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Date : 20190403


Dossier : IMM‑3160‑18

Référence : 2019 CF 398

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 avril 2019

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

KWON WOO CHO,

SOO MIN PARK,

EUN BYEUL CHO, REPRÉSENTÉE PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE,

KWON WOO CHO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, [LIPR]. Elle vise une décision rendue le 13 juin 2018 par la Section de la protection des réfugiés [Commission ou SPR], dans laquelle la Commission a déterminé que les demandeurs ne seraient pas exposés à un risque de persécution, à un risque d’être soumis à la torture, à une menace à leur vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils étaient renvoyés en Corée. Seul le demandeur masculin dépose la présente demande.   

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II.  Contexte

[3]  M. Kwoon Woo Cho, alias Gyongmin Cho ou Kwongmin Cho [le demandeur], et son épouse, Mme Soo Min Park, alias Eunju Park [l’épouse du demandeur], et leur fille, Mlle Eun Byeul Cho, sont des citoyens de la Corée du Sud. Ils affirment craindre avec raison d’être persécutés aux mains d’un dénommé M. Kim du Service national de renseignement [SNR] au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

[4]  Les demandeurs ont d’abord mentionné dans leurs formulaires de renseignements personnels [FRP] qu’ils sont originaires de la Corée du Nord et qu’ils sont venus au Canada en passant par la République populaire de Chine. Le demandeur a mentionné qu’il travaillait dans une mine en Corée du Nord, mais que, comme la frontière chinoise était située près de son village, il la traversait pour aller chercher de la nourriture. Il a déclaré qu’il a été arrêté et gardé en prison pendant un certain temps. Il y est aussi indiqué que le demandeur, son épouse et la demanderesse mineure ont traversé la frontière pour entrer en République populaire de Chine et qu’ils sont venus au Canada en provenance de Pékin.

[5]  Les demandeurs ont ensuite changé leur récit dans un exposé circonstancié modifié après avoir été informés d’un rapport biométrique révélant qu’ils sont des citoyens de la Corée du Sud et qu’ils étaient d’abord partis de ce pays vers les États‑Unis avant de venir au Canada.   

[6]  Selon le nouveau récit, après avoir vécu en Corée du Sud pendant quelques mois, le demandeur a commencé à travailler comme espion pour le SNR en se rendant en République populaire de Chine et en Corée du Nord afin de recueillir des renseignements sur l’armée nord‑coréenne. Le demandeur a déclaré être également allé en Corée du Nord, mais qu’il a été capturé et que, après avoir réussi à s’échapper, il est retourné en Corée du Sud et a retrouvé sa famille. Il a affirmé que, à une autre occasion, il était entré en Corée du Nord sans autorisation et que M. Kim, du SNR, l’avait accusé d’être un agent double et que la seule chose qu’il pouvait faire pour se racheter était de retourner en Corée du Nord et d’endommager une statue de Kim Il Sung. Le demandeur a déclaré qu’il ne pouvait accepter de faire ce que demandait M. Kim et qu’il a pris les mesures nécessaires pour venir au Canada en passant par les États‑Unis. Son épouse, sa fille et lui sont arrivés le ou vers le 6 juillet 2012 et ont demandé l’asile en août 2012. 

[7]  Bien que la Commission puisse légitimement s’appuyer sur les documents relatifs à la situation dans le pays pour rejeter la demande, je conclus que les conclusions défavorables quant à la crédibilité suffisent pour rejeter la demande du demandeur. La Commission n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle pouvait justifier un contrôle judiciaire. En fait, le demandeur demande à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve, ce qu’elle ne peut faire.   

III.  Norme de contrôle

[8]  Les parties conviennent que les questions soulevées par les demandeurs exigent un degré de déférence élevé de la part de la Cour, car elles se rapportent à la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission ainsi qu’à l’appréciation, à l’interprétation et à l’évaluation de la preuve. Je suis d’accord. Selon la norme de contrôle applicable aux deux questions soulevées par les demandeurs concernant une conclusion de fait, la Cour ne peut intervenir que s’« il y a eu une erreur des plus manifestes » : Odia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 363, au paragraphe 6. 

IV.  Analyse

[9]  En l’espèce, les demandeurs ont d’abord fait une fausse déclaration en affirmant qu’ils sont originaires de la Corée du Nord et qu’ils sont venus au Canada en passant par la République populaire de Chine. Ce fait à lui seul permettait à la Commission de tirer une inférence défavorable quant à la crédibilité des demandeurs : Gulabzada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 547, au paragraphe 9; Ren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 973, aux paragraphes 15‑16; Sanaei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 402, aux paragraphes 37‑38; Polasi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 897, au paragraphe 13. De plus, le fait que la Commission ait jugé peu convaincants l’explication des demandeurs concernant l’omission et les raisons de leur décision de révéler la vérité après avoir obtenu le rapport biométrique rend encore plus raisonnable la décision de la Commission fondée sur les conclusions sur la crédibilité.  

[10]  Par ailleurs, la Commission a jugé que l’épouse du demandeur n’était pas crédible, ce qui n’a pas été contesté. Cette conclusion corrobore celles tirées par la Commission voulant que le demandeur ne soit pas crédible. Même s’il était au courant de la fausse déclaration de son épouse, il ne l’a pas signalée à l’agent.

[11]  La SPR a raisonnablement conclu que le témoignage du demandeur principal concernant sa peur des risques en Corée du Sud ne concordait pas avec le contenu de son FRP modifié. Dans l’exposé de son FRP modifié, le demandeur indique qu’il a eu peur d’être forcé à vandaliser une statue en Corée du Nord et d’être accusé d’être un agent double. En revanche, lorsque la SPR l’a questionné, le demandeur a fait valoir qu’il avait peur de devoir continuer de travailler pour le SNR, essentiellement en raison de l’effet négatif que cela aurait sur sa santé.

[12]  Le demandeur a également indiqué qu’il serait envoyé en prison s’il ne continuait pas de travailler pour le SNR, car il avait enfreint la loi en retournant en Corée du Nord sans autorisation. Dans son FRP initial, le demandeur n’a ni soulevé cette allégation, ni mentionné qu’il avait été accusé d’être un agent double et qu’on lui avait ordonné de vandaliser une statue en Corée du Nord. Ces allégations n’étaient mentionnées que dans son FRP modifié. Il était raisonnable pour la Commission de tirer une conclusion défavorable du fait que le demandeur n’a pas mentionné ces faits importants dans sa déclaration initiale.

[13]  À l’audience, le demandeur a également indiqué qu’il serait obligé de recueillir des renseignements concernant l’armée nord‑coréenne et d’introduire clandestinement des tracts en Corée du Nord, ce qui contredisait également ses déclarations précédentes.

V.  Conclusion

[14]  La demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3160‑18

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire, et aucune question n’est certifiée aux fins d’appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour d’avril 2019.

Sophie Reid‑Triantafyllos, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3160‑18

INTITULÉ :

KWOON WOO CHO ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 FÉVRIER 2019

jUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIs

DATE DES MOTIFS :

lE 3 AVRIL 2019

COMPARUTIONS :

Joo Eun Kim

POUR LES DEMANDEURS

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joo Eun Kim

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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