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     Date : 19981117

     Dossier : IMM-4965-97

ENTRE :

     SHAHRAM POURKAZEMI,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]      Le demandeur est un ressortissant iranien qui réside à Hambourg, en Allemagne, depuis 1985. En 1986 et 1987, il a travaillé comme comptable de nuit dans l'industrie hôtelière. Entre 1988 et 1991, il a été propriétaire d'un débit de tabac. Depuis 1992, il exploite un commerce de détail similaire mais plus important, où il vend aussi des journaux, des billets de loterie et d'autres articles connexes. En 1996, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada en qualité de travailleur autonome dans l'intention d'exploiter un dépanneur à Toronto.

[2]      L'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente parce que : a) l'entreprise projetée du demandeur [traduction] " n'apporterait rien " au Canada suivant la définition d'un " travailleur autonome " et b) le demandeur n'avait pas fait la preuve qu'il possédait les connaissances requises pour exploiter un dépanneur avec succès au Canada.

[3]      Le demandeur conteste la décision de l'agente des visas pour deux motifs. Premièrement, il soutient que l'agente des visas a commis une erreur de droit en n'appliquant pas correctement l'article 8 du Règlement sur l'immigration1. Selon le demandeur, l'agente des visas aurait dû apprécier sa capacité " d'exploiter son entreprise [projetée] avec succès " au Canada conformément au paragraphe 8(4) du Règlement, au lieu d'accorder une importance indue à la question de savoir si son dépanneur " contribuer[ait] de manière significative à la vie économique " du Canada suivant la définition d'un " travailleur autonome ". Deuxièmement, l'agente des visas a contrevenu aux règles d'équité procédurale : a) dans son appréciation de la contribution économique significative que le travail autonome projeté du demandeur apporterait au Canada, b) en accordant une importance indue à la nécessité d'effectuer une étude de marché exhaustive et c) en ne donnant pas au demandeur la possibilité de répondre aux renseignements qu'elle avait reçus du ministère ontarien de l'Industrie et du Commerce. Ces deux motifs seront examinés à tour de rôle.

L'appréciation du demandeur en vertu de l'article 8 du Règlement sur l'immigration

[4]      Il est utile de mentionner les définitions de " travailleur autonome " et d'" entrepreneur " qui figurent dans le Règlement sur l'immigration :

"self-employed person" means an immigrant who intends and has the ability to establish or purchase a business in Canada that will create an employment opportunity for himself and will make a significant contribution to the economy or the cultural or artistic life of Canada;

"entrepreneur" means an immigrant

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and ongoing participation in the management of the business or commercial venture; [...]

" travailleur autonome " s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada;

" entrepreneur " désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une enterprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce; [...] [Non souligné dans l'original.]

[5]      L'avocat du demandeur a précisé qu'il ne considérait pas la " contribution significative à la vie économique " du Canada mentionnée dans la définition réglementaire d'un " travailleur autonome " comme un critère pertinent. Il est toutefois acquis que le demandeur ne cherche pas à obtenir un jugement déclaratoire portant que les mots " contribuer de manière significative à la vie économique " constituent une législation déléguée ultra vires2.

[6]      L'article 8 du Règlement sur l'immigration fait référence aux critères de sélection servant à déterminer si un immigrant sera en mesure de réussir son installation au Canada. Les paragraphes 8(1) et (4), ainsi que l'alinéa 9(1)b), sont pertinents pour apprécier un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome :

8.(1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant [...] will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant,

(a) in the case of an immigrant, other than an immigrant described in paragraph (b) or (c), on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I;

(b) in the case of an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factor set out in item 5 thereof;

(c) in the case of an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factors set out in items 4 and 5 thereof.

[...]

(4) Where a visa officer assesses an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, he shall, in addition to any other units of assessment awarded to that immigrant, award 30 units of assessment to the immigrant if, in the opinion of the visa officer, the immigrant will be able to become successfully established in his occupation or business in Canada.

9.(1) Subject to subsection (1.01) and section 11, where an immigrant [...] makes an application for a visa, a visa officer may issue an immigrant visa to him and his accompanying dependants if

[...]

