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Date : 20190405


Dossier : T-1071-16

Référence : 2019 CF 411

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2019

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

FONDATION DAVID SUZUKI, LES AMI(E)S DE LA TERRE CANADA, ONTARIO NATURE et WILDERNESS COMMITTEE

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

MINISTRE DE LA SANTÉ et SYNGENTA CANADA INC.

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Fondation David Suzuki, les Ami(e)s de la terre, Ontario Nature et le Wilderness Committee [collectivement, la « Fondation David Suzuki ou la Fondation »] sont des organismes non gouvernementaux voués à la défense de l’environnement. Dans sa demande de contrôle judiciaire datée du 6 juillet 2016, la Fondation David Suzuki soutient que l’organisme chargé de la réglementation des pesticides au Canada, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire [l’« ARLA »], se livre depuis un certain nombre d’années à une conduite illégale en homologuant à titre conditionnel divers produits antiparasitaires à base de thiaméthoxame [le « TMX »], ce qui est contraire à la procédure réglementaire prescrite par la loi.

[2]  Les défendeurs sont le procureur général du Canada [« PG »], qui représente l’organisme réglementaire en cause, et Syngenta Canada Inc. [« Syngenta »] [collectivement, les « défendeurs »], qui a fait homologuer des produits à base de TMX auprès de l’ARLA en vue de les vendre sur le marché.

[3]  Que ce soit à la suite des mesures prises par la Fondation David Suzuki en déposant la présente requête, d’autres pressions externes, d’études d’essai de longue durée et de contrôles effectués ou de renseignements concernant la situation critique des insectes pollinisateurs, les consultations appropriées ont eu lieu, la loi a maintenant été modifiée et il a été mis fin au régime contesté des homologations conditionnelles dans le cas de l’homologation de nouveaux produits.

[4]  C’est donc dire que l’écoulement du temps a peut‑être permis d’arriver au résultat concret que la Fondation David Suzuki tentait d’atteindre, ce qui rend théorique la présente affaire.

[5]  Le 31 août 2018, la Fondation David Suzuki a déposé une requête en vue de faire radier un certain nombre de paragraphes et de pièces faisant partie de l’affidavit du 13 avril 2018 de M. Tout.

[6]  Le 31 août 2018, Syngenta a déposé une requête en vue de faire radier la demande pour cause de caractère théorique, en se fondant sur un affidavit supplémentaire que M. Tout avait souscrit le 24 août 2018. La Fondation David Suzuki a déposé le 19 septembre 2018 un avis de requête modifié, dans lequel elle a demandé que d’autres paragraphes et pièces soient radiés de l’affidavit du 24 août 2018 de M. Tout.

[7]  Tant la requête fondée sur le caractère théorique de la demande que la requête en radiation des affidavits ont été instruites au début de l’audience. Les décisions relatives à ces deux questions ont mises en délibéré, et la Cour a ensuite entendu les arguments sur le fond de l’affaire.

[8]  Des documents confidentiels ont été déposés dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. La présente décision ne faisant état que de questions mentionnées dans des documents non confidentiels, il n’a donc pas été nécessaire de rendre une décision confidentielle.

II.  Le contexte

[9]  Le TMX et les produits connexes [les produits à base de « TMX »] sont des insecticides systémiques qui appartiennent au groupe des pesticides dits « néonicotinoïdes ». Ces derniers sont absorbés par les végétaux et se retrouvent dans le pollen, le nectar et d’autres tissus végétaux.

[10]  La Fondation David Suzuki soutient que les produits à base de TMX peuvent être, à des concentrations variables, toxiques pour les abeilles et d’autres insectes pollinisateurs. Elle ajoute que des données scientifiques laissent croire que le déclin de certaines populations d’abeilles est entre autres attribuable à des produits semblables au TMX.

[11]  Comme je l’ai mentionné, Syngenta est un fabricant de pesticides et d’insecticides, dont des produits à base de TMX. Pour pouvoir commercialiser ses produits, Syngenta, à l’instar de tous les autres fabricants, est tenue de se soumettre à un processus d’approbation réglementaire auprès de l’ARLA.

[12]  L’ARLA est une direction générale de Santé Canada qui applique la Loi sur les produits antiparasitaires, LC 2002, c 28 [la « Loi »] pour le compte du ministre de la Santé. Aux termes du paragraphe 4(1) de la Loi, l’ARLA a pour objectif premier de prévenir les risques inacceptables pour les individus et l’environnement que présente l’utilisation des produits antiparasitaires [« PA »]. Selon le paragraphe 6(1) de la Loi, tous les PA doivent être homologués. La Loi interdit aussi d’importer, de transporter, de fabriquer, de distribuer, de vendre et d’utiliser des PA non homologués au titre du paragraphe 6(1).

[13]  Aux termes du paragraphe 2(2) de la Loi, les risques sanitaires ou environnementaux d’un PA sont acceptables s’il existe une « certitude raisonnable » qu’aucun dommage à la santé humaine, aux générations futures ou à l’environnement ne résultera de l’exposition au produit ou de l’utilisation de celui‑ci, compte tenu des conditions d’homologation proposées ou fixées.

[14]  Cela nous amène à la question de l’« homologation conditionnelle ». Les « conditions d’homologation » sont énoncées dans la Loi, mais, comme nous le verrons plus loin, la catégorie « homologation conditionnelle » elle‑même est mentionnée dans le Règlement sur les produits antiparasitaires, DORS/2006‑124 [le « Règlement »].

[15]  Dans certains cas, lorsqu’il a été déterminé que les risques d’un PA sont acceptables mais qu’il est nécessaire d’obtenir des renseignements supplémentaires pour confirmer l’évaluation des risques, l’ARLA est habilitée par l’article 12 de la Loi à en demander. Quand le ministre accorde une homologation conditionnelle en vertu de l’article 12 de la Loi, le demandeur est tenu de fournir des renseignements à jour, à la demande de l’ARLA, après quoi l’homologation peut être considérée comme complète.

[16]  Avant que l’article 14 du Règlement soit abrogé, le 30 novembre 2017, l’homologation devenait conditionnelle lorsque l’avis prévu à l’article 12 était remis au moment où elle était accordée. Cet avis demandait au titulaire de fournir des renseignements supplémentaires, d’effectuer des essais et de surveiller l’expérimentation du produit en cause, et il comportait une obligation de faire rapport.

[17]  Avant que Syngenta puisse mettre sur le marché ses produits à base de TMX, elle a dû obtenir pour ses PA l’autorisation nécessaire de l’ARLA. Cette dernière catégorise les PA en fonction de leurs diverses propriétés, ce qui inclut la catégorie du PA, les endroits où le PA peut être utilisé (aussi appelés « catégories d’utilisation » ou « CU »), les utilisations visées (la manière de traiter la culture en question) ainsi que les méthodes d’application (application foliaire, application au sol, traitement des semences ou application corticole ou arboricole).

[18]  La Fondation David Suzuki a d’abord sollicité le contrôle judiciaire des homologations accordées par l’ARLA relativement à 18 produits à base de TMX et au principe actif (voir l’annexe A). La demande de contrôle judiciaire concernant 12 produits de traitement de semences a finalement été abandonnée. Six PA d’applications foliaire et au sol, ainsi que le principe actif, demeurent en litige dans la présente demande, et il s’agit des suivants :

  • Insecticide Actara 240SC (application au sol ou en sillon)
  • Actara 25WG (application foliaire)
  • Endigo (application foliaire)
  • Minecto Duo 40WG (application en sillon)
  • Mainspring X (application foliaire ou mouillage sur cultures ornementales)
  • Flagship 9 (application sur cultures ornementales et en serre)
  • Thiaméthoxame, qualité technique (principe actif)

[19]  Bien que l’annexe B comporte de plus amples détails sur l’homologation de chacun des produits, je vais décrire dans les grandes lignes le processus d’approbation réglementaire des produits restants, et ce, jusqu’au stade de la demande qui m’est soumise.

[20]  L’ARLA a d’abord homologué le principe actif de qualité technique thiaméthoxame (CU 10), le 27 novembre 2000.

[21]  En 2004, Syngenta a présenté une demande en vue de faire homologuer d’autres produits à base de TMX pour de nouvelles utilisations. Le premier était la CU 13, l’Actara 25WG, à utiliser en pulvérisation foliaire (p. ex., sur des arbres de verger). Le deuxième était la CU 14, l’Actara 240SC, à pulvériser par mouillage du sol (p. ex., sur les cultures en rang).

[22]  Les scientifiques de l’ARLA ont procédé en 2005 à un examen préliminaire de « niveau C ». Ils ont relevé des « lacunes » dans les données scientifiques relatives au risque que présentait le TMX pour les abeilles. Conformément à la politique de l’ARLA, les examinateurs ont suspendu les demandes de 2004. Après que Syngenta eut demandé à l’ARLA d’accepter des études plus anciennes qu’elle avait déjà soumises, les gestionnaires de l’ARLA ont exigé que les scientifiques reprennent leur examen initial de niveau C. En procédant ensuite à un examen de « niveau D », les scientifiques de l’ARLA ont conclu que les études initiales n’étaient pas particulièrement pertinentes pour ce qui était de la toxicité pour les abeilles des produits à base de TMX applicables.

[23]  Depuis 2006, toutes les homologations sont « conditionnelles ». Les homologations conditionnelles actuellement en vigueur des PA demeurent valides jusqu’au 31 décembre 2020.

[24]  L’ARLA a remis l’avis prévu à l’article 12 pour exiger que Syngenta fournisse une étude de toxicité chronique sur les risques que présentait le TMX pour les abeilles, et ce, avant le 31 mars 2008.

[25]  En 2008, Syngenta a tenté de faire transformer les homologations conditionnelles en homologations « complètes ». L’ARLA n’a pas accordé ces homologations complètes, car une des études (appelée par la Fondation David Suzuki, l’« étude Nengel ») a été jugée inacceptable dans le cadre d’« études sur des ruches de champ », mais elle a prolongé automatiquement les homologations jusqu’à la fin de 2010. Les homologations conditionnelles ont bénéficié de ces prolongations parce que Syngenta avait inclus certaines études dans sa demande.

[26]  Après avoir obtenu d’autres homologations conditionnelles en 2010, Syngenta a continué de présenter des demandes pour de nouveaux produits à base de TMX, et elle a obtenu de nouvelles homologations conditionnelles fondées sur l’article 12 pour un certain nombre de pesticides à base de TMX, dont de nouvelles préparations commerciales : Endigo (insecticide), Flagship (insecticide), Mainspring X (insecticide) et Minecto Duo.

