identifier des militants. N'ayant pu reconnaître aucun d'eux, il a été torturé une nouvelle fois.

[8]      Il a été détenu et torturé pendant onze jours, puis libéré grâce à l'influence du conseil de village et de Sathi Roop La, un ancien membre de l'assemblée législative. Il a été transporté à l'hôpital pour traitement.

[9]      En octobre 1995, il a décidé de déménager à Gaziabad, en Uttar Pradesh. Le 29 du même mois, son village et sa maison à Ludhiana ont fait l'objet d'une perquisition. Le père du requérant a été arrêté et conduit au poste de police. La mère ayant téléphoné à son fils pour lui relater les événements, celui-ci a quitté l'Uttar Pradesh le même jour en direction de New Delhi. Il a pris contact avec sa famille dont il a appris que la police le recherchait et que son père a dû, sous la torture, révéler le lieu où il se trouvait. Son père lui a demandé de quitter l'Inde et l'a aidé dans ses préparatifs à cette fin. Le requérant a quitté l'Inde le 18 janvier 1996 et, le même jour, est arrivé au Canada où il a réclamé le statut de réfugié.

[10]      La section du statut a jugé que la crainte de persécution du requérant en raison d'opinions politiques n'était pas fondée, tout en déclarant que la notion de crainte fondée comportait à la fois un élément subjectif et un élément objectif. Elle a conclu que sur le plan, le requérant n'avait pas de crainte objective de persécution.

[11]      Le requérant a déclaré que ses difficultés étaient dues au fait que la police l'accusait d'avoir donné asile à des militants. La section du statut a conclu que ces incidents contredisaient la preuve documentaire montrant que les activités des militants au Pendjab avaient été pratiquement éliminées en 1994. Elle a observé, cependant, que les rapports d'ordre médical et psychologique indiquaient que le requérant avait subi des tortures physiques et mentales. La section du statut en a conclu qu'étant donné la situation prospère de l'entreprise de construction familiale, le requérant aurait pu être détenu pour fins d'extorsion, ce qui, à mon sens, est pure conjecture de la part de la section du statut. C'est pourquoi elle a conclu que le requérant avait raison de craindre la persécution au Pendjab.

[12]      Cependant, la section du statut a estimé que le requérant disposait d'une possibilité de refuge intérieur [PRI ci-après] en soulignant qu'on n'avait jamais, au cours de ses arrestations successives, pris sa photographie, relevé ses empreintes digitales ni qu'on ne l'avait accusé de s'être livré à une activité criminelle quelconque. La preuve documentaire a montré l'horrible traitement infligé par la police aux terroristes présumés et à leurs acolytes. Par conséquent, du fait que le requérant a été relâché après ses trois arrestations, la section du statut a pu conclure que la police ne le tenait pas pour un militant ou pour un partisan.

[13]      La section du statut a noté que le requérant n'est affilié à aucune formation politique. Elle a en outre conclu que son profil ne cadre pas avec le type d'activiste que la police rechercherait à l'extérieur du Pendjab ou en faisant appel à la police centrale de réserve (Central Reserve Police). Elle a également cité des preuves documentaires indiquant que les autorités ne poursuivaient pas individuellement les Sikhs vivant à l'extérieur du Pendjab à moins d'avoir une preuve d'activité criminelle. La section du statut en a donc conclu que le requérant n'avait pas raison de craindre la persécution en Inde, en dehors du Pendjab.

[14]      Enfin, elle a jugé qu'il ne serait pas indûment pénible pour le requérant de vivre ailleurs en Inde, d'autant plus qu'il est jeune et possède cinq ans d'expérience dans la construction. Elle a également observé que la preuve documentaire montre que les Sikhs peuvent réussir dans d'autres villes.

[15]      Donc, la section du statut a conclu que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention du fait qu'il dispose d'une PRI. Le requérant demande le contrôle judiciaire de cette décision.

OBSERVATIONS

1. Observations du requérant

[16]      La section du statut a conclu que le requérant était persécuté parce qu'il appartenait à une riche famille du Pendjab. L'intéressé est d'avis que la section du statut aurait dû se demander s'il ne serait pas également victime d'extorsion dans d'autres régions de l'Inde. Il relève qu'il est connu de la police du Pendjab et qu'en tant que Sikh de cette région, il serait facilement reconnaissable et ferait probablement l'objet d'enquête à l'extérieur du Pendjab. Il ajoute que la police pendjabie recherche les Sikhs qui ont fui le Pendjab et que sa propre situation diffère de celle des Sikhs vivant en dehors du Pendjab. Faisant état de la décision Kahlon c. Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié) (1993), 24 Imm. L.R. (2d) 219 (C.F. 1re inst.), il soutient que les conditions propres aux autres Sikhs ne devraient pas être comparées avec celles des Sikhs du Pendjab.