(b) where the immigrant and the immigrant's accompanying dependants intend to reside in a place in Canada other than the Province of Quebec, on the basis of the assessment of the immigrant or the spouse of that immigrant in accordance with section 8, and

     (i) in the case of an immigrant other than an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, he is awarded at least 70 units of assessment, [...]

8.(1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant [...] pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :

a) dans le cas d'un immigrant qui n'est pas visé aux alinéas b) ou c), suivant chacun des facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I;

b) dans le cas d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, autre que le facteur visé à l'article 5 de cette annexe;

c) dans le cas d'un entrepreneur, d'un investisseur ou d'un candidat d'une province, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, sauf ceux visés aux articles 4 et 5 de cette annexe.

[...]

(4) Lorsqu'un agent des visas apprécie un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, il doit, outre tout autre point d'appréciation accordé à l'immigrant, lui attribuer 30 points supplémentaires s'il est d'avis que l'immigrant sera en mesure d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada.

9.(1) Sous réserve du paragraphe (1.01) et de l'article 11, lorsqu'un immigrant [...] présente une demande de visa d'immigrant, l'agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu'à toute personne à charge qui l'accompagne si :

[...]

b) lorsqu'ils entendent résider au Canada ailleurs qu'au Québec, suivant son appréciation de l'immigrant ou du conjoint de celui-ci selon l'article 8 :

     (i) dans le cas d'un immigrant, autre qu'un entrepreneur, un investisseur, ou un candidat d'une province, il obtient au moins 70 points d'appréciation, [...] [Non souligné dans l'original.]

[7]      Au moins deux critères ressortent de la définition de " travailleur autonome " : a) l'immigrant est-il en mesure d'établir l'entreprise projetée au Canada et b) cette entreprise contribuera-t-elle de manière significative à la vie économique du Canada?

[8]      En l'espèce, l'agente des visas a répondu à ces deux questions par la négative. C'est ce qu'elle a fait dans ses notes SITCI, dans sa lettre de décision, dans son affidavit et durant son contre-interrogatoire. En effet, le demandeur n'était pas venu au Canada et il n'avait pas de relations d'affaires dans ce pays. Il n'avait pas trouvé d'entreprise à acquérir ni de locaux où il pourrait s'installer. Il ignorait les heures d'ouverture des dépanneurs au Canada et le coût d'acquisition d'une telle entreprise. Il ne possédait aucun renseignement sur la réussite d'entreprises similaires dans ce pays. Il a également mentionné qu'il pourrait par la suite créer une entreprise de commerce extérieur ou d'export-import au Canada. Forte de ces renseignements, l'agente des visas a conclu que l'entreprise projetée du demandeur avait peu de chances de réussir ou d'être viable. Elle a en outre conclu, suivant le deuxième critère, que l'entreprise projetée ne contribuerait pas de manière significative à la vie économique du Canada.

[9]      Le demandeur conteste principalement le fait que l'agente des visas a accordé une importance indue au critère de la " contribution significative à la vie économique " du Canada. Il s'agit d'un argument en deux volets.

[10]      Premièrement, le demandeur soutient que l'appréciation d'un immigrant doit principalement porter sur sa capacité d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès, conformément au paragraphe 8(4). Selon le demandeur, l'agente des visas a eu tort de suivre le Guide de l'immigration - Traitement des demandes à l'étranger, dans lequel il est affirmé que l'immigrant doit d'abord correspondre à la définition réglementaire de " travailleur autonome "3. Elle aurait plutôt dû l'apprécier suivant les critères applicables à la catégorie des immigrants indépendants ainsi que le prévoit l'alinéa 8(1)b). Elle aurait ensuite dû appliquer le paragraphe 8(4) afin de déterminer s'il était opportun de lui attribuer 30 points pour sa capacité d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada. Si je comprends bien cet argument, l'agente des visas doit d'abord diriger son attention vers l'alinéa 8(1)b) et le paragraphe 8(4). Elle commet une erreur si elle insiste d'abord sur la définition de " travailleur autonome ".

