Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190318


Dossier : T-1674-17

Référence : 2019 CF 316

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2019

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

YETI COOLERS, LLC

demanderesse

et

HOWSUE HOLDINGS INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de radiation de l’enregistrement de la marque de commerce canadienne no LMC866631 (l’enregistrement 631), dont la défenderesse, HowSue Holdings Inc. (HowSue) est propriétaire. L’enregistrement 631 concerne le mot servant de marque « Tundra » (la marque Tundra de HowSue) en vue de son emploi en liaison avec ce qui suit : [traduction« Articles ménagers, nommément récipients thermiques pour boissons, bouteilles d’eau, trousses‑repas, boîtes‑repas et récipients pour aliments ».

[2]  La demanderesse, Yeti Coolers LLC (Yeti), a demandé l’enregistrement de la marque TUNDRA (la marque TUNDRA de Yeti) en vue de son emploi en liaison avec des [traduction« récipients portables pour aliments et boissons ». Le 2 novembre 2016, un examinateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a écrit que la [traduction« marque qui fait l’objet de la présente demande est considérée comme créant de la confusion avec la marque de commerce déposée no LMC866631 ». À la suite du rejet de sa demande, Yeti a demandé la radiation de l’enregistrement 631.

[3]  HowSue est une société de portefeuille, qui a été constituée le 27 février 2015. Elle appartient à M. Liss et à son épouse. En plus de sa marque Tundra, HowSue possède deux autres enregistrements de marque de commerce contenant le mot « Tundra » : LMC882615 et LMC952656 (les autres marques de commerce Tundra). Les détails entourant les autres marques de commerce Tundra, tel qu’ils figurent dans le mémoire de Yeti, sont présentés à l’annexe A. Ces autres marques n’ont aucun rapport direct avec la présente demande, puisqu’il n’est pas allégué qu’elles créent de la confusion avec la marque TUNDRA de Yeti.

[4]  M. Liss est également le président et l’administrateur unique de Tundra Global Sourcing Inc. (TGS). TGS a été constituée en société en 1983, sous le nom de Mansacs Originals Inc. La société a changé son nom pour TGS en 2008. TGS a présenté une demande pour la marque Tundra de HowSue et a par la suite transféré son droit de propriété à HowSue. Par souci de commodité, je ferai référence, tout au long des présentes, à la marque Tundra de HowSue et à la preuve de son emploi comme étant fait par HowSue, à moins qu’il soit pertinent de préciser qu’il s’agissait de TGS.

[5]  En 1984, TGS a déposé une demande de marque de commerce pour le mot servant de marque Tundra, en liaison avec des articles de voyage et du matériel de camping. Cette marque a été enregistrée sous le numéro LMC302552. En 2000, TGS l’a cédée à une société qui n’appartenait pas à M. Liss et qui n’était pas sous son contrôle. Par la suite, la marque a été transférée à trois autres reprises, avant d’être finalement radiée pour non‑usage en 2013. Contrairement à ce qu’a laissé entendre M. Liss, l’usage de cet enregistrement de marque de commerce est sans rapport avec la présente demande, puisqu’il se rapporte à des produits différents et que M. Liss n’en était pas propriétaire à l’époque en question.

[6]  Yeti est une société américaine, fondée en 2006. Elle fabrique et vend des glacières (aussi appelées « glacières de camping »). Ses publicités donnent à penser que les glacières sont durables et bien isolées et qu’elles sont principalement destinées aux activités de plein air, comme la chasse, la pêche et le rafting.

[7]  Yeti fabrique plusieurs « gammes » de glacières. La gamme « TUNDRA » (glacières TUNDRA), qui est décrite comme étant la glacière [traduction« originale », est au cœur de la présente demande. Yeti fabrique également la gamme de glacières « ROADIE », dotées d’une large poignée facilitant le transport, ainsi que la gamme de glacières à coque souple « HOPPER ». Chaque gamme comprend plusieurs tailles de glacières, désignées par des numéros de modèle. Par exemple, le modèle TUNDRA 35 a un volume total de 35 pintes (et une capacité d’environ 29 pintes, ou 27 litres), tandis que le modèle TUNDRA 350 a un volume total de 350 pintes (et une capacité d’environ 328 pintes, ou 310 litres).

[8]  Yeti soutient que la marque Tundra de HowSue devrait être radiée du registre pour les motifs suivants : (1) aux termes de l’alinéa 18(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T­13 (la Loi), HowSue n’avait pas le droit d’obtenir l’enregistrement au moment de sa demande (le 29 octobre 2009); (2) aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la Loi, la marque Tundra de HowSue n’était pas distinctive des produits de HowSue inscrits au registre, à l’époque où la présente demande a été déposée (le 2 novembre 2017).

[9]  Je me propose d’examiner chacune de ces allégations à tour de rôle et, ce faisant, de résumer la preuve pertinente.

