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Date : 20190412


Dossier : IMM‑4420‑18

Référence : 2019 CF 454

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2019

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

YONGQUAN LI

YUZHEN PAN

YATIAN LI

LIUJIN LI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Yongquan Li, Yuzhen Pan et leurs deux filles sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR). La SPR a conclu qu’aucun d’entre eux n’avait qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2]  La SPR a ciblé neuf aspects distincts du récit des demandeurs qui soulevaient des préoccupations quant à la crédibilité. La SPR a reconnu qu’aucune des préoccupations prise individuellement ne suffisait à attaquer la crédibilité des demandeurs, mais que l’effet cumulé sapait leurs demandes d’asile. Les demandeurs n’ont invoqué des motifs que pour contester certaines des conclusions défavorables de la SPR quant à leur crédibilité.

[3]  La décision de la SPR appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.  Le contexte

[4]  Les demandeurs sont des citoyens de la Chine. Ils affirment craindre d’être persécutés du fait qu’ils sont adeptes du Falun Gong, une croyance religieuse interdite en Chine. Leur demande d’asile est fondée sur les allégations qui suivent.

[5]  Monsieur Li et madame Pan se sont mariés en 1998. Leur première fille est née plus tard, cette année‑là, et la deuxième, en 2000. Par la suite, Mme Pan s’est vu forcée de porter un dispositif intra-utérin (le DIU).

[6]  Le port du DIU a causé à Mme Pan des problèmes de santé, lesquels se sont aggravés en septembre 2010. Elle a demandé que le DIU lui soit retiré, mais les agents du programme chinois de planification familiale ont refusé. L’état émotif de Mme Pan s’est détérioré à un point tel qu’il a mené à son divorce avec M. Li. Le divorce a été prononcé le 3 décembre 2010.

[7]  Mme Pan a fait l’essai de divers médicaments, y compris des antidouleurs, mais son état ne s’est pas amélioré. À plusieurs reprises, elle a pris des vacances avec son ex-époux et ses enfants dans l’espoir d’améliorer son état émotif. En juillet 2011, un ami de Mme Pan lui a offert son aide.

[8]  L’ami de Mme Pan lui a proposé de faire l’essai du Falun Gong. Mme Pan savait que cette religion était illégale en Chine et que le fait de la pratiquer pouvait lui valoir de lourdes conséquences. Elle a néanmoins commencé à la pratiquer en août 2011. Dans l’espace de deux mois, la santé et l’état émotif de Mme Pan se sont améliorés de façon marquée. En octobre 2011, elle s’est jointe à un groupe d’adeptes.

[9]  M. Li a remarqué l’amélioration de la qualité de vie de son ex-épouse. Comme il souffrait de douleurs lombaires, elle lui a suggéré de faire l’essai du Falun Gong à son tour. M. Li s’est joint au groupe d’adeptes du Falun Gong de Mme Pan en janvier 2012, et sa santé a aussi commencé à s’améliorer. L’état émotif de Mme Pan s’est amélioré au point qu’elle et son ex‑époux se sont réconciliés.

[10]  Le 27 mai 2012, des membres du Bureau de la sécurité publique (le BSB) ont fait une descente lors d’une séance de pratique du groupe d’adeptes de M. Li et Mme Pan. Comme ils avaient été prévenus de l’arrivée des membres du BSP, ils ont pu s’échapper par la porte arrière. Ils sont ensuite allés se cacher chez un cousin.

[11]  Le 29 mai 2012, le père de M. Li a appelé pour informer les demandeurs que des membres du BSP avaient fouillé leur maison, qu’ils l’avaient interrogé sur leurs allées et venues et qu’ils lui avait dit que le couple devrait se rendre sans tarder. Cependant, M. Li et Mme Pan ne se sont pas rendus au BSP et, plus tard, ils ont appris que leurs filles avaient été suspendues de l’école.

[12]  Les demandeurs ont fui la Chine avec l’aide d’un passeur qui leur a fourni de faux visas américains. Ils ont quitté la Chine le 5 août 2012 en utilisant leurs passeports authentiques. Ils sont arrivés au Canada en provenance des États‑Unis le 11 août 2012. Ils ont présenté leurs demandes d’asile plus d’un mois plus tard, soit le 24 septembre 2012.

[13]  La SPR a instruit les demandes d’asile des demandeurs le 28 juin et le 2 août 2018, et les a rejetées le 13 août 2018.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[14]  La SPR a jugé les demandeurs non crédibles. Elle a également jugé qu’ils n’éprouvaient pas une crainte subjective de persécution, étant donné qu’ils n’avaient pas présenté de demandes d’asile aux États‑Unis.

[15]  La SPR a ciblé neuf aspects distincts du récit des demandeurs qui soulevaient des préoccupations quant à la crédibilité. La SPR a reconnu qu’aucune des préoccupations prise individuellement ne suffisait à attaquer la crédibilité des demandeurs, mais que l’effet cumulé sapait leurs demandes d’asile.

