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Date : 20190318


Dossier : T‑330‑18

Référence : 2019 CF 331

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

HARRY DENIS ADAMIDIS

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Harry Denis Adamidis, sollicite le contrôle judiciaire de la décision (la décision) de la directrice générale, Gestion intégrée des ressources, de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR), qui a confirmé son rejet, après l’examen initial, du grief de classification qu’il avait déposé. La demande de contrôle judiciaire est présentée aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1983, c F‑7.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

I.  Les faits

[3]  Le demandeur est un commissaire de la Section de l’immigration (la SI) de la CISR. Le poste de commissaire de la SI est classifié au niveau PM‑06 dans la structure de classification de la fonction publique fédérale que le Conseil du Trésor a établie en tant qu’employeur. Le poste de commissaire de la SI est classé au niveau PM‑06 depuis septembre 2006, date à laquelle la CISR a mis en œuvre la décision Lapointe c Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 724, et a classifié à nouveau le poste, le faisant passer du niveau PM‑05 au niveau PM‑06 rétroactivement à 2001.

[4]  Pour remettre cette demande en contexte, mentionnons que la CISR compte quatre sections : la SI, la Section d’appel de l’immigration (la SAI), la Section de la protection des réfugiés (la SPR) et la Section d’appel des réfugiés (la SAR). Les commissaires de la SI et de la SPR occupent des postes classifiés au niveau PM‑06. La Commission de la fonction publique dote en personnel ces postes aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22. Les commissaires de la SAI et de la SAR sont des personnes nommées par le gouverneur en conseil, conformément au paragraphe 153(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[5]  Le 14 janvier 2016, le demandeur a écrit au président de la CISR pour lui dire que la classification du poste de commissaire de la SI n’était pas conforme aux instruments de politique du Conseil du Trésor en matière de classification. Ils se sont rencontrés le 28 juin 2016.

[6]  Le demandeur a ensuite rencontré la direction de la CISR le 22 juillet 2016 et a été informé que les personnes nommées à la CISR par le gouverneur en conseil n’étaient pas comparables aux commissaires de la SI à des fins de classification, puisqu’elles ne travaillent pas à cette fin dans la fonction publique. La direction de la CISR a également déclaré que le poste de commissaire de la SI était correctement classifié selon la norme relative au groupe PM.

[7]  Le 8 décembre 2016, le demandeur a présenté au président des observations écrites concernant ses préoccupations en matière de classification. Au nom des commissaires de la SI, il a demandé qu’un comité de classification soit convoqué pour évaluer s’il était raisonnable de classifier le poste de commissaire de la SI en utilisant la norme de classification relative au groupe PM. Il a fait remarquer que la valeur du travail que les commissaires de la SI effectuaient avait été déterminée à l’aide d’une norme d’évaluation du travail établie il y a 28 ans. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Ce qui est plus préoccupant, c’est que la CISR ne respecte pas la Politique sur la classification du Conseil du Trésor. La section 5.1.1 de cette politique précise clairement que les employés doivent être rémunérés en fonction de la valeur relative de leur travail. La décision actuelle sur la classification des commissaires de la SI indique explicitement que la valeur de notre travail s’apparente à celui du travail des titulaires de postes GCQ‑3. Malgré cela, nous sommes rémunérés bien en deçà de la norme de l’industrie.

[8]  La section 5.1.1 de la Politique sur la classification du Conseil du Trésor, qui a été présentée en 2015 (la Politique sur la classification de 2015) prévoit notamment qu’elle appuie l’établissement équitable, uniforme et efficace de la valeur relative du travail au sein de l’administration publique centrale (l’APC). Dans ses observations, le demandeur a déclaré que le personnel de la CISR l’avait informé que les comparaisons entre les commissaires de la SI et les personnes nommées par le gouverneur en conseil ne pouvaient pas être faites, parce que ces comparaisons renvoient à des types d’emploi distincts. Le demandeur a fait valoir que cette position contrevenait à la Politique sur la classification de 2015.

[9]  Le 2 juin 2017, Mme Piret, gestionnaire, Design organisationnel et Classification, à la CISR a répondu aux observations du demandeur, du 8 décembre 2016. Elle s’est excusée de sa réponse tardive, et a déclaré qu’il était nécessaire de confirmer certains renseignements avant de répondre. Mme Piret a rejeté la demande du demandeur de convoquer un comité de classification. Voici l’essentiel de sa lettre (la lettre de Mme Piret) pour les besoins de la présente demande :

[traduction]

Dans votre lettre, vous parlez d’exercices semblables qui ont eu lieu à la Commission des oppositions des marques de commerce (en 1999) et au Tribunal de santé et sécurité au travail (en 2008). D’après les renseignements recueillis auprès de ces deux (2) organisations, l’attribution du groupe PM a été maintenue dans les deux cas. Nous avons demandé aux deux organisations si elles avaient pris une nouvelle décision depuis la formation des derniers comités de classification. Dans les deux (2) cas, l’attribution du groupe est demeurée inchangée. Ces décisions appuient la décision de la CISR de classifier le poste de commissaire dans le groupe PM. Par conséquent, nous ne convoquerons pas de comité de classification pour examiner l’attribution du groupe en ce qui concerne le poste de commissaire.

De plus, contrairement à ce qui est mentionné dans votre lettre, les postes de commissaire nommé par le gouverneur en conseil ne sont pas assujettis à la Politique sur la classification du Conseil du Trésor. Par conséquent, nous croyons être en conformité avec la section 5.1.1 de la Politique.

[10]  Le 22 juin 2017, le demandeur a déposé un grief de classification (le grief) au nom des commissaires de la SI. La mesure corrective demandée dans le grief visait à ce que [traduction] « mon poste soit classifié d’une manière conforme à la section 5.1.1 de la Politique sur la classification du Conseil du Trésor ». La date de l’acte donnant lieu au grief a été fixée au 2 juin 2017.

[11]  Le 20 juillet 2017, Mme Wyant, directrice générale, Direction générale de la gestion intégrée des ressources, à la CISR, a rejeté le grief, au motif qu’il avait été déposé en dehors des délais prescrits. Elle a déclaré que la plus récente mesure de classification affectant le poste de commissaire de la SI avait été prise le 26 septembre 2006. Elle a cité la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive sur les griefs de classification (la Directive) du Conseil du Trésor, qui prévoit ce qui suit :

1.3.1 Un employé doit présenter un grief de classification au plus tard 35 jours civils après la date à laquelle il a reçu un avis l’informant d’une mesure ou d’une circonstance affectant la classification du poste qu’il occupe ou, si l’employé ne reçoit aucun avis de ce type, 35 jours civils après le jour où il apprend l’existence de cette mesure ou de cette circonstance.

[12]  Le demandeur a répondu le 14 août 2017 que les plaignants formulaient un grief à l’égard de la décision de la CISR de ne pas traiter d’une question de classification liée à la politique du Conseil du Trésor. Ils ne se plaignaient pas de la mesure de classification de 2006. Le demandeur a fait valoir que le refus du 2 juin 2017 de convoquer un comité de classification (la lettre de Mme Piret) était une nouvelle décision qui constituait une circonstance affectant la classification du poste des plaignants au sens de la section 1.3.1.

[13]  Le 11 septembre 2017, Mme Wyant a répondu au demandeur. Elle a fait référence à ses observations du 8 décembre 2016, lesquelles mentionnaient deux organisations du gouvernement fédéral qui avaient formé un comité de classification. Elle a déclaré que la lettre de Mme Piret clarifiait ces mentions et ne constituait pas une décision de classification, car aucune description de poste n’avait été examinée par un comité de classification. La dernière décision de classification a été rendue en septembre 2006. Mme Wyant a expliqué que la raison de sa réponse du 20 juillet 2017 au grief était d’informer le demandeur que le délai de présentation d’un grief de classification avait expiré. Elle a également souligné que la CISR n’avait pas le pouvoir d’élaborer ou de modifier des normes de classification existantes. Sa lettre se termine de la manière suivante :

[traduction]

Si vous pensez qu’il serait utile d’organiser une rencontre pour discuter de la directive sur la classification et pour que le mandat d’un comité de règlement des griefs de classification soit expliqué, je serais ravie de le faire. Vos nombreuses références aux personnes nommées par le gouverneur en conseil ne constituent pas une base de comparaison en ce qui concerne le processus d’évaluation de la classification : le mandat de ces personnes exige le recours à des normes de classification qui sont en place au sein de l’administration publique centrale.

[14]  Le 25 octobre 2017, le demandeur a présenté une réponse. Il a déclaré que le grief était fondé sur une circonstance affectant la classification du poste de commissaire de la SI. Le problème était que la méthode actuelle de classification du poste ne correspondait pas à la Politique sur la classification de 2015. Le demandeur a fait valoir ce qui suit :

[traduction]

Il s’agit d’une nouvelle question que la CISR n’a pas encore réglée. Le 2 juin 2017, Nadine Piret a informé les commissaires de la SI que la CISR ne résoudrait pas cette question. Cela a déclenché le grief.

[15]  Le demandeur a de nouveau demandé pourquoi une violation de la Politique sur la classification de 2015 ne constituait pas « une circonstance affectant la classification du poste ».

[16]  Mme Wyant a répondu au demandeur au moyen d’une lettre datée du 24 janvier 2018. Sa réponse est la décision faisant l’objet du contrôle dans le cadre de la présente demande.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[17]  Dans la décision, Mme Wyant a fait référence à sa lettre du 20 juillet 2017 et a réitéré que le grief a été rejeté parce qu’il a été déposé en dehors des délais prescrits. La dernière décision de classification affectant le poste de commissaire de la SI a été prise en septembre 2006.

[18]  Mme Wyant a également répondu à la question du demandeur concernant la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive, qui permet la présentation d’un grief de classification fondé sur une mesure ou une circonstance affectant la classification du poste du plaignant. Elle a fait remarquer que le demandeur avait demandé pourquoi les postes de commissaire de la SI n’étaient pas comparés aux postes à la CISR dont les titulaires sont nommés par le gouverneur en conseil. Mme Wyant a expliqué que la comparaison ne pouvait être faite, parce que les personnes nommées par le gouverneur en conseil n’étaient pas visées par la définition de personne « employée dans la fonction publique » au sens de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22 (la LRTSPF).

III.  Les questions en litige

[19]  Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions concernant la décision. Je vais aborder les questions suivantes, car elles sont déterminantes pour l’issue de la demande :

  1. La décision de rejeter le grief au motif qu’il a été présenté en dehors des délais prescrits était‑elle raisonnable?

  2. Le rejet du grief à l’étape de l’examen initial a‑t‑il porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur?

[20]  Les parties ont également soumis des observations écrites et orales au sujet de la question de savoir si les postes à la CISR dont les titulaires sont nommés par le gouverneur en conseil pouvaient être utilisés comme éléments de comparaison au titre de la classification en ce qui concerne les postes de commissaire de la SI, et de celle de savoir si Mme Wyant a conclu de façon déraisonnable, dans la décision, qu’il était interdit à la CISR de le faire.

[21]  La décision comporte deux aspects. D’abord, Mme Wyant a confirmé sa décision du 20 juillet 2017 selon laquelle le grief n’avait pas été présenté dans le délai de 35 jours prévu à la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive. De mon point de vue, cette conclusion était à l’origine du rejet du grief par la CISR. Si un grief a été présenté hors des délais prescrits, il ne peut pas aller de l’avant. Si je juge que, dans la décision, la conclusion relative à la question de savoir si le grief a été présenté dans les délais prescrits était raisonnable, la demande doit être rejetée, sous réserve de mon analyse relative à la question liée à l’équité procédurale que le demandeur a soulevée.

[22]  Ensuite, Mme Wyant a parlé de la question de savoir pourquoi les postes de commissaire de la SI n’étaient pas comparés aux postes à la CISR dont les titulaires sont nommés par le gouverneur en conseil. Mme Wyant a réitéré la position de la CISR selon laquelle les postes dont les titulaires sont nommés par le gouverneur en conseil ne pouvaient pas être utilisés comme éléments de comparaison, parce que les personnes nommées par le gouverneur en conseil ne sont pas visées par la définition de personne « employée dans la fonction publique » pour les besoins de la LRTSPF. Elle a déclaré que la CISR était tenue d’appliquer les définitions existantes des groupes professionnels ainsi que les normes d’évaluation des emplois, conformément à la section 5.1.1 de la Politique sur la classification.

[23]  Le demandeur soutient que Mme Wyant a commis une erreur en déclarant que les personnes nommées par le gouverneur en conseil n’étaient pas des personnes employées dans la fonction publique, au sens de la LRTSPF. Comme je l’explique plus loin dans mon analyse, j’ai jugé que la décision de rejeter le grief au motif qu’il n’avait pas été présenté dans les délais prescrits était raisonnable. Par conséquent, je n’examinerai pas de façon plus générale cet argument ou les observations des parties concernant la relativité de la classification. Je fais seulement remarquer que les raisons de la position du défendeur à cet égard vont au‑delà des dispositions de la LRTSPF et impliquent une analyse plus large du système et du processus de classification de la fonction publique fédérale.

IV.  La norme de contrôle

[24]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’était pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. Si la norme de contrôle applicable à une question particulière dont la cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Dans le cas contraire, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle (Dunsmuir, au paragraphe 62).

[25]  En l’espèce, les parties soutiennent que la décision doit faire l’objet d’un contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable. Ni l’une ni l’autre des parties ne fait référence à la jurisprudence dans laquelle l’examen initial d’un grief de classification a donné lieu à la décision faisant l’objet du contrôle. Suivant un raisonnement parallèle, le défendeur cite un certain nombre de précédents dans lesquels la Cour a appliqué la norme de la décision raisonnable lors du contrôle de décisions en matière de classification que les comités de règlement des griefs de classification ont rendues et de décisions rendues à la suite de l’examen initial sous différents régimes législatifs.

[26]  Dans la décision Begin c Canada (Procureur général), 2009 CF 634 (Begin), la décision faisant l’objet du contrôle était une décision d’un comité de règlement des griefs de classification. À la lumière des fonctions spécialisées et de l’expertise du comité, la Cour a statué que la norme de contrôle applicable à la décision était la décision raisonnable (Begin, au paragraphe 8; voir aussi l’arrêt Canada (Procureur général) c Gilbert, 2009 CAF 76, aux paragraphes 21 à 23). La Cour a également examiné les décisions rendues à diverses étapes du processus de règlement des griefs selon la norme de la décision raisonnable (voir, par exemple, Backx c Agence canadienne d’inspection des aliments, 2013 CF 139, au paragraphe 19; Spencer c Canada (Procureur général), 2010 CF 33 [Spencer]).

[27]  Dans la décision Kohlenberg c Canada (Procureur général), 2017 CF 414 (Kohlenberg), au paragraphe 18, le juge Brown a déclaré qu’une décision au dernier palier d’une procédure de grief au titre du paragraphe 208(1) de la LRTSPF était susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Dans la décision Green c Canada (Affaires autochtones et du Nord), 2017 CF 1122, au paragraphe 16, la juge McDonald a statué que la norme de contrôle applicable au rejet d’un grief de harcèlement, au motif qu’il n’avait pas été déposé dans les délais prescrits, était la décision raisonnable.

[28]  En ce qui concerne les décisions rendues à la suite de l’examen initial au cours d’un processus de règlement des griefs, le défendeur s’appuie sur la décision Haymour c (Canada) Revenu national, 2013 CF 1072 (Haymour), au paragraphe 10, une affaire qui concernait le contrôle du rejet, pour cause de retard, d’une demande de révision par un tiers indépendant de la cessation d’emploi d’une personne. Dans Haymour, le juge Manson a déclaré que la norme de contrôle de la décision en question était la décision raisonnable.

[29]  Après avoir examiné la jurisprudence, je conclus que la norme de contrôle appropriée de la décision est la décision raisonnable. Plus spécifiquement, la question de savoir si un grief a été présenté dans les délais prescrits est une question mixte de fait et de droit, et la conclusion, dans la décision, selon laquelle le grief a été déposé en dehors des délais prescrits fera l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Comme l’a déclaré le juge Décary dans l’arrêt Aubert c Canada (Procureur général), 2008 CAF 386, au paragraphe 11, « [l]e débat en est un, essentiellement, d’appréciation de la preuve pour déterminer qui a décidé quoi et quand ». Toutefois, dans la présente affaire, je paraphraserais cet énoncé comme étant « ce qui a été décidé et quand ».

[30]  La décision a été rendue par la directrice générale, Gestion intégrée des ressources, de la CISR. Elle a examiné et appliqué une politique et une directive administratives dans son domaine d’expertise, et, comme l’a déclaré le juge Near (tel était alors son titre) dans Spencer (au paragraphe 28), la Cour ne se trouve pas dans une position meilleure en rapport avec cette question. La décision n’a pas été rendue par un comité de règlement des griefs de classification, mais elle l’a été dans le même cadre procédural. Bien qu’une distinction puisse être faite entre le degré d’expertise d’un comité de règlement des griefs de classification et celui d’un décideur à l’étape de l’examen initial, une décision à la suite d’un examen initial exige néanmoins une expertise dans l’interprétation et l’application de la série de politiques et de directives en matière de classification du Conseil du Trésor. À mon avis, ces facteurs indiquent que la décision devrait faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[31]  La question d’équité procédurale que le demandeur a soulevée fera l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [Canadien Pacifique], aux paragraphes 34 à 56). La Cour concentre son contrôle sur la procédure suivie par le décideur pour arriver à une décision, et non sur le fond ou le bien‑fondé de l’affaire en cause.

V.  Le contexte relatif aux lois et aux politiques

[32]  La Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F‑11 (la LGFP), confère compétence au Conseil du Trésor en matière de gestion du personnel de la fonction publique fédérale (alinéa 7(1)e)) et de classification des postes et des employés en particulier (alinéa 11.1(1)b)). En vertu du paragraphe 5(4) de la LGFP, le Conseil du Trésor a le pouvoir d’établir son règlement intérieur relativement aux griefs de classification. Il l’a fait en établissant la Politique sur la classification de 2015 et la Directive (Fischer c Canada (Procureur général), 2012 CF 720 [Fischer], aux paragraphes 4 et 5).

[33]  Le grief a été présenté au titre de l’article 208 de la LRTSPF, qui permet au fonctionnaire de déposer un grief « par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi » (alinéa 208(1)b)). Cela comprend les différends concernant la classification attribuée à son poste. Toutefois, un grief de classification ne peut pas être soumis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou à un autre tribunal indépendant. Il est doit être présenté à l’employeur, conformément à la Politique sur la classification de 2015 et à la Directive.

[34]  Le libellé complet des dispositions applicables de la Politique sur la classification de 2015 et de la Directive se trouve à l’annexe A de la présente décision. Pour faciliter la consultation, les dispositions particulières des deux instruments pertinents à l’égard de mon analyse sont les suivantes :

Politique sur la classification du Conseil du Trésor (en vigueur le 1er juillet 2015)

5. Énoncé de la politique

5.1 Objectif

La présente politique :

5.1.1 Appuie l’établissement équitable, uniforme et efficace de la valeur relative du travail au sein de l’APC et s’assure que les postes soient classifiés correctement et conformément aux définitions des groupes professionnels et aux normes d’évaluation des emplois pertinentes (normes de classification);

Directive sur les griefs de classification du Conseil du Trésor (en vigueur le 1er juillet 2015)

Annexe B : Procédure de règlement des griefs de classification

1. Renseignements généraux

1.3 Circonstances justifiant la présentation d’un grief de classification et délais prescrits

1.3.1 Un employé doit présenter un grief de classification au plus tard 35 jours civils après la date à laquelle il a reçu un avis l’informant d’une mesure ou d’une circonstance affectant la classification du poste qu’il occupe ou, si l’employé ne reçoit aucun avis de ce type, 35 jours civils après le jour où il apprend l’existence de cette mesure ou de cette circonstance.

2. Examen initial du grief de classification

2.1 Tous les griefs de classification doivent être examinés lors de leur réception. Lorsqu’un grief de classification est rejeté, l’administrateur général ou son délégué rendra la décision et informera le plaignant en conséquence.

VI.  Analyse

1.  La décision de rejeter le grief au motif qu’il a été présenté en dehors des délais prescrits était‑elle raisonnable?

[35]  Mon contrôle de la décision de rejeter le grief au motif qu’il a été présenté en dehors des délais prescrits est axé sur le libellé précis de la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive. Les parties conviennent que le grief ne découle pas d’une mesure affectant la classification du poste de commissaire de la SI, puisque la dernière décision de classification affectant le poste a été prise en 2006. Les arguments des parties concernant le délai de présentation du grief sont liés aux arguments concernant le droit du demandeur de déposer un grief, car leur désaccord porte d’abord sur la question de savoir s’il y a eu une « circonstance affectant la classification du poste » du demandeur. Dans l’affirmative, la question porte alors sur la date à laquelle le demandeur a pris connaissance de cette circonstance.

[36]  Dans ses observations écrites, le demandeur s’appuie sur la portée de la section 1.3.1 pour revendiquer son droit de déposer un grief. Il fait valoir que le terme « circonstance » devrait être interprété de manière générale et sans aucune restriction, et il déclare que [traduction] « [t]oute circonstance relativement à laquelle il peut être démontré qu’elle affecte la classification peut faire l’objet d’un grief de la part des employés ». Je conviens que le terme est large. Selon la définition du Black’s Law Dictionary, 10e éd., une « circonstance » est [traduction] « un fait, un événement ou une condition parallèle ou accessoire, comme un élément de preuve qui indique la probabilité d’un événement […] ». Toutefois, dans le contexte de la procédure de règlement des griefs, le terme doit être assujetti à des paramètres raisonnables afin de préserver l’intégrité du processus ainsi que la capacité des employeurs et des employés d’évoluer de façon ordonnée dans le système de classification. Autrement, le délai prévu à la section 1.3.1 perd son sens.

[37]  Le demandeur soutient que la publication par le Conseil du Trésor de la Politique sur la classification de 2015 a introduit une nouvelle exigence en matière d’équité dans le processus de classification et que, par conséquent, il s’agissait d’une nouvelle circonstance au sens de la section 1.3.1. Il déclare avoir passé en revue la classification des commissaires de la SI sous l’angle de la nouvelle politique et avoir cerné une violation importante de la politique, à savoir l’inégalité sur le plan de la classification entre les membres des tribunaux nommés par le gouverneur en conseil et les commissaires de la SI. Le demandeur relate ses réunions et sa correspondance avec la CISR ainsi que ses observations du 8 décembre 2016 présentées au président de la CISR, qui affirmaient que la classification des commissaires de la SI n’était pas conforme à la section 5.1.1 de la Politique sur la classification de 2015. Contestant la position du défendeur, selon laquelle il n’y a eu, depuis 2006, aucune nouvelle information affectant la classification du poste de commissaire de la SI, le demandeur déclare ceci dans son mémoire des faits et du droit (son mémoire) :

[traduction]

35. C’est inexact. Le Conseil du Trésor a publié en 2015 une nouvelle série de politiques sur la classification. L’employeur viole une nouvelle politique. Cette question n’aurait pas pu être tranchée lorsque le poste de commissaire de la SI a été classifié en 2006.

[Souligné dans l’original.]

[38]   Le demandeur souligne que la section 5.1.1 exige que l’employeur établisse équitablement la valeur relative du travail et s’assure que les postes sont classifiés correctement, conformément à la norme de classification applicable. Il conclut cette section de ses observations écrites ainsi :

[traduction]

42. L’iniquité est une nouvelle « circonstance [non résolue] affectant la classification » des commissaires de la SI. Ainsi, le demandeur a le droit de déposer un grief à l’égard du fait que l’employeur contrevient à la nouvelle Politique sur la classification du Conseil du Trésor.

[39]  La difficulté avec l’argument du demandeur réside dans le fait que le même objectif stratégique en matière d’équité existait dans la version précédant la Politique sur la classification de 2015. La section 3.1 de l’ancienne Politique sur le système de classification et la délégation de pouvoir était ainsi rédigée :

3. Objectifs de la politique

3.1 Faire en sorte que le système de classification décrit dans cette politique établisse la valeur relative de tout travail accompli dans la fonction publique de manière équitable, uniforme, efficiente et efficace, et jette les bases de la rémunération des employés de la fonction publique.

[40]  En 2004, le juge Lemieux, de la Cour, a ainsi décrit les politiques du Conseil du Trésor en vigueur à l’époque concernant la classification et le système de classification (Laplante c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2004 CF 1345, au paragraphe 15) :

[15] L’objectif de la politique du Conseil du Trésor sur le système de classification est de faire en sorte que le système de classification établisse la valeur relative de tout travail accompli dans la Fonction publique de manière équitable, uniforme, efficiente et efficace, et jette les bases de la rémunération des employés de la Fonction publique. Un autre objectif de cette politique est d’autoriser les administrateurs généraux à classifier des postes dans leur ministère respectif conformément à cette politique, à la norme de classification pertinente, et aux lignes directrices élaborées et émises par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

[41]  L’argument du demandeur selon lequel l’iniquité était une nouvelle circonstance non résolue pour les besoins de la section 1.3.1 de l’annexe B n’est pas convaincant. L’argument porte principalement sur le fait que la politique vise à ce que le travail relatif soit évalué équitablement, mais cet objectif existait bien avant 2015 et est demeuré inchangé à la suite de l’introduction de la Politique sur la classification de 2015. Par conséquent, je conclus d’abord que toute iniquité alléguée de la classification du poste de commissaire de la SI n’était pas une nouvelle circonstance en 2015. Je conclus de plus que l’introduction de la nouvelle politique ne suffisait pas en soi pour constituer une nouvelle circonstance au sens de la section 1.3.1. Autrement dit, je n’accepte pas l’argument du demandeur selon lequel le fait que la CISR contrevenait à une nouvelle politique, quoique fondée sur un objectif inchangé, suffisait pour faire en sorte que son grief respecte les paramètres de la section 1.3.1. Les faits et les circonstances qui sous‑tendent les arguments du demandeur au sujet de l’iniquité de la classification du poste de commissaire de la SI n’ont pas changé et n’ont pas été affectés par l’introduction de la Politique sur la classification de 2015.

[42]  Même si l’introduction de la Politique sur la classification de 2015 constituait une circonstance pour les besoins de la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive, le demandeur a pris connaissance de cette circonstance au plus tard en 2016. Dans son mémoire, il mentionne ses tentatives, de janvier à décembre 2016, visant à régler la question de l’iniquité de l’évaluation du travail des commissaires de la SI. De plus, dans le troisième paragraphe de ses observations au président de la CISR, datées du 8 décembre 2016, le demandeur fait référence à la Politique sur la classification de 2015 et, en particulier, à l’objectif énoncé à la section 5.1.1. De nouveau, le 25 octobre 2017, le demandeur a demandé, dans le cadre de sa correspondance avec la CISR, pourquoi une violation de la Politique sur la classification de 2015 ne constituait pas une circonstance affectant la classification du poste de commissaire de la SI. Il ressort donc clairement du dossier que le demandeur n’a pas présenté le grief dans les 35 jours suivant la prise de connaissance de cette nouvelle circonstance, comme la section 1.3.1 l’exige.

[43]  Dans ses observations orales, le demandeur a axé ses arguments différemment. Il fait valoir que le fait déclencheur du grief n’était pas l’introduction de la Politique sur la classification de 2015. Il s’agissait plutôt de la lettre de Mme Piret, datée du 2 juin 2017, dont l’essentiel est énoncé au paragraphe 9 de la présente décision. La présentation de son grief le 21 juin 2017 respectait ainsi le délai de 35 jours prévu à la section 1.3.1 de l’annexe B. Cette observation est cohérente avec le formulaire de présentation du grief, dans lequel le demandeur a indiqué que la lettre de Mme Piret était l’acte ou le fait donnant lieu au grief. Aux yeux du demandeur, Mme Piret a mené un exercice de classification en communiquant avec d’autres tribunaux en réponse à ses observations de décembre 2016, et cet exercice a eu une incidence sur sa classification. Selon lui, il ne prétend pas qu’un grief puisse en fait être déposé en tout temps en caractérisant ainsi le terme « circonstance » de manière large. Il s’appuie sur un fait déclencheur discernable qui entraîne le droit de présenter un grief.

[44]  Le défendeur fait valoir que la lettre de Mme Piret n’était pas une décision de classification et qu’elle ne faisait que réitérer l’information communiquée au demandeur dès le début de ses discussions avec la CISR. Il déclare ce qui suit :

[traduction]

[35] […] En outre, [la lettre de Mme Piret] ne constitue pas une circonstance affectant la classification du poste de commissaire de la SI. Cette lettre a fourni au demandeur des renseignements qui l’informaient du maintien du statu quo en réitérant la position qui lui avait été communiquée lorsque la question de la classification avait été soulevée pour la première fois, à savoir que la CISR se conformait à la Politique sur la classification, que la norme relative au groupe PM était la plus appropriée et que les personnes nommées par le gouverneur en conseil n’étaient pas assujetties au même système de classification. Le fait que l’employeur confirme que ses actions sont conformes à un objectif de politique établi, et qu’il clarifie la portée de l’application de cette politique, ne peut pas être considéré comme une base de justification d’un grief de classification.

[45]  Je trouve convaincantes les observations du défendeur. Dans sa lettre, Mme Piret a confirmé la position de la CISR selon laquelle celle‑ci se conformait à la section 5.1.1 de la Politique sur la classification de 2015 et selon laquelle un comité de classification ne serait pas convoqué. Mme Piret fait référence à deux autres tribunaux en réponse à la correspondance antérieure du demandeur. La lettre de Mme Piret n’est pas une décision de classification. Elle n’analyse pas substantiellement la classification du poste de commissaire de la SI, et elle ne met en œuvre aucun changement de classification. Son ton et son contenu sont de nature informative. Interpréter la lettre de Mme Piret comme étant une nouvelle circonstance justifiant la présentation d’un grief rendrait illusoire le délai de 35 jours prévu à la section 1.3.1. À tout moment, un employé pourrait soumettre à un employeur une demande de renseignements et, après confirmation de la position de l’employeur, déposer un grief. Le demandeur déclare ne pas interpréter le terme « circonstance » de façon à permettre à n’importe quel moment la présentation d’un grief; cependant, en pratique, ce serait le résultat de son argument.

[46]  En résumé, je conclus que le rejet du grief au motif qu’il n’a pas été présenté dans les délais prescrits était raisonnable. Le demandeur n’a pas établi que la CISR avait commis une erreur en concluant dans la décision qu’aucune nouvelle circonstance récente ne justifiait la présentation du grief. L’introduction de la Politique sur la classification de 2015 ne constituait pas, en soi, une telle circonstance, puisqu’elle poursuivait l’objectif stratégique préexistant que la valeur relative du travail dans l’APC soit établie équitablement. En outre, si l’introduction de la nouvelle politique était une circonstance au sens de la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive, le demandeur connaissait la circonstance environ 18 mois avant la présentation du grief. Enfin, la lettre de Mme Piret peut être le mieux caractérisée comme une confirmation de la position de longue date de l’employeur au sujet du fait qu’il se conforme à la section 5.1.1 de la Politique sur la classification de 2015, et non comme un fait déclencheur justifiant la présentation d’un grief de classification.

2.  Le rejet du grief à l’étape de l’examen initial a‑t‑il porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur?

[47]  La procédure d’examen d’un grief de classification est énoncée aux sections 2 et 3 de l’annexe B de la Directive. Un grief est d’abord soumis à un examen initial conformément à la section 2, qui prévoit que le grief doit être examiné lors de sa réception. Si le grief est rejeté à cette étape, l’administrateur général ou son délégué doit rendre une décision et en informer le plaignant. La section 2 ne donne aucune orientation quant à la portée des questions qui peuvent être prises en considération au cours de l’examen initial. Si un grief de classification nécessite un examen de fond, un comité de règlement des griefs de classification composé de trois membres est établi, conformément à la section 3 de l’annexe. Il est important de prendre note du mandat du comité :

3.1 Mandat

Le comité de règlement des griefs de classification doit déterminer la classification appropriée pour le poste faisant l’objet d’un grief en tenant compte du travail attribué par le gestionnaire responsable et décrit dans la description d’emploi ainsi que de l’information supplémentaire présentée par la direction et par le plaignant ou son représentant. La classification recommandée à l’administrateur général ou à son délégué doit être équitable et conforme aux instruments de politique de classification du Conseil du Trésor, y compris à la norme d’évaluation des emplois pertinente.

[48]  Les parties conviennent que la teneur de l’obligation d’équité procédurale envers un plaignant dans un grief de classification se situe au bas de continuum (Kohlenberg, au paragraphe 16; Fischer, au paragraphe 25). Le demandeur soutient toutefois que le rejet du grief à l’étape de l’examen initial, aux termes de la section 2.1 de l’annexe B, a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale. Il déclare que le motif du rejet, soit l’exclusion d’éléments de comparaison de classification, est une question de relativité complexe qui aurait dû être renvoyée à un comité de règlement des griefs de classification. Il fait valoir que l’examen initial d’un grief se limite à un examen sommaire du formulaire de grief. De l’avis du demandeur, il aurait dû avoir l’occasion de présenter un dossier complet au comité avant le rejet du grief.

[49]  Il semble que la Cour n’ait pas examiné la teneur de l’équité procédurale à laquelle un plaignant a droit lors de l’examen initial d’un grief de classification. Bien que je ne sois pas d’accord avec le demandeur pour dire que l’examen initial doit se limiter à un examen sommaire du formulaire de grief seulement, la portée de l’examen doit être limitée pour deux raisons. D’abord, le plaignant n’a pas le droit de présenter des observations ou de demander la tenue d’une audience à cette étape du processus. Ensuite, les dispositions de l’annexe B établissant le comité de règlement des griefs de classification indiquent que les questions complexes concernant la classification appropriée du poste faisant l’objet du grief sont réservées à l’examen du comité.

[50]  Comme je l’ai dit, la CISR a rejeté le grief principalement du fait qu’il n’avait pas été présenté dans les délais prescrits. La lettre adressée par Mme Wyant le 20 juillet 2017 au demandeur est sans équivoque à cet égard. Elle a confirmé dans sa lettre du 11 septembre 2017 que [traduction] « votre délai de présentation d’un grief de classification était expiré ». Dans la décision, Mme Wyant a écrit ceci :

[traduction]

Les réponses au grief de classification envoyées en juillet 2017 expliquaient clairement que les griefs étaient rejetés parce qu’ils avaient été présentés en dehors des délais prescrits, compte tenu du fait que la dernière décision de classification remonte à 2006. Je comprends, d’après les documents que vous avez soumis, que vous n’êtes pas en désaccord sur cet aspect.

[51]  Mme Wyant a ensuite examiné la question de l’utilisation des postes à la CISR dont les titulaires sont nommés par le gouverneur en conseil comme éléments de comparaison pour les postes de commissaire de la SI. Le demandeur fait valoir que la décision était fondée sur la conclusion de Mme Wyant selon laquelle la CISR n’était pas en mesure de le faire. À mon avis, l’argument du demandeur ne tient pas compte de la déclaration, dans la décision, selon laquelle le grief était rejeté parce qu’il avait été déposé en dehors des délais prescrits.

[52]  En concluant que le motif principal du rejet était que le grief n’avait pas été présenté dans les délais prescrits, je ne fais pas abstraction des déclarations de Mme Wyant dans la décision, en réponse aux arguments du demandeur concernant l’iniquité de la classification entre les postes dont les titulaires sont nommés par le gouverneur en conseil et ceux de commissaire de la SI. Toutefois, les délais de présentation des griefs sont obligatoires ou prescriptifs. Les questions de présentation des griefs dans les délais prescrits sont déterminantes pour l’acceptation d’un grief pour un examen de fond. Si un grief n’est pas présenté en temps opportun, aucun examen de son bien‑fondé n’est entrepris. En l’espèce, la CISR a établi que le grief n’avait pas été présenté conformément à la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive. Le commentaire additionnel de Mme Wyant, en réponse à une longue correspondance avec le demandeur, a confirmé la position de la CISR concernant les éléments de comparaison de classification pour le poste de commissaire de la SI. Elle n’a pas entrepris un exercice complet de classification ni ne s’est penchée sur la question complexe de la relativité de la classification.

[53]  À mon avis, les questions touchant les délais de présentation d’un grief de classification sont soumises comme il se doit à un examen initial, puisqu’elles n’impliquent pas d’analyses complexes. Le demandeur reconnaît ce fait dans son mémoire :

[traduction]

45. Le premier regard que l’employeur pose sur un grief a lieu à l’« examen initial ». Il effectue un examen sommaire du formulaire de grief. Il peut rejeter le grief s’il y a une lacune évidente qui rend le grief non valide. Par exemple, un grief déposé en retard peut être rejeté du fait qu’il a été reçu après le délai prescrit.

[54]  Le délai de 35 jours prévu à la section 1.3.1 de l’annexe B de la Directive doit être respecté par le plaignant. Le fait que le