A.  Analyse relative à l’alinéa 18(1)d)

[10]  L’alinéa 18(1)d) de la Loi est ainsi libellé : « L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants : […] l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit d’obtenir l’enregistrement. »

[11]  La demande d’enregistrement de la marque Tundra de HowSue a été déposée en se fondant sur l’emploi projeté de la marque en liaison avec les produits associés. Le 18 octobre 2013, TGS a déposé une déclaration d’emploi, signée par M. Liss, concernant la marque Tundra de HowSue. TGS a déclaré ce qui suit :

[traduction

Tundra Global Sourcing Inc. déclare :

QUE depuis juillet 2013, la requérante, elle‑même et/ou par l’entremise d’un licencié, a commencé à employer, au Canada, la marque de commerce visée par la présente demande, en liaison avec […] tous les produits et/ou services spécifiés dans la demande.

Conformément au paragraphe 40(2) de la Loi, cela a mené à l’enregistrement de la marque Tundra de HowSue le 4 décembre 2013.

[12]  Yeti soutient que HowSue n’avait pas le droit d’obtenir l’enregistrement de la marque Tundra de HowSue au moment de sa demande (le 29 octobre 2009), parce qu’à cette date, cette marque créait de la confusion avec la marque TUNDRA de Yeti, antérieurement employée au Canada. En bref, la demande de marque de commerce de HowSue contrevenait à l’alinéa 16(3)a) de la Loi, qui est ainsi libellé :

(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des produits ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne […]

[13]  Cette observation soulève deux questions :

(1)  L’emploi de la marque TUNDRA de Yeti au Canada

[14]  En juin 2008, Yeti a expédié six glacières TUNDRA à un distributeur canadien, à savoir Underwater Kinetics Products Canada Inc. (UK Canada).

[15]  Il y a désaccord sur la question de savoir si cette transaction était une vente ou si Yeti fournissait des échantillons gratuits. La question se pose, du fait que, dans son premier affidavit, M. Kubala a déclaré que ces glacières étaient des échantillons. Ont été jointes, en tant que pièces à cet affidavit, deux factures adressées à UK Canada, qui sont datées du 3 juin 2008. Chacune détaille une glacière « Yeti Tundra » en six tailles différentes. La première facture, qui porte le numéro 4620, renvoie au [traduction« Bon de commande no 1550004 »; il y est indiqué que la facture a été acquittée le 14 juillet 2008 (la facture 4620). La deuxième facture, qui porte le numéro 4622 et qui renvoie au [traduction« Bon de commande – Échantillons Tundra », comporte, quant à elle, une mention précisant qu’elle a été annulée (la facture 4622).

[16]  Dans son affidavit supplémentaire, M. Kubala explique qu’il s’agissait là de ventes réelles et que la facture 4620 montre exactement ce qui s’est passé. HowSue soutient qu’il ne faut pas croire M. Kubala. Elle souligne que M. Kubala n’a pas pu expliquer, en contre‑interrogatoire, pourquoi la facture 4622 portait la mention selon laquelle elle avait été annulée. Selon elle, il s’agit là d’un élément important, parce que la facture 4622 a probablement été créée après la facture 4620, compte tenu de son numéro plus élevé, et que, par conséquent, elle est plus susceptible, selon elle, de refléter ce qui s’est passé.

[17]  Je ne peux pas accepter cette observation. Il est tout aussi probable que la deuxième facture, établie plus tard, ait été émise par erreur, ce qui expliquerait pourquoi elle porte la mention qu’elle a été annulée. Au bout du compte, rien ne dépend de cette transaction, puisqu’en juillet 2008, Yeti a vendu sa première glacière TUNDRA directement à un consommateur canadien, depuis son site Web américain, www.yeticoolers.com. La société en a vendu une deuxième en août 2008. Ces deux (ou huit) glacières représentaient les ventes de glacières TUNDRA réalisées au Canada en 2008.

[18]  Il incombe à Yeti de démontrer qu’elle a employé sa marque TUNDRA au Canada avant la date d’enregistrement de la marque de commerce de HowSue, c’est‑à‑dire avant le 29 octobre 2009. Malgré le peu de ventes réalisées en 2008, Yeti enregistrait déjà des ventes importantes avant la demande de marque de commerce de HowSue.

[19]  M. Kubala jure qu’en 2009, Yeti a vendu 355 glacières TUNDRA à UK Canada, et il a produit une facture pour attester cette vente. La facture présentée indique que la vente de 355 glacières TUNDRA, effectuée le 13 mars 2009, s’élève à 42 964,80 $US. Par conséquent, avant la date d’enregistrement de la marque de commerce projetée de HowSue, soit avant le 29 octobre 2009, Yeti avait vendu des glacières TUNDRA au Canada.

[20]  HowSue soutient en outre que, même si ces ventes ont bel et bien été effectuées, il y a peu d’éléments de preuve, voire aucun, montrant que les produits vendus portaient la marque TUNDRA de Yeti. HowSue laisse entendre que, puisque ces glacières sont fabriquées aux Philippines et expédiées directement au Canada, il n’y a aucun moyen d’avoir la certitude que les autocollants et les étiquettes étaient en place.

