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Date : 20000323

Dossier : IMM-2418-98

ENTRE :

                                                               AREZO HATAMI

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                  intimé

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

INTRODUCTION

[1]                Arezo Hatami (la demanderesse), qui est citoyenne de l'Iran, a présenté une revendication du statut de réfugié pour elle ainsi qu'une revendication pour son fils mineur Arman Sabet qui ont été examinées lors d'une audience de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) les 30 septembre et 8 décembre 1997. Sa revendication était fondée sur les opinions politiques ainsi que sur l'appartenance à un groupe social particulier, soit la famille, et, dans le présent contexte, sur les activités de son mari.


[2]                Le 16 avril 1998, la SSR a conclu que la revendication relative à son fils Arman Sabet avait été abandonnée car il était devenu clair lors de la séance du 8 décembre 1997 que son fils, le revendicateur mineur, ne comparaîtrait pas à l'audience le concernant, sa mère, la demanderesse, croyant que son mari, dont elle était séparée, l'avait emmené hors du Canada. La SSR a conclu selon la prépondérance des probabilités que l'enfant se trouvait aux États-Unis avec son père. Cette conclusion de la SSR a été écartée par le juge Nadon, de la Cour fédérale, le 25 juin 1998, dans le dossier IMM-12-98. Le juge Nadon a dit que la SSR avait commis une erreur en ne concluant pas que la raison pour laquelle le fils n'avait pas pu comparaître était qu'il avait été kidnappé.

[3]                Relativement à la revendication de Arezo Hatami pour elle-même, la SSR a conclu, le 16 avril 1998, que celle-ci n'avait pas de crainte fondée de persécution si elle retournait en Iran et, par conséquent, qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[4]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision du 16 avril 1998. La revendication du fils de la demanderesse est toujours en suspens en raison de la décision du juge Nadon.


LE FRP DE LA DEMANDERESSE

[5]                Dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), la demanderesse explique pourquoi son mari, son fils et elle ont fui l'Iran. Ces raisons sont fondées sur les activités de Masood, le cousin de son mari. Masood voulait une nouvelle voiture. Le 6 avril 1996, il a appelé son cousin, le mari de la demanderesse, qui oeuvre dans le domaine de l'automobile à Téhéran. Ils se sont rencontrés le 9 avril 1996 et ils ont visité des concessionnaires automobile pendant quelques jours. Masood est demeuré chez son cousin et la demanderesse dans la capitale iranienne.

[6]                Le 13 avril 1996, à 9 h le matin, on a sonné à leur porte; la personne qui se trouvait à la porte a dit qu'elle était de la police, mais ce sont les gardes révolutionnaires qui étaient là. Ils ont fouillé la maison. Ils ont trouvé Masood, se sont emparés de lui et l'ont emmené les yeux bandés et menotté. Ils ont également emmené son mari menotté. Ils ont continué de fouiller. Ils ont trouvé le sac de Masood, ils l'ont ouvert et ont trouvé un livre, des dépliants et d'autres documents, qu'ils ont tous saisis.


[7]                On a demandé à la demanderesse d'accompagner les Pasdars/gardes révolutionnaires, ce qu'elle a fait. Elle a été interrogée au sujet de la présumée participation de Masood et de son mari à des activités politiques anti-gouvernementales. Elle leur a dit qu'elle n'avait aucune idée de ce que faisait Masood, qu'elle l'avait rencontrée pour la première fois seulement cette semaine-là et que son mari et elle n'avaient jamais participé à des activités illégales ou anti-gouvernementales. Les gardes révolutionnaires ont dit qu'ils ne croyaient pas ce qu'elle leur disait. Plus loin dans l'interrogatoire, elle a constaté que les gardes révolutionnaires en savaient ou en soupçonnaient beaucoup plus au sujet de Masood et qu'ils avaient « surveillé » son mari et Masood parce qu'ils les soupçonnaient de participer à des activités illicites. La demanderesse a été détenue pendant une journée; son mari a été détenu pendant cinquante jours et a été libéré après avoir consenti un cautionnement personnel et une hypothèque sur la maison familiale à titre de garanties.