[27]  Le 29 août 2016, l’ARLA a reçu des demandes visant à faire transformer toutes les homologations conditionnelles de produits d’utilisation foliaire et au sol à base de TMX en homologations complètes.

[28]  Il y a quatre décisions portant sur le risque que présentent pour les insectes pollinisateurs les PA à base de TMX qui sont visés par la présente demande de contrôle judiciaire :

  1. Projet de décision de réévaluation, thiaméthoxame et préparations commerciales apparentées : réévaluation de ses effets sur les insectes pollinisateurs (le « PDRV »), publié le 19 décembre 2017;
  2. Projet de décision d’homologation, thiaméthoxame, insecticide Actara 25WG, insecticide Actara 240SC et autres préparations commerciales connexes (le « PDH‑A »), publié le 15 août 2018;
  3. Projet de décision d’homologation, thiaméthoxame et insecticide Mainspring X (le « PDH‑M »), publié le 15 août 2018;
  4. Examen spécial des risques posés par le thiaméthoxame pour les invertébrés aquatiques : Projet de décision aux fins de consultation (le « PDES »), publié le 15 août 2018.

[29]  Je signale que ces quatre décisions ont toutes été publiées après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire et qu’elles ont contribué au fait que l’affaire est aujourd’hui théorique.

[30]  La Fondation David Suzuki a expliqué que ces quatre décisions (voir le paragraphe 28) ont été publiées à des fins de consultation publique. La période de consultation publique, qui a fait suite au projet de décision de réévaluation concernant les insectes pollinisateurs, est maintenant terminée. Les commentaires que l’ARLA a reçus ont été pris en considération avant que le ministre rende sa décision finale, qui était censée être publiée le 31 décembre 2018.

III.  L’historique procédural

[31]  L’historique procédural de la présente affaire est important. Deux demandes ont été jointes car elles portaient sur les mêmes questions. Le dossier T‑1070‑16 a trait à l’avis de demande déposé le 6 juillet 2016 par la Fondation David Suzuki, relativement à la clothianidine. Le dossier T‑1070‑16 concernait Sumitomo Chemical Company Limited, Bayer Cropscience Inc. et Valent Canada Inc., de même que l’homologation de produits à base de clothianidine.

[32]  L’avis de demande déposé dans le dossier T‑1071‑16, qui est pertinent quant à la présente demande, concerne le thiaméthoxame.

[33]  Les deux demandes ont fait l’objet d’un examen sérieux par suite de la décision rendue par la juge chargée de la gestion de l’instance, la protonotaire Aylen, sur une requête préliminaire en radiation (Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2017 CF 682 [« Suzuki 1 »]). Dans la requête en radiation, les défendeurs (tels qu’ils étaient à l’époque) sollicitaient la radiation des demandes, faisant valoir que la Fondation David Suzuki cherchait à faire contrôler un « total de 79 décisions distinctes de l’ARLA », lesquelles, selon eux, ne constituaient pas une « même série d’actes » (ou une ligne de conduite) pour l’application de l’article 302 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les « Règles »].

[34]  Les défendeurs soutenaient également que la Fondation David Suzuki disposait d’un autre recours approprié. En examinant la requête en radiation, la protonotaire Aylen a conclu que d’après la norme selon laquelle une demande « est manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie », la question soulevée par la partie requérante était « discutable ». Elle a conclu également que la question sérieuse devrait être tranchée par le juge saisi de la demande, plutôt que dans le cadre d’une requête préliminaire.

[35]  Les défendeurs dans les demandes jointes ont porté en appel la décision de la protonotaire Aylen, et la juge Kane a rejeté l’appel dans la décision Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 380 [« Suzuki 2 »]. Elle a confirmé la décision de la protonotaire Aylen et a convenu que la décision devrait être rendue par le juge siégeant en contrôle judiciaire.

[36]  Dans une décision parallèle, Fondation David Suzuki c Canada (Santé), 2018 CF 379, la juge Kane a rejeté une requête par laquelle les défendeurs souhaitaient faire admettre de nouvelles preuves. Elle a conclu que, en appel, l’admission de nouvelles preuves est une mesure exceptionnelle. Les nouvelles preuves en question, qui se composaient essentiellement de projets de décision d’homologation et de projets de décision de réévaluation au sujet de produits à base de TMX et d’autres PA, ne répondaient pas au critère d’admission établi dans la jurisprudence.

[37]  Le 27 février 2017, la défenderesse Elanco Canada Ltd s’est désistée du dossier T‑1071‑16, laissant comme défendeurs les défendeurs actuels. Par la suite, le 18 avril 2018, la Fondation David Suzuki s’est désistée du dossier T‑1070‑16 à l’égard de tous les défendeurs.

IV.  Les questions en litige

[38]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La présente demande est‑elle théorique?
  2. Si la demande n’est pas théorique, faut‑il radier les affidavits de M. Tout?
  3. La demande est‑elle prescrite par application du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F‑7 [la « LCF »] et de l’article 302 des Règles?
  4. Existe-t-il un autre recours approprié, de sorte que la Cour ne devrait pas statuer sur la demande?
  5. Si la demande est susceptible de contrôle, la « ligne de conduite » de l’ARLA est‑elle illégale?

V.  Les dispositions législatives et réglementaires applicables

[39]  Toutes les dispositions applicables sont énumérées à l’annexe C.

VI.  Analyse

A.  La question du caractère théorique

(1)  Les positions des parties

(a)  Syngenta et le PG

[40]  Devant la protonotaire Aylen, les défendeurs dans les demandes jointes ont fait valoir que la ligne de conduite alléguée doit être « en cours » pour être « continue », et que la ligne de conduite alléguée n’était pas en cours, vu l’abrogation de l’article 14 du Règlement. Les défendeurs ont affirmé que l’utilisation apparemment erronée des avis prévus à l’article 12 ne pouvait pas être considérée comme une ligne de conduite continue car il fallait que la conduite soit « en cours » à la date d’instruction des demandes pour être considérée comme une ligne de conduite, se fondant à cet égard sur les décisions Krause c Canada, [1999] 2 CF 476 (CAF) et Fisher c Canada (Procureur général), 2013 CF 1108. Ils ont ajouté qu’en raison de l’abrogation de l’article 14 du Règlement, toute inconduite reprochée cesserait et ne donnerait donc plus lieu à des effets continus.

[41]  Dans certains de ces arguments, la question en litige était qualifiée de question de « caractère théorique », ce que la protonotaire s’est abstenue d’examiner, étant donné que la question du caractère théorique n’avait pas été expressément soulevée dans les avis de requête :

[31]  Malgré les observations du procureur général au sujet de la question du caractère théorique, aucun des défendeurs n’a invoqué cet argument dans ses avis de requête et aucune des parties n’a fourni d’observations écrites au sujet de l’applicabilité du critère de l’arrêt Borowski. En conséquence, je ne m’attarderai pas à la question de savoir si les demandes devraient être rejetées, en tout ou en partie, en raison de leur caractère théorique. J’ai plutôt examiné ces arguments dans le contexte de la proposition du procureur général selon laquelle la même série d’actes doit se poursuivre à la date d’instruction des demandes.

[42]  La juge Kane n’a pas commenté les éléments de la décision de la protonotaire Aylen qui portaient sur le caractère théorique.

[43]  Maintenant, après qu’un certain nombre de défendeurs se sont désistés, qu’un certain nombre de produits ne sont plus en litige et qu’il s’est écoulé un certain temps, les questions soumises à notre Cour ont changé. Syngenta a donc déposé une requête fondée sur le « caractère théorique » de la demande afin qu’elle soit tranchée à l’audience.

[44]  Le PG a fait valoir dans ses observations écrites et orales que l’affaire qui m’est soumise est de nature théorique, plutôt que de se joindre à Syngenta dans le cadre de sa requête en radiation.

[45]  Syngenta et le PG formulent deux arguments généraux au sujet de la question du caractère théorique dont je suis maintenant saisie.

[46]  Premièrement, Syngenta et le PG font observer que l’alinéa 14(1)b) du Règlement a été abrogé en 2017. Étant donné que la Fondation David Suzuki contestait la validité du Règlement, une décision sur l’utilité de cette disposition ne serait d’aucune utilité concrète.

[47]  Deuxièmement, l’ARLA a publié de nouveaux projets de décision concernant les PA en 2017‑2018. Elle a également procédé à un examen exhaustif des études scientifiques disponibles ainsi qu’aux consultations qui, d’après la Fondation David Suzuki, n’avaient pas eu lieu. C’est donc dire que la conduite censément illégale de l’ARLA est maintenant corrigée. Le PG et Syngenta ont soutenu devant moi qu’à la date à laquelle les projets de décision entreront en vigueur, ils remplaceront les homologations qui découlaient de la ligne de conduite contestée et que, de ce fait, une décision sur la validité de cette ligne de conduite antérieure ne sera d’aucune utilité concrète.

[48]  Avant le 30 novembre 2017, le régime des homologations conditionnelles signifiait qu’en vertu de l’alinéa 14(1)b) du Règlement, l’ARLA n’avait pas à entreprendre de consultations publiques si une homologation conditionnelle était accordée, car l’homologation conditionnelle rendait inutiles les consultations exigées par le paragraphe 28(1) de la Loi. Le PG et Syngenta conviennent qu’avant le 30 novembre 2017, l’alinéa 14(1)b) du Règlement disposait que la demande de renseignements visée à l’article 12 rendait l’homologation y afférente « conditionnelle ».

[49]  Le PG et Syngenta soulignent que la Fondation David Suzuki a fait valoir que la disposition susmentionnée du Règlement est valide parce qu’elle déroge à l’obligation que prescrit la Loi de procéder à des consultations publiques. Or, comme le Règlement a été modifié de façon à abroger l’alinéa 14(1)b), la question des consultations ne se pose plus.

[50]  De plus, le PG et Syngenta attirent l’attention de la Cour sur le résumé de l’étude d’impact de la réglementation qui accompagnait la modification du Règlement et font observer que « [l]es modifications proposées auraient les objectifs suivants […] faire en sorte que les dispositions relatives à la transparence (consultation et accès à l’information) […] s’appliquent à toutes les nouvelles décisions d’homologation ».