[21]  M. Kubala a déclaré le contraire, dans son premier affidavit, au paragraphe 17 :

[traduction

Tous les produits de marque TUNDRA vendus au Canada depuis 2008 (y compris tous les produits TUNDRA mentionnés sur les factures jointes en tant que pièces à mon affidavit) affichaient la marque TUNDRA sur les produits et les emballages, comme ceux figurant sur les photos jointes en tant que pièce L, en ce qu’ils étaient vendus dans des boîtes indiquant qu’il s’agissait de glacières de marque TUNDRA, et qu’ils comportaient soit des autocollants portant la mention « TUNDRA » apposés sur le devant des glacières, soit des étiquettes volantes de marque TUNDRA fixées sur ces dernières.

[22]  Les photos de la pièce L montrent le mot TUNDRA, tantôt accompagné du mot YETI, tantôt d’un chiffre, comme 45, qui fait référence à la taille de la glacière. Je préfère la déclaration sous serment de M. Kubala à la proposition de HowSue, basée sur des suppositions.

[23]  Le paragraphe 4(1) de la Loi définit la notion d’« emploi » pour les besoins de la Loi :

Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[24]  HowSue soutient que [traduction« les deux parties ont réalisé des ventes importantes en 2009 » et que les transactions que Yeti affirme avoir réalisées en 2008 n’établissent pas l’emploi de la marque TUNDRA de Yeti. Son observation, telle qu’elle est présentée au paragraphe 49 de son mémoire, est énoncée en ces termes :

[traduction

[C]ette preuve que des échantillons ont été expédiés en 2008 par la demanderesse, même si ceux‑ci ont été payés (ce qui n’a pas été démontré), n’est tout de même rien de plus que des transactions symboliques impliquant seulement six unités. Il en va de même pour la vente en ligne de deux glacières en 2008. Il existe un long courant jurisprudentiel au Canada, dans le cadre duquel les ventes symboliques ont été jugées insuffisantes pour constituer un « emploi » pour les besoins de l’article 4 de la Loi sur les marques de commerce.

[25]  À l’appui de cette déclaration, HowSue renvoie la Cour aux décisions Caricline Ventures Ltd c ZZTY Holdings Ltd, 2001 CFPI 1342 (Caricline Ventures), Grants of St. James’s Ltd c Andres Wines Ltd (1969), 58 CPR 28 (Rég MC) (Grants of St. James’s), et Siscoe Vermiculite Mines Ltd c Munn & Steele Inc, [1959] Ex CR 455 (Can) (Siscoe Vermiculite). À mon sens, les faits de ces affaires se distinguent de ceux de l’espèce, en ce qui concerne les ventes de produits TUNDRA de Yeti.

[26]  Au paragraphe 50 de Caricline Ventures, le juge O’Keefe donne des exemples de ce qui ressort de la jurisprudence sur la question de l’« emploi », faisant brièvement état de la preuve dans chaque cas. Il mentionne notamment les deux autres précédents invoqués par HowSue :

Voici ce qui ressort de la jurisprudence de notre Cour sur la question de l’emploi :

1. SAFT – Société des accumulateurs fixes et de traction c. Charles Le Bargne Ltée, (1975) 22 C.P.R. (2d) 178 (C.F. 1re inst.), à la page 182 : la vente unique de 500 lampes de poche à une filiale ne constitue pas une distribution de marchandises.

2. Golden Happiness Bakery c. Goldstone Bakery & Restaurant(1994) 53 C.P.R. (3d) 195, à la page 199 : une commande de boîtes sur lesquelles est inscrite la marque de commerce ne constitue pas un usage étant donné qu’il n’y avait aucune preuve sur le moment où les boîtes avaient été utilisées, si jamais elles l’avaient été.

3. Cornerstone Securities Canada Inc. c. Registraire des marques de commerce et autres, (1994) 58 C.P.R. (3d) 417 (C.F. 1re inst.), à la page 182 : l’annonce d’un service sans qu’aucun service ne soit rendu ne constitue pas un usage.

4. Grants of St. James Ltd. c. Andres Wines Ltd.(1969) 58 C.P.R. 281 (registraire des marques de commerce M. Robitaille) : deux expéditions isolées de vin pour sonder le marché ne constituent pas un emploi.

5. King Features Syndicate, Inc. et. al. c. Lechter [1950] R.C. de l’Éch. 297, aux pages 306 et 307 : La remise de quelques échantillons promotionnels ne constitue pas un emploi.

6. Siscoe Vermiculite Mintes Ltd. c. Munn & Steele Inc. [1959] R.C. de l’Éch. 455, à la page 468 : Pour démontrer qu’il y a eu emploi, il faut qu’il y ait [traduction] « une distribution de marchandises arborant la marque en quantités suffisantes pour contribuer à faire connaître la marque par les personnes qui se livrent au commerce de ces marchandises au Canada ou par leurs clients [...] »

7. Mr. Goodwrench Inc. c. General Motors Corp.(1994) 55 C.P.R. (3d) 508 (C.F. 1re inst.), à la page 513 : Seul [traduction] « un emploi important et continu peut constituer un emploi antérieur ».