[8]                La demanderesse raconte qu'après la libération de son mari, les gardes révolutionnaires retournaient à la maison familiale à chaque période de cinq à huit jours, arrêtaient son mari et le détenaient pour l'interroger davantage pendant une journée ou deux. La demanderesse a dit que c'est à ce moment-là qu'elle s'était rendu compte que ses problèmes et ceux de son mari, suivant sa libération, n'étaient pas terminés et qu'étant donné [traduction] « que les Pasdars continueraient de persécuter notre famille, nous avons conclu qu'il ne nous était plus possible de vivre en Iran, de sorte que nous avons décidé de quitter le pays pour protéger nos vies et notre sécurité ainsi que celles de notre jeune fils » .


[9]                Dans le reste de son FRP, la demanderesse raconte comment son mari, son fils et elle ont fui l'Iran avec l'aide de la soeur de la demanderesse, qui vit au Mexique; ils ont engagé un passeur, qui a soudoyé les autorités aéroportuaires afin d'éviter tout problème. Elle a dit s'être rendue à Cuba et, de là, à Cancun (Mexique), afin de prendre les dispositions nécessaires pour aller au Canada. La demanderesse a dit que lorsqu'ils se trouvaient au Mexique, son mari et elle ont commencé à avoir des problèmes matrimoniaux, qui ont mené à leur séparation ultérieure. Son fils et elle ont quitté le Mexique le 14 septembre 1996 et ont présenté une revendication du statut de réfugié dès leur arrivée au Canada.

[10]            Elle conclut en écrivant dans son FRP que :

[TRADUCTION] Je crains énormément que si je suis forcée de retourner en Iran, je serai immédiatement arrêtée, détenue, torturée et peut-être même tuée. Les autorités iraniennes paraissent être convaincues que mon mari participe avec Masood à des activités anti-gouvernementales ou qu'il l'a fait dans le passé, et elles persécutent notre famille en particulier. Je crains également beaucoup de retourner en Iran en raison de la fuite illégale de ma famille du pays, ce qui ne ferait qu'aggraver beaucoup notre cas puisque cela a probablement amené les autorités à conclure que nous participions à des activités politiques contre elles.

L'ANALYSE DE LA SSR

[11]            La SSR a commencé son analyse en citant la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Rajudeen c. M.E.I (1984), 55 N.R. 129, confirmée par la Cour suprême du Canada dans Canada (P.G.) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, qui a conclu qu'une crainte fondée de persécution comportait une crainte subjective et fondée de persécution, soulignant que l'élément subjectif avait trait à l'existence de la crainte de persécution dans l'esprit du demandeur, par opposition à l'élément objectif, qui « requiert l'appréciation objective de la crainte du réfugié pour déterminer si elle est fondée » . La SSR a ajouté qu'il incombait au demandeur de démontrer le fondement probatoire de chaque élément selon la prépondérance des probabilités.

[12]            L'essentiel de la décision de la SSR se trouve dans l'extrait suivant :


[TRADUCTION]

Le tribunal conclut que la demanderesse n'a pas démontré l'existence d'une crainte subjective ou objective de persécution, ni celle d'un fondement d'une telle crainte.

La demanderesse a témoigné qu'elle avait fui l'Iran en raison d'une crainte fondée de persécution reposant sur les opinions politiques anti-gouvernementales qu'elle aurait étant donné qu'un cousin (Masood) de son mari participait activement à des activités politiques anti-gouvernementales. Elle a témoigné qu'elle avait été détenue pendant une journée pour être interrogée au sujet des activités politiques de Masood tandis que son mari l'avait été pendant cinquante jours.

Le tribunal conclut à partir du propre témoignage de la demanderesse que le but principal visé par les autorités était de trouver Masood. Bien que son mari ait été détenu pendant cinquante jours, la demanderesse a été libérée après une journée lorsque les autorités auraient conclu qu'elle n'avait aucun renseignement à leur donner. Même si sa détention en soi pourrait être considérée inappropriée, elle ne constitue pas de la persécution. La situation de la demanderesse par rapport aux autorités iraniennes constitue maintenant encore moins un problème. Même si les autorités recherchent encore Masood et/ou son mari (aucun élément de preuve crédible et digne de foi n'a été présenté à cet égard), elle aurait encore moins de raisons de craindre les autorités parce qu'à son retour en Iran, elle peut exhiber des documents (des rapports de police) démontrant que son mari l'a abandonnée et a kidnappé leur fils. C'est son mari qui lui a causé le problème et, selon la prépondérance des probabilités, il n'y a aucune raison de croire que les autorités ne la croiraient pas ou qu'elles n'accepteraient pas cette explication.