[51]  Se fondant sur l’abrogation de la disposition applicable, ainsi que sur la politique claire de l’ARLA qui consiste à entreprendre des consultations pertinentes et à veiller à ce qu’aucune nouvelle homologation conditionnelle ne soit accordée en principe, le PG et Syngenta soutiennent que les préoccupations de la Fondation David Suzuki au sujet d’études inadéquates sur la toxicité chronique des produits à base de TMX ne sont plus en cause et que la conduite reprochée ne peut avoir lieu dans l’avenir.

[52]  Le PG et Syngenta font valoir de plus que, par suite de la réévaluation faite en juin 2012 en application de l’article 16 de la Loi, l’ARLA a publié le 19 décembre 2017 un projet de décision qui portait sur l’effet des produits à base de TMX sur les insectes pollinisateurs, de même qu’un projet de décision d’homologation.

[53]  Ces décisions de réévaluation proposaient l’utilisation continue de certains produits à base de TMX, ainsi que des mesures d’atténuation pour certains produits à base de TMX à l’égard des insectes pollinisateurs. Le PG et Syngenta font valoir que les renseignements qui ont servi à établir la décision provenaient d’un examen d’un grand nombre d’études demandées et que, conformément à l’exigence de la Loi, la réévaluation a été soumise à une période de consultation publique de 90 jours, qui a pris fin le 19 mars 2018.

[54]  Le PG et Syngenta font valoir qu’étant donné que les consultations pertinentes ont maintenant eu lieu, le second motif de contrôle est maintenant théorique.

[55]  Le PG et Syngenta me renvoient en outre aux homologations de 2014 concernant les produits antiparasitaires destinés au traitement des semences. Par ordonnance en date du 13 avril 2018, la Fondation David Suzuki a retiré sa demande de contrôle judiciaire pour ce qui des 12 PA destinés au traitement des semences et l’utilisation du TMX dans ces derniers. Autrement dit, comme nous l’avons vu plus tôt, la Fondation David Suzuki est passée d’une demande de contrôle visant les homologations de 18 produits et du principe actif à six produits et au principe actif.

[56]  Le PG et Syngenta affirment que la suppression des autres produits est le résultat d’une évolution naturelle qui s’est produite au fil du temps. Maintenant que les dispositions sont abrogées et que les consultations publiques sur les produits restants ont eu lieu, le présent contrôle judiciaire est également théorique.

[57]  Le 15 août 2018, l’ARLA a publié un projet de décision découlant d’un examen spécial concernant le TMX. Ce projet de décision propose l’annulation de toutes les utilisations externes des produits à base de TMX énumérés plus tôt. On y suggère aussi de ne maintenir l’homologation que deux produits d’application foliaire et au sol, ainsi que de l’insecticide Flagship et de l’insecticide Mainspring pour utilisation intérieure.

[58]  Les commentaires qui suivront les consultations seront pris en considération lors de la réévaluation finale, prévue pour publication avant le 31 décembre 2018.

[59]  D’après le PG et Syngenta, une fois les consultations publiques terminées et les décisions devenues définitives, l’ARLA appliquera les décisions à tous les produits à base de TMX restants qui sont en litige dans la demande.

[60]  Le PG et Syngenta soutiennent donc que, selon le critère énoncé dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski], il est évident qu’il n’y a plus aucun litige actuel, qu’il n’existe pas de débat contradictoire, que la demande nuira à l’économie des ressources judiciaires et que l’on demande à la Cour de jouer un rôle qui n’est pas de nature judiciaire.

(b)  La position de la Fondation David Suzuki

[61]  Le 5 octobre 2018, la Fondation David Suzuki a déposé un dossier en réponse à la requête en radiation pour cause de caractère théorique de Syngenta.

[62]  La Fondation David Suzuki soutient essentiellement que l’ARLA a systématiquement abusé de son pouvoir d’exiger des renseignements supplémentaires prévu par la loi. À son avis, l’ARLA est tenue par la loi d’effectuer l’évaluation de risques avec toutes les études nécessaires dont elle dispose avant d’homologuer des PA, de façon à garantir que les risques que posent les produits sont acceptables. Cependant, l’Agence a pour pratique d’homologuer à titre conditionnel les produits et de demander que cette information nécessaire lui soit fournie après l’homologation.

[63]  La Fondation David Suzuki soutient que Syngenta déforme fondamentalement la nature des demandes dont je suis saisie.

[64]  La Fondation David Suzuki soutient que le règlement modifié qui est entré en vigueur le 30 novembre 2017 n’a pas mis fin à la pratique des homologations conditionnelles. Les dispositions en matière d’homologations conditionnelles de l’ancien Règlement sont toujours en vigueur à cause de l’application des dispositions transitoires.

[65]  Le paragraphe 11(3) des dispositions transitoires, intitulées Règlement modifiant le règlement sur les produits antiparasitaires (énoncé, avis et homologations conditionnelles), DORS/2017‑91, prévoit que les homologations conditionnelles accordées en vertu de l’article 14 de l’ancien Règlement sur les PA peuvent être maintenues jusqu’à la fin de leur période de validité et qu’elles peuvent être prolongées en vertu des anciens paragraphes 14(6) ou (7). Le règlement modificateur prévoit qu’après son entrée en vigueur, les paragraphes 14(6) et (7) de l’ancien Règlement continueront de produire leurs effets pour les homologations conditionnelles existantes. Cela permettra de prolonger les périodes de validité de certaines homologations conditionnelles existantes pour une période maximale de deux ans dans les cas où le titulaire se conforme, de l’avis de l’ARLA, aux exigences de l’avis prévu à l’article 12 (paragraphe14(6)), ou pour « la période nécessaire » pour faciliter la tenue de la consultation publique requise sur une demande de modification ou de renouvellement de l’homologation conditionnelle d’un produit (paragraphe 14(7)).

[66]  La Fondation David Suzuki mentionne également que l’ARLA, se fondant sur le paragraphe 14(7) de l’ancien Règlement sur les PA, a décidé de prolonger les homologations conditionnelles du thiaméthoxame, de l’insecticide Actara 25WG, de l’insecticide Actara 240SC ainsi que d’autres préparations commerciales pour deux années de plus, et ce, aussi récemment qu’en juillet 2018.

[67]  La Fondation David Suzuki soutient que les défendeurs qualifient à tort les propositions qui précèdent de « décisions », en laissant entendre qu’elles ressemblent en quelque sorte à des décisions finales, et que le PG et Syngenta présument simplement qu’elles seront mises en application.

[68]  La Fondation David Suzuki font valoir que les quatre projets de décision sur les risques que pose le TMX pour les insectes pollinisateurs ne sont rien de plus que cela – de simples projets de décision. Ces derniers sont publiés à des fins de consultation publique; ils peuvent être modifiés à la suite d’une consultation publique. La Fondation soutient de plus que ces décisions n’ont aucun effet sur les homologations liées au TMX tant qu’elles ne sont pas définitives et mises en application.

[69]  De l’avis de la Fondation David Suzuki, il s’agit là d’un problème, car l’ARLA n’est assujettie par la loi à aucun délai pour rendre une décision définitive sur le PDRV ou le PDES. Si l’on examine l’histoire de l’ARLA, on y trouve de nombreux exemples qui donnent à penser qu’une décision définitive sur le PDRV ou le PDES pourrait ne pas être rendue avant plusieurs années, ou être retardée indéfiniment. Cette situation fait contraste avec les projets de décision d’homologation portant sur des pesticides déjà homologués, lesquels projets doivent être appliqués au moment où l’évaluation des risques prévue à l’article 8 est terminée et avant l’expiration de la période de validité de l’homologation du pesticide en question.

[70]  Même si le PDES suggère une « élimination progressive » du TMX pour toutes les utilisations extérieures et ornementales au cours d’une période de trois à cinq ans, et que le PDRV suggère d’appliquer d’autres restrictions à l’égard de plusieurs utilisations du TMX, ce processus, dit la Fondation David Suzuki, pourrait être retardé indéfiniment parce que la loi ne prévoit aucun délai. Le PDES indique : [traduction] « l’ARLA est incapable de conclure que les risques que posent les produits utilisés à l’extérieur à des fins agricoles et sur les cultures ornementales sont acceptables pour les invertébrés aquatiques […] » et il propose donc qu’on élimine graduellement ces utilisations au cours d’une période de trois à cinq ans.

[71]  La Fondation David Suzuki souligne que tous les produits à base de TMX qui sont en litige dans la présente demande continuent de bénéficier d’une homologation conditionnelle jusqu’à ce que l’ARLA prenne et applique une décision définitive sur le PDH‑A et le PDH‑M, ou jusqu’à la fin de 2020, selon la première de ces éventualités. La Fondation David Suzuki fait valoir qu’à moins d’annuler les homologations conditionnelles actuelles, l’ARLA n’est pas tenue par la loi de prendre une décision définitive sur les projets de décision d’homologation susmentionnés. La loi n’impose à l’ARLA aucun délai pour prendre une décision définitive sur le PDRV ou sur le PDES.

[72]  La Fondation David Suzuki soutient que les projets de décision comportent des conclusions incohérentes au sujet des risques, car ils se fondent sur des dispositions d’élimination graduelle pour les réévaluations et les examens spéciaux. Par exemple, dans le PDH‑A, l’ARLA a conclu que : « [i]l existe des risques pour les insectes pollinisateurs, d’autres arthropodes utiles et les invertébrés aquatiques. Par conséquent, des mesures d’atténuation, y compris l’abandon de certaines utilisations, ont été proposées dans les [PDRV et PDES] ».

[73]  Selon la Fondation David Suzuki, l’ARLA a déclaré dans le PDH‑A que « [l’]acceptabilité des risques pour les insectes pollinisateurs et les invertébrés aquatiques découlant des utilisations extérieures du thiaméthoxame n’a pas été établie ». Comme le dit la Fondation, indépendamment de ce qui précède, l’ARLA a tiré la conclusion contraire dans le PDH‑A : pour les utilisations foliaires extérieures et au sol du TMX (CU 13, 14 et 27), le risque est acceptable « pour la durée de l’homologation ». Les PDH ne se fondent pas sur les annulations et les restrictions d’utilisation ainsi que sur les autres mesures de réduction de risque proposées dans le PDRV ou le PDES pour arriver à cette conclusion.

[74]  La Fondation David Suzuki soutient donc que les projets de décision d’homologation sont une forme de double discours juridique ‑ les projets de décision concluent que le risque que pose le TMX pour les insectes pollinisateurs est inacceptable sans mesures de réduction des risques, mais ils concluent également que les risques sont acceptables sans incorporer de mesures d’atténuation.