[17]      Il allègue en outre que la section du statut a simplement examiné s'il serait recherché ailleurs en tant que militant, sans s'occuper de savoir s'il serait la cible d'extorsion. Le requérant observe que la section du statut a conclu que les autorités indiennes sont en mesure de retracer des individus partout dans le pays, ce qui, à son avis, renforce sa crainte d'être éventuellement la cible d'extorsion quelque part ailleurs en Inde.

[18]      Il soutient également que la section du statut a omis de tenir compte de sa situation particulière en jugeant qu'il disposait d'une PRI dans d'autres régions de l'Inde, c'est-à-dire ailleurs qu'au Pendjab.

2. Observations de l'intimé

[19]      D'après l'intimé, la section du statut n'a pas conclu que le requérant faisait partie d'un groupe social particulier, comme le signale le requérant dans ses observations et le requérant prétend que la section du statut s'est simplement demandée si les arrestations et les pots-de-vin ne visaient pas peut-être à l'extorquer.

[20]      L'intimé note que le requérant n'a été impliqué dans aucun incident durant les trois mois qu'il a passé à New Delhi. En outre, la section du statut a constaté qu'il n'avait été accusé d'aucune participation directe ou indirecte à une activité criminelle, pas plus qu'elle n'a cru qu'on le tenait pour un partisan actif. C'est pourquoi, l'intimé estime raisonnable que la section du statut ait conclu que le requérant ne serait pas poursuivi par la police pendjabie ou la police centrale de réserve que ce soit pour des raisons politiques ou à des fins d'extorsion.

[21]      L'intimé conteste aussi les observations du requérant selon lesquelles la section du statut a déterminé qu'il ne ferait vraisemblablement pas l'objet d'une enquête en tant que Sikh qui a fui le Pendjab. Il soutient, au contraire, que la section de statut a estimé que le requérant ne présenterait plus aucun intérêt en dehors du Pendjab. Le fait qu'il ait vécu relativement en paix durant trois mois à New Delhi confirme davantage le caractère raisonnable de la conclusion tirée par la section du statut.

[22]      Au sujet de la PRI dont disposerait le requérant, l'intimé a cité la cause Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.) à l'appui de l'affirmation voulant que le requérant soit tenu de prouver que cette possibilité est inexistante ou déraisonnable. De l'avis de l'intimé, le requérant n'a pas fourni la preuve qui lui incombait.

[23]      L'intimé déclare aussi que la section du statut a effectivement examiné les circonstances particulières du requérant en étudiant son profil individuel, ses antécédents politiques, sa situation au Pendjab et à New Delhi et ses possibilités d'emploi en tant que jeune travailleur de 26 ans du secteur de la construction. Il signale en outre que la section du statut a fait état de preuves documentaires se rapportant à des individus qui partagent la même situation que le requérant.

ANALYSE

[24]      Le seul motif qu'invoque le requérant à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire se rapporte à la conclusion de la section du statut disant qu'une PRI existait à l'extérieur du Pendjab. De l'avis du requérant, la section du statut aurait dû examiner s'il était lui-même la cible d'extorsion en Inde, ailleurs qu'au Pendjab. Il a également soutenu qu'elle n'avait pas tenu compte de sa situation particulière, mais plutôt de celle plus générale des Sikhs vivant à l'extérieur du Pendjab.

[25]      L'intimé cite, à juste titre, l'affaire Thirunavukkarasu c. M.E.I., [1994] 1 C.F. 589 (C.A.) à l'appui de la notion voulant que le requérant soit tenu de prouver, en fonction de la prépondérance des probabilités, que la prétendue PRI comporte un sérieux risque de persécution. La section du statut doit être convaincue, eu égard à cette prépondérance, que le requérant ne court pas un sérieux risque de persécution dans cette partie du pays où existe une PRI. Elle doit également conclure, à la lumière des circonstances, qu'il ne serait pas déraisonnable d'y chercher refuge (voir Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.)).