Par conséquent, la demanderesse n'a pas de crainte fondée de persécution, bien qu'elle ait subi un sort terribleaprès avoir suivi son mari au Canada, où ce dernier l'a abandonnée et a kidnappé leur fils. La présente affaire devrait être examinée pour déterminer si la demanderesse peut faire l'objet de considérations humanitaires, ce qui ne fait malheureusement pas partie du mandat du tribunal.

                                                                                                [Non souligné dans l'original.]

L'ABSENCE DE TRANSCRIPTION

[13]            La Cour a ordonné à la SSR de fournir à la demanderesse la transcription intégrale de l'audience tenue devant la SSR. Cette dernière a tenté de le faire, mais elle a constaté que les cassettes d'enregistrement de l'audience étaient complètement vierges; il ne s'agissait pas d'une transcription incomplète. Aucune transcription de ce qui s'était passé à l'audience ne pouvait être fournie. La SSR en a informé la Cour.

[14]            Le 18 juin 1999, le juge Sharlow, (maintenant juge à la Cour d'appel) a ajourné l'audition prévue de la demande de contrôle judiciaire et a ordonné que les affidavits et le contre-interrogatoire de la demanderesse et du défendeur soient terminés à certaines dates. Des mémoires modifiés pouvaient également être déposés. Aucun nouvel affidavit n'a été déposé et la demanderesse n'a pas été contre-interrogée relativement à l'affidavit qu'elle avait déposé au départ à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[15]            L'avocat de la demanderesse a soulevé trois questions en litige : premièrement, l'absence de toute transcription était déterminante et, dans les circonstances, l'a privée d'un motif de contrôle judiciaire; deuxièmement, la SSR a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la preuve documentaire qui exposait de nombreux exemples de violation des droits de la personne en Iran; troisièmement, les conclusions de la SSR étaient manifestement déraisonnables quant aux déductions qu'elle a faites.

ANALYSE


[16]            D'après moi, les principaux motifs qui ont amené la SSR à conclure que la demanderesse n'avait aucune crainte fondée de persécution si elle retournait en Iran ne reposaient pas sur la crédibilité de la demanderesse lors de son témoignage ni sur la véracité des faits essentiels sur lesquels elle a témoigné. En outre, la SSR n'a mentionné aucune contradiction dans son témoignage. La conclusion de la SSR repose plutôt sur l'opinion qu'elle avait du témoignage de la demanderesse et sur les déductions devant être faites à partir des faits établis. Masood était la cible; sa libération en raison du fait que « les autorités auraient conclu qu'elle n'avait aucun renseignement à leur donner » , même en tenant pour acquis que les autorités recherchaient toujours Masood et son mari, fait en sorte que sa « situation [...] constitue maintenant encore moins un problème » parce qu' « elle peut exhiber des documents (des rapports de police) démontrant que son mari l'a abandonnée et a kidnappé leur fils » étant donné que « [c]'est son mari qui lui a causé le problème » et qu' « il n'y a aucune raison de croire que les autorités ne la croiraient pas ou qu'elles n'accepteraient pas cette explication » .

(1)         L'absence de transcription

[17]            Je ne peux pas accepter les arguments de la demanderesse au sujet de l'absence de transcription de l'audience tenue devant la SSR. La question de savoir si l'absence de transcription équivaut à un déni de justice naturelle dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire parce qu'elle prive le demandeur d'un motif de contrôle repose sur la question de savoir s'il y avait d'autres moyens efficaces de reconstituer le dossier manquant de façon à permettre à la cour de révision de savoir ce qui s'est passé lors de l'audience devant le tribunal administratif. Ce principe est établi dans l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793.

[18]            Une façon de reconstituer le dossier est par voie d'affidavits des parties devant le tribunal. Cette méthode a été sanctionnée, particulièrement dans le cas des audiences de la SSR, par le juge Pratte, de la Cour d'appel, dans l'arrêt Kandiah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1992), 141 N.R. 232, approuvé expressément dans l'arrêt SCFP, précité. La reconstitution du dossier de cette façon était justement le but visé par madame le juge Sharlow dans son ordonnance du 18 juin 1999 lorsqu'elle a ajourné l'audition prévue de la demande de contrôle judiciaire. La demanderesse avait déposé un affidavit à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, qui reprenait essentiellement son FRP. Le défendeur a décidé de ne pas la contre-interroger relativement à son affidavit et n'a déposé aucun affidavit contradictoire.

