Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041013

Dossier : T-1780-03

Référence : 2004 CF 1400

OTTAWA (ONTARIO), LE 13 OCTOBRE 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU                                

ENTRE :

                                                        MERCK ET CIE, INC. et

                                               MERCK FROSST CANADA ET CIE

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                                BRANTFORD CHEMICALS INC.

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête, en date du 22 septembre 2004, formée au nom des demanderesses, Merck et Cie Inc. et Merck Frosst Canada et Cie (Merck), et visant à obtenir :


1.          Une ordonnance annulant l'ordonnance de la protonotaire Milczynski en date du 15 septembre 2004;

2.          Une ordonnance disposant ce qui suit :

a)          toute question concernant l'importance de l'atteinte à tout droit, toute question concernant les dommages-intérêts découlant de cette atteinte ou toute question concernant les profits découlant de ladite atteinte ou la faculté de choisir les profits (désignées collectivement « les questions reportées » ) feront l'objet d'une décision distincte, à rendre après l'instruction des questions restantes de la présente action sur l'ordre du juge du fond s'il apparaît alors que les questions reportées doivent être tranchées;

b)          il n'y aura pas de communication ni d'interrogatoire préalables sur les questions reportées avant l'achèvement de l'instruction des questions restantes; ces communication et interrogatoire seront effectués après ladite instruction sur l'ordre du juge du fond s'il apparaît alors que les questions reportées doivent être tranchées;


c)          si le juge du fond décide que les questions reportées doivent être tranchées et que Merck a la faculté de choisir entre les dommages-intérêts et les profits, celle-ci aura le droit de prendre toutes les mesures d'interrogatoire et de communication préalables sur les questions en jeu dans la décision distincte avant de devoir arrêter son choix entre les dommages-intérêts et les profits;

d)          les questions reportées feront l'objet d'une nouvelle instruction ou d'un renvoi, sous le régime, respectivement, des articles 107 ou 153 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles), s'il apparaît que ces questions doivent être tranchées;

3.          Les dépens de la présente requête, selon le tarif que la Cour estimera approprié;

4.          Toute autre réparation que la Cour estimera juste.

[2]                L'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire décidant le point de savoir s'il y a lieu de disjoindre les questions en litige dans une instance ne peut être infirmée en appel que si elle est manifestement erronée, qu'elle soit fondée sur un principe juridique erroné ou sur une erreur manifeste et dominante d'appréciation des faits. En l'absence d'une telle erreur, notre Cour ne devrait pas s'ingérer dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un protonotaire, même dans le cas où le président du tribunal aurait rendu une décision différente s'il avait été appelé à juger au fond. Voir Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.), à la page 463; et VISX Inc. c. Nidek Co. (1996), 72 C.P.R. (3d) 19 (C.A.F.), aux pages 22 et 23.


[3]                Tout bien considéré, je conclus qu'il n'y a pas dans la présente espèce de raison d'intervenir ou d'entendre l'affaire de novo. Plus précisément, je conclus que la protonotaire n'a pas fondé sa décision sur des considérations non pertinentes. En outre, elle n'a pas omis de tenir légitimement compte de la preuve de Merck conformément au critère juridique applicable aux requêtes formées sous le régime de l'article 107 des Règles. Les autres moyens d'appel invoqués par Merck ne sont pas fondés non plus.

[4]                La charge de la preuve dans une requête en disjonction incombe toujours au requérant : Apotex Inc. c. Bristol-Myers Squibb Co., 2003 CAF 263 (C.A.F.), au paragraphe 10; (2003), 26 C.P.R. (4th) 120 (C.A.F.). Une ordonnance de disjonction peut être rendue dans les cas où la Cour est convaincue, suivant la prépondérance de la preuve, que, vu la preuve et l'ensemble des circonstances de l'espèce (notamment la nature des prétentions, le déroulement du litige, les questions en litige et les mesures de redressement demandées), la disjonction est susceptible, selon toute probabilité, de favoriser une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible : Illva Saronno S.p.A. c. Privilegiata Fabrica Maraschino "Excelsior", [1999] 1 C.F. 46 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 14; (1998), 84 C.P.R. (3d) 1; et Illva Saronno S.p.A. c. Privilegiata Fabrica Maraschino (2000), 183 F.T.R. 25 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 8; [2000] A.C.F. no 170 (C.F. 1re inst.) (QL).