[75]  La Fondation David Suzuki affirme que les propositions n’ont du sens que si l’ARLA se fonde sur la réévaluation finale du TMX pour remplacer les homologations complètes sur trois ans de toutes les utilisations antérieurement permises. En conséquence, la ligne de conduite qui consiste à reporter les évaluations des risques et l’application de la norme du risque acceptable serait vraisemblablement maintenue par les PDH s’ils deviennent définitifs.

[76]  La Fondation David Suzuki soutient qu’en limitant ses demandes de contrôle judiciaire (sur le plan des produits), elle n’a pas fait concession à l’égard du caractère théorique. Elle ajoute qu’elle ne s’est pas fondée sur les projets de décision d’homologation pour limiter ses demandes. Elle soutient les avoir limitées pour des raisons d’ordre tactique, ainsi que pour réduire le nombre considérable d’éléments de preuve sous lesquels elle aurait pour ainsi dire été ensevelie dans le cadre de la demande dont je suis actuellement saisie.

[77]  La Fondation David Suzuki soutient par ailleurs que la présente demande représente [traduction] « en réalité la quatrième occasion qu’ont eue les défendeurs de soulever la question du caractère théorique ». À l’audience, elle a plaidé que la requête a pu avoir été déposée dans le but d’accorder aux défendeurs un plus grand nombre de pages pour présenter leur argumentation. Cet argument, selon moi, n’est pas valide et je signale que la Fondation David Suzuki a déposé elle aussi un dossier de requête en réponse, de sorte que même si c’était là l’objectif ultime de Syngenta, la Fondation David Suzuki en a elle aussi profité de façon égale en ayant plus de pages d’argumentation à présenter à la Cour.

(2)  Le critère applicable à une requête en radiation

(a)  Le critère énoncé dans l’arrêt David Bull

[78]  La Fondation David Suzuki a soutenu que le critère qui permet de déterminer si la présente affaire est théorique est énoncé dans l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc., 1994 CanLII 3529 (CAF) [« David Bull »].

[79]  Dans l’arrêt David Bull, précité, il a été conclu que notre Cour peut, sur requête préliminaire, radier et rejeter une demande de contrôle judiciaire qui n’a aucune chance d’être accueillie.

[80]  Au paragraphe 130 de la décision Suzuki 2, la juge Kane, qui examinait le critère de l’arrêt David Bull, a conclu que le critère permettant de radier une demande, sur requête préliminaire, est exigeant. La Cour ne devrait radier un avis de demande dans le cadre d’une requête préliminaire qui si la demande est « irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie ». Il doit y avoir un « vice fondamental et manifeste qui se classe parmi les moyens exceptionnels qui infirmeraient à la base sa capacité à instruire la demande ».

[81]  Je ne partage pas l’avis de la Fondation David Suzuki selon qui le critère applicable en l’espèce devrait être celui de l’arrêt David Bull, car je dois trancher la question du caractère théorique à la lumière du dossier, et non dans le cadre d’une requête préliminaire en radiation. Je dois la trancher dans le contexte de la demande de contrôle judiciaire, avec l’avantage que le fond du litige est plaidé devant moi.

[82]  La question du caractère théorique pourrait être soulevée dans le dossier qui m’est présenté, même sans la requête en radiation que Syngenta a déposée. Dans la décision Snieder c Canada (Procureur général), 2016 CF 468, le juge Boswell a conclu que la demande était théorique bien que la partie défenderesse n’ait pas présenté, avant l’audition de l’affaire, de requête en rejet de la demande pour cause de caractère théorique (au paragraphe 16). Il a conclu, en l’absence d’une requête préliminaire en radiation, que la demande était quand même théorique. Ainsi, il n’a pas tenu compte du « seuil élevé » dont il est question dans l’arrêt David Bull pour radier la demande de contrôle judiciaire. Cette conclusion est renforcée par les décisions Shariff c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 640, au paragraphe 21; 0769449 BC Ltd. (Kimberly Transport) c Vancouver-Fraser (Administration portuaire), 2016 CF 645, au paragraphe 26; et Gladue c Première nation de Duncan, 2015 CF 1194.

[83]  Le critère qu’il convient d’appliquer dans le cadre d’un contrôle judiciaire pour déterminer si l’affaire est théorique n’est pas celui de l’arrêt David Bull, mais plutôt celui que la Cour suprême du Canada a énoncé dans l’arrêt Borowski (précité).

(b)  Le critère énoncé dans l’arrêt Borowski

[84]  La Cour d’appel fédérale a récemment appliqué le critère de l’arrêt Borowksi dans l’arrêt Démocratie en surveillance c Canada (Procureur général), 2018 CAF 195 [« Démocratie en surveillance »]. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale examinait s’il y avait eu manquement aux règles en matière de conflit d’intérêts, à savoir si le ministre Morneau s’était dûment départi de ses actions de Morneau‑Shepell. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Laskin a décrit comme suit le critère relatif au caractère théorique :

[10]  Il ressort clairement de l’arrêt de principe de la Cour suprême sur la doctrine du caractère théorique, Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, p. 353 à 363, 1989 CanLII 123 (CSC), que l’analyse du caractère théorique se fait en deux temps. Il faut d’abord se demander si le litige est devenu purement théorique; en d’autres termes, subsiste‑t‑il un différend qui porte ou pourrait porter atteinte aux droits des parties? Si le litige est devenu théorique, une deuxième question se pose : le tribunal devrait‑il néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher l’affaire?

[85]  Il me faut donc décider en premier lieu si le litige dont il est question en l’espèce a disparu et si les questions qui opposent les parties sont devenues purement théoriques et, partant, s’il subsiste entre les parties un « litige actuel » qui requiert l’intervention de la Cour. Si je conclus que la demande dont je suis saisie est théorique, j’examinerai alors s’il y a lieu d’exercer mon pouvoir discrétionnaire pour trancher l’affaire.

(3)  Le litige actuel

[86]  Après l’arrêt Borowski, notre Cour, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada ont clairement indiqué de quelle façon aborder le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Borowski.

[87]  Dans l’arrêt R c Adams, [1995] 4 RCS 707, la Cour suprême a confirmé le critère de l’arrêt Borowski en reformulant, au paragraphe 20, la question du « litige actuel » :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties.

[88]  Dans l’arrêt Démocratie en surveillance, précité, la Cour d’appel fédérale a conclu, au paragraphe 12, que la vente par le ministre Morneau de ses actions en novembre 2017 rendait la demande théorique pour ce qui était du premier volet du critère : « Au moment de la vente des actions “le substratum [du litige] a disparu” (Borowski, p. 357), et toute décision de notre Cour sur la question de savoir si le commissaire aurait dû exiger le dessaisissement est sans intérêt pratique ».

[89]  Il est reconnu que, s’il est établi qu’une disposition législative contestée est pertinente pour une demande, l’abrogation de cette disposition rend la demande théorique.

[90]  En fait, en vertu de l’article 18.1 de la LCF, une demande de contrôle judiciaire doit porter expressément sur une décision erronée (ou plusieurs décisions erronées, s’il est possible de démontrer l’existence d’une ligne de conduite) et être présentée dans les délais prescrits par la LCF.

[91]  C’est donc dire que si l’écoulement du temps, les circonstances ou d’autres changements rendent la décision théorique, la Cour devrait à juste titre radier la demande pour cause de caractère théorique.

[92]  Notre Cour a conclu que si une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 est théorique, elle peut la rejeter. En fait, comme la Cour suprême l’a indiqué dans l’arrêt Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, il est possible que le contrôle judiciaire soit refusé dans des circonstances de fait particulières car « la nature discrétionnaire [du contrôle judiciaire] témoigne du fait que, contrairement au droit privé, il n’est pas et n’a jamais été axé exclusivement sur la défense des droits des particuliers » (au paragraphe 48).

[93]  Dans l’arrêt Borowski, le juge Sopinka a fait remarquer :

La première étape de l’analyse exige qu’on se demande s’il reste un litige actuel. Diverses circonstances, dont je vais donner des exemples, peuvent faire disparaître un litige et rendre la question théorique.

[…]

Dans l’affaire Moir v. The Corporation of the Village of Huntingdon (1891), 1891 CanLII 36 (SCC), 19 R.C.S. 363, l’abrogation du règlement municipal contesté avant l’audition du pourvoi a entraîné la conclusion que l’appelant n’avait pas d’intérêt réel et qu’une décision n’aurait pas de conséquence pour les parties, sauf pour les dépens.

[94]  Ainsi, s’il est évident que la disposition législative contestée a été abrogée et que la partie appelante n’a plus d’intérêt dans l’issue du litige, je dois conclure que la demande est théorique.

[95]  De plus, s’il peut être établi que, en raison de décisions subséquentes, le litige proprement dit a bel et bien disparu, alors la demande de contrôle judiciaire n’a plus aucune utilité pratique si on y fait droit. Au paragraphe 15 de l’arrêt Mazzei c Colombie‑Britannique (Directeur des Adult Forensic Psychiatric Services), 2006 CSC 7, la Cour suprême a statué que si la décision contestée du décideur a été « remplacée par des décisions subséquentes », il n’y a donc plus de « litige actuel » entre les parties, conformément au critère formulé dans l’arrêt Borowski.

[96]  La conclusion qui précède – à savoir que les décisions subséquentes d’un décideur peuvent rendre une demande théorique selon le premier volet du critère de l’arrêt Borowski – a été confirmée à maintes reprises par la Cour d’appel fédérale, notamment dans les arrêts Butler c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), 2006 CAF 76, au paragraphe 4, et Société Radio‑Canada c Syndicat des communications de Radio‑Canada, 2016 CAF 198, au paragraphe 12.

[97]  Dans l’arrêt Kozarov c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CAF 185, la Cour d’appel fédérale a conclu que le fait que la question puisse ressurgir « ne justifie pas en soi l’instruction d’une cause théorique » (au paragraphe 4).

[98]  Je conclus qu’il n’y a en l’espèce aucun litige actuel. Le différend a disparu et les questions qui opposent les parties sont maintenant théoriques pour un certain nombre de raisons, dont les suivantes : i) la disposition législative pertinente a été abrogée, ii) avec le temps, d’autres étapes du processus, comme la tenue d’une consultation publique, ont eu lieu, et iii) même s’il est possible que la question se pose de nouveau, il est préférable qu’elle soit débattue à ce moment. Il me paraît évident que la Fondation David Suzuki ne peut avoir gain de cause au regard du premier volet du critère formulé dans l’arrêt Borowski, et ce, pour les raisons mentionnées ci-après.

