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Date : 20190411


Dossiers : IMM-5184-18

IMM-4747-18

Référence : 2019 CF 448

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2019

En présence de madame la juge McVeigh

Dossier : IMM-4747-18

ENTRE :

MOHAMED SIYAAD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

Dossier : IMM-5184-18

ET ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

MOHAMED ABDI SIYAAD

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Les présentes demandes distinctes sont toutes deux liées à la saisie sans mandat par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) du téléphone cellulaire de Mohamed Abdi Siyaad (M. Siyaad).

[2]  Dans le dossier IMM-4747-18, M. Siyaad affirme que l’ASFC a violé la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), et ses droits constitutionnels lorsque l’ASFC a saisi son téléphone cellulaire et n’a pas demandé par la suite l’autorisation judiciaire de le garder en sa possession.

[3]  Dans le dossier IMM-5184-18, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le MSPPC) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de l’immigration (la SI) a accordé à M. Siyaad l’accès à son téléphone cellulaire. Le MSPPC affirme que le commissaire Adamidis (le commissaire) de la SI a outrepassé sa compétence en ordonnant à l’ASFC de fournir l’accès au téléphone cellulaire, qu’il était functus officio lorsque la décision a été prise et, dans tous les cas, qu’il a pris une décision déraisonnable.

[4]  Par souci de commodité, j’appellerai les parties par leur nom propre. Je le fais pour éviter la confusion, car il y a alternance entre le demandeur et le défendeur dans chacune des affaires.

II.  Contexte factuel commun

[5]  En mai 2017, M. Siyaad serait entré au Canada muni d’un faux passeport au nom d’Adnan Mahamed Digale. M. Siyaad aurait de nombreux autres pseudonymes. La date à laquelle M. Siyaad est entré au Canada est contestée. L’ASFC affirme que M. Siyaad est entré au Canada muni d’un faux passeport le 10 mai 2017. Dans le formulaire Fondement de la demande d’asile de M. Siyaad, ce dernier affirme toutefois être entré au Canada en avion le 24 mai 2017.

[6]  Peu après son entrée au pays, M. Siyaad a demandé d’asile à Kitchener, en Ontario, le 6 juin 2017. Il a reconnu à l’époque qu’il avait été expulsé des États‑Unis.

[7]  L’instruction de la demande d’asile de M. Siyaad a eu lieu le 9 août 2017 et le 30 août 2017. Le 5 octobre 2017, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a accueilli sa demande d’asile.

[8]  Le 3 janvier 2018, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis (le DHS) a envoyé une note de service à l’ASFC l’avertissant que M. Siyaad faisait l’objet d’une enquête internationale sur la traite de personnes. Le DHS a déclaré que M. Siyaad était un passeur de clandestins installé à São Paulo, au Brésil, où il a fait entrer clandestinement des ressortissants étrangers (principalement de la Somalie et d’autres pays d’Afrique de l’Est) aux États‑Unis.

[9]  Le 10 janvier 2018, M. Siyaad a été renvoyé à la SI pour enquête au motif qu’il était interdit de territoire pour passage de clandestins par le passé. Le 12 janvier 2018, un mandat a été exécuté et M. Siyaad a été arrêté et détenu. Lors de son arrestation, le téléphone cellulaire de M. Siyaad a été saisi et placé sous la garde de l’ASFC.

[10]  En février 2018, le MSPPC a interjeté appel de la conclusion de la SPR. La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a annulé la décision de la SPR en mars 2018 et a renvoyé l’affaire à la SPR pour qu’elle rende une nouvelle décision. L’affaire a été instruite par la Cour fédérale et, au moment de l’audience, elle était en délibéré.

[11]  Le 20 juin 2018, M. Siyaad a demandé à ce que son téléphone cellulaire, saisi au moment de son arrestation par l’ASFC, lui soit restitué. M. Siyaad a présenté cette demande à l’ASFC pour trois motifs :

  1. La saisie était illégale parce qu’elle était déraisonnable, puisque la fouille a eu lieu sans mandat. M. Siyaad affirme que l’ASFC a saisi son téléphone cellulaire simplement parce qu’elle avait le pressentiment qu’il pouvait contenir des éléments de preuve, et non pour les motifs raisonnables énoncés dans l’arrêt Hunter c Southam, [1984] 2 RCS 145 [Hunter c Southam];
  2. Le ministre ne s’est pas conformé à l’article 138 de la LIPR, lequel, selon les observations de M. Siyaad, exige qu’un agent se conforme aux articles 487 à 492.2 du Code criminel, LRC 1985, c C-46 (le Code criminel). M. Siyaad affirme que, en ne demandant pas les autorisations judiciaires requises en vertu du Code criminel, le ministre a fait fi des obligations constitutionnelles énoncées dans le Code criminel.
  3. Le ministre a conservé une chose saisie plus longtemps que ce qui est nécessaire pour l’application de la LIPR. Comme la saisie ne semble pas nécessaire à quelque fin que ce soit, le téléphone cellulaire doit être restitué.

[12]  Il appert que la décision de permettre à M. Siyaad d’accéder à son téléphone cellulaire reposait sur l’idée qu’il n’est pas la même personne que le trafiquant connu sous le nom de « Hassan ». Il a été identifié comme étant Hassan par un témoin oculaire et dans un rapport de renseignement qui indiquait que le compte sur les médias sociaux exploité par « Hassan » appartient à M. Siyaad.

[13]  En revanche, M. Siyaad soutient qu’un passeur connu sous le nom de « Hassan » est responsable des crimes qu’on lui reproche d’avoir commis. M. Siyaad soutient qu’il y a peu d’éléments de preuve qui donnent à penser que M. Siyaad et Hassan sont la même personne. M. Siyaad soutient que le téléphone cellulaire contient des éléments de preuve disculpatoires et qu’il doit donc y avoir accès.

[14]  Le 6 juillet 2018, l’ASFC a refusé sa demande. Anne Raposo (l’agente Raposo), superviseure de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’ASFC, a écrit à M. Siyaad pour l’informer qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que la prolongation de la saisie était nécessaire pour l’application de la LIPR.

[15]  Croyant que l’ASFC avait la responsabilité de présenter des observations sur la saisie continue du téléphone cellulaire à un juge de la cour supérieure, M. Siyaad a demandé réparation à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Le 10 septembre 2018, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté la demande de M. Siyaad en refusant d’exercer sa compétence à l’égard de l’affaire, puisque cette affaire pouvait faire l’objet d’un contrôle par la Cour fédérale, le cas échéant.