[5]                 À la page 2 de son ordonnance, la protonotaire Milczynski énumère un certain nombre de [TRADUCTION] « facteurs pratiques et économiques à prendre en considération » pour décider s'il y a lieu ou non d'ordonner que soient jugées séparément les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts :

-            la complexité des questions à juger;

-            le point de savoir si les questions relatives à la responsabilité sont nettement distinctes de celles relatives à la réparation;

-            le point de savoir si la structure des faits sur laquelle l'action se fonde est suffisamment extraordinaire ou exceptionnelle pour justifier qu'on scarte de la pratique normale consistant àjuger en une seule instance l'ensemble des questions en litige;

-            le point de savoir si le juge du fond sera mieux à même de décider les questions du préjudice et des pertes du demandeur après avoir d'abord évalué la crédibilité de celui-ci au cours de l'instruction de la question des dommages-intérêts;

-            le point de savoir si l'instruction conjointe des questions pourrait faciliter une meilleure appréciation de la nature et de l'importance du préjudice subi par le demandeur et du dédommagement qui lui est dû en conséquence;


-            le point de savoir si les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts sont si inextricablement liées qu'il ne convient pas de les disjoindre;

-            le point de savoir si, dans le cas où les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts seraient disjointes, il existe des mécanismes permettant qu'elles soient jugées promptement par un même tribunal ou par deux tribunaux distincts, selon le cas;

-            le point de savoir s'il est manifestement préférable pour toutes les parties que la question de la responsabilité soit jugée d'abord;

-            le point de savoir si la procédure adoptée permettra des économies substantielles;

-            le point de savoir s'il est certain que la séparation des questions permettra de gagner du temps ou si elle n'entraînera pas plutôt des délais inutiles;

-            le point de savoir si, dans le cas où la disjonction serait ordonnée, le jugement de la question de la responsabilité pourrait faciliter ou déterminer le règlement à l'amiable de la question des dommages-intérêts, ou dans quelle mesure il pourrait le faire;

-            le point de savoir s'il est probable que le jugement de la question de la responsabilité mettra un terme à l'action.


[6]                 Un bon nombre des éléments de cette liste s'inspirent, ou proviennent directement, de la décision Bourne c. Saunby [1993], O.J. no 2606 (C.S. Ont.). Les mêmes facteurs paraissent avoir été récemment pris en considération, quoique pas nécessairement appliqués (du moins en tant que partie intégrante de l'analyse), par le juge Rutherford dans la décision Roche Palo Alto LLC et al. c. Apotex Inc., [2004] O.J. no 3522. Le juge Rutherford faisait observer ce qui suit à ce propos : [TRADUCTION] « S'il est vrai que cette liste est utile dans la mesure où elle indique de nombreuses voies d'examen fécondes et bien que les avocats aient cité plusieurs de ces facteurs dans leurs plaidoiries, les pièces produites par les deux parties à la présente requête sont pour l'essentiel fondées sur les opinions d'avocats habitués à plaider en matière de brevets, qu'ils expriment dans de longs affidavits. » Dans la même décision, le juge Rutherford, après avoir résumé les thèses des avocats, formule la conclusion succincte que voici : [TRADUCTION] « [L']examen des pièces produites et des observations des avocats ne m'a pas convaincu que les circonstances de la présente espèce soient exceptionnelles ou de nature àautrement justifier qu'on scarte des procédures normales d'instruction d'une action et je ne pense pas que les questions en litige devraient être disjointes et jugées séparément. »