(a)  La réévaluation des produits

[99]  Comme l’ont fait remarquer le PG et Syngenta, il est allégué dans l’avis de demande que chacune des décisions que l’ARLA a prises au sujet du TMX et des produits à base de TMX depuis 2006 est illégale, incluant celles visant les six préparations commerciales qui sont actuellement homologuées au nom de Syngenta, et le principe actif connexe. Quand le PDRV a été publié en décembre 2017, l’ARLA a publié un projet de décision d’homologation qui concluait que Syngenta avait répondu aux conditions relatives aux renseignements supplémentaires exigés en vertu de l’article 12 de la Loi pour ce qui était des PA destinés au traitement des semences et du TMX qui y était utilisé, et qu’il faudrait transformer leurs homologations conditionnelles en homologations complètes. Cela a été suivi de la période de consultation de 90 jours prévue par la Loi, qui a débuté le 19 décembre 2017 et pris fin le 19 mars 2018.

[100]  Le PDRV a rendu la demande théorique quant aux 12 PA destinés au traitement des semences et au TMX qui y était utilisé et, cela étant, par ordonnance en date du 13 avril 2018, la Fondation David Suzuki a retiré la demande de contrôle judiciaire qui visait ces 12 produits. Bien que la Fondation David Suzuki soutienne que je ne devrais tirer aucune conclusion de ce fait, car elle a le droit de limiter la portée du contrôle judiciaire dont je suis saisie, la seule conclusion que je puis tirer est que ces produits ne sont plus visés par le contrôle judiciaire parce qu’il n’y plus de litige actuel en ce qui les concerne.

[101]  Il ressort clairement du dossier qui m’a été présenté en l’espèce que les homologations conditionnelles relatives aux produits en litige font maintenant l’objet d’un processus d’examen semblable à celui qui a été suivi pour les 12 autres produits. À mon avis, il est évident qu’il n’y a pas de litige actuel à trancher.

[102]  Prenons un peu de recul. Si j’admettais que les décisions distinctes qui ont été prises au fil des ans quant à chacun des produits sont susceptibles de contrôle, je conclurais qu’il n’existe aucun litige actuel en lien avec l’un quelconque de ces produits. Le 31 décembre 2018, la réévaluation concernant les insectes pollinisateurs et les projets de décision d’homologation qui ont été établis ultérieurement remplaceront les décisions actuelles. Une consultation publique a maintenant eu lieu afin de dissiper les préoccupations que son absence pouvait soulever.

[103]  La Fondation David Suzuki a décidé de ne pas soumettre à un contrôle judiciaire chacune des sept homologations de produit qui ont été accordées du début des années 2000 à l’année 2018. Elle a plutôt déposé la demande fondée sur l’existence d’une ligne de conduite et cherché à obtenir un certain nombre de déclarations à titre de redressement.

[104]  Je conclus donc qu’en ce qui concerne la question des six préparations commerciales et du principe actif qui m’est soumise dans le cadre de la présente demande, il n’existe aucun litige actuel qu’il me faudrait examiner dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

(b)  Le régime des homologations conditionnelles – La transition

[105]  La Fondation David Suzuki reconnaît que les préoccupations soulevées au départ par l’application de l’article 14 ne sont plus en cause en l’espèce car la disposition contestée a été abrogée. Elle fait toutefois valoir que, même si l’article 14 n’est plus valide, le régime des homologations conditionnelles est toujours en jeu.

[106]  Je conviens que l’on s’est servi des dispositions réglementaires transitoires pour accorder des prolongations, mais j’estime qu’il est assez évident que ces dernières visaient à faire en sorte que la fin de la période de consultation, qui s’est terminée le 31 décembre 2018, puisse parvenir à son terme. Il est proposé dans les PDH d’homologuer pour trois ans les pesticides à base de TMX qui ont été l’objet d’une consultation appropriée. Rien dans le dossier n’indique que l’on accorde des homologations conditionnelles pour de nouveaux produits dans le cadre du même régime.

[107]  Il importe également de mentionner que l’abrogation des dispositions contestées a eu lieu après la publication de l’énoncé de principe de l’ARLA selon lequel aucune nouvelle homologation conditionnelle ne serait accordée à compter du 1er juin 2016.

[108]  Je suis donc saisie d’une question qui est sur le point d’être réglée par un décideur. Le régime contesté est maintenant modifié. Bien que les dispositions réglementaires transitoires aient permis d’accorder des prolongations, ce motif à lui seul ne suffit pas pour rendre la présente affaire susceptible d’un contrôle judiciaire sur le fond. L’affaire est toujours théorique, même si la Fondation David Suzuki suppose qu’il pourrait s’écouler plusieurs années avant que la réévaluation fasse l’objet d’une approbation finale.

[109]  En réalité, lorsque les produits destinés au traitement des semences ont franchi le stade de l’approbation finale, la Fondation David Suzuki a retiré ces produits de la liste de ceux qui étaient visés par le contrôle judiciaire. Comme l’approbation finale donnée par suite de la réévaluation de ces produits est également imminente, il n’y a selon moi aucune raison importante pour laquelle la demande dont je suis saisie n’est pas théorique.

(c)  La disposition législative abrogée

[110]  Dans la présente affaire, il y a une disposition contestée qui est aujourd’hui abrogée. Dans l’arrêt Borowski, le juge Sopinka a fait remarquer que l’abrogation d’un règlement attaqué rend l’affaire en cause théorique. Il a également dit que, dans une situation analogue, le Conseil privé avait refusé de se prononcer sur la constitutionnalité de dispositions législatives contestées parce que les deux lois en cause avaient été abrogées avant l’audition (Attorney-General for Alberta c Attorney-General for Canada, [1939] AC 117 (Comité judiciaire du Conseil privé)). Dans le même ordre d’idées, la disposition en litige qui est aujourd’hui abrogée rend la présente affaire théorique.

[111]  En conclusion, je suis d’avis que l’abrogation de la disposition législative combinée au fait que les homologations conditionnelles en sont aux derniers stades du régime transitoire, comme en témoignent les produits semblables autrefois visés par la demande, font en sorte que les éléments de la conduite reprochée ne sont plus en litige.

[112]  Par conséquent, au regard du premier volet du critère formulé dans l’arrêt Borowski, je conclus que la demande dont je suis saisie est théorique.

(4)  Le second volet du critère formulé dans l’arrêt Borowski : l’exercice du pouvoir discrétionnaire

[113]  Indépendamment de la conclusion qui précède, si j’estime qu’il n’y a pas de litige actuel, je dois tout de même décider s’il convient que j’utilise mon pouvoir discrétionnaire pour instruire la demande.

[114]  Dans l’arrêt Borowski, le juge Sopinka a souligné qu’il y a trois facteurs dont il faut tenir compte pour décider s’il convient néanmoins de poursuivre une instance théorique : (i) l’existence d’un système contradictoire, (ii) l’économie des ressources judiciaires et (iii) l’obligation pour la Cour de se montrer sensible à sa fonction juridictionnelle (Ficek c Canada (Procureur général), 2013 CF 430, au paragraphe 17; Collin c Canada (Procureur général), 2006 CF 544, au paragraphe 11 [« Collin »]).

(a)  L’existence d’une relation contradictoire

[115]  Dans la décision Collin, précitée, la Cour a conclu qu’après que la demande d’un détenu végétarien, qui souhaitait bénéficier d’une diète végétarienne, ait été accordée, la demande de contrôle judiciaire de ce dernier était devenue théorique et le débat contradictoire entre le demandeur et l’établissement avait pris fin (au paragraphe 12).

[116]  Dans la décision Équiterre c Canada (Santé), 2016 CF 554 [« Équiterre »], le juge Phelan était saisi d’une demande d’Équiterre et de la Fondation David Suzuki portant sur les diverses décisions de l’ARLA concernant les « examens spéciaux » de certains PA en vertu des paragraphes 17(2) et (5) de la Loi. Dans cette affaire, le juge Phelan a conclu qu’il existait une relation contradictoire au moment d’instruire la demande fondée sur le caractère théorique déposée par le défendeur (au paragraphe 39).

[117]  Je conclus toutefois que l’affaire dont je suis saisie se distingue de la décision Équiterre, qui était également une cause‑type quant aux pouvoirs ministériels et aux « examens spéciaux ». Dans cette décision, il était toutefois évident qu’il existait encore un contexte contradictoire, car la nature exacte et le sens du régime législatif applicable – s’agissant du moment où le ministre doit procéder à un examen spécial – étaient contestés.

[118]  En l’espèce, cependant, il n’y a plus de contexte contradictoire. Le régime législatif applicable a été supprimé, les consultations pertinentes ont eu lieu et une décision définitive est imminente. Il n’y a pas de débat clair sur le sens de l’ancien alinéa 14(1)b). Cela étant, je ne suis pas convaincue qu’il existe un contexte contradictoire.

(b)  L’économie des ressources judiciaires

[119]  Dans l’arrêt Eli Lilly Canada Inc. c Novopharm Limited, 2007 CAF 359, la Cour d’appel fédérale s’est penchée de plus près sur la question de l’« économie des ressources judiciaires » selon le critère formulé dans l’arrêt Borowski. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Sexton a réaffirmé, au paragraphe 36, que le concept de l’économie des ressources judiciaires signifie que « les tribunaux doivent soupeser les ressources judiciaires limitées en fonction du “coût social de l’incertitude du droit” » (Borowski, à la page 361).

[120]  Dans la décision Azhaev c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 219, le juge Manson a fait la remarque suivante au sujet de l’économie judiciaire, au paragraphe 23 :

[…] le souci des ressources judiciaires exige qu’on évite de gaspiller des ressources judiciaires limitées si la question est purement théorique (arrêt Borowski, au paragraphe 34). Ce facteur n’est pas pertinent en l’espèce étant donné que les ressources judiciaires ont déjà été consacrées à la présente affaire. Toutefois, dans l’arrêt Borowski, le juge estime qu’il est justifié d’affecter des ressources judiciaires pour résoudre tout flou dans la loi afin de favoriser la prompte résolution de litiges semblables éventuels (arrêt Borowski, au paragraphe 35). L’argument qu’a présenté le demandeur à la Cour en faveur de l’exercice du pouvoir discrétionnaire est essentiellement fondé sur ce principe. Il soutient qu’il sera utile aux futurs plaideurs, lui‑même y compris, de clarifier la jurisprudence relative aux « circonstances personnelles impérieuses » qui justifient le sursis d’une mesure de renvoi. Cependant, la Cour suprême dans l’arrêt Borowski a précisément fait une mise en garde contre l’application de ce facteur de la manière préconisée par le demandeur, au paragraphe 36 :

Le simple fait, cependant, que la même question puisse se présenter de nouveau, et même fréquemment, ne justifie pas à lui seul l’audition de l’appel s’il est devenu théorique.  Il est préférable d’attendre et de trancher la question dans un véritable contexte contradictoire, à moins qu’il ressorte des circonstances que le différend aura toujours disparu avant d’être résolu.