[16]  M. Siyaad a demandé à la SI que son téléphone cellulaire lui soit restitué ou de lui permettre d’y avoir accès.

[17]  Les 21 et 26 juin 2018, une conférence de gestion de l’instance avec la SI a eu lieu au sujet de l’enquête de M. Siyaad. M. Siyaad a présenté une demande à la SI pour obtenir, entre autres, une ordonnance enjoignant à l’ASFC de lui donner accès à son téléphone cellulaire.

[18]  Le 14 août 2018, la SI a communiqué avec les parties pour leur demander des dates de disponibilité pour la mise au rôle de l’enquête. En réponse, l’avocat de M. Siyaad a envoyé une lettre à la SI indiquant que la SI l’avait informé de vive voix que l’ASFC n’avait pas à fournir l’accès au téléphone cellulaire. L’avocat a demandé des motifs écrits de la décision de la SI (la première décision). Bien qu’il n’y ait pas de copie écrite ou transcrite de la première décision, nul ne conteste que la SI, dans sa première décision, a refusé de donner à M. Siyaad l’accès à son téléphone cellulaire.

[19]  Il y a eu des échanges entre les parties et le commissaire entre le mois d’août et la fin de septembre 2018. Il était aussi question de savoir si les motifs écrits pouvaient être fournis. M. Siyaad soutient que le 27 septembre 2018, le commissaire a déclaré qu’il avait rejeté la demande de M. Siyaad dans la première décision et qu’il donnerait des directives de vive voix après la première décision à la prochaine séance.

[20]  Le 12 octobre 2018, le commissaire a signalé qu’il avait décidé d’infirmer la première décision (la deuxième décision) :

[traduction] À la séance précédente, j’avais affirmé que je n’accueillerais pas la demande. Après un examen plus approfondi, j’ai conclu que cette conclusion était erronée. J’accueillerai la demande. Je vais tout passer en revue et expliquer pourquoi les choses se sont passées ainsi.

[21]  M. Siyaad a été arrêté peu après la deuxième décision de la SI, et il y a actuellement une instance parallèle pour faire extrader M. Siyaad aux États‑Unis pour les procès liés au passage de clandestins. L’enquête de M. Siyaad se poursuit.

[22]  À l’audience, les parties ont convenu de débattre d’abord de l’affaire IMM-4747-18, puis de l’affaire IMM-5184-18. M. Siyaad a déclaré que, s’il avait gain de cause dans l’affaire IMM‑4747-18, il devrait se voir remettre son téléphone cellulaire parce que, si la saisie continue est jugée illégale (IMM-4747-18), la seconde affaire (IMM-5184-18) devient théorique.

III.  Dossier IMM-4747-18

A.  Questions en litige

[23]  La question en litige est la suivante :

  1. La saisie continue du téléphone cellulaire est-elle raisonnable et légale?

B.  Norme de contrôle

[24]  Dans l’arrêt Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255 [Sellathurai], la Cour d’appel fédérale a examiné un appel interjeté à la suite d’une demande de contrôle judiciaire, dans lequel on alléguait que le refus du délégué du ministre de restituer 123 000 $ en devises non déclarées (saisies par l’ASFC) constituait un exercice inapproprié de son pouvoir discrétionnaire. La Cour d’appel fédérale a affirmé que la norme de contrôle de la décision était celle de la décision raisonnable (paragraphe 25 de l’arrêt Sellathurai).

[25]  Par conséquent, conformément à l’arrêt Sellathurai, la norme de contrôle en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

[26]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterai la demande.

IV.  Dispositions applicables

[27]  Les dispositions applicables figurent à l’annexe A.

V.  Analyse

A.  L’illégalité des mesures prises par l’ASFC

[28]  Bien que M. Siyaad ait initialement indiqué dans sa lettre à l’ASFC que la fouille et la saisie en soi étaient illégales, il a depuis abandonné cet argument. M. Siyaad convient désormais que la fouille sans mandat était justifiée par le fait qu’elle a été effectuée accessoirement à son arrestation.

[29]  M. Siyaad soutient que le paragraphe 138(1) de la LIPR confère à l’agent de l’ASFC les attributions d’un agent de la paix prévues par le Code criminel. En même temps, la disposition impose également les limites appropriées aux agents de la paix en vertu des articles applicables du Code criminel. M. Siyaad soutient que les agents de la paix qui saisissent des objets en vertu du Code criminel doivent soit les restituer, soit les apporter devant un juge.

[30]  M. Siyaad soutient que la « détention » continue du téléphone cellulaire n’est pas autorisée par la loi parce que celui‑ci n’a pas été apporté devant un juge comme l’exige le Code criminel.

[31]  M. Siyaad fait valoir qu’un juge doit être convaincu que la détention continue de la chose poursuit un objectif légitime. Comme l’agent de l’ASFC n’a jamais fait rapport sur le téléphone saisi ni présenté une demande à un juge (comme l’aurait fait un agent de la paix en vertu du Code criminel), M. Siyaad soutient que la saisie continue n’a jamais fait l’objet d’une surveillance judiciaire; par conséquent, la saisie est déraisonnable et contrevient à l’article 8 de la Charte.

[32]  Ainsi, tout libellé, y compris celui du Guide d’exécution de la loi qui n’exige pas de comparaître devant un juge, contrevient à la loi ou à l’intention du législateur. Ainsi, la mesure prise par l’agent de l’ASFC est présumée erronée.

B.  L’article 8 de la Charte exige une surveillance judiciaire indépendante des saisies

[33]  M. Siyaad soutient que tout régime qui permet la fouille, la perquisition et la saisie sans surveillance judiciaire est inconstitutionnel. Les deux parties reconnaissent que si l’ASFC obtient un mandat en vertu du Code criminel, la chose saisie doit ensuite être apportée devant un juge, mais M. Siyaad indique que s’il s’agit d’une fouille ou d’une perquisition sans mandat accessoire à l’arrestation, aucun organisme n’exerce une surveillance. Je signale bien entendu, comme je l’ai fait à l’audience, que j’ai été saisie de la question de la saisie continue et que, par conséquent, un juge a exercé une surveillance.