[27]  L’« emploi » invoqué dans Caricline Ventures était semblable à celui observé dans les sept affaires qui y sont citées. En ce qui concerne la preuve, le juge O’Keefe écrit ce qui suit au paragraphe 51 : « [L]a demanderesse s’est contentée d’affirmer que des ventes avaient déjà été réalisées : elle n’a cité aucun chiffre de vente et n’a produit aucune facture pour faire la preuve des prétendues ventes […] il ne savait pas combien d’articles […] [avaient été] vendus […] Aucun échantillon des articles arborant le mot « FARSIDE » qui auraient été vendus avant le 4 avril 1995 n’a été produit. […] [L]a demanderesse n’a pas été en mesure de produire des pièces indiquant le chiffre de vente d’articles Farside avant le 4 avril 1995 […] Il n’y a […] aucun élément de preuve qui permette de conclure que cette marchandise [achetée auprès de fournisseurs] a été vendue. » Il n’est pas étonnant que le juge O’Keefe ait conclu qu’« il ne suffit pas d’établir que la marque de commerce […] a déjà été utilisée ».

[28]  En l’espèce, la preuve relative au volume des ventes se distingue de celle présentée dans les précédents cités par HowSue. Selon le critère énoncé dans Siscoe Vermiculite, je conclus que la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait [traduction« une distribution de marchandises [de Yeti] arborant la marque en quantités suffisantes pour contribuer à faire connaître la marque par les personnes qui se livrent au commerce de ces marchandises au Canada ou par leurs clients [...] » Yeti a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, l’emploi de sa marque TUNDRA au Canada, en liaison avec les glacières (un type de [traduction] « récipients portables pour aliments et boissons »), avant le 29 octobre 2009.

(2)  Les marques Tundra de HowSue et TUNDRA de Yeti créent‑elles de la confusion?

[29]  Il convient d’apprécier la confusion en fonction des acheteurs probables des produits, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, y compris de celles prévues au paragraphe 6(5) de la Loi. Ce critère est expliqué dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, au paragraphe 20 :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques. […]

[30]  Les cinq facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi, qui doivent être pris en considération au moment de décider si des marques de commerce créent de la confusion, seront analysés dans l’ordre :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

Cette liste n’est pas exhaustive, et les autres facteurs invoqués peuvent également être considérés : Remo Imports Ltd c Jaguar Cars Ltd, 2007 CAF 258, au paragraphe 52.

Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[31]  HowSue soutient que la marque TUNDRA de Yeti n’est qu’un mot ordinaire et ne revêt qu’un faible caractère distinctif inhérent. Je suis d’accord.

[32]  Il me faut ensuite examiner la question de savoir si le mot « Tundra » a acquis un caractère distinctif à l’égard des produits visés de l’une ou l’autre des parties. HowSue soutient qu’au moment de sa demande de marque de commerce, les deux parties avaient au moins quelques ventes de réalisées. Toutefois, elle affirme qu’elle avait alors vendu des milliers d’articles à Loblaws et à d’autres détaillants, alors que Yeti n’avait vendu que plusieurs centaines d’unités à un seul détaillant, UK Canada.

[33]  Je suis d’accord avec Yeti pour dire qu’il est en grande partie non pertinent qu’elle n’ait pas réalisé que de grandes ventes avant la date d’enregistrement. Je suis également d’accord avec Yeti sur le fait que la preuve des ventes réalisées par HowSue est insatisfaisante. Les éléments de preuve produits par cette dernière pour l’ensemble des ventes comprennent la vente de biens non pertinents et des ventes effectuées par des fabricants tiers. HowSue possède les autres marques de commerce Tundra, qui couvrent un large éventail de produits disparates, et il est difficile de savoir exactement quels produits, parmi ceux mentionnés dans l’enregistrement de la marque Tundra de HowSue, ont effectivement été vendus.

[34]  La preuve produite par HowSue montrant ses ventes de produits réalisées au Canada en 2009, plus particulièrement, est insatisfaisante. Dans son affidavit supplémentaire, M. Liss jure qu’il a joint d’autres factures pour des bocaux à aliments en acier inoxydable, des bouteilles d’eau, des bouteilles thermiques, de grandes tasses et d’autres articles semblables, dont certains ont été vendus à Loblaws en vue d’en faire la vente au Canada, mais ceux‑ci ont été expédiés directement par des fournisseurs, en Chine, à l’entrepôt central de Loblaws au Canada, aux fins de distribution. La seule facture qui montre une « vente » par HowSue est datée du 20 mai 2009 et fait référence aux 396 [traduction« BOUTEILLES TUNDRA ABORANT LE LOGO “ME TO WE” » vendues à l’Académie Vaughan Road. Les deux autres factures de 2009 sont adressées à une société chinoise et concernent des « commissions » à verser à TGS pour des bocaux à aliments et à hydratation de marque Tundra. Ni l’une ni l’autre de ces factures ne montre que les produits ont été expédiés au Canada ou qu’ils ont été vendus par HowSue. L’inférence la plus évidente à tirer du fait que HowSue a adressé une facture à la société chinoise pour des commissions et qu’elle n’a pas facturé à l’acheteur la vente de produits est que HowSue n’était pas celle qui vendait les produits, mais qu’elle agissait plutôt comme représentante commerciale de la société chinoise.