[Non souligné dans l’original.]

[121]  Dans la décision Osakpamwan c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 267, le juge Southcott a confirmé l’approche du juge Manson, observant aux paragraphes 30 et 31, à propos de la question de l’économie des ressources judiciaires, qu’il était « préférable d’attendre et de trancher les questions soulevées par les demandeurs dans un véritable contexte contradictoire si elles surviennent de nouveau ».

[122]  En définitive, j’ai entendu tous les arguments des excellents avocats qui représentent la Fondation David Suzuki et les défendeurs. Cependant, comme l’a signalé le juge Manson dans sa mise en garde, il est préférable d’attendre et de trancher la question lorsqu’une véritable question litigieuse surviendra. Ce genre d’argument fondé sur l’économie des ressources judiciaires ressemble à ce que la Fondation David Suzuki me demande de faire, c’est‑à‑dire trancher l’affaire afin de dissiper l’incertitude du droit. Au vu des faits de l’espèce, le concept de l’économie des ressources judiciaires ne m’incite pas répondre à la question de savoir s’il faut que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de ne pas rejeter l’affaire pour cause de caractère théorique. J’ai entendu les arguments invoqués et je trouve effectivement qu’ils sont de nature théorique. En l’espèce, il est préférable que l’on tranche la question s’il survient une véritable question litigieuse.

(c)  La fonction juridictionnelle

[123]  Dans la décision Collin, la Cour conclu au paragraphe 14 que le facteur de la « fonction juridictionnelle » n’entre en jeu que dans les cas où il y a une question de grande importance à trancher.

[124]  Dans l’arrêt R c Smith, 2004 CSC 14, le juge Binnie, s’exprimant au nom de la Cour, a conclu que la poursuite de l’instance empiéterait sur la fonction juridictionnelle.

[125]  Dans la décision British Columbia Native Women’s Society c Canada, [2000] ACF n588 (CF), le protonotaire Hargrave a examiné une contestation relative à un programme d’assistance gouvernementale. En concluant que la demande était théorique, il a écrit :

[17]  En troisième lieu vient le concept de la nécessité de démontrer la fonction véritable de la Cour dans l’élaboration du droit. En d’autres termes, est-il nécessaire que la Cour démontre une certaine connaissance de son rôle en matière d’élaboration du droit? Si la Cour devait instruire les actions de 1998, compte tenu de l’absence manifeste de différend et du fait que Sa Majesté met actuellement en place des accords en application du programme SDRHA, elle empiéterait peut-être sur le rôle du secteur législatif du gouvernement plutôt que d’exercer une fonction qui relève véritablement de sa compétence.

[126]  En l’espèce, comme je l’ai dit plus haut, je conclus qu’il n’y a pas de question d’importance générale à trancher. Je conviens avec les défendeurs que l’affaire dont il est question ne met pas en cause des questions constitutionnelles de grande portée. Bien que la Fondation David Suzuki ait proposé dans sa plaidoirie que l’affaire se poursuive, puisque c’est ainsi que les tribunaux doivent protéger les droits des minorités vulnérables que garantit la Charte (qui, en l’espèce, a fait valoir la Fondation David Suzuki, ont pour corollaire les insectes pollinisateurs), j’estime qu’il ne s’agit pas d’un argument convaincant.

[127]  Cela ne veut pas dire que l’observation de la Loi par l’ARLA n’est pas une question importante. Au contraire, et appliquant l’arrêt Borowski, je conclus qu’il est préférable d’attendre qu’il soit évident qu’il existe un véritable contexte contradictoire dans lequel les questions en jeu n’ont pas déjà été examinées.

B.  La mesure de redressement – une cible mobile

[128]  Un aspect qui est quelque peu lié à la question du caractère théorique est que la mesure de redressement souhaitée a nettement changé entre le dépôt de l’avis de demande et la tenue de l’audience.

[129]  Bien des choses ont été dites à l’audience au sujet du fait que la mesure de redressement avait changé sans que la demande soit modifiée. Bien que j’aie rejeté celle-ci pour cause de caractère théorique, j’estime qu’il est nécessaire de faire quelques commentaires sur le sujet.

[130]  Dans son avis de demande datée du 6 juillet 2016, la Fondation David Suzuki a demandé la mesure de redressement suivante :

[traduction]

1A.  Une ordonnance déclarant que l’alinéa 14(l)b) du Règlement est inconstitutionnel au regard de la Loi et qu’il est inopérant;

1B.  Une ordonnance déclarant que l’ARLA a agi sans compétence en homologuant successivement, ou en modifiant, les homologations du principe actif thiaméthoxame et les préparations commerciales à base de thiaméthoxame en vertu de la Loi sans jamais tenir de consultation publique, en se fondant sur l’alinéa 14(l)b) du Règlement.

1C.  Une ordonnance déclarant que les homologations du principe actif thiaméthoxame et des préparations commerciales à base de thiaméthoxame sont invalides parce qu’elles ont été accordées par l’ARLA sans que celle-ci ait compétence;

1D.  Une ordonnance interdisant à l’ARLA de renouveler, de modifier ou de prolonger par ailleurs les homologations non valides du principe actif thiaméthoxame et des préparations commerciales à base de thiaméthoxame;

2.  Une ordonnance déclarant illégale la ligne de conduite que l’ARLA a suivie en homologuant successivement, ou en modifiant leurs homologations, le principe actif thiaméthoxame et les préparations commerciales à base de thiaméthoxame en vertu de la Loi, tout en omettant de s’assurer qu’elle avait les renseignements scientifiques nécessaires pour être raisonnablement sûre que les risques environnementaux que présente le thiaméthoxame sont acceptables.

3.  Une ordonnance portant que la présente demande soit instruite en même temps qu’une demande étroitement liée que les demandeurs ont déposée le 6 juillet 2016.

4.  Les dépens.

5.  Toute autre mesure de redressement que la Cour estime juste.

[131]  Dans sa plaidoirie, la Fondation David Suzuki a clairement indiqué qu’elle sollicitait un jugement déclaratoire et, précisément, qu’elle ne voulait pas que l’une quelconque des questions en litige soit renvoyée pour réévaluation. Dans son mémoire des faits et du droit daté du 31 août 2018, la Fondation David Suzuki sollicite une mesure de redressement qui est différente de celle qu’elle sollicite dans l’avis de demande.

[132]  Il a été débattu à l’audience et confirmé que la Fondation David Suzuki a choisi (une décision stratégique) de ne pas modifier l’avis de demande. Quoi qu’il en soit, la Fondation a confirmé (malgré les protestations du PG et de Syngenta) qu’elle sollicite à ce stade-ci la mesure de redressement énoncée dans le mémoire des faits et du droit (voir le paragraphe 130 qui précède) et elle invoque les motifs actuellement applicables de redressement qui figurent dans l’avis de demande.

[133]  Dans son mémoire des faits et du droit daté du 31 août 2018, la Fondation David Suzuki indique ce qui suit :

[traduction]

118.  Les demandeurs sollicitent les déclarations mentionnées dans leurs avis de demande ou, subsidiairement, que :

1)  L’ARLA a agi sans compétence et s’est livrée à une ligne de conduite illégale en homologuant, en maintenant, en renouvelant et en prolongeant les enregistrements de pesticides à base de thiaméthoxame inscrits dans les catégories d’utilisation 5, 6, 13 et 14 entre 2004 et 2016, parce que :

a)  elle a omis de procéder à la consultation publique requise avant l’homologation, contrairement à l’article 28 et au paragraphe 8(1) de la Loi;

b)  elle a omis d’interpréter le critère des risques acceptables de l’article 8 de la Loi et de l’appliquer aux renseignements scientifiques dont elle disposait, et ce, de manière correcte et raisonnable;

c)  elle s’est fondée sur les articles 12 et 16 de la Loi pour reporter l’examen des renseignements nécessaires à l’exécution de l’évaluation des risques qu’exige l’article 8 de la Loi jusqu’après l’homologation des produits.

2)  L’article 67 de la Loi ne permet aucune exemption réglementaire par rapport aux exigences en matière de consultation publique de l’article 28 de la Loi.

119.  Les demandeurs sollicitent une ordonnance interdisant à l’ARLA de renouveler, de modifier ou de prolonger par ailleurs les homologations conditionnelles non valides des pesticides susmentionnés.

120.  Les dépens en faveur des demandeurs, avec autorisation de présenter des observations supplémentaires.

121.  Toute autre mesure de redressement que les demandeurs peuvent demander et que la Cour estime juste.

[134]  À l’audience, j’ai demandé à la Fondation David Suzuki de préciser exactement la mesure de redressement qu’elle sollicite, étant donné les différences qu’il y a entre son avis de demande et son mémoire. Elle a précisé qu’elle souhaitait obtenir ce qui était indiqué dans son mémoire (voir le paragraphe 133 qui précède) ainsi que l’alinéa 1c) de l’avis de demande. Elle a ensuite indiqué que, subsidiairement, si je n’accordais pas la mesure de redressement demandée parce que celle-ci n’avait pas été convenablement plaidée, il fallait dans ce cas que je lui accorde toutes les réparations indiquées dans l’avis de demande.

[135]  Les défendeurs ont contesté la tentative de la Fondation David Suzuki, qui sollicite à ce stade-ci une mesure de redressement différente sans avoir présenté un avis de demande modifié, et le fait que la mesure de redressement figure uniquement dans le mémoire, compte tenu du temps considérable déjà consacré à la gestion de l’instance et à l’audition.

[136]  Il est évident que la Fondation David Suzuki ne conteste plus la validité de l’alinéa 14(1)b) du Règlement, mais elle fait valoir que le régime des homologations conditionnelles est toujours actif, vu que l’on se sert encore des paragraphes 14(6) et (7) du Règlement à titre transitoire pour renouveler des homologations conditionnelles.