[34]  M. Siyaad se fonde sur l’arrêt R c Garcia-Machado, 2015 ONCA 569, de la Cour d’appel de l’Ontario à l’appui de son affirmation. Dans cet arrêt, la Cour d’appel, en se penchant sur l’article 489 du Code criminel, a examiné si le défaut d’un agent de faire rapport à un juge de paix dès que possible rendait également la détention continue contraire à l’article 8 de la Charte. La Cour d’appel a répondu par l’affirmative.

[35]  M. Siyaad soutient que toute personne peut raisonnablement s’attendre à ce que la confidentialité de l’objet saisi soit préservée. Par conséquent, en ne rapportant pas l’objet saisi à un juge, l’ASFC viole la LIPR et la Charte.

[36]  M. Siyaad a demandé les réparations suivantes :

  • un jugement déclarant que la saisie continue est illégale et inconstitutionnelle;
  • une ordonnance pour que lui soit restitué son téléphone cellulaire;
  • comme ce comportement est systématique, M. Siyaad demande une ordonnance enjoignant à l’ASFC de rendre compte au tribunal dans les six mois et lui expliquer comment l’ASFC compte maintenant s’assurer, dans le cas de fouilles ou de perquisitions sans mandat, qu’un rapport sera transmis à un juge de paix, comme l’exige le Code criminel.

(1)  Analyse

[37]  Je conclus que la saisie continue du téléphone cellulaire est autorisée par la loi.

[38]  L’article 138 de la LIPR accorde à l’agent de l’ASFC les attributions d’un agent de la paix lui permettant d’appliquer la LIPR (y compris celles énoncées aux articles 487 à 492.2 du Code criminel). Le paragraphe 489(2) du Code criminel conférait à l’agent de l’ASFC le pouvoir de saisir le téléphone cellulaire sans mandat s’il avait des motifs raisonnables de croire, en exécutant le Code criminel ou toute « autre loi fédérale », que la chose a été obtenue au moyen d’une infraction, a été employée à la perpétration d’une infraction ou pourrait servir de preuve touchant la perpétration d’une infraction. En l’espèce, au moment de l’arrestation, l’agent de l’ASFC a saisi le téléphone cellulaire dans le cadre d’une fouille sans mandat à des fins d’arrestation.

[39]  De plus, l’article 140 de la LIPR confère à l’agent le pouvoir de saisir et de retenir une chose s’il a des motifs raisonnables de croire qu’elle a été utilisée frauduleusement ou que la mesure est nécessaire pour en empêcher l’utilisation frauduleuse ou pour l’application de la Loi.

[40]  Le paragraphe 140(3) de la LIPR permet l’élaboration de règlements en application des dispositions de la LIPR en matière de saisie. Aux articles 252 à 254, le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR), énonce la procédure complète que doit suivre l’ASFC pour gérer un objet saisi.

[41]  De plus, un Guide d’exécution de la loi décrit en détail la façon dont les choses saisies en vertu de l’article 140 de la LIPR doivent être gérées. Bien que M. Siyaad fasse valoir que le Guide d’exécution de la loi n’est pas conforme à ce qui est légal, comme je l’expliquerai plus loin, je ne saurais convenir que le Guide n’est pas conforme à la LIPR, au RIPR et à la Charte.

[42]  Si une chose est saisie en vertu de l’article 140 de la LIPR, elle est remise sans délai à l’organisme compétent. En l’espèce, nul ne conteste que cette étape ait été respectée. Rien ne porte à croire, et ni la LIPR, le RIPR ou le Guide d’exécution de la loi ne précise, que la saisie effectuée par l’ASFC dans le cadre d’une fouille ou d’une perquisition sans mandat doive être examinée par un juge d’une cour supérieure ou d’une cour provinciale, comme l’exige la loi selon M. Siyaad.

[43]  En l’espèce, l’avis de saisie prévu à l’article 253 du RIPR a été donné et M. Siyaad a été informé de la raison de la saisie. Les motifs raisonnables énoncés dans l’avis de saisie étaient les suivants : la saisie était nécessaire pour l’application de la Loi, M. Siyaad est impliqué dans le crime organisé et son téléphone cellulaire peut contenir des éléments de preuve à l’appui d’une allégation d’interdiction de territoire en vertu de l’article 37 de la LIPR.

[44]  Le 6 juillet 2018, l’agente Raposo a mentionné dans la lettre de refus adressée à M. Siyaad que le téléphone cellulaire avait été saisi en vertu du paragraphe 140(1) de la LIPR et de l’alinéa 253(2)d) du RIPR. L’agent de l’ASFC était convaincu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que l’ASFC devait continuer de détenir le téléphone cellulaire, comme le prévoit le sous-alinéa 253(2)c)(i) du RIPR.

[45]  Ce motif était différent de celui qui a été donné au moment de l’arrestation, ce qui n’est pas un problème, puisqu’après l’arrestation, des faits nouveaux ou des questions nouvelles peuvent survenir au fur et à mesure.

[46]  Pris ensemble, comme il a été mentionné précédemment, la LIPR et le RIPR forment un régime complet sur la gestion des choses saisies. Si une décision doit faire l’objet d’un contrôle (une fois que toutes les autres mesures de réparation sont épuisées), ce contrôle peut être effectué par un juge de la Cour fédérale, comme en fait foi la présente instance.

[47]  Il s’agit d’un processus semblable à ce qui se trouve dans d’autres lois fédérales qui comportent des régimes complets sur les saisies, comme la Loi sur les pêches, LRC 1985, c F-14, la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, LC 1992, c 52, et la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17. Le Code criminel n’a pas préséance sur les lois fédérales lorsque celles‑ci prévoient un régime complet sur la saisie.

[48]  En termes simples, j’estime que M. Siyaad se trompe fondamentalement en présumant que les fouilles, les perquisitions et les saisies effectuées par les agents de l’ASFC sont les mêmes que celles effectuées par les policiers en général. Le droit reconnaît que ce n’est tout simplement pas le cas.

[49]  L’arrêt R c Simmons, [1988] 2 RCS 495 [Simmons], est l’arrêt de principe sur la question. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada (la CSC) a examiné une fouille sur la personne de l’appelante au moment où elle traversait la frontière pour entrer au Canada.