[35]  HowSue soutient, et je suis d’accord, que, même si les consommateurs connaissent l’expression « YETI TUNDRA » utilisée en liaison avec les glacières TUNDRA, cela ne signifie pas que le mot « TUNDRA » employé seul a acquis une réputation : voir Dr Ing hcF Porche AG c Procycle Inc, [1992] COMC no 406 (Porche). Le caractère distinctif de la marque TUNDRA de Yeti se trouve amoindri par le fait que cette dernière n’est pas employée d’une manière qui crée une forte association entre le produit et la marque. Dans la preuve, le mot « TUNDRA » apparaît très rarement seul.

[36]  Dans les publicités, le produit est généralement décrit comme étant une [traduction« Glacière Tundra YETI », bien que, sur les autocollants et les étiquettes volantes, il soit décrit comme une « TUNDRA [numéro] » et que, sur le site Web, le terme [traduction« Série Tundra » soit utilisé. Dans la décision Porsche, le commissaire a fait remarquer que, comme le mot « Targa » a fait l’objet de plusieurs marques de commerce, cela pourrait en avoir réduit le caractère distinctif acquis, et je conviens qu’un parallèle peut être fait ici. Par conséquent, je conclus que ce fait diminue le caractère distinctif acquis de la marque TUNDRA de Yeti.

[37]  HowSue soutient également que le caractère distinctif de la marque TUNDRA de Yeti se trouve d’autant plus amoindri par le fait que celle‑ci ne figure que sur un autocollant ou une étiquette volante. Elle s’appuie sur l’arrêt BMW Canada Inc c Nissan Canada Inc, 2007 CAF 255 (BMW), pour dire que cette utilisation limitée n’est pas suffisante pour démontrer qu’il existait une liaison. L’utilisation de la marque TUNDRA de Yeti sur les produits est minime, mais les faits en l’espèce se distinguent de ceux de BMW. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu que la marque « M » de BMW était employée uniquement sur des publicités et du matériel de promotion et que, par conséquent :

De façon assez simple, en l’absence de preuve indiquant si les annonces publicitaires ou le matériel de promotion ont été donnés aux acheteurs lors du transfert des marchandises de BMW, il n’y a pas de preuve appuyant une conclusion de l’emploi des marques M et M6 selon la définition de ce terme dans la Loi.

Ce n’est pas le cas ici. En l’espèce, la preuve démontre que la marque TUNDRA de Yeti était employée sous forme d’autocollants (en 2009) ou d’étiquettes volantes (en 2017) lors du transfert. Il y avait également des boîtes contenant les produits sur lesquelles figurait la marque TUNDRA de Yeti.

[38]  Enfin, HowSue cite l’arrêt Hudson’s Bay Co c Baylor University, [2000] ACF no 984, 8 CPR (4th) 64 (CAF) (Hudson’s Bay), dans lequel la Cour d’appel fédérale a déclaré que le juge de première instance, dans son analyse relative à la confusion, avait négligé le fait que les marques de l’Université Baylor étaient en évidence sur les vêtements, alors que celles de la Compagnie de la Baie d’Hudson ne figuraient que sur les étiquettes et les pattes. Bien que je sois d’accord avec HowSue pour dire que la marque TUNDRA de Yeti employée sur les glacières est de faible dimension et qu’elle pourrait être enlevée, la situation est très différente de celle observée dans l’arrêt Hudson’s Bay. Dans cette affaire, le fait que la marque de la Compagnie de la Baie d’Hudson figurait uniquement sur les étiquettes était important, dans la mesure où une comparaison y était faite avec des « vêtements collégiaux » portant bien en évidence la marque d’universités :

[…] Sur ce point, il convient de répéter que la Compagnie de la Baie d’Hudson ne met pas ses marques bien en évidence, de telle façon qu’il y a possibilité de confusion avec les marques d’universités américaines.

[39]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’à la date de la demande de marque de commerce de HowSue, la marque TUNDRA de Yeti avait acquis un certain caractère distinctif en liaison avec ses glacières. Ce facteur favorise donc la conclusion qu’il y avait confusion.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40]  Ce facteur favorise une conclusion de confusion. La preuve démontre que Yeti utilise la marque TUNDRA de Yeti depuis juin 2008, alors que deux des factures de 2009 de HowSue montrent seulement que sa prédécesseure a facturé une commission, après avoir demandé au fabricant de vendre les produits : elle ne les a pas vraiment vendus. La troisième facture montre la vente de 396 bouteilles à une école et décrit ces dernières comme étant des [traduction« BOUTEILLES TUNDRA ARBORANT LE LOGO “ME TO WE” », et il n’y a aucune preuve qu’elles portaient effectivement la marque Tundra de HowSue.

Les différences dans le genre de produits

[41]  Yeti soutient que le genre de produits est très similaire. La société souligne que, dans le système international de classification, les deux ont été placés dans la classe 21 par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Les produits des deux parties offrent une isolation et un endroit où stocker des aliments et des boissons.