[137]  Les défendeurs soutiennent que la tentative de la Fondation David Suzuki est irrégulière, car, en fin de compte, la mesure de redressement sollicitée est une cible mobile. En fait, la préoccupation soulevée à l’égard de l’article 67 de la Loi, qui ne permet pas d’exemptions réglementaires, n’est même pas mentionnée dans l’avis de demande, et l’on tente pourtant maintenant d’obtenir une mesure de redressement à cet égard.

[138]  Je suis d’avis que la mesure de redressement ultérieurement sollicitée, en date du mois d’août 2018, a nettement changé et que cela démontre qu’une bonne partie de l’objet de la demande est maintenant manifestement théorique. Par exemple, les dispositions que la Fondation David Suzuki souhaitait voir radiées pour cause d’invalidité dans l’avis de demande initiale ne font plus partie du régime réglementaire, et des consultations appropriées ont eu lieu.

[139]  La nouvelle portée de la demande dont je suis saisie fait ressortir la difficulté que présente une demande qui ne vise pas à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision ou d’une politique précise et qui, dans ce contexte, porte sur une ligne de conduite. Cela s’explique par le fait que l’article 302 des Règles limite la demande de contrôle judiciaire à une seule décision, sauf ordonnance contraire de la Cour.

[140]  La Fondation David Suzuki a présenté une cible en constante évolution, ce qui n’est pas la nature d’un contrôle judiciaire qui repose sur un dossier certifié du tribunal. Quand on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas modifié son avis de demande, elle a répondu qu’il s’agissait d’une décision prise en cours d’instance. Au vu de ces faits, cette décision a contribué à rendre l’affaire théorique.

[141]  Comme j’ai conclu que l’affaire est théorique, je ne me prononcerai pas sur la question de la ligne de conduite au regard de l’article 302 des Règles, sur l’existence d’un autre recours approprié ou sur le fait de savoir si la « ligne de conduite » de l’ARLA est illégale.

[142]  De plus, il n’est pas nécessaire que je tranche la requête en radiation des affidavits de M. Tout. Par mesure de précaution, je précise que la décision selon laquelle la demande est théorique ne repose sur aucun élément contenu dans les paragraphes ou les pièces contestés des affidavits de M. Tout.

VII.  Conclusion

[143]  En l’espèce, la Fondation David Suzuki fait valoir qu’elle présente une cause‑type qui vise à déterminer si le gouvernement peut exposer l’environnement du Canada à des pesticides potentiellement dangereux sans recourir aux renseignements scientifiques et au processus consultatif pertinent qui sont légalement requis pour évaluer les risques environnementaux. Malheureusement pour la Fondation David Suzuki, je conclus que la demande est maintenant théorique.

[144]  Je remercie les avocats pour les plaidoiries passionnées et remarquables dans le cadre desquelles ils ont exposé à la Cour la position de leurs clients.

VIII.  Les dépens

[145]  Des mémoires de dépens ont été déposés à la fin de l’audience. Il a été demandé aux parties d’essayer de s’entendre sur la question des dépens. Il est louable qu’elles l’aient fait et qu’elles aient soumis leur entente à la Cour.

[146]  Par excès de prudence, je demanderais aux parties de confirmer exactement quels dépens chacune d’elles recevra et, de plus, si chaque somme globale doit être payée sans délai et si cette somme inclut les honoraires, les débours et les taxes. Les parties en informeront la Cour par une lettre conjointe, déposée dans les sept jours suivant la date de la présente décision. Une ordonnance relative aux dépens sera rendue sur réception de cette lettre.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1071-16

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est rejetée;

  2. Les parties informeront la Cour, par une lettre conjointe déposée dans les sept jours suivant la date de la présente décision, des détails de leur entente concernant les dépens. Ceux-ci feront l’objet d’une ordonnance distincte.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour de juin 2019.

Édith Malo, LL.B.


ANNEXE A

Produits originaux visés par le présent contrôle

  1. Cruiser 5FS

  1. Helix (traitement de semences liquide)
  2. Helix Xtra (traitement de semences)
  3. Actara 240
  4. Actara 25
  5. Cruiser 350 FS
  6. Cruiser Maxx (haricots)
  7. Cruiser Maxx (céréales) (29127)
  8. Cruiser Maxx Vibrance
  9. A18046A (semences)
  10. Endigo
  11. Flagship
  12. Cruiser Maxx (céréales) (29192)
  13. Mainspring
  14. Cruiser Maxx (pommes de terre)
  15. Cruiser Vibrance Quattro
  16. Helix Vibrance
  17. Minecto Duo
  18. TMX technique (principe actif)

Au 30 avril 2018, par ordonnance

  1. Actara 240
  1. Actara 25

  2. Endigo

  3. Minecto

  4. Mainspring (application foliaire ou mouillage sur plantes ornementales)

  5. Flagship (plantes ornementales et plantes cultivées en serre)

  6. Thiaméthoxame technique (principe actif)


ANNEXE B

Nom

Utilisation

Chronologie

Thiaméthoxame technique actif

Principe actif

  • - Demande d’homologation du TMX technique actif présentée en novembre 1998.

  • - L’ARLA a accordé l’homologation temporaire du TMX technique actif le 27 novembre 2000.

  • - 25 août 2004 : demande de catégorie A (nouvel usage important) en vue de faire homologuer le TMX technique actif (application foliaire et en sillon) pour l’Actara 25WG et l’Actara 240 SC.

  • - 25 juillet 2006 : l’ARLA a approuvé l’homologation de catégorie A en lien avec le TMX technique actif pour les CU 13 et 14. Ce faisant, l’ARLA a : a) indiqué qu’elle avait procédé à une évaluation des renseignements disponibles, conformément à la Loi, b) conclu que l’utilisation du TMX d’une manière conforme à l’étiquette approuvée ne poserait pas de risque inacceptable sur le plan de la santé ou de l’environnement, et c) indiqué que l’homologation conditionnelle du TMX technique actif était modifiée en vertu de l’article 14 du Règlement.

  • - 19 octobre 2006 : l’ARLA a envoyé à Syngenta une lettre l’informant que l’homologation conditionnelle serait valide jusqu’au 31 décembre 2008.

  • - 19 octobre 2006 : l’ARLA a envoyé à Syngenta un rapport d’évaluation au sujet de la demande de 2003 concernant la transformation de l’homologation conditionnelle du TMX technique actif en homologation complète.

  • - 15 décembre 2007 : Syngenta a présenté une demande en vue de faire homologuer l’utilisation du TMX technique actif pour la CU 30, ainsi que pour transformer l’homologation conditionnelle des CU 13 et 14 en homologation complète.

  • - 25 avril 2008 : l’ARLA a prolongé la validité de l’homologation jusqu’au 31 décembre 2010.

  • - 21 avril 2010 : l’ARLA a fait droit à la demande de Syngenta en vue de la transformation de l’homologation conditionnelle du TMX technique actif en une homologation complète pour la CU 20.

  • - 15 janvier 2014 : l’ARLA a fait droit à la demande de Syngenta en vue de la prolongation de l’homologation conditionnelle du TMX actif pour la CU 10.

  • - 29 août 2016 : l’ARLA a reçu des demandes en vue de faire transformer toutes les homologations conditionnelles des produits foliaires/au sol à base de TMX en homologations complètes.

  • - 15 septembre 2016 : l’ARLA a accordé la prolongation des homologations conditionnelles.

  • - 19 décembre 2017 : le Projet de décision de rééevaluation, thiaméthoxame et préparations commerciales apparentées : réévaluation de ses effets sur les insectes pollinisateurs [« PDRV »] a été publié.

Actara 25 WG Actara 240SC (insecticides)

CU 13 et 14 : l’Actara 25WG, pour application foliaire sur les pommes de terre, les pommes et les poires. Actara 240SC, pour les pommes de terre, au sol ou en sillon.

  • - 25 juillet 2006 : l’ARLA a accordé une homologation conditionnelle pour l’Actara 25WG et l’Actara 240SC.

  • - Demande présentée le 1er février 2008 en vue de transformer l’homologation conditionnelle des produits Actara en homologation complète. L’ARLA a prolongé la validité de l’homologation jusqu’en décembre 2010.

  • - 27 septembre 2013 : Syngenta a demandé une prolongation des homologations conditionnelles visant les produits Actara.

  • - 31 décembre 2014 : le renouvellement des homologations conditionnelles a été accordé.

  • - 26 août 2016 : demande de transformation concernant les produits Actara.

  • - 15 août 2018 : Le Projet de décision d’homologation, thiaméthoxame, insecticide Actara 25WG, insecticide Actara 240SC et autres préparations commerciales connexes (PDH A) a été publié. La période de validité des produits a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2020.

Endigo (insecticide)

Endigo est un produit foliaire conçu pour application sur le soja et les graines sèches de haricots.

  • - 1er décembre 2010 : Syngenta a présenté à l’ARLA une demande de catégorie B pour l’Endigo.

  • - 2 mai 2012 : octroi d’une homologation conditionnelle pour l’Endigo jusqu’au 31 décembre 2013.

  • - 15 août 2018 : dans le PDH‑A, l’homologation de l’Endigo a été renouvelée jusqu’au 31 décembre 2020.

Minecto Duo

Le Minecto Duo est un insecticide pulvérisé dans les sillons au stade de l’ensemencement ou de la transplantation. CU 13 et 14.

  • - 30 juin 2011 : Syngenta présente une demande pour le Minecto dans la catégorie A.

  • - 28 mars 2013 : L’ARLA accorde une homologation conditionnelle, conformément aux art. 14 et 15 du RPA.

  • - 5 avril 2016 : Syngenta demande des conseils sur la manière de procéder à la transformation pour le Minecto Duo.

  • - 15 août 2018 : PDH‑A, une prolongation est accordée pour le Minecto jusqu’au 31 décembre 2020.

Mainspring X

Le Mainspring X sert à lutter contre un large éventail d’insectes qui mordent/mâchent et qui percent/sucent. Il est inscrit dans la CU 6.

  • - 30 juin 2011 : Syngenta présente une demande de catégorie A en vue de l’homologation d’un nouveau produit à base de TMX, le Mainspring X.

  • - 28 mars 2013 : L’ARLA homologue le Mainspring X à titre conditionnel.

  • - 26 août 2016 : Syngenta demande que l’homologation conditionnelle du Mainspring soit transformée en une homologation complète.

  • - 15 août 2018 : Le PDH‑A (PDH 2018‑13) précise que pour rendre la décision, la période de validité du Mainspring X sera prolongée en vertu des dispositions réglementaires transitoires jusqu’au 31 décembre 2020.