[50]  La CSC a conclu que les parties contestées des articles 143 et 144 de la Loi sur les douanes ne violaient pas le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives garanti par l’article 8 de la Charte. La Cour a conclu que, bien qu’il soit vrai que ces dispositions ne respectaient pas les protections énoncées dans l’arrêt Hunter c Southam, ces normes ne s’appliquaient pas aux fouilles pratiquées à la frontière. Le degré de protection de la vie privée auquel on peut raisonnablement s’attendre est moins élevé à la frontière que dans la plupart des autres cas. Les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les choses qui entrent sur leur territoire. Par conséquent, les voyageurs qui traversent des frontières nationales s’attendent à faire l’objet d’un contrôle (paragraphe 49 de l’arrêt Simmons).

[51]  L’arrêt Simmons établit donc que les règles pour les agents de l’ASFC lors d’une fouille, d’une perquisition et d’une saisie n’ont pas à être exactement les mêmes que celles qui s’appliquent aux agents de la paix. C’est précisément pourquoi la LIPR prévoit sa propre procédure interne de fouille, de perquisition et de saisie.

[52]  Certes, la fouille, la perquisition ou la saisie effectuée à l’intérieur du pays sont manifestement différentes de celles effectuées à un point d’entrée, mais l’arrêt Simmons établit clairement que les règles en matière de fouilles, de perquisitions et de saisies peuvent être différentes pour les agents de l’ASFC par rapport aux autres agents de la paix au Canada. Un tel régime devrait être maintenu pour des raisons de principe évidentes.

[53]  L’intention législative de l’article 138 de la LIPR ne peut être interprétée comme exigeant que les agents de l’ASFC se conforment à des aspects du Code criminel qui sont peu logiques dans leur contexte. Il est raisonnable d’interpréter l’article 138 comme renvoyant aux dispositions du Code criminel sur les fouilles, les perquisitions et les saisies qui ne s’appliquent que lorsqu’un mandat de perquisition est délivré.

[54]  J’estime que l’ASFC avait le pouvoir légal de saisir et de retenir le téléphone cellulaire sans avoir à suivre les articles du Code criminel puisque la LIPR a sa propre procédure de saisie et de conservation de biens. En l’espèce, l’ASFC s’est conformée à toutes les procédures prévues par la LIPR et le RIPR.

C.  Question certifiée

[55]  M. Siyaad a proposé une question à certifier :

[traduction] L’article 489 du Code criminel du Canada régit-il les saisies sans mandat effectuées par des personnes désignées comme des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

[56]  La Cour a conclu qu’une question certifiée doit satisfaire à un certain nombre d’exigences. Une question certifiée doit être :

  1. Une question de portée générale :

Elle doit donc « transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale » [(Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22; Canada (MCI) c Liyanagamage (1994), 176 NR 4 (CAF)]. Une question certifiée de portée générale sera une question de droit parce que les faits sont propres aux parties, conformément à l’arrêt Dotsenko c Canada (MCI), 2000 CarswellNat 1515 (CAF), au paragraphe 6.

  1. Une question déterminante quant à l’issue de l’appel (Canada (MCI) c Zazai, 2004 CAF 89, au paragraphe 11);
  2. Une question qui a été soulevée devant la Cour fédérale, par qui elle doit d’abord être tranchée (Lai c Canada (SPPC), 2015 CAF 21).

[57]  De nombreuses autres lois fédérales qui permettent les saisies sans mandat ont été examinées par notre Cour, la Cour d’appel fédérale et la CSC (Flaro c Canada, 2018 CF 229), mais la LIPR et le RIPR n’ont pas encore été examinés. M. Siyaad a fait valoir que cela signifie que la question proposée est alors de portée générale.

[58]  Je ne suis pas d’accord avec M. Siyaad à cet égard, puisque la question de l’interprétation des lois fédérales en matière de saisies sans mandat a déjà été tranchée par la CSC. Par exemple, voir le paragraphe 37 de l’arrêt R c Ulybel Enterprises Ltd, 2001 CSC 56 :

37 Il est logique que la Loi sur les pêches traite de façon exhaustive des biens saisis en vertu de la Loi sur les pêches compte tenu de la nature particulière du type de biens en question : du poisson, des bateaux de pêche et du matériel. L’intimée soutient que l’art. 489.1 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, s’applique également aux biens saisis d’une personne accusée d’une infraction à la Loi sur les pêches. Or, cet article commence par les mots suivants : « Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale… ». En conséquence, comme la Loi sur les pêches fédérale porte aussi sur les biens d’une personne accusée d’une infraction à cette Loi, je suis d’avis que l’art. 489.1 du Code criminel ne s’applique pas en l’espèce.

[59]  Étant donné que la LIPR et le RIPR ont un code complet pour les étapes à suivre après une saisie sans mandat, cette question n’est pas de portée générale, puisqu’elle a déjà été tranchée dans d’autres lois fédérales de nature semblable. Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas de question de portée générale.

[60]  Je ne certifierai pas cette question.

D.  Résumé

[61]  La demande est rejetée.

VI.  Dossier IMM-5184-18

A.  Questions en litige

[62]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La SI a-t-elle compétence pour rendre une ordonnance d’accès?
  2. Le décideur était-il funcus officio?
  3. La décision était-elle raisonnable?

B.  Norme de contrôle

[63]  Le MSPPC convient avec M. Siyaad de la norme de contrôle applicable, soit la norme de la décision correcte sur les questions d’équité procédurale et de compétence, et la norme de la décision raisonnable sur les questions relatives à l’arbitrage des faits, conformément à l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

C.  Dispositions applicables

[64]  Les dispositions applicables figurent à l’annexe B.

D.  Analyse

(1)  La compétence de la SI

[65]  Le MSPPC a soutenu que la décision devrait être infirmée parce que la SI a outrepassé sa compétence en rendant une ordonnance autorisant M. Siyaad à avoir accès à son téléphone cellulaire.

[66]  Pour sa part, M. Siyaad a fait valoir que chaque section a le pouvoir de rendre des ordonnances de communication et d’accès. En l’espèce, la Section est expressément autorisée à rendre diverses ordonnances en vertu de l’article 162 de la LIPR. À l’appui de l’argument de la compétence, M. Siyaad a indiqué que la Cour a confirmé que, en vertu de l’article 162 de la LIPR, les sections « peu[vent] prendre les mesures qu’elle[s] juge[nt] utiles » et que la SPR était, par exemple, « maîtresse de sa procédure » (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Kahlon, 2005 CF 1000, au paragraphe 24).