[26]      Le requérant allègue que le principe établi par la décision Kahlon précitée, s'applique en l'espèce. Dans la cause Kahlon, le requérant a soutenu que la décision rendue dans l'affaire Sabaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 901 (QL) (C.A.F.) a ajouté au critère énoncé dans la cause Rasaratnam précitée, de sorte que la section du statut doit obligatoirement tenir compte des individus qui se trouvent dans la même situation que le requérant. La Cour a cité la décision Singh c. Canada (M.E.I.) (1993), 65 F.T.R. 110 où le juge Dubé a écrit à la page 112 ce qui suit :

         La question dont était saisi le tribunal n'était pas de savoir si le gouvernement de l'Inde menait, "à l'échelle nationale, une campagne contre les Sikhs" mais plutôt de savoir s'il y avait une possibilité sérieuse pour le requérant d'être persécuté ailleurs en Inde. À mon avis, le tribunal a commis une erreur en concluant à l'aide d'un seul élément de preuve documentaire générale relatif à la situation sociale des Sikhs à l'extérieur du Pendjab, que le requérant serait par conséquent en sécurité ailleurs. Le tribunal n'a soumis aucun autre élément de preuve à l'appui de sa conclusion que parce que Bombay et Calcutta ne faisaient pas présentement l'objet d'un conflit, le requérant n'y serait pas en danger. Il n'a pas non plus abordé la question de savoir si, en tenant compte de l'ensemble des circonstances, y compris celles propres au requérant, il serait raisonnable pour lui d'aller en ces lieux.                 

[27]      Dans l'affaire Kahlon précitée, la Cour s'est rendue aux observations du requérant en affirmant que la section du statut aurait dû tenir compte des individus placés dans la même situation que le requérant, plutôt que de la condition générale des Sikhs vivant en Inde ailleurs qu'au Pendjab.

[28]      Je suis persuadé que les décisions relatives à Sabaratnam, Singh et Kahlon précitées, ne sont que l'expression du principe voulant que la définition de réfugié au sens de la Convention et celle de PRI présumée doivent s'interpréter en fonction de leur application au requérant. On trouverait certainement bizarre que la section du statut fasse état de preuves documentaires ne concernant pas les Sikhs dans le cadre d'une demande de statut de réfugié au sens de la Convention présentée par un Sikh. Il faudrait de même prendre garde à ne pas se livrer à des généralisations à partir de renseignements obtenus de Sikhs qui n'ont jamais vécu au Pendjab de leur vie et d'appliquer ce genre de preuve à la demande d'un Sikh fuyant le Pendjab suite à des détentions et sévices répétés. Simplement dit, la preuve qui se rapporte davantage aux circonstances du requérant aura toujours une valeur plus probante dans l'évaluation d'une PRI qu'une preuve moins ou peu pertinente. La section du statut est tenue d'établir l'existence d'une PRI en considérant les circonstances mêmes du requérant.

[29]      Je note que dans l'affaire Bhinder c. Canada (M.E.I.) (1994), 76 F.T.R. 74, le juge MacKay a établi une distinction entre ce cas d'espèce et celui de Singh au motif que la section du statut avait examiné les circonstances du requérant (page 76) :

         Le requérant a soutenu que le tribunal a omis de tenir compte d'éléments de preuve pertinents importants. Premièrement, le tribunal n'aurait pas tenu compte du témoignage du requérant relativement à la question du savoir s'il aurait été en sécurité à Bombay. Son témoignage portait qu'il n'y aurait pas été en sécurité, étant donné que, dans un collège de cette région, les Sikhs sont victimes de harcèlement. Son témoignage n'ayant pas été contredit, le tribunal aurait dû l'évaluer soigneusement avant de décider de ne pas en tenir compte, comme l'a statué M. le juge Dubé dans la décision Singh... À mon avis, il faut distinguer l'affaire Singh de la présente requête, car la décision annulée par le juge Dubé ne concernait pas les faits relatifs à la situation particulière du requérant. En l'espèce, le tribunal a tenu compte des faits qu'il a jugés pertinents et sa décision n'est pas fondée uniquement sur des éléments de preuve documentaire relatifs à la situation générale que vivent les Sikhs en Inde, à l'extérieur du Pendjab. Soulignons de plus que la décision contestée fait état du témoignage du requérant selon lequel les Sikhs ne sont pas en sécurité où que ce soit en Inde et sa mention d'un autre incident survenu dans l'État de Uttar Pradesh. On ne peut affirmer que le tribunal a fait fi de son témoignage relatif à la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays.                 

[30]      Ayant examiné la décision de la section du statut, je suis persuadé que celle-ci a tenu compte de la situation du requérant. Elle a noté les circonstances particulières suivantes le concernant, à savoir : qu'il a été relâché après ses trois arrestations, qu'il n'appartient à aucune organisation politique, que son profil ne correspond pas au type d'activiste que la police pendjabie rechercherait à l'extérieur du Pendjab ou pour lequel elle s'adresserait à la police de réserve centrale, qu'il est jeune et a acquis cinq années d'expérience dans le secteur de la construction. Elle a également noté la preuve documentaire indiquant que les autorités ne poursuivent pas individuellement les Sikhs vivant à l'extérieur du Pendjab à moins qu'elles n'aient une preuve d'activités criminelles. Enfin, la section du statut a cité des preuves montrant le succès que remportent les Sikhs dans d'autres villes.