[7]                La jurisprudence relative à la disjonction des questions en litige émanant d'autres juridictions, si elle est utile, doit néanmoins être maniée avec prudence. De plus, aucune liste de facteurs à prendre en considération n'est exhaustive, et l'on peut toujours y ajouter d'autres critères pertinents. En outre, de tels facteurs n'ont pas nécessairement tous la même importance. Tous critères d'emprunt, même s'ils sont pertinents d'un point de vue général, doivent toujours être adaptés à la nature de l'affaire dont il s'agit, et il faut, avant de les appliquer, tenir compte de l'ensemble particulier de circonstances qui caractérise chaque espèce. Si la liste de facteurs inspirée de la décision Bourne offre d'utiles lignes directrices générales, elle ne lie pas la Cour. Il faut se rappeler qu'elle a été élaborée dans un contexte différent. Elle serait certainement utile, par exemple, dans une action en dommages-intérêts découlant du préjudice subi par une personne physique par le fait d'une autre personne physique, mais je ne suis pas sûr que tous ces facteurs s'appliqueraient ou présenteraient une pertinence égale dans le contexte d'une action en contrefaçon de brevet mettant aux prises des entreprises pharmaceutiques qui se font concurrence dans un environnement déjà rigoureusement réglementé.


[8]                 Dans la décision Illva Saronno, précitée, le juge Evans (tel était alors son titre) a recouru au libellé de l'article 3 des Règles pour définir la portée de leur article 107. Comme l'a plus tard fait remarquer le juge Stone, dans l'arrêt Realsearch Inc. c. Valone Kone Brunette Ltd., [2004] A.C.F. no 23 (C.A.F.) (QL), au paragraphe 16, « la terminologie [...] employée [dans les règles 3 et 107] semble indiquer que la règle 107 visait à permettre à la Cour d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible et non à permettre aux parties de conclure un règlement hors cour de leur différend » . Par conséquent, la protonotaire Milczynski n'aurait pas été fondée à accorder ou à refuser une ordonnance de disjonction sur la base du point de savoir si [TRADUCTION] « le jugement de la question de la responsabilité [était ou non susceptible de] faciliter ou d'entraîner le règlement à l'amiable de la question des dommages-intérêts » , lequel est un des facteurs énumérés dans la décision Bourne (encore que la protonotaire Milczynsky ne reprenne pas textuellement cette formulation dans sa décision). Toutefois, il est évident que ce facteur (si la protonotaire l'a peut-être pris en considération) ntait pas un motif prédominant de son refus de rendre une ordonnance de disjonction.

[9]                 Je ne puis non plus souscrire à la proposition avancée dans Bourne selon laquelle il doit être [TRADUCTION] « certainque la disjonction des questions en litige permettra de gagner du temps ou entraînera au contraire des délais inutiles » . En effet, comme l'a fait observer le juge Evans dans la décision Illva Saronno, précitée, il incombe au demandeur de convaincre la Cour que la disjonction aura entre autres effets d'accélérer les procédures et de permettre des économies, suivant la norme de la prépondérance de la preuve et non selon la norme de persuasion hors de tout doute raisonnable. Toutefois, une lecture attentive de l'exposé des motifs de la protonotaire Milczynski confirme qu'elle a bien compris que la question devait être tranchée suivant la norme de la prépondérance de la preuve et non d'après une norme plus rigoureuse.



[10]            Dans le même ordre d'idées, je suis loin de pouvoir souscrire sans réserve à l'emprunt d'un critère selon lequel le demandeur devrait établir, ne serait-ce que suivant la norme de la prépondérance de la preuve, que[TRADUCTION] « la structure des faits sur laquelle l'action se fonde est suffisamment extraordinaire ou exceptionnelle pour justifier qu'on scarte de la pratique normale consistant à juger en une seule instance l'ensemble des questions en litige » . Ce critère semble avoir joué un rôle prédominant dans le refus du juge Rutherford d'ordonner la disjonction dans la décision Roche Palo Alto LLC, précitée. L'idée que la structure des faits sur laquelle l'action se fonde doit être « extraordinaire » ou « exceptionnelle » est étrangère à l'esprit comme au libellé des articles 3 et 107. Ces articles sont formulés en termes généraux. Ils donnent à la Cour une grande marge de liberté afin de lui permettre de résoudre, dans toutes sortes de situations, les problèmes particuliers que pose l'administration de la justice. Comme disait le juge Stone au paragraphe 17 de l'arrêt Realsearch Inc., précité, « [l]a règle 3 vise non seulement à permettre d'apporter une solution au litige qui soit la plus expéditive et économique possible, mais aussi, de façon tout aussi importante, à faire en sorte que la solution retenue soit "juste" » . Par conséquent, le point de savoir si l'octroi d'une ordonnance de disjonction entraînerait une injustice pour la partie adverse est aussi un facteur essentiel à prendre en considération. Toutefois, cette injustice doit être réelle; elle doit être plus qu'un désavantage de nature principalement procédurale : Apotex Inc. c. Merck & Co., [2004] A.C.F. no 1372 (C.F. 1re inst.) (QL), aux paragraphes 13 et 14. On peut citer comme exemple d'injustice possible le cas où il y aurait « risque que certains éléments de preuve importants ne parviennent pas à la Cour pour cause des pertes de mémoire ou de mort d'un témoin » (Realsearch Inc., précité, au paragraphe 18). En outre, la complexité de certaines actions en contrefaçon de brevet, même si elles n'ont rien en soi d' « exceptionnel » ou d' « extraordinaire » , est certainement un facteur pertinent à prendre en considération par la Cour dans l'examen des éléments permettant d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Cela dit, si les trois conditions énoncées à l'article 3 des Règles sont remplies, la Cour sera fondée à rendre une ordonnance de disjonction.