[11]      Il est vrai que le Guide de l'immigration - Traitement des demandes à l'étranger du défendeur a un caractère purement indicatif et qu'une disposition législative ou réglementaire incompatible l'emporte sur ses lignes directrices. Ce n'est toutefois pas le cas en l'espèce. À mon avis, il importe peu, du moins dans les circonstances de l'espèce, que l'agente des visas ait d'abord apprécié la capacité de l'immigrant de correspondre à la définition réglementaire de " travailleur autonome " ou qu'elle ait suivi la démarche proposée par l'avocat. Suivant l'alinéa 8(1)b ), l'appréciation commence par la sélection administrative. Pendant l'entrevue, l'agente des visas a de nouveau la possibilité d'examiner les critères prévus à l'alinéa 8(1)b) et, fait plus important, de déterminer si l'immigrant peut obtenir 30 points supplémentaires en application du paragraphe 8(4) si elle est d'avis que l'immigrant est en mesure " d'exercer sa profession ou d'exploiter son entreprise avec succès au Canada ". Sur la base de son entrevue avec le demandeur et pour les raisons exposées dans ses notes SITCI et dans sa lettre de décision4, l'agente des visas a conclu que l'entreprise projetée du demandeur avait peu de chances de réussir ou d'être viable. L'avocat du demandeur reconnaît qu'il n'existe aucune différence fondamentale entre le premier critère de la définition réglementaire (l'immigrant est-il en mesure d'établir l'entreprise projetée au Canada?) et celui qui est énoncé au paragraphe 8(4). Il importe peu, me semble-t-il, que cette appréciation soit faite au début, comme l'a fait l'agente des visas en examinant le premier critère de la définition de travailleur autonome, ou à une autre étape du processus, comme l'a fait valoir le demandeur, dans le contexte du paragraphe 8(4). Le résultat sera le même.

[12]      Le demandeur conteste le processus de prise de décision de l'agente des visas pour un deuxième motif. Il fait reposer son argument sur le libellé de l'alinéa 8(1)b) relatif aux travailleurs autonomes, qui n'aurait pas le même sens que celui de l'alinéa 8(1)c) relatif aux entrepreneurs. S'agissant du rôle de l'agente des visas, l'avocat du demandeur s'appuie sur les mots " qui compte devenir un travailleur autonome " employés à l'alinéa 8(1)b ) pour faire une distinction entre l'appréciation d'un " travailleur autonome " et l'appréciation d'un " entrepreneur ". Les mots " compte devenir " ne sont pas employés à l'alinéa 8(1)c ) qui régit l'appréciation d'un " entrepreneur ". L'avocat affirme que, par présomption législative, cette formulation différente n'est pas involontaire mais intentionnelle. Selon lui, les mots " compte devenir " exigent de l'agente des visas qu'elle évalue la demande de l'immigrant sans déterminer s'il satisfait au deuxième critère de la définition réglementaire (l'entreprise " contribuer[a-t-elle] de manière significative à la vie économique " du Canada?). Selon le demandeur, une fois que l'agente des visas conclut que l'immigrant est en mesure d'établir l'entreprise projetée au Canada, il n'y a pas lieu d'évaluer ensuite la contribution significative de cette entreprise à la vie économique du Canada.

[13]      Je n'accepte pas cet argument. L'article 8 guide l'agente des visas dans l'appréciation de différentes catégories d'immigrants. Le but du paragraphe 8(1) est d'établir un lien entre l'appréciation de catégories particulières d'immigrants et les facteurs prévus à l'annexe I du Règlement. La formulation différente des alinéas 8(1)a), b) et c) s'explique très simplement par la diversité des facteurs mentionnés à l'annexe I qui doivent être utilisés pour apprécier les différentes catégories d'immigrants. À mon avis, c'est une explication plus simple que celle proposée par le demandeur. De plus, les mots " un immigrant qui compte devenir " s'appliquent à la seule catégorie d'immigrants visée à l'alinéa 8(1)b ). Ces mots ne sont pas applicables aux trois catégories d'immigrants visées à l'alinéa 8(1)c), particulièrement pas à " un investisseur " et probablement pas à " un candidat d'une province ".