[67]  M. Siyaad a fait valoir qu’il avait demandé une ordonnance lui permettant d’accéder à son bien pour préparer sa défense. Selon les observations de M. Siyaad, cet élément de preuve est important et pertinent. Ainsi, selon l’argument de M. Siyaad, il n’a pas été contesté que la SI a compétence pour faire ce qu’elle doit faire, à savoir ordonner à l’ASFC de lui restituer son téléphone cellulaire.

[68]  M. Siyaad ajoute à son argument que si le ministre croit que l’accès au téléphone cellulaire n’est pas dans l’intérêt public (pour des motifs de politique générale), le recours du ministre se trouve à l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5.

[69]  En examinant la transcription, je remarque que le commissaire de la SI a d’abord déterminé qu’il avait le pouvoir de rendre l’ordonnance, puis a rendu la décision suivante :

[TRADUCTION]

Donc, dans les circonstances, la première question à laquelle il faut répondre est de savoir si j’ai le pouvoir de délivrer l’ordonnance demandée par M. Siyaad. La réponse à cette question est « oui ».

Je me reporterai à l’article 49 des Règles de la Section de l’immigration, qui prévoit ce qui suit : « Dans le cas où les présentes règles ne contiennent pas de dispositions permettant de régler une question qui survient dans le cadre d’une affaire, la Section peut prendre toute mesure nécessaire pour régler la question. » (tel que l’extrait a été lu).

[70]  Le ministre n’est pas d’accord et a fait valoir que l’article 49 des Règles vise des questions de procédure et non ce cas en particulier.

[71]  La question de la compétence n’a pas été débattue à cette audience et n’a pas été pleinement débattue à la présente audience. D’après les renseignements dont dispose la Cour et l’interprétation que fait le commissaire de la SI de leurs règles, je conviens qu’ils ont compétence. Le pouvoir conféré par la LIPR permet à la SI de rendre les ordonnances dont elle a besoin, y compris les ordonnances relatives à la preuve, puisque la SI est maîtresse de sa procédure, conformément au paragraphe 8 de la décision Rogan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 532.

[72]  Bien que la SI ait compétence en l’espèce, il peut y avoir des cas où, à la lumière d’observations orales complètes et de faits différents, la SI n’a pas le pouvoir de rendre certaines ordonnances.

(2)  La SI était functus officio et ne pouvait pas rendre la deuxième décision

[73]  Le MSPPC soutient que, le ou vers le 14 août 2018, la SI a avisé oralement M. Siyaad qu’elle refusait sa demande de lui donner accès au téléphone cellulaire ou de lui restituer celui‑ci.

[74]  Comme je l’ai déjà dit (au paragraphe 20), la SI a soudainement infirmé cette directive le 12 octobre 2018, après que le commissaire a eu l’occasion de consulter la transcription.

[75]  Le MSPPC soutient que le principe du functus officio s’applique en l’espèce. Ce principe énonce qu’une fois qu’une décision est prise, le décideur n’a plus compétence sur la question. Par conséquent, après que le commissaire eut pris sa décision le ou vers le 14 août 2018, il était functus officio et ne pouvait plus changer d’avis.

[76]  Le MSPPC reconnaît que la doctrine est souple lorsqu’il est question de certaines procédures. Il soutient toutefois que, dans le contexte administratif actuel, le principe du functus officio doit être interprété rigoureusement et le commissaire ne peut infirmer sa décision, à défaut de quoi il n’y aurait aucune certitude.

[77]  D’autres facteurs appuient cette proposition :

  • La décision de rejeter les demandes de M. Siyaad a été rendue et confirmée trois fois en un mois et demi;
  • Aucune partie n’a demandé d’examiner de nouveau la décision de refuser la demande.

[78]  Revenons maintenant au premier principe. La règle du functus officio est une règle de common law qui interdit à un décideur désigné par la loi de modifier sa décision une fois qu’elle a été rendue (Chandler c Alberta Association of Architects, [1989] 2 RCS 848 [Chandler]).

[79]  Dans l’arrêt Chandler, précité, le juge Sopinka a également fait remarquer qu’il y a deux exceptions générales à la règle du functus officio, « 1. lorsqu’il y avait eu lapsus en la rédigeant ou 2. lorsqu’il avait une erreur dans l’expression de l’intention manifeste de la cour ».

[80]  Dans l’arrêt Chandler, le juge Sopinka ajouté que, dans le contexte du droit administratif, la règle du functus officio s’applique quand même :

Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d’une cour de justice dont la décision peut faire l’objet d’un appel en bonne et due forme. C’est pourquoi j’estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l’objet d’un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l’intérêt de la justice, afin d’offrir un redressement qu’il aurait par ailleurs été possible d’obtenir par voie d’appel.

[aucun numéro de paragraphe dans la décision originale]

[81]  Toutefois, le juge Sopinka a affirmé clairement qu’« [e]n règle générale, lorsqu’un tribunal administratif a statué définitivement sur une question dont il est saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé ».

[82]  Les exceptions établies dans l’arrêt Chandler ont été réexaminées par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale (voir Chopra c Canada (Procureur général), 2014 CAF 179 [Chopra]). Dans l’arrêt Chopra, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un commissaire à l’intégrité du secteur public n’était pas functus officio lorsqu’il a rouvert un dossier de plainte. Même si le commissaire n’avait pas le pouvoir légal de le faire, la CSC a expliqué dans l’arrêt Chandler que les tribunaux administratifs pouvaient revenir sur leur décision qui ne peut faire l’objet d’un appel.

[83]  En l’espèce, il est possible d’interjeter appel des décisions de la SI devant la SAI, conformément à l’article 5 des Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230. Même si le demandeur conteste ce point, je ne suis pas d’accord. Par conséquent, l’exception énoncée dans l’arrêt Chandler ne semble pas s’appliquer.

[84]  La règle générale retenue par le juge Sopinka semble claire : le tribunal ne peut revenir sur sa décision parce qu’il « a changé d’avis ».

[85]  C’est précisément ce qui s’est produit en l’espèce. Il n’y avait aucun nouvel élément de preuve ni aucune demande de réexamen. Le décideur a plutôt infirmé sa propre décision, des mois plus tard, au détriment de M. Siyaad et du MSPPC.