[19]            À l'audience et dans son mémoire supplémentaire, le défendeur a admis que l'affidavit de la demanderesse reproduisait fidèlement la preuve dont le tribunal était saisi lorsqu'il a rendu sa décision. Par conséquent, le défendeur prétend que la Cour sait ce qui s'est passé à l'audience pour les fins de la présente demande de contrôle. Je suis d'accord. En l'espèce, il n'y a aucune question de crédibilité et aucune conclusion de contradictions ou d'invraisemblances relatives aux faits essentiels qui nécessitent un examen approfondi de la preuve afin qu'il soit déterminé si le tribunal était saisi d'une preuve sur laquelle il pouvait raisonnablement s'appuyer pour conclure comme il l'a fait.


(2)         Les principes applicables dans la présente affaire

[20]            La méthode permettant de trancher les questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire a été établie dans l'arrêt Chan c. Canada (M.E.I.), [1995] 3 R.C.S. 593. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a approuvé ce que le juge Heald, de la Cour d'appel, avait dit dans l'arrêt Rajudeen, précité, relativement à ce que le demandeur devait précisément faire pour démontrer l'existence d'une crainte de persécution :

(1)         le demandeur doit éprouver une crainte subjective d'être persécuté;

(2)         cette crainte doit être fondée, c'est-à-dire que l'élément de crainte - qui est un état d'esprit et une condition subjective - doit être fondé sur une situation objective, soit faire l'objet d'une appréciation objective pour déterminer si elle est fondée.

[21]            Dans l'arrêt Chan, précité, le juge Major a dit, au paragraphe 134, que « [p]our statuer sur l'élément objectif du critère, il faut examiner la « situation objective » et, à cet égard, les conditions existant dans le pays d'origine du demandeur ainsi que les lois de ce pays et la façon dont elles sont appliquées sont des facteurs pertinents » .


[22]            Le juge Major a ensuite examiné ce qu'il a qualifié de preuve documentaire, sous la forme du Country Reports on Human Rights Practices of the U.S. State Department. Il a dit que lorsque la preuve pertinente n'était pas disponible sous forme documentaire, le demandeur pouvait néanmoins démontrer que la crainte était objectivement justifiée en faisant entendre des témoignages relatifs à des personnes se trouvant dans la même situation, ajoutant que « [c]ette attitude libérale relativement à la preuve des faits, qui constitue un assouplissement considérable des règles de preuve habituelles, vise à accorder au demandeur le bénéfice du doute dans les cas où la preuve documentaire, au sens strict, n'est pas disponible » .

[23]            Je retiens de l'arrêt Chan, précité, deux principes. Premièrement, la détermination par le tribunal de l'existence d'une crainte fondée de persécution doit reposer sur la preuve dont il est saisi; il ne s'agit pas d'une proposition nouvelle, mais elle constitue en l'espèce un rappel utile du fait que les conclusions du tribunal ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses et qu'elles doivent reposer sur la preuve. Deuxièmement, une preuve documentaire pertinente et directe relativement à la situation dans le pays peut être un élément important de la preuve présentée par le demandeur en vue de démontrer objectivement la crainte subjective de ce dernier.

(3)         Application à la présente affaire

[24]            Je suis d'avis que la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie pour plusieurs motifs.


[25]            En premier lieu, rien dans la preuve ne permettait au tribunal de conclure raisonnablement que la demanderesse n'avait pas une crainte sincère et subjective de persécution. Le tribunal a jugé crédible le témoignage de la demanderesse. Sa crainte subjective est manifestement établie dans son FRP. Il ne s'agit pas d'une erreur mineure de la part du tribunal parce qu'elle a influencé l'opinion de ce dernier relativement à l'élément objectif de la crainte fondée de persécution de la demanderesse.