[16]  Les aspects du récit des demandeurs qui ont amené la SPR à mettre en doute leur crédibilité sont les suivants :

  • a) La description faite par les demandeurs de la descente du BSP, plus particulièrement la proposition selon laquelle le BSP n’aurait pas été assez prévoyant pour encercler le bâtiment, n’était ni crédible ni vraisemblable. Les demandeurs ont affirmé qu’ils s’étaient enfuis en courant à travers champs; toutefois, ils habitaient la ville de Jiangmen, la plus populeuse de la province du Guangdong. Au sujet de la descente, Mme Pan n’a pas fourni de détails autres que ceux qui figuraient dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP).

  • b) L’existence du passeur était improbable. Les demandeurs ont quitté la Chine en utilisant leurs propres passeports, le passeur ne leur ayant pas demandé de les lui remettre. Les passeports contenaient les faux visas américains apparemment obtenus par le passeur ainsi que les timbres des diverses autorités frontalières que le passeur avait prétendument soudoyées. Ces éléments risquaient de nuire aux activités du passeur. Mme Pan a d’abord déclaré dans son témoignage que M. Li et elle n’avaient quitté la maison de leur cousin que pour rencontrer le passeur dans un stationnement. Par la suite, elle a déclaré qu’ils s’étaient rendus au consulat des États‑Unis en compagnie du passeur pour subir des entrevues en lien avec les visas. Elle a également déclaré que les demandeurs avaient marché jusqu’à Vancouver en provenance d’un parc de Seattle. Plus tard, elle a modifié son témoignage en affirmant que quelqu’un les avait conduits jusqu’à un parc au sud de Vancouver et qu’ils avaient ensuite marché pour entrer au Canada.

  • c) Il était improbable que les demandeurs soient arrivés à quitter la Chine en utilisant leurs passeports authentiques, ce qui ne concordait avec le guide jurisprudentiel TB6‑11632 (le guide jurisprudentiel), lequel décrit les programmes de la Chine visant à surveiller les citoyens et à les empêcher de quitter le pays sans autorisation.

  • d) Dans son témoignage, Mme Pan a déclaré que, depuis la descente en 2012, des membres du BSP s’étaient rendus à leur ancien domicile environ deux fois chaque année, mais qu’ils n’avaient jamais laissé de mandat d’arrêt ni de citation à comparaître, ce qui ne concordait pas avec les rapports sur la situation qui régnait en Chine.

  • e) Dans son témoignage, Mme Pan a déclaré que les passeports et autres documents d’identité des demandeurs se trouvaient toujours à leur ancien domicile, même après la perquisition du BSP. Cependant, comme l’indiquent les rapports sur la situation en Chine, il arrive souvent que le BSP saisisse les documents d’identité des personnes recherchées. Mme Pan a précisé que les documents se trouvaient dans un tiroir verrouillé.

  • f) Les membres de la famille des demandeurs en Chine n’ont subi aucune répercussion du fait que M. Li et Mme Pan pratiquaient le Falun Gong, ce qui ne concorde pas avec ce qu’indiquent les rapports sur la situation en Chine.

  • g) Les demandeurs n’ont présenté aucun document médical confirmant les problèmes de santé de Mme Pan ou de M. Li. Mme Pan a admis que sa décision de divorcer de M. Li avait été en partie motivée par le désir de régulariser la situation de leur deuxième fille, étant donné la politique de l’enfant unique en vigueur en Chine. Mme Pan n’avait pas mentionné ce fait dans l’exposé circonstancié de son FRP, dans lequel elle avait plutôt déclaré que le divorce était attribuable à ses problèmes de santé qui découlaient du port du DIU.

  • h) La connaissance du Falun Gong par Mme Pan était rudimentaire et ne témoignait en rien de ses sept années alléguées de pratique. La conclusion de la SPR concernant le manque de sincérité des demandeurs quant à leur adhésion au Falun Gong représentait un motif suffisant de rejeter les éléments de preuve (deux photographies et une lettre d’un autre adepte) relatifs à leur pratique de la religion au Canada.

  • i) Rien dans la preuve n’indiquait que les autorités chinoises étaient au courant que les demandeurs pratiquaient le Falun Gong au Canada. Les seuls rapports concernant les activités de surveillance menées par les autorités chinoises au Canada ont été fournis par des organisations liées au Falun Gong et ne contenaient aucune source indépendante.

[17]  En outre, la SPR a tiré une inférence défavorable du fait que les demandeurs n’avaient pas présenté de demandes d’asile aux États‑Unis. La SPR a déclaré que la crainte subjective d’un demandeur d’asile est mise en doute s’il omet de demander l’asile dans un autre pays sûr par lequel il est passé (citant les décisions Assadi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 331, et Gomez Bedoya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 505, au paragraphe 22).

IV.  La question en litige

[18]  La seule question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision de la SPR de rejeter les demandes d’asile des demandeurs était raisonnable.