[86]  Il serait problématique d’accorder à la SI le pouvoir discrétionnaire de revenir sur de telles décisions interlocutoires. C’est d’ailleurs ce qui a été reconnu dans une affaire citée ni par M. Siyaad ni par le MSPPC, mais qui est très pertinente. Dans la décision Monongo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 491, le juge Frenette a souligné ce qui suit :

[18] […] Des arrêts de notre Cour ont appliqué cette règle classique du functus officio aux décisions administratives, i.e. que la décision est finale après qu’elle a été signée et a été communiquée aux parties : Chudal c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1073; Pur c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1109; Dumbrava c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (1995), 101 F.T.R. 230.

[87]  Bien que la décision n’ait pas été « signée » par avis écrit, elle a certainement été communiquée aux deux parties et celles‑ci s’y sont fondées. Il serait inapproprié de permettre au décideur de revoir sa décision trois mois après avoir pris une première décision étant donné que, en l’espèce, personne ne lui a même demandé de revoir sa décision. Par conséquent, j’accueillerai la demande puisque le décideur était functus officio.

(3)  La décision de la SI est déraisonnable

[88]  Si je me trompe et que le décideur n’était pas functus officio, la demande serait accueillie de toute façon, car la décision était déraisonnable.

[89]  Le MSPPC soutient que le raisonnement du commissaire était déraisonnable vu la preuve dont il disposait.

[90]  Bien que la décision de la SI soit fondée sur le fait que M. Siyaad avait besoin d’accéder à son téléphone cellulaire pour préparer sa défense, le MSPPC soutient que cette prémisse en soi est erronée.

[91]  L’ASFC a soutenu que les comptes sur les médias sociaux sont accessibles à partir de nombreux appareils et pas seulement à partir du téléphone cellulaire de M. Siyaad (ce que M. Siyaad n’a pas contesté). M. Siyaad a ensuite fait valoir qu’il avait oublié les mots de passe de ses comptes de médias sociaux et qu’il avait besoin du téléphone cellulaire pour y accéder. L’ASFC a ensuite soutenu qu’il est possible d’accéder aux mots de passe et de les réinitialiser à partir de n’importe quel ordinateur (appareil). M. Siyaad n’a pas non plus contesté cette affirmation.

[92]  Toutefois, nulle part dans sa décision la SI ne traite de ce fait crucial. Le commissaire semble plutôt avoir présumé que la [traduction] « seule façon » pour M. Siyaad de régler la question des médias sociaux était d’avoir un accès direct à son téléphone cellulaire. En fait, la preuve indiquait qu’il y avait d’autres façons pour M. Siyaad d’accéder à ses comptes de médias sociaux et qu’il pouvait réinitialiser ses mots de passe. Le commissaire a semblé ne pas en tenir compte ou n’en a pas parlé dans ses motifs.

[93]  Je conclus que le commissaire a commis une erreur dans son interprétation de l’article 49 des Règles. L’article 49 des Règles permet à la SI de faire ce qui est « nécessaire », mais, en l’espèce, il n’est guère nécessaire pour le défendeur d’avoir physiquement accès à son téléphone cellulaire.

[94]  M. Siyaad indique qu’il n’a pas d’ordinateur ni d’accès à Internet en prison. Je ne vois pas en quoi cela l’empêche de collaborer avec un avocat pour que celui-ci ou quelqu’un d’autre lui fournisse les mots de passe de ses comptes de médias sociaux ou trouve une autre façon d’accéder à ses comptes par la récupération de mots de passe, etc. L’accès aux comptes de médias sociaux peut se faire sur l’appareil de n’importe qui.

[95]  Je n’accepte pas non plus le récit sous-jacent de M. Siyaad. S’il soutient qu’il s’agit d’un cas de fausse identité et qu’on a accédé au compte d’un dénommé « Hassan » sur les médias sociaux pendant qu’il était en prison, pourquoi M. Siyaad aurait-il besoin d’avoir accès à son propre téléphone cellulaire pour le prouver? Selon mon évaluation, la preuve que M. Siyaad a présentée pour démontrer en quoi l’accès au téléphone cellulaire était [traduction] « nécessaire » est très peu convaincante en fin de compte. La décision du commissaire extrapole à partir d’explications des plus ténues et déraisonnables. Sur ce fondement, j’estime que la décision est déraisonnable.

(4)  Résumé

[96]  J’accueillie la demande et la renvoie à un autre décideur pour qu’il l’examine à nouveau.

[97]  Aucune question à certifier n’a été présentée et aucune ne s’est posée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4747-18

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demande est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée.

JUGEMENT dans le dossier IMM-5184-18

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demande est accueillie. L’affaire sera renvoyée à un autre décideur pour qu’il l’examine à nouveau;

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de juin 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)

Agents d’application de la loi

Attributions d’agent de la paix

138 (1) L’agent détient, sur autorisation à cet effet, les attributions d’un agent de la paix, et notamment celles visées aux articles 487 à 492.2 du Code criminel pour faire appliquer la présente loi, notamment en ce qui touche l’arrestation, la détention et le renvoi hors du Canada.

Officers Authorized to Enforce Act

Powers of peace officer

138 (1) An officer, if so authorized, has the authority and powers of a peace officer — including those set out in sections 487 to 492.2 of the Criminal Code — to enforce this Act, including any of its provisions with respect to the arrest, detention or removal from Canada of any person.

Saisie

140 (1) L’agent peut saisir et retenir tous moyens de transport, documents ou autres objets s’il a des motifs raisonnables de croire que la mesure est nécessaire en vue de l’application de la présente loi ou qu’ils ont été obtenus ou utilisés irrégulièrement ou frauduleusement, ou que la mesure est nécessaire pour en empêcher l’utilisation irrégulière ou frauduleuse.

Précision

(2) Par dérogation au paragraphe 42(2) de la Loi sur la Société canadienne des postes, tout objet ou document détenu sous le régime de la Loi sur les douanes et saisi par un agent n’est pas en cours de transmission postale.

Règlements

(3) Les règlements régissent l’application du présent article et portent notamment sur le dépôt d’une garantie en remplacement des biens saisis, la remise des biens saisis à leur propriétaire légitime et la disposition de ces biens.