[26]            En deuxième lieu, le tribunal a commis au moins deux erreurs importantes dans l'interprétation de la preuve : (1) il a fait porter son examen de la crainte de persécution de la demanderesse uniquement sur le cas où son mari a été détenu pendant cinquante jours. La demanderesse a témoigné qu'après la libération de son mari suivant cette détention, les gardes révolutionnaires retournaient à la maison familiale à chaque période de cinq à huit jours, qu'ils arrêtaient son mari et qu'ils le détenaient pour l'interroger davantage pendant une ou deux journées. C'est cette persécution constante qui a poussé la famille à fuir l'Iran; (2) le tribunal a émis l'hypothèse que Masood était toujours en liberté alors que la preuve indiquait qu'il avait été arrêté en même temps que le mari de la demanderesse et que rien n'indiquait qu'il ait été libéré. Ce fait écarte l'hypothèse du tribunal que les autorités iraniennes recherchaient toujours Masood. Elles l'avaient trouvé et capturé; la question est de savoir pourquoi elles étaient toujours intéressées au mari de la demanderesse si tel était le cas.

[27]            En troisième lieu, je suis d'accord avec l'argument de la demanderesse que le tribunal a tiré ses conclusions sans examiner la preuve documentaire. Il ne s'agit pas du genre d'affaire où le tribunal examine la preuve documentaire sans mentionner tous les documents dans ses motifs.


[28]            En l'espèce, la preuve documentaire avait une pertinence directe quant à la revendication de la demanderesse. Elle portait sur des pratiques ayant lieu en Iran et constituant des violations des droits de la personne : la persécution pour des motifs politiques, la persécution de la parenté des dissidents politiques, en particulier les membres de leur famille, et la vulnérabilité des femmes à cet égard. Il y avait également des éléments de preuve documentaire relatifs à la façon dont l'Iran traitait les personnes qui étaient de retour après avoir fui illégalement, ce qui était le cas de la demanderesse.

[29]            Aucun de ces éléments de preuve n'a fait l'objet d'observations de la part du tribunal, ce qui mène nécessairement à la conclusion que ce dernier ne les a ni pris en considération ni examinés.

[30]            Je suis d'avis que l'omission du tribunal d'évaluer la preuve documentaire, jointe à son interprétation erronée de la preuve, a amené le tribunal à tenir pour acquis l'absence d'intérêt des autorités iraniennes si la demanderesse devait retourner dans son pays parce que son mari l'avait abandonnée. Le tribunal a tenu pour acquis que les autorités iraniennes ne recherchaient plus son mari, et il a commis une erreur fondamentale, non fondée sur la preuve, au sujet des allées et venues de Masood. Par conséquent, le tribunal a conclu que les autorités iraniennes la laisseraient tranquille si elle retournait en Iran. Ces conclusions n'étaient pas fondées sur la preuve. Vu les circonstances, l'intervention de la Cour est justifiée et la justice, fondée sur le droit, exige un nouvel examen par le tribunal de la question de savoir si, en réalité, la demanderesse a une crainte fondée de persécution.


DISPOSITIF

[31]            Pour l'ensemble de ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la revendication de la demanderesse doit faire l'objet d'un nouvel examen par un tribunal différemment constitué. La certification d'aucune question n'a été demandée et aucune question n'est certifiée.

                                                                            « François Lemieux »      

                                                                                                                                                                  

                                                                                                J U G E            

OTTAWA (ONTARIO)

LE 23 MARS 2000

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


Date : 20000323

Dossier : IMM-2418-98

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 23 MARS 2000

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                       AREZO HATAMI

                                                                                    demanderesse

                                                  - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                                        ORDONNANCE

Pour les motifs prononcés, la demande de contrôle judiciaire est accueillie; la revendication de la demanderesse doit faire l'objet d'un nouvel examen par un tribunal différemment constitué. La certification d'aucune question n'a été demandée et aucune question n'est certifiée.

                                                                                                           

                                                                            « François Lemieux »          

                                                                                                J U G E          

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                 IMM-2418-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    AREZO HATAMI

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 2 DÉCEMBRE 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR L'HONORABLE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :                                     23 MARS 2000

ONT COMPARU

M. ROCCO GALATI                                                   POUR LA DEMANDERESSE

M. MARCEL LAROUCHE                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. ROGER D. RODRIGUES                                       POUR LA DEMANDERESSE

M. MARCEL LAROUCHE                                                      POUR LE DÉFENDEUR

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada


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