[11]            Pour revenir à la présente espèce, je suis convaincu que, en dernière analyse, la protonotaire Milczynski a appliqué le critère juridique approprié à la question dont elle était saisie et a examiné le point de savoir si, selon la norme de la prépondérance de la preuve, la disjonction permettrait d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Il apparaît en outre que la conclusion de la protonotaire Milczynski est fondée sur la preuve et telle qu'on pouvait raisonnablement y arriver en l'espèce. Notons à ce sujet que la protonotaire se réfère dans l'exposé de ses motifs aux affidavits de Mes Gerard Devlin et Harry Radomski, qui remplissent respectivement les fonctions d'avocat interne chez Merck (aux États-Unis) et d'avocat externe de la défenderesse, Brantford Chemicals Inc. (Brantford). Si sa décision ne contient pas d'analyse de chacun des facteurs qu'elle y énumère, la protonotaire Milczynski a formulé des éléments essentiels du raisonnement qui l'a menée à la conclusion que la disjonction ne permettrait pas d'apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Elle note ainsi que [TRADUCTION] « [l]e dossier ne contient guère dléments de preuve, si même il en contient, touchant le point de savoir si - et, chose plus importante, comment - l'ordonnance demandée permettrait de gagner du temps et dconomiser des frais » . Dans la présente espèce, une lecture minutieuse de l'exposé des motifs qui accompagne l'ordonnance attaquée révèle à lvidence qu'il a été accordé suffisamment d'attention aux moyens d'apporter au litige une solution qui soit « juste » . La protonotaire ajoute ce qui suit : [TRADUCTION] « La preuve produite dans la présente espèce ne me convainc pas qu'une ordonnance de disjonction des questions de la responsabilité et des dommages-intérêts permettrait des économies. Je conclus plutôt qu'une telle ordonnance risquerait en fait d'ouvrir de nouvelles possibilités de différends interlocutoires touchant le point de savoir si telle question devrait être instruite àla première ou à la seconde audience et, par conséquent, de donner lieu à des contestations concernant le caractère suffisant ou non des pièces produites et la portée de l'obligation de communication de renseignements à la partie adverse. » Elle conclut en outre qu'[TRADUCTION] « il est probable que la disjonction entraînera un recoupement des éléments de preuve » . Finalement, elle déclare ne pouvoir conclure que [TRADUCTION] « les questions relatives à l'allégation de contrefaçon, quoique complexes, soient de nature à justifier qu'on scarte de la règle générale voulant que toutes les questions en litige soient jugées ensemble » . S'il est vrai que je serais peut-être arrivé à une décision différente, il convient de faire preuve de réserve à lgard de ces conclusions de fait, qui sont manifestement fondées sur la preuve produite devant la protonotaire Milczynski.