Seizure

140 (1) An officer may seize and hold any means of transportation, document or other thing if the officer believes on reasonable grounds that it was fraudulently or improperly obtained or used or that the seizure is necessary to prevent its fraudulent or improper use or to carry out the purposes of this Act.

Interpretation

(2) Despite subsection 42(2) of the Canada Post Corporation Act, a thing or document that is detained under the Customs Act and seized by an officer is not in the course of post for the purposes of the Canada Post Corporation Act.

Regulations

(3) The regulations may provide for any matter relating to the application of this section and may include provisions respecting the deposit of security as a guarantee to replace things that have been seized or that might otherwise be seized, and the return to their lawful owner, and the disposition, of things that have been seized.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227)

Saisie

Garde d’un objet saisi

252 Tout objet saisi en vertu du paragraphe 140(1) de la Loi est immédiatement placé sous la garde du ministère ou de l’Agence des services frontaliers du Canada.

Seizure

Custody of seized thing

252 A thing seized under subsection 140(1) of the Act shall be placed without delay in the custody of the Department or the Canada Border Services Agency.

Avis de saisie

253 (1) L’agent qui saisit un objet en vertu du paragraphe 140(1) de la Loi prend toutes les mesures raisonnables :

a) d’une part, pour retracer le propriétaire légitime;

b) d’autre part, pour lui en donner, par écrit, un avis motivé.

Disposition des objets saisis

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est disposé de l’objet saisi de l’une des façons suivantes :

a) s’agissant d’un objet obtenu irrégulièrement ou frauduleusement, il est restitué à son propriétaire légitime, à moins que l’article 256 ne s’applique;

b) s’agissant d’un objet utilisé irrégulièrement ou frauduleusement, il en est disposé conformément à l’article 257, à moins que les articles 254, 255 ou 256 ne s’appliquent;

c) si la saisie de l’objet était nécessaire pour en empêcher l’utilisation irrégulière ou frauduleuse :

(i) soit il est restitué à son propriétaire, si la saisie n’est plus nécessaire pour en empêcher l’utilisation irrégulière ou frauduleuse,

(ii) soit il en est disposé conformément à l’article 257, dans le cas où la restitution aurait pour conséquence son utilisation irrégulière ou frauduleuse;

d) si la saisie était nécessaire pour l’application de la Loi mais qu’elle ne l’est plus, l’objet est restitué sans délai à son propriétaire légitime.

 

Notice of seizure

253 (1) An officer who seizes a thing under subsection 140(1) of the Act shall make reasonable efforts to

(a) identify the lawful owner; and

(b) give the lawful owner written notice of, and reasons for, the seizure.

Disposition after seizure

(2) Subject to subsection (3), a thing seized shall be disposed of as follows:

(a) if it was fraudulently or improperly obtained, by returning it to its lawful owner unless section 256 applies;

(b) if it was fraudulently or improperly used, by disposing of it under section 257 unless section 254, 255 or 256 applies;

(c) if the seizure was necessary to prevent its fraudulent or improper use

(i) by returning it to its lawful owner, if the seizure is no longer necessary for preventing its fraudulent or improper use, or

(ii) by disposing of it under section 257, if returning it to its lawful owner would result in its fraudulent or improper use; or

(d) if the seizure was necessary to carry out the purposes of the Act, by returning it to its lawful owner without delay if the seizure is no longer necessary to carry out the purposes of the Act.

Additional factor

(3) A thing seized shall only be returned if its return would not be contrary to the purposes of the Act. If its return would be contrary to the purposes of the Act, it shall be disposed of under section 257.

Demande de restitution

254 (1) Le propriétaire légitime ou le saisi peut demander la restitution de l’objet.

Restitution

(2) L’objet — autre qu’un document — est restitué au demandeur lorsque :

a) d’une part, l’alinéa 253(2)b) s’applique à l’objet et que la saisie de celui-ci n’est plus nécessaire pour empêcher son utilisation irrégulière ou frauduleuse ou pour l’application de la Loi;

b) d’autre part, le demandeur donne, à titre de garantie, une somme en espèces représentant la juste valeur marchande de l’objet au moment de la saisie ou, si le recouvrement de la créance ne pose pas de risque, une combinaison d’espèces et d’autres garanties d’exécution.

Application for return

254 (1) The lawful owner of a thing seized or the person from whom it was seized may apply for its return.

Return

(2) A thing seized, other than a document, shall be returned to the applicant if

(a) paragraph 253(2)(b) applies to the thing and the seizure is no longer necessary to prevent its fraudulent or improper use or to carry out the purposes of the Act; and

(b) the applicant provides cash security equal to the fair market value of the thing at the time of the seizure or, if there is no significant risk of being unable to recover the debt, a combination of cash and guarantee of performance.

Guide opérationnel, ENF 12 Fouilles, saisies, dactyloscopie et photographie

11.13. Décision du ministre de ne pas restituer un objet saisi

Si, suivant l’examen effectué en vertu des R253, R254, R255 ou R256, on décide de ne pas restituer un objet saisi, celui-ci demeure alors sous la garde de CIC ou de l’ASFC (selon la nature de la saisie et de l’objet saisi) ou bien on en dispose conformément à R257.

Exemples d’objets qui ne seront pas restitués:

• documents frauduleux;

• objets perdus ou volés;

• argent contrefait;

• permis de conduite, cartes de sécurité sociale ou de crédit obtenus illégalement.

11.13. Decision by the Minister not to return a seized object

If the decision following review made under R253, R254, R255 or R256 is not to return a seized object, then it remains in CIC or the CBSA custody (depending on the nature of the seizure and the item seized) or is disposed of in accordance with R257.

Examples of things that would not be returned are:

• fraudulent documents (photo-substituted passports, travel documents);

• lost or stolen items;

• altered documents (passports with illegal alterations, pages missing);

• counterfeit money;

  • illegally obtained driver’s licence, social  security or credit cards. blanc

Code criminel (LRC (1985), c C-46)

Saisie de choses non spécifiées

489 (1) Quiconque exécute un mandat peut saisir, outre ce qui est mentionné dans le mandat, toute chose qu’il croit, pour des motifs raisonnables :

a) avoir été obtenue au moyen d’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale;

b) avoir été employée à la perpétration d’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale;

c) pouvoir servir de preuve touchant la perpétration d’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale.