[42]  HowSue soutient que les produits sont différents. Elle affirme que Yeti vend des glacières haut de gamme pour le camping, qui coûtent des centaines de dollars, alors que HowSue vend de petits articles ménagers portatifs, comme des bouteilles pour boire en plastique, des contenants pour le dîner et des théières, et que Yeti ne vend pas de tels articles en liaison avec la marque TUNDRA de Yeti.

[43]  Je suis d’accord avec Yeti sur le fait que l’enregistrement de HowSue est pertinent, parce qu’il procure à la société une vaste protection. Dans l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 (Masterpiece), la Cour suprême du Canada énonce clairement que le fait de considérer uniquement l’emploi réel pose problème, parce que la question consiste à déterminer ce que l’enregistrement autorise, et non l’usage qu’en fait actuellement une partie. L’enregistrement accordé concerne des [traduction« [a]rticles ménagers, nommément récipients thermiques pour boissons, bouteilles d’eau, trousses‑repas, boîtes‑repas et récipients pour aliments ». Il est clair que YETI fabrique des récipients pour aliments, bien que ceux‑ci soient de grande taille. Ainsi, le genre de produits est quelque peu similaire. Par conséquent, je conclus que ce facteur favorise légèrement la conclusion qu’il y avait confusion.

Les différences dans la nature du commerce

[44]  HowSue soutient que les différences dans la nature du commerce sont importantes. Elle vend ses produits dans les supermarchés et les magasins de détail au rabais, tandis que Yeti vend les siens par l’entremise de détaillants d’équipement de plein air : voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 (Mattel).

[45]  Selon Yeti, il n’est pas nécessaire de démontrer que les produits ont été vendus dans le même magasin; ce qui importe, c’est plutôt de savoir s’ils pourraient être vendus au même endroit : voir Cartier Inc c Cartier Optical Ltd, (1988), 17 FTR 106, 20 CPR (3d) 68 (CF 1re inst). Yeti souligne que, bien que les deux parties vendent actuellement leurs produits dans des magasins différents, elles vendent bel et bien ceux‑ci au même niveau du circuit de distribution : Distribution Prosol PS Ltd c Custom Building Products Ltd, 2015 CF 1170 (Distribution Prosol). Il est important de souligner que, selon Yeti, il est possible qu’un des magasins qui vend ses glacières offre également des produits arborant la marque Tundra de HowSue.

[46]  Tel qu’il a été expliqué dans la décision Distribution Prosol, il convient d’examiner à quel endroit les produits pourraient être vendus, et non ceux où ils le sont déjà :

En évaluant le facteur de la nature du commerce, il importe de se demander non pas si les parties vendent leurs produits par l’intermédiaire d’un circuit donné, mais bien si elles ont le droit de le faire (Masterpiece, au paragraphe 59; Pink Panther, au paragraphe 32). Ceci dit, les tribunaux devraient tenir compte du commerce actuel d’une partie pour fonder leur décision concernant la probabilité de chevauchement (Alticor Inc. c Nutravite Pharmaceuticals Inc, 2005 CAF 269, au paragraphe 37; Tradition Fine Foods Ltd c Oshawa Group Ltd, 2005 CAF 342, au paragraphe 11).

[47]  En l’espèce, les deux sociétés réalisent leurs activités au même niveau du circuit de distribution et pourraient vendre leurs produits à partir des mêmes voies commerciales. Il ressort du dossier que les détaillants de Yeti sont des détaillants « spécialisés » pour les amateurs de camping et de plein air, tandis que les produits de HowSue sont vendus dans des « magasins à grande surface ». Cependant, il n’est pas clair pour moi qu’un magasin qui stocke et vend des glacières TUNDRA de Yeti ne pourrait pas aussi avoir en stock des produits de HowSue, étant donné que les bocaux isolés et les récipients pour aliments sont également utiles pour le camping et les activités extérieures. Par conséquent, ce facteur est légèrement favorable à l’allégation de confusion de Yeti.

Le degré de ressemblance

[48]  Ce facteur est favorable à l’allégation de confusion de Yeti. La marque est un mot servant de marque, et les deux parties utilisent le même mot.

Les autres circonstances de l’espèce

[49]  HowSue soutient qu’il est pertinent que Yeti utilise le mot « TUNDRA » en liaison avec le mot « YETI » et que, par conséquent, seul « YETI » revêt un caractère distinctif. Je suis d’accord avec Yeti pour dire que cette observation doit être rejetée. Tel qu’il a été expliqué plus haut, j’ai déjà établi que l’utilisation combinée des mots « Yeti » et « TUNDRA » diminuait le caractère distinctif qu’a acquis la marque TUNDRA de Yeti. Toutefois, cela ne veut pas dire que la marque TUNDRA de Yeti ne peut pas également avoir son propre caractère distinctif. Dans la décision Groupe Procycle Inc c Chrysler Group LLC, 2010 CF 918, la Cour a fait remarquer que la Loi n’établissait pas de distinction entre les marques primaires et les marques secondaires. Chaque marque peut acquérir un caractère distinctif et bénéficier d’un achalandage particulier.