Flagship

Le Flagship est conçu pour être appliqué sur des plantes ornementales et en serre au Canada.

  • - 1er juin 2012 : Syngenta présente une demande pour le Flagship

  • - 3 juin 2013 : Le Flagship est homologué à titre conditionnel.

  • - 15 août 2018 : Dans le PDH A, l’homologation du Flagship est renouvelée jusqu’au 31 décembre 2020.


ANNEXE C

Loi sur les produits antiparasitaires, LC 2002, c 28

Mission

Objectif premier

4 (1) Pour l’application de la présente loi, le ministre a comme objectif premier de prévenir les risques inacceptables pour les individus et l’environnement que présente l’utilisation des produits antiparasitaires.

Mandate

Primary objective

4 (1) In the administration of this Act, the Minister’s primary objective is to prevent unacceptable risks to individuals and the environment from the use of pest control products.

Interdictions

Produits antiparasitaires non homologués

6 (1) Sauf dans les cas autorisés par les paragraphes 21(5) et 41(1), les articles 48 et 51 et 53 à 59 et les règlements, il est interdit de fabriquer, de posséder, de manipuler, de stocker, de transporter, d’importer, de distribuer ou d’utiliser un produit antiparasitaire non homologué en vertu de la présente loi.

Prohibitions

Unregistered pest control products

6 (1) No person shall manufacture, possess, handle, store, transport, import, distribute or use a pest control product that is not registered under this Act, except as otherwise authorized under subsection 21(5) or 41(1), section 48 or 51, any of sections 53 to 59 or the regulations.

Renseignements supplémentaires et obligation de communiquer

Renseignements supplémentaires

12 (1) Le ministre peut, par remise au titulaire d’un avis écrit, exiger de celui-ci :

a) qu’il effectue des essais, accumule des renseignements et surveille l’expérimentation du produit antiparasitaire en vue d’obtenir des renseignements supplémentaires quant à la valeur du produit ou quant à ses effets sur la santé et la sécurité humaines ou sur l’environnement;

b) qu’il lui communique les renseignements en la forme et dans le délai qu’il y précise.

Condition d’homologation

(2) L’exécution de l’obligation visée au paragraphe (1) constitue une condition d’homologation.

Additional Information and Mandatory Reporting

Additional information

12 (1) The Minister may, by delivering a notice in writing, require a registrant

(a) to compile information, conduct tests and monitor experience with the pest control product for the purpose of obtaining additional information with respect to its effects on human health and safety or the environment or with respect to its value; and

(b) to report the additional information to the Minister within the time and in the form specified in the notice.

Condition of registration

(2) A requirement under subsection (1) is a condition of registration.

Réévaluation et examen spécial

Réévaluation

16 (1) Le ministre peut procéder à la réévaluation d’un produit antiparasitaire homologué s’il estime que, depuis son homologation, il y a eu un changement en ce qui touche les renseignements exigés ou la procédure à suivre pour l’évaluation de la valeur des produits de même catégorie ou de même nature ou des risques sanitaires ou environnementaux qu’ils présentent.

Re-evaluation and Special Review

Minister’s discretion to initiate re-evaluation

16 (1) The Minister may initiate the re-evaluation of a registered pest control product if the Minister considers that, since the product was registered, there has been a change in the information required, or the procedures used, for the evaluation of the health or environmental risks or the value of pest control products of the same class or kind.

Règlement modifiant le règlement sur les produits antiparasitaires (énoncé, avis et homologations conditionnelles), DORS /2017-91

Dispositions transitoires

11 (1) Pour l’application du présent article, règlement antérieur s’entend du Règlement sur les produits antiparasitaires, dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur du présent règlement.

(2) L’homologation conditionnelle qui est valide avant l’entrée en vigueur du présent règlement continue de l’être jusqu’à la fin de sa période de validité.

(3) La période de validité de l’homologation conditionnelle qui demeure valide après la date d’entrée en vigueur du présent règlement peut être prolongée en vertu des paragraphes 14(6) ou (7) du règlement antérieur.

Transitional Provisions

11 (1) In this section, former Regulations means the Pest Control Products Regulations as they read immediately before the day on which these Regulations come into force.

(2) The validity period of a conditional registration that is in effect before the coming into force of these Regulations continues to be in effect until the end of that period.

(3) The validity period of a conditional registration that continues to be in effect after the coming into force of these Regulations may be extended under subsection 14(6) or (7) of the former Regulations.

12 Les exigences prévues par le présent règlement concernant les renseignements devant figurer sur l’étiquette ne s’appliquent pas, à l’égard d’un produit antiparasitaire, avant le premier en date des évènements suivants :

a) l’homologation du produit, si elle a lieu à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement;

b) la réimpression d’une étiquette;

c) la modification des renseignements figurant sur l’étiquette;

d) la fabrication du produit, si elle a lieu à compter du dixième anniversaire de l’entrée en vigueur du présent règlement.

12 The requirements in these Regulations respecting the information that must be shown on the label of a pest control product do not apply until the day on which the first of the following occurs:

(a) the registration of the pest control product, if it occurs on or after the day on which these Regulations come into force,

(b) the reprinting of the label,

(c) the modification of the information on the label, or

(d) the manufacture of the pest control product, if it occurs on or after the tenth anniversary of the day on which these Regulations come into force.

Règlement sur les produits antiparasitaires, DORS /2006-124 (avant abrogation)

14 (1) Malgré l’article 13 et sous réserve du paragraphe (2), si un avis est remis au titulaire en vertu de l’article 12 de la Loi lors de l’homologation d’un produit antiparasitaire ou de la modification de celle-ci aux termes du paragraphe 8(1) de la Loi, l’homologation est conditionnelle et est assujettie aux exigences suivantes :

a) la période de validité se termine au plus tard le 31 décembre de la troisième année qui suit l’année d’homologation ou de modification de l’homologation;

b) les paragraphes 28(1) et 35(1) et les alinéas 42(2)c) à e) de la Loi ne s’appliquent pas.

Nouvel avis aux termes de l’article 12 de la Loi

(2) Lorsqu’un avis est remis en vertu de l’article 12 de la Loi relativement au rétablissement d’une homologation conditionnelle périmée ou à la prolongation d’une homologation conditionnelle après évaluation des données, l’alinéa (1)a) s’applique.

Modification

(3) Les alinéas (1)a) et b) s’appliquent à la modification d’une homologation conditionnelle.

Exemption

(4) Malgré le paragraphe 81(2) de la Loi, l’alinéa 42(2)f) de la Loi s’applique aux agréments visés par ce paragraphe lorsqu’une décision d’homologation mentionnée à l’alinéa 28(1)a) de la Loi a été rendue à leur égard et que la période de validité a été fixée.

Aucune prolongation

(5) Sous réserve des paragraphes (6) et (7), la période de validité de l’homologation conditionnelle ne peut être prolongée.

Prolongation automatique

(6) La période de validité de l’homologation conditionnelle est prolongée de deux ans lorsque le titulaire se conforme aux exigences de l’avis visé à l’article 12 de la Loi.

Prolongation pour consultation

(7) Le ministre peut prolonger la période de validité de la période nécessaire pour lui permettre de mener la consultation prévue à l’article 28 de la Loi, à condition que la demande de modification ou de renouvellement ait été faite avant la fin de la période de validité.

14 (1) Despite section 13 and subject to subsection (2), if a notice is delivered to the registrant under section 12 of the Act when a pest control product is registered or the registration of a pest control product is amended under subsection 8(1) of the Act, the registration becomes a conditional registration and

(a) the validity period must end no later than December 31 in the third year after the year in which the product is registered or the registration is amended; and

(b) subsections 28(1) and 35(1) and paragraphs 42(2)(c) to (e) of the Act do not apply.

Further notices under section 12 of the Act

(2) When a notice is delivered to the registrant under section 12 of the Act in relation to the reinstatement of an expired conditional registration or the continuation of a conditional registration after the evaluation of data, paragraph (1)(a) applies.

Amendment

(3) Paragraphs (1)(a) and (b) apply to an amendment of a conditional registration.

Exemption

(4) Despite subsection 81(2) of the Act, paragraph 42(2)(f) of the Act applies to all registrations referred to in that subsection if a registration decision of a type described in paragraph 28(1)(a) of the Act has been made and the validity period has been fixed.

No extension

(5) Subject to subsections (6) and (7), the validity period of a conditional registration may not be extended.

Automatic extension

(6) The validity period of a conditional registration is extended for a period of two years when the registrant complies with the requirements of the notice delivered under section 12 of the Act.

Extension for consultation

(7) The Minister may extend the validity period for a period of sufficient duration to allow the Minister to carry out the consultation required by section 28 of the Act, if the application to amend or renew is made before the end of the validity period.

Élargissement de la portée de l’article 14 — produit associé

15 (1) Les alinéas 14(1)a) et b) s’appliquent à l’homologation de tout produit antiparasitaire contenant un principe actif dont l’homologation a fait l’objet de l’avis prévu à l’article 12 de la Loi.

Élargissement de la portée de l’article 14 — principe actif associé

(2) Les alinéas 14(1)a) et b) s’appliquent à l’homologation d’un principe actif contenu uniquement dans un produit antiparasitaire homologué ayant fait l’objet de l’avis prévu à l’article 12 de la Loi.

Expanded scope of section 14 — associated products

15 (1) Paragraphs 14(1)(a) and (b) apply to the registration of any pest control product that contains an active ingredient in respect of whose registration a notice has been delivered under section 12 of the Act.

Expanded scope of section 14 — associated active ingredients

(2) Paragraphs 14(1)(a) and (b) apply to the registration of an active ingredient that is contained only in a registered pest control product in respect of which a notice has been delivered under section 12 of the Act.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1071-16

 

INTITULÉ :

FONDATION DAVID SUZUKI ET AL c GOUVERNEUR EN CONSEIL ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 novembrE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS:

le 5 AVril 2019

 

COMPARUTIONS :

Laura Bowman, Charles Hatt,

Bronwyn Roe

pour LES DEMANDEURS

 

Andrea Bourke, Andrew Law, 

Jonathan Roth

POUR LE DÉFENDEUR

[PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA]

 

John P. Brown, Brandon Kain,

Stephanie Sugar

POUR LA DÉFENDERESSE

 [SYNGENTA CANADA INC.]

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EcoJustice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

[PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA]

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

[SYNGENTA CANADA INC.]

 

 

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