Saisie sans mandat

(2) L’agent de la paix ou le fonctionnaire public nommé ou désigné pour l’application ou l’exécution d’une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale qui se trouve légalement en un endroit en vertu d’un mandat ou pour l’accomplissement de ses fonctions peut, sans mandat, saisir toute chose qu’il croit, pour des motifs raisonnables :

a) avoir été obtenue au moyen d’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale;

b) avoir été employée à la perpétration d’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale;

c) pouvoir servir de preuve touchant la perpétration d’une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale.

 

Seizure of things not specified

489 (1) Every person who executes a warrant may seize, in addition to the things mentioned in the warrant, any thing that the person believes on reasonable grounds

(a) has been obtained by the commission of an offence against this or any other Act of Parliament;

(b) has been used in the commission of an offence against this or any other Act of Parliament; or

(c) will afford evidence in respect of an offence against this or any other Act of Parliament.

Seizure without warrant

(2) Every peace officer, and every public officer who has been appointed or designated to administer or enforce any federal or provincial law and whose duties include the enforcement of this or any other Act of Parliament, who is lawfully present in a place pursuant to a warrant or otherwise in the execution of duties may, without a warrant, seize any thing that the officer believes on reasonable grounds

(a) has been obtained by the commission of an offence against this or any other Act of Parliament;

(b) has been used in the commission of an offence against this or any other Act of Parliament; or

(c) will afford evidence in respect of an offence against this or any other Act of Parliament.

Remise des biens ou rapports

489.1 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, l’agent de la paix qui a saisi des biens en vertu d’un mandat décerné sous le régime de la présente loi, en vertu des articles 487.11 ou 489 ou autrement dans l’exercice des fonctions que lui confère la présente loi ou une autre loi fédérale doit, dans les plus brefs délais possible :

a) lorsqu’il est convaincu :

(i) d’une part, qu’il n’y a aucune contestation quant à la possession légitime des biens saisis,

(ii) d’autre part, que la détention des biens saisis n’est pas nécessaire pour les fins d’une enquête, d’une enquête préliminaire, d’un procès ou d’autres procédures,

remettre les biens saisis, et en exiger un reçu, à la personne qui a droit à la possession légitime de ceux-ci et en faire rapport au juge de paix qui a décerné le mandat ou à un autre juge de paix de la même circonscription territoriale ou, en l’absence de mandat, à un juge de paix qui a compétence dans les circonstances;

b) s’il n’est pas convaincu de l’existence des circonstances visées aux sous-alinéas a)(i) et (ii) :

(i) soit emmener les biens saisis devant le juge de paix visé à l’alinéa a),

(ii) soit faire rapport au juge de paix qu’il a saisi les biens et qu’il les détient ou veille à ce qu’ils le soient,

pour qu’il en soit disposé selon que le juge de paix l’ordonne en conformité avec le paragraphe 490(1).

Restitution of property or report by peace officer

489.1 (1) Subject to this or any other Act of Parliament, where a peace officer has seized anything under a warrant issued under this Act or under section 487.11 or 489 or otherwise in the execution of duties under this or any other Act of Parliament, the peace officer shall, as soon as is practicable,

(a) where the peace officer is satisfied,

(i) that there is no dispute as to who is lawfully entitled to possession of the thing seized, and

(ii) that the continued detention of the thing seized is not required for the purposes of any investigation or a preliminary inquiry, trial or other proceeding,

return the thing seized, on being issued a receipt therefor, to the person lawfully entitled to its possession and report to the justice who issued the warrant or some other justice for the same territorial division or, if no warrant was issued, a justice having jurisdiction in respect of the matter, that he has done so; or

(b) where the peace officer is not satisfied as described in subparagraphs (a)(i) and (ii),

(i) bring the thing seized before the justice referred to in paragraph (a), or

(ii) report to the justice that he has seized the thing and is detaining it or causing it to be detained

to be dealt with by the justice in accordance with subsection 490(1).

 


ANNEXE B

Loi sur la preuve au Canada (LRC (1985), c C-5)

Renseignements d’intérêt public

Opposition à divulgation

37 (1) Sous réserve des articles 38 à 38.16, tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s’opposer à la divulgation de renseignements auprès d’un tribunal, d’un organisme ou d’une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, en attestant verbalement ou par écrit devant eux que, pour des raisons d’intérêt public déterminées, ces renseignements ne devraient pas être divulgués.

Specified Public Interest

Objection to disclosure of information

37 (1) Subject to sections 38 to 38.16, a Minister of the Crown in right of Canada or other official may object to the disclosure of information before a court, person or body with jurisdiction to compel the production of information by certifying orally or in writing to the court, person or body that the information should not be disclosed on the grounds of a specified public interest.

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)

Compétence exclusive

162 (1) Chacune des sections a compétence exclusive pour connaître des questions de droit et de fait — y compris en matière de compétence — dans le cadre des affaires dont elle est saisie.

Fonctionnement

(2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

Sole and exclusive jurisdiction

162 (1) Each Division of the Board has, in respect of proceedings brought before it under this Act, sole and exclusive jurisdiction to hear and determine all questions of law and fact, including questions of jurisdiction.

Procedure

(2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.

Règles de la Section de l’immigration (DORS/2002-229)

Cas non prévus

49 Dans le cas où les présentes règles ne contiennent pas de dispositions permettant de régler une question qui survient dans le cadre d’une affaire, la Section peut prendre toute mesure nécessaire pour régler la question.

No applicable rule

49 In the absence of a provision in these Rules dealing with a matter raised during the proceedings, the Division may do whatever is necessary to deal with the matter.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4747-18

 

INTITULÉ :

MOHAMED M. SIYAAD c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

ET DOSSIER :

IMM-5184-18

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c MOHAMED ABDI M. SIYAAD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

le 11 avril 2019

 

COMPARUTIONS :

M. Simon Wallace

pour lE demandeur dans le dossier imm-4747-18 et le défendeur dans le dossier imm-5184-18

Mme Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR dans le dossieR imm-4747-18 ET LE DEMANDEUR DANS LE DOSSIER imm-5184-18

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simon Wallace

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR DANS LE DOSSIER IMM-4747-18 ET LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER IMM-5184-18

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR DANS LE DOSSIER IMM-4747-18 ET LE DEMANDEUR DANS LE DOSSIER IMM-5184-18

 

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