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Date : 20190315

Dossier : IMM‑3607‑18

Référence : 2019 CF 320

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 mars 2019

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

YANJUNG DONG (ALIAS YANJUN DONG)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Yanjung Dong, conteste une décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) a rejeté l’appel qu’il a interjeté contre une mesure d’exclusion prise à son endroit. Les problèmes d’immigration de M. Dong découlent d’une fausse déclaration qu’il a admise en ce qui concerne un faux mariage qui lui avait permis d’obtenir le statut de résident permanent.

[2]  La demande de réparation de M. Dong était fondée sur des motifs allégués d’ordre humanitaire. La SAI n’a pas été convaincue par la preuve qu’il a présentée et a rejeté son appel. M. Dong dépose la présente demande sur la foi d’une allégation selon laquelle le consultant en immigration qui le représentait devant la SAI était incompétent. M. Dong reproche notamment au consultant de ne pas avoir présenté une preuve corroborante adéquate au sujet des difficultés qu’il vivrait en Chine en raison de son homosexualité et de ses problèmes respiratoires.

[3]  La SAI a accepté l’affirmation de M. Dong selon laquelle il est homosexuel, mais elle n’y a pas accordé d’importance, car la preuve qu’il a produite n’établissait pas que les homosexuels étaient confrontés à un niveau élevé de difficultés en Chine. La SAI n’a pas non plus tenu compte de ses antécédents médicaux d’asthme et d’allergies, car il avait souffert de ces problèmes en Chine et avait reçu des traitements pour ceux‑ci, et, de toute manière, il aurait pu vivre dans une région non polluée dans ce pays.

[4]  Il est évident que M. Dong a suivi le protocole de la Cour fédérale en ce qui concerne les affaires mettant en cause des allégations d’incompétence contre un représentant professionnel. Ses allégations ont été transmises à son ancien consultant, qui y a répondu par l’entremise de son avocat. M. Dong a laissé entendre que son consultant ne lui avait pas dit qu’il devait obtenir une preuve corroborante de ses études au Canada, de sa propriété antérieure d’un condominium, de ses antécédents professionnels au Canada, de son état de santé, et du risque auquel il serait exposé en Chine en raison de son orientation sexuelle.

[5]  Le consultant a soit rejeté les allégations de M. Dong, soit tenté de les présenter dans un contexte plus général. Par exemple, il a affirmé que le fait que M. Dong avait été propriétaire d’un condominium n’était pas pertinent pour prouver son degré d’établissement actuel. Il a également affirmé que la preuve des antécédents professionnels de M. Dong au Canada était si faible qu’il ne convenait pas de produire une preuve supplémentaire à cet égard.

[6]  Les deux seules questions qu’a tenté d’exploiter M. Dong dans le cadre de la présente demande concernent son état de santé et le risque auquel il serait exposé en Chine en raison de son orientation sexuelle. Il affirme que le consultant aurait dû présenter des éléments de preuve plus convaincants en décrivant la situation des homosexuels en Chine et en démontrant que les personnes asthmatiques y sont exposées à un risque sérieux en raison de la pollution. M. Dong s’est notamment offusqué de l’allégation du consultant selon laquelle il lui aurait dit qu’il n’est pas homosexuel et qu’il avait inventé [traduction] « les histoires relatives à son homosexualité ». Selon lui, cette affirmation est tout à fait incompatible avec la preuve qu’il a fournie à la SAI lorsque le consultant l’a interrogé.

[7]  Dans le cadre de la présente demande, M. Dong n’a produit aucune preuve qui tendrait à prouver un degré d’établissement au Canada, à part le vague témoignage qu’il a fait devant la SAI. Au moment de l’audience, il était sans emploi. Lorsqu’on l’a interrogé au sujet de la manière dont il avait subvenu à ses besoins au cours des dix dernières années, il a répondu de façon énigmatique comme suit :

[traduction] APPELANT : Je me suis simplement associé à d’autres amis pour faire de petites activités et, parfois, j’achète quelque chose […] Par exemple, des gens qui vivent en Chine demandent quelque chose au Canada et je la leur achète et j’obtiens des devises en échange, le taux de change ou d’autres frais, divers frais.

[8]  Il a également témoigné qu’il n’avait essentiellement aucune relation sociale à Toronto et aucune famille au Canada. Il a aussi déclaré devant la SAI qu’il n’avait aucun engagement ou aucune activité sociale ou communautaire importante. Sa dernière relation amoureuse a pris fin en 2008. Compte tenu de cette preuve, la SAI a conclu sa décision de la façon suivante :

[21] Je conclus que l’appelant a délibérément fait une fausse déclaration afin d’obtenir frauduleusement un statut au Canada. Par conséquent, j’estime que l’appelant doit satisfaire à un seuil très élevé de motifs d’ordre humanitaire pour que la prise de mesures spéciales soit justifiée.