[14]      Le critère de la " contribution significative à la vie économique du Canada " figure dans la définition d'un " travailleur autonome " et dans celle d'un " entrepreneur ". Ces deux définitions mentionnent également l'intention de l'immigrant d'établir une entreprise. Il n'en va pas de même pour la catégorie des investisseurs puisque certains investissements doivent être faits avant la délivrance du visa. Le demandeur soutient que l'agente des visas n'aurait pas dû se référer à la définition de " travailleur autonome " parce que les mots " compte devenir " sont employés à l'alinéa 8(1)b ) et non à l'alinéa 8(1)c). Agir ainsi reviendrait à contourner le critère de la " contribution significative à la vie économique du Canada ", du moins pour les travailleurs autonomes. Je ne comprends pas comment les mots " compte devenir " permettent de passer outre au critère de la contribution significative, tout particulièrement pour une catégorie d'immigrants mais pas pour une autre5. Cette formulation différente n'entraîne pas la conséquence avancée par le demandeur.

[15]      Au soutien de ses arguments selon lesquels l'agente des visas ne doit pas se référer au critère de la contribution significative, le demandeur invoque également les remarques suivantes faites par mon collègue le juge MacKay dans l'affaire Grube c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)6 :

         L'expression "travailleur autonome" est définie au Règlement, mais uniquement en termes généraux quant à l'intention et la capacité d'un immigrant éventuel "d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour [l'immigrant] et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada". L'évaluation de cette intention et de cette capacité devra donc être faite conformément aux facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I, à l'exception du facteur 5. Le Règlement renferme peu de directives, sinon aucune, sur la manière d'évaluer ces facteurs.        

Il n'y a rien dans ces remarques, particulièrement quand on lit la décision dans son intégralité, qui donne à penser que le juge MacKay a conclu qu'il fallait faire abstraction de la définition réglementaire.

[16]      En résumé, les mots " compte devenir " employés à l'alinéa 8(1)b ) ne sauraient avoir le sens et l'effet préconisés par le demandeur. Avant d'obtenir le droit d'établissement, l'immigrant doit faire la preuve de son intention et de sa capacité de devenir un travailleur autonome au Canada en conformité avec le premier critère énoncé dans la définition réglementaire et au paragraphe 8(4). L'immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada est également apprécié conformément aux facteurs de l'annexe I qui sont mentionnés à l'alinéa 8(1)b). C'est une explication claire de la formulation différente des alinéas 8(1)b) et c), et cette explication n'exige pas qu'on écarte, sans aucune raison apparente, le deuxième critère de la définition réglementaire, soit la contribution significative.

Y a-t-il eu déni d'équité procédurale?

[17]      Aucun des trois arguments invoqués par le demandeur pour prouver que l'agente des visas n'a pas respecté l'équité procédurale ne justifie l'intervention de la Cour. Le concept de " contribution significative à la vie économique " est mouvant et sa signification variera suivant les circonstances de chaque affaire. Le Guide de l'immigration - Traitement des demandes à l'étranger fait ressortir ce point :

         Pour être admise en raison d'une contribution significative à la vie économique, l'entreprise projetée du requérant doit faire une contribution particulière dans la région où elle est établie. Il peut s'agir d'un métier ou d'un service spécialisé qu'on ne peut trouver facilement auprès d'une source canadienne. Cette catégorie peut attirer, par exemple, des agriculteurs ou des exploitants éventuels de petites entreprises qui pourraient se trouver un créneau dans le système actuel du Canada7.        

Si je comprends bien, cela veut dire, par exemple, qu'un dépanneur peut, dans la " région où [il] est établ[i] ", faire une " contribution particulière ", alors qu'il peut ne pas en être de même à Toronto. À cet égard, l'agente des visas a avisé le demandeur qu'elle communiquerait avec le ministère ontarien de l'Industrie et du Commerce simplement pour confirmer, [traduction ] " par mesure de prudence ", son impression [traduction ] " qu'on n'avait pas besoin de dépanneurs à Toronto "8. Cet aspect de la décision de l'agente des visas ne dénote aucune erreur justifiant un contrôle. De plus, les circonstances n'exigeaient pas qu'elle donne au demandeur la possibilité de répondre à la confirmation qu'elle avait reçue du Ministère. Les faits de l'affaire Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)9 sont sensiblement différents de ceux de l'espèce. Enfin, l'agente des visas a interrogé le demandeur au sujet de son " étude de marché ". Il ressort des notes SITCI de l'agente des visas qu'elle s'inquiétait de ce que le demandeur n'était jamais venu au Canada, de ce qu'il possédait peu de renseignements sur son entreprise projetée et de ce qu'il envisageait aussi d'établir une entreprise d'export-import. En d'autres termes, l'agente des visas paraît avoir été d'avis que le demandeur n'avait pas accordé assez d'importance à son projet d'entreprise. Elle pouvait parvenir à une conclusion semblable compte tenu de la preuve produite en l'espèce.