[12]            Dans la présente espèce, Merck soutient également que la protonotaire Milczynski a commis une erreur de droit en accordant du poids, si peu que ce soit, à l'affidavit de l'avocat de Brantford. L'utilisation d'affidavits établis par des avocats intéressés, qui occupent en même temps pour une partie à une action en contrefaçon et où ils exposent les raisons pour lesquelles, à leur avis, une ordonnance de disjonction servirait ou non la justice et favoriserait ou non sa prompte administration, soulève un certain nombre de questions. Étant donné qu'ils ressemblent beaucoup à des témoignages d'expert, à quelles conditions de tels affidavits sont-ils admissibles? Étant donné que les opinions d'avocat relèvent surtout de l'argumentation et proposent une conclusion juridique que seule la Cour est habilitée à tirer, quel poids convient-il de leur donner? Lorsque de telles opinions sont fondées sur l'expérience acquise par les avocats dans diverses autres instances, leur admission en preuve fait en outre naître le risque de différends parallèles concernant l'existence ou l'interprétation de faits périphériques d'autres affaires, qui ne sont pas nécessairement pertinents pour l'instruction au fond du litige dont il s'agit. Tel est le cas dans le présent appel.


[13]            Cependant, vu les positions adoptées respectivement par les parties devant la protonotaire Milczynski, je n'ai pas à trancher ces questions potentiellement litigieuses. Je constate que, dans la présente espèce, les deux parties ont déposé et invoqué de tels affidavits, qui font maintenant partie de leurs pièces de requête et ont été régulièrement produits en preuve. Par conséquent, la protonotaire Milczynski avait certainement le droit de se référer aux affidavits de Mes Devlin et Radomski. Ajoutons en toute déférence que c'est à la protonotaire qu'il appartient de décider le poids qu'il convient d'attribuer aux éléments de preuve présentés par les avocats, comme à tout autre élément de preuve. Le fait que, dans un autre cas - soit en rendant le 20 septembre 2002 sur le dossier T-1306-01, où les parties étaient Bristol-Myers Squibb Company, Bristol-Myers Squibb Canada Inc., University of Kentucky Research Foundation et Apotex Inc., une ordonnance confirmée en appel par Apotex Inc. c. Bristol-Myers Squibb Co., [2003] A.C.F. no 950 (C.A.) (QL); Apotex Inc. c. Merck & Co., [2004] A.C.F. no 1372 (C.F. 1re inst.) (QL) - , j'aie attribué peu de poids à la preuve de Me Radomski ou l'aie jugée peu probante, ne constitue pas en soi un moyen général d'appel autorisant la Cour à annuler en appel une ordonnance par ailleurs valable, fondée sur la preuve régulièrement admise devant la protonotaire. Chaque affaire doit être décidée en fonction de ses données propres, c'est-à-dire des faits particuliers qu'elle met en jeu. Par conséquent, s'agissant de la disjonction, les conclusions formulées à propos d'une autre affaire n'ont qu'une valeur jurisprudentielle limitée. Dans le cas qui nous occupe, la protonotaire Milczynski avait le droit de préférer la preuve de Me Radomski à celle de Me Devlin, et je ne vois aucune erreur manifeste et dominante d'appréciation des faits dans son analyse de la preuve. Les affidavits intéressés établis par des avocats peuvent accessoirement avoir un effet sur la crédibilité de leurs auteurs. C'est à la Cour qu'il appartient d'en juger. Là encore, cet aspect antérieur de la question était devant la protonotaire Milczynski, tout comme ma décision la plus récente en matière de disjonction. Par conséquent, il n'est pas nécessaire, aux fins du présent appel, que je tranche la question de savoir si le nouvel affidavit de Me Radomski (où certains éléments ont été ajoutés) diffère notablement de ses affidavits antérieurs. Cela dit, je suis convaincu que la protonotaire Milczynski n'a pas laissé entraver son pouvoir judiciaire discrétionnaire. Sa conclusion est manifestement fondée sur sa propre appréciation de l'ensemble de la preuve produite devant elle et sur sa propre interprétation des circonstances particulières de l'affaire.

[14]            Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter le présent appel et d'adjuger les dépens à Brantford.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que le présent appel soit rejeté avec dépens en faveur de Brantford.

                   « Luc Martineau »                    

      Juge                                 

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-1780-03

INTITULÉ :                                       MERCK ET CIE, INC. et al.

c.

BRANTFORD CHEMICALS INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :               OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :             LE 5 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                     LE 13 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

PETER WILCOX                                                                   POUR LES DEMANDERESSES

DAVID LEDERMAN                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy Renault                                                                         POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Goodmans LLP                                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.