[22] Bien que l’appelant ait passé 15 ans au Canada, il n’a pas été en mesure de présenter d’éléments de preuve liés à son établissement. Il n’a pas de liens familiaux au Canada, et les éléments de preuve ne donnent pas à penser qu’il a bénéficié d’un soutien au sein de la collectivité. J’ai accordé peu de poids au fait que l’appelant souffre d’allergies, parce qu’il peut être traité pour celles‑ci en Chine et déménager dans un endroit où il y a moins de pollution. J’ai également accordé peu de poids aux difficultés qu’il vivrait en raison de son orientation sexuelle. L’appelant peut choisir de vivre éloigné de sa famille en Chine, comme il l’a fait au Canada, pour se soustraire à la pression qu’elle exerce. Les éléments de preuve, de plus, n’appuient pas l’affirmation voulant que le traitement des homosexuels en Chine puisse donner lieu à des difficultés importantes, mais plutôt que des attitudes conservatrices prévalent toujours dans de nombreuses régions du pays. C’est la raison pour laquelle j’ai accordé peu de poids aux difficultés que vivrait l’appelant en raison de son orientation sexuelle.

[23] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il n’y a pas, dans le cas de l’appelant, de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. Par conséquent, l’appel est rejeté.

[9]  Le principal argument de M. Dong est que le consultant aurait dû présenter une preuve beaucoup plus solide sur la situation des homosexuels en Chine. Il invoque également le manquement grave à la déontologie qu’a commis le consultant en falsifiant une réponse à l’allégation d’incompétence ou en lui permettant de faire un faux témoignage devant la SAI au sujet de son orientation sexuelle.

[10]  Je prends note de l’argument de M. Dong voulant que, d’une façon ou d’une autre, le consultant n’a pas agi de façon professionnelle. Si M. Dong lui a dit qu’il n’est pas homosexuel, il était contraire à l’éthique qu’il soutire de M. Dong des éléments de preuve démontrant le contraire. La seule autre possibilité est que le consultant n’a pas été honnête à propos de ce que lui a dit M. Dong.

[11]  Les allégations d’incompétence formulées par M. Dong se rapportent toutefois au fait que le consultant n’a présenté aucun élément de preuve corroborant à la SAI en ce qui a trait aux difficultés que vivent les homosexuels en Chine. Je prends note de l’argument de M. Dong selon lequel une preuve plus convaincante aurait pu être présentée, mais il en est ainsi pour presque toutes les affaires qui sont soumises à un tribunal. Il n’existe pas de dossier de preuve parfait, car il sera sans doute toujours possible de produire une meilleure preuve ou une preuve plus convaincante.

[12]  Le critère juridique à appliquer pour infirmer une décision fondée sur la représentation incompétente a été formulé récemment par le juge Patrick Gleeson dans le passage suivant de la décision Badihi c Canada, 2017 CF 64, 277 ACWS (3d) 163 :

[17] Le juge Russell a établi le critère à appliquer pour examiner les allégations de représentation inefficace ou incompétente de la part d’un avocat dans Galyas, en formulant les observations ci‑après au paragraphe 84 :

[84]  Il est généralement reconnu que si un demandeur souhaite établir un manquement à l’équité procédurale sur ce point, il doit :

a. corroborer l’allégation en avisant l’ancien conseil et en lui donnant la possibilité de répondre;

b. établir que les actes ou les omissions de l’ancien conseil relevaient de l’incompétence, indépendamment de l’avantage de l’analyse et de la sagesse rétrospectives;

c. établir que le résultat aurait été différent n’eût été l’incompétence. [Sources omises]

[18] Il incombe aux demandeurs d’établir les éléments de rendement et de préjudice du critère pour démontrer l’existence d’un manquement à l’équité procédurale. Les parties s’entendent pour dire que le critère est très rigoureux. Comme le juge Richard Mosley l’a fait remarquer au paragraphe 9 dans Jeffrey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 605 :

[9] […] La partie qui invoque l’incompétence doit établir qu’elle a subi un préjudice important et que ce préjudice découle des actions ou omissions du conseil incompétent. Il faut démontrer qu’il est raisonnablement probable que, n’eût été les erreurs commises par le conseil par manque de professionnalisme, l’issue de l’instance aurait été différente.

[13]  Je ne suis pas convaincu que M. Dong s’est acquitté du lourd fardeau susmentionné. Compte tenu de la gravité de sa propre inconduite et de la grande faiblesse de ses éléments de preuve liés à son établissement au Canada, il est, à tout le moins, peu probable qu’une conclusion favorable soit rendue à l’égard de l’existence de motifs d’ordre humanitaire. En effet, les éléments de preuve produits dans le cadre de la présente demande n’établissaient pas qu’il vivrait de graves difficultés en Chine en raison de son état de santé ou de sa prétendue orientation sexuelle. En fin de compte, les éléments de preuve présentés afin d’obtenir la prise de mesures fondées sur des motifs d’ordre humanitaire étaient faibles, et il n’est pas surprenant que des éléments de preuve plus convaincants n’aient pas été produits, car il était tout simplement impossible de produire des éléments de preuve encore plus convaincants.

[14]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier et la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3607‑18

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de mai 2019

Manon Pouliot, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3607‑18

INTITULÉ :

YANJUNG DONG (ALIAS YANJUN DONG) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 MARS 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

DATE DES MOTIFS :

Le 15 MARS 2019

COMPARUTIONS :

David Orman

Pour le demandeur

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Orman

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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