[50]  HowSue a également soutenu que le prix plus élevé de la glacière TUNDRA de Yeti était pertinent, parce qu’il inciterait le consommateur ordinaire à faire plus attention : voir l’arrêt Mattel. Yeti a soutenu que, bien que le prix puisse être un facteur, le critère demeure celui de la première impression et que les producteurs et les consommateurs de biens onéreux ne devraient pas perdre le bénéfice de la protection de la marque : voir l’arrêt Masterpiece. Je suis d’accord avec Yeti. Tel qu’il a été expliqué dans l’arrêt Masterpiece :

[…] Ce qui compte, c’est la confusion qui naît dans son esprit lorsqu’il voit les marques de commerce. Il ne faut pas déduire de la dissipation ultérieure de la confusion au terme de recherches approfondies qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cessera de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

Quoi qu’il en soit, je fais remarquer que, bien que le niveau de prix des glacières TUNDRA de Yeti soit plus élevé, il n’en va pas de même des produits de HowSue. Le consommateur ordinaire qui regarde les bocaux thermiques de HowSue pour aliments pourrait ne pas y prêter beaucoup d’attention et les confondre avec les glacières TUNDRA de Yeti. Par conséquent, j’accorde peu de poids à ce facteur.

Conclusion

[51]  D’après l’analyse ci‑dessus des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), je conclus qu’à la date de la demande d’enregistrement de HowSue, le 29 octobre 2009, la marque Tundra de HowSue portait à confusion avec la marque TUNDRA de Yeti. Par conséquent, HowSue n’avait pas le droit d’obtenir l’enregistrement qui lui a été délivré.

[52]  Compte tenu des conclusions que j’ai tirées quant à la confusion à la date de l’enregistrement, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument de Yeti selon lequel la marque n’était pas distinctive à l’époque où la présente demande a été déposée. Quoi qu’il en soit, je formulerai des observations au sujet de l’alinéa 18(1)b).

B.  Analyse relative à l’alinéa 18(1)b)

[53]  Yeti affirme qu’aux termes de l’alinéa 18(1)b) de la Loi, la marque Tundra de HowSue n’était pas distinctive des produits de HowSue figurant dans l’enregistrement au moment du dépôt de la présente demande (le 2 novembre 2017), parce qu’à cette époque, elle portait à confusion avec la marque TUNDRA plus ancienne de Yeti.

[54]  En plus de l’analyse précédente concernant la confusion entre ces deux marques à la date de la demande d’enregistrement, Yeti a fourni des éléments de preuve supplémentaires à l’appui des ventes réalisées après cette date.

[55]  Yeti a continué de vendre ses produits auprès de UK Canada en 2010 (561 unités), en 2011 (561 unités) et en 2012 (660 unités). À compter de 2013, Yeti a réalisé les ventes suivantes auprès de UK Canada et d’autres acheteurs : 2013 (606 unités), 2014 (1 004 unités), 2015 (141 unités) et 2016 (392 unités).

[56]  Au cours des 10 premiers mois de l’année 2017, Yeti a vendu 2 374 glacières TUNDRA au Canada, en plus de 80 échantillons, et a réalisé 60 ventes en ligne. À ce moment‑là, les glacières TUNDRA étaient vendues dans une quarantaine de magasins de détail que HowSue décrit comme des [traduction« détaillants spécialisés haut de gamme », tels que Mountain Equipment Co‑op, SAIL et Cabela’s. Yeti a réalisé un chiffre d’affaires de 719 828 $US au Canada, en 2017.

[57]  M. Kubala a présenté une grande quantité d’éléments de preuve dans son premier affidavit pour appuyer l’allégation selon laquelle la marque TUNDRA de Yeti était bien connue au Canada. Il a expliqué que, depuis 2008, Yeti avait consacré au moins 20 millions de dollars américains à la publicité et à la promotion des glacières TUNDRA. Toutefois, comme le souligne HowSue, M. Kubala n’est pas en mesure d’expliquer quelle part de cet argent, le cas échéant, a été dépensée au Canada.

[58]  M. Kubala soutient également que le site Web de Yeti a été consulté plus d’un million de fois à partir d’adresses IP du Canada, et que de nombreux Canadiens sont abonnés à ses plateformes de médias sociaux : 18 616 abonnés sur Instagram, 2 100 sur Twitter, 4 953 sur Facebook et 55 sur YouTube.

[59]  M. Kubala a également présenté des critiques à l’égard des produits de Yeti, qui sont tirées du site amazon.ca, la version canadienne du détaillant en ligne Amazon. Cependant, comme le souligne HowSue, le jour où celles‑ci ont été imprimées (le 24 novembre 2017), il n’y avait aucune critique canadienne et toutes celles formulées émanaient des États‑Unis. Yeti a produit quatre critiques à l’égard de la glacière YETI TUNDRA 45, tirées du site Web de l’entreprise canadienne Mountain Equipment Co‑op.