[31]      Ainsi, les décisions relatives aux cas Sabaratnam, Singh et Kahlon précitées, peuvent se distinguer de la présente espèce du fait que la section du statut a tenu compte des circonstances du requérant.

[32]      Je rejette, en outre, les observations du requérant disant que la section du statut aurait dû examiner s'il constituait une cible susceptible d'extorsion en Inde en dehors du Pendjab. Le requérant avait la charge de prouver que la PRI présentait pour lui un sérieux risque de persécution et je ne vois rien qui établisse, compte tenu de la prépondérance des probabilités, qu'il s'exposerait à un sérieux risque de persécution en raison d'extorsion.

CONCLUSION

[33]      Une question a été soulevée au sujet des termes utilisés par la section du statut relativement au fardeau ou à la charge de la preuve incombant au requérant visant à prouver qu'il ne dispose pas effectivement en Inde d'une PRI, à l'extérieur du Pendjab. La section du statut a employé le mot "persuader" pour dire que le requérant n'a pas persuadé la Commission, eu égard à la prépondérance des probabilités, qu'il n'avait nulle part une PRI en Inde.

[34]      Le requérant allègue qu'en employant ainsi ce mot, la section du statut a appliqué un critère erroné pour établir s'il a rempli son obligation. À son avis, il ne s'agit pas ici de "persuader", mais bien de "prouver à la satisfaction" de la Commission et en fonction de la prépondérance des probabilités, que la PRI ne lui est pas applicable.

[35]      À la page 6 de sa décision, la section du statut dit ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
         Après un examen attentif de tous les éléments de preuve présentés à l'audience et en raison des motifs ci-dessus, le tribunal n'est pas persuadé, eu égard à la prépondérance des probabilités, que le requérant a de bonnes raisons de craindre une persécution conséquente à l'un quelconque des motifs exposés dans la décision de la section du statut s'il retournait en Inde à l'exclusion du Pendjab, et qu'il n'est pas déraisonnable, quelles que soient les circonstances, que le requérant se prévale d'une PRI. Le tribunal est d'avis qu'il dispose d'une PRI ainsi que l'énonce la décision Rasaratnam. (non souligné dans le texte)                 

[36]      Si je comprends bien, le requérant veut dire que la section du statut, en déclarant que "le tribunal n'est pas persuadé", a davantage accru le fardeau de la preuve incombant au requérant que si elle avait dit que "celui-ci "n'a pas prouvé à sa satisfaction" eu égard à la prépondérance des probabilités".

[37]      La cinquième édition du dictionnaire juridique Black définit ainsi les termes "persuade" et "satisfy" :

         [TRADUCTION]                 
         Persuade : amener autrui à établir, décider, conclure, croire etc. au moyen d'arguments, d'insistance ou de reproches; rallier quelqu'un à une cause en faisant appel à la raison et aux sentiments en vue, par exemple, de faire ou de croire quelque chose; être amené ou amener autrui à croire, à acquérir une certitude, une conviction; débattre une opinion ou une procédure.                 
         Satisfy : remplir ou acquitter, par exemple : une réclamation, une dette, une demande légale etc. Faire droit effectivement et intégralement à une demande; éteindre une obligation par règlement ou exécution. Convaincre, par exemple un jury.                 

[38]      Je suis convaincu qu'en se disant "persuadée", la section du statut a employé le mot juste et approprié. Il appartient au requérant [TRADUCTION] "d'amener au moyen d'arguments..." la section du statut à dire qu'il ne disposait pas d'une PRI en Inde, à l'extérieur du Pendjab. L'emploi du mot "satisfy" dans un contexte juridique ne s'applique pas en l'espèce. En pratique, les mots "satisfy" et "persuade" s'équivalent.

CONCLUSION

[39]      Pour les susdits motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

QUESTION À CERTIFIER

[40]      Aucune question n'a été soumise pour certification.

OTTAWA (ONTARIO)                  "Max M. Teitelbaum"     

Le 1er mai 1998                      J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1805-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      JAGDEO, MANJIT SINGH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :      8 AVRIL 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      PAR MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU              1 er MAI 1998

ONT COMPARU :

JEAN-FRANÇOIS BERTRAND,              POUR LE REQUÉRANT

DANIEL LATULIPPE,                  POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

BERTRAND DESLAURIERS              POUR LE REQUÉRANT

MONTRÉAL (QUÉBEC)

GEORGE THOMSON                  POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.