V.  Analyse

[19]  La Cour effectue le contrôle de la décision de la SPR en fonction de la norme de la décision raisonnable. Il s’agit d’une norme déférente qui tient principalement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. La Cour n’intervient que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[20]  Les demandeurs contestent la décision de la SPR en s’appuyant sur un certain nombre de motifs sérieux. Ils font remarquer que la SPR n’est pas qualifiée pour se prononcer sur le professionnalisme ou les techniques du BSP et qu’elle devrait s’abstenir de formuler des hypothèses sur la façon dont les autorités chinoises pourraient se comporter dans telle ou telle situation (Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 94, au paragraphe 21). La confusion des demandeurs quant à la façon exacte dont ils sont arrivés au Canada en provenance de Seattle est compréhensible, puisqu’ils étaient des étrangers en terre étrangère. La SPR ne devrait pas faire preuve d’un zèle excessif dans son appréciation de la sincérité des croyances religieuses des demandeurs d’asile (Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1002, au paragraphe 12; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 288, au paragraphe 59).

[21]  Les demandeurs soulignent que la Cour a déjà statué qu’il est déraisonnable de tirer une inférence défavorable de la relative facilité avec laquelle les demandeurs d’asile arrivent à quitter la Chine en utilisant leurs passeports authentiques (Ren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1402, aux paragraphes 15 et 16; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 762, au paragraphe 68). Le ministre répond que la jurisprudence à ce sujet n’est résolument pas claire et que, dans de nombreuses affaires, la Cour a confirmé la conclusion selon laquelle il était peu probable que des demandeurs d’asile recherchés par les autorités chinoises puissent réussir à quitter la Chine en utilisant leurs passeports authentiques (Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 877, aux paragraphes 14 à 16; Yan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 146, aux paragraphes 20 et 21).

[22]  En l’espèce, la SPR s’est appuyée sur le guide jurisprudentiel publié par la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR qui décrit la façon dont les autorités chinoises surveillent et contrôlent les départs non autorisés. La juge en chef adjointe Jocelyne Gagné a récemment déclaré ce qui suit au sujet du fait, pour la SPR, de s’appuyer sur le guide jurisprudentiel dans de telles circonstances (Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 148 (Huang), au paragraphe 38) :

En l’espèce, tout comme dans les décisions Gong (paragraphe 14), Chen (paragraphes 31 à 32) et Lin (paragraphe 40), précitées, la SPR a conclu, en s’appuyant sur la preuve objective relative aux conditions dans le pays, qu’il est improbable que les demandeurs aient réussi à quitter la Chine, même en faisant appel à un passeur. Cette conclusion va dans le même sens que le guide jurisprudentiel TB6‑11632, où il est indiqué, aux paragraphes 32 à 36, qu’il est peu probable qu’un demandeur d’asile recherché par les autorités chinoises puisse contourner tous les contrôles de sortie en place, même avec l’aide d’un passeur. Je souligne que, conformément à la Note de politique concernant la désignation de la décision TB6‑11632 en tant que guide jurisprudentiel de la Section d’appel des réfugiés, les commissaires de la SPR et de la SAR doivent appliquer les guides jurisprudentiels aux cas comportant des faits semblables ou justifier leur décision de s’en écarter, le cas échéant. Cela vise à accroître la cohérence, la certitude et la prévisibilité au sein du processus décisionnel (Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1064, paragraphes 26 et 27).

[Soulignement supprimé.]

[23]  Je ne peux pas reprocher à la SPR de s’être appuyée sur le guide jurisprudentiel de la manière prévue par la SAR et adoptée par la juge en chef adjointe Gagné dans la décision Huang. Les demandeurs n’ont pas contesté de façon convaincante les conclusions de la SPR relativement à l’absence de documents corroborant leurs allégations, à l’absence de répercussions pour les membres de leur famille en Chine, au fait qu’ils n’avaient pas présenté de demandes d’asile aux États‑Unis et aux diverses incohérences relevées dans leur témoignage. L’incohérence du récit que fait un demandeur d’asile est un indicateur important de sa crédibilité (Bersie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 900, au paragraphe 27).

[24]  Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour n’a pas pour mission d’apprécier à nouveau la preuve et d’en tirer des inférences différentes; elle doit plutôt déterminer si les inférences tirées par la SPR étaient raisonnables (Benko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1032, aux paragraphes 22 et 23; Herrera Arbelaez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1129, au paragraphe 13). En dépit de l’argumentation solide de l’avocat des demandeurs, je suis convaincu que la décision de la SPR appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[25]  La SPR était en droit d’intégrer sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’étaient pas de véritables adeptes du Falun Gong à son analyse « sur place » (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 5, aux paragraphes 22, 23 et 25) et de rejeter les éléments de preuve relatifs à leur pratique de la religion au Canada (Jin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 595, au paragraphe 20). La SPR était aussi en droit de conclure que les demandeurs n’avaient pas produit suffisamment d’éléments de preuve démontrant que les autorités chinoises étaient au courant de leur pratique du Falun Gong au Canada (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 765, aux paragraphes 27 et 29).

VI.  Conclusion

[26]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de mai 2019.

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4420‑18

INTITULÉ :

YONGQUAN LI, YUZHEN PAN, YATIAN LI, LIUJIN LI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 AVRIL 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 12 AVRIL 2019

COMPARUTIONS :

Phillip Trotter

POUR LES DEMANDEURS

Alison Engel‑Yan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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