[60]  Malgré les questions que soulève HowSue au sujet de certains de ces éléments de preuve, la preuve établit bel et bien, à ma satisfaction, que la marque TUNDRA de Yeti était et a continué d’être connue au Canada en liaison avec les glacières TUNDRA.

[61]  HowSue soutient qu’il n’y a aucune preuve de confusion réelle et que Yeti n’était pas au courant de l’existence de la marque Tundra de HowSue, jusqu’à ce qu’elle demande l’enregistrement de la marque TUNDRA de Yeti. Selon HowSue, ceci me permet de tirer une inférence défavorable quant à l’existence de confusion : voir Sky Solar Holdings Co c Skypower Global, 2014 COMC 262 (Sky Solar). J’accorde peu de poids à cet argument. La décision Sky Solar concernait une industrie spécialisée, à savoir l’installation de panneaux solaires, un fait sur lequel a insisté la commissaire dans cette affaire. Cette dernière a fait remarquer que, bien qu’il ne soit pas nécessaire de prouver qu’il y a confusion pour conclure que tel est effectivement le cas, une inférence défavorable peut être tirée de l’absence de tout cas de confusion signalé, compte tenu du recoupement des marchandises et des voies de commercialisation au sein de l’industrie spécialisée. Cette industrie est très différente de celle du commerce de détail en cause en l’espèce. En outre, dans Sky Solar, la commissaire a tiré une inférence défavorable du témoignage du déposant de l’opposante, qui avait demandé à ses employés si des tiers avaient signalé des cas de confusion. Contrairement à l’installation de panneaux solaires, Yeti vend des produits à ses clients principalement par l’entremise de détaillants, et le fait que personne n’ait signalé de cas de confusion à Yeti n’exclut pas la possibilité que les consommateurs puissent tout de même confondre les marques.

[62]  Par conséquent, je conclus qu’à la date du dépôt de la présente demande, la marque Tundra de HowSue n’était pas distinctive des produits de HowSue, puisqu’elle portait à confusion avec la marque TUNDRA plus ancienne de Yeti.

Conclusion

[63]  Pour ces motifs, la demande doit être accueillie et l’enregistrement 631 doit être radié.

[64]  Yeti a droit aux dépens à l’égard de la présente demande. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles peuvent présenter des observations écrites ne dépassant pas cinq pages, dans les deux semaines suivant la date des présents jugement et motifs.


JUGEMENT dans le dossier T-1674-17

LA COUR STATUE que la demande en radiation est accueillie, que l’enregistrement de la marque de commerce canadienne no LMC866631 pour la marque Tundra de la défenderesse doit être radié et que la demanderesse a droit aux dépens, conformément aux présents motifs.

« Russel W. Zinn »

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de juin 2019.

C. Laroche, traducteur


Annexe A

a) Marque no LMC882615 (l’enregistrement 615), enregistrée depuis le 22 juillet 2014, en vue de l’emploi de « Tundra » en liaison avec ce qui suit : [traduction] « Planchettes pour la lecture et l’écriture; lampes de poche, nommément lampes de lecture orientables, lampes frontales, lampes de lecture rechargeables et lampes de poche à manivelle; modules de rangement pour télécommandes de téléviseurs et d’appareils électroniques, nommément modules de rangement d’accoudoir; supports à lunettes, nommément supports à lunettes en argile ayant la forme de divers animaux; porte‑monnaie et trieuses de monnaie; appareils de localisation de clés, nommément appareils de localisation de clés à télécommande; machines à battre les cartes à jouer; nécessaires de manucure; jeux portatifs, nommément jeu de cible gonflable (avec des balles au lieu de fléchettes), jeu de basketball à retour de ballon automatique, mini‑jeu de billard électrique, jeu de tir ayant la forme d’un animal, mini‑jeu de hockey pneumatique et jeu de poches; appareil antipeluche; brosses antipeluches; taille‑poils; coffres‑forts; stylets; canifs; miroirs antibuée; outils, nommément outils d’urgence dotés d’une chaîne porte‑clés; aspirateurs; éthylomètres; couvertures; grattoirs à glace; jouets pour la neige, nommément accessoires pour bonhomme de neige; convertisseurs électroniques, nommément convertisseurs portatifs de 200 watts dotés de prises USB ayant la forme d’un gobelet; thermomètres à vin; nettoyants pour lentilles et écrans; modules de rangement pour penderie, nommément supports pour ceintures et foulards; tirelires, nommément tirelires numériques ayant diverses formes; parapluies »;

b) Marque no LMC952656 (l’enregistrement 656), enregistrée depuis le 19 octobre 2016, en vue de l’emploi de « Tundra » en liaison avec ce qui suit : [traduction] « Bagage, nommément valises souples, valises rigides, housses à vêtements, valises pullman, sacs polochons, sacs à équipement, mallettes, porte‑documents, serviettes pour documents, sacs pour articles de toilette, fourre‑tout, sacs à main, sacs pour accessoires de voyage et sacs à cosmétiques; équipement de camping, nommément sacs à dos et havresacs ainsi que portefeuilles ».



 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.