Conclusion

[18]      L'objet de la Loi sur l'immigration est de permettre l'immigration, pas de l'empêcher10. L'agente des visas doit évaluer les demandes de résidence permanente d'une manière compatible avec l'esprit de la loi.

[19]      En l'espèce, le demandeur n'a pas prouvé l'existence d'une erreur susceptible de révision dans l'appréciation de sa capacité d'exploiter avec succès un dépanneur à Toronto. Peut-être qu'une autre personne aurait accordé plus d'importance à l'expérience des affaires du demandeur en Allemagne, mais il était loisible à l'agente des visas de conclure que le demandeur n'a pas pris suffisamment de mesures pour prouver que l'entreprise projetée aurait des chances de réussir à Toronto.

[20]      Comme le demandeur n'a pas prouvé que la Cour devrait modifier l'appréciation faite par l'agente des visas suivant le premier critère de la définition réglementaire ou le critère prévu au paragraphe 8(4), son argumentation concernant le critère de la contribution significative devient théorique. J'ai malgré tout examiné ces prétentions et je suis arrivé à la conclusion que les mots " compte devenir " employés à l'alinéa 8(1)b ) du Règlement n'ont pas pour effet de supprimer le critère de la contribution significative de l'appréciation du demandeur.

[21]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ainsi qu'il a été convenu à l'audience, les parties peuvent présenter des observations écrites concernant la certification d'une question grave dans les sept jours suivant la date des présents motifs.

                                 " Allan Lutfy "

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 17 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :      IMM-4965-97

INTITULÉ :                          SHAHRAM POURKAZEMI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 9 octobre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE LUTFY

EN DATE DU :                      17 novembre 1998

COMPARUTIONS :

Cecil L. Rotenberg                          POUR LE DEMANDEUR

Mary Lam

Marissa Bielski                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cecil L. Rotenberg                          POUR LE DEMANDEUR

Don Mills (Ontario)

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

     1      DORS/78-172, modifié.

     2      Dans l'affaire Chan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 305, le juge Rothstein a rejeté l'argument selon lequel le critère de la " contribution significative à la vie économique " du Canada prévu dans la définition d'" entrepreneur " était ultra vires la Loi sur l'immigration.

     3      Citoyenneté et Immigration Canada, Guide de l'immigration (OP) Traitement des demandes à l'étranger (Ottawa: Emploi et Immigration Canada, 1996-), aux pages 32 et suivantes. Sous la définition de travailleur autonome, il est précisé dans le Guide : " Pour être agréé comme un travailleur autonome, le requérant doit d'abord correspondre à la définition réglementaire, puis satisfaire aux critères de sélection pour cette catégorie d'immigrants. La plupart des requérants sont sélectionnés ou refusés parce qu'ils correspondent, ou ne correspondent pas, à la définition. "

     4      Au quatrième paragraphe de sa lettre de décision, l'agente des visas a déclaré : [traduction] " Je remarque que vous n'êtes jamais venu au Canada et que vous ignorez comment faire pour démarrer un tel projet au Canada. " Elle fait la même remarque au paragraphe 6 de son affidavit.

     5      Je fais également remarquer que le " candidat d'une province " doit faire la preuve de la " contribution significative " de son immigration à l'expansion industrielle de la province désignée.

     6      (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 219, à la p. 228 (C.F. 1re inst.).

     7      Supra, note 3, aux pages 33 et 34.

     8      Voir le paragraphe 11 de l'affidavit de l'agente des visas.

     9      [1986] 2 C.F. 205 (C.A.F.).

     10      Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.) et Yang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 48 (C.F. 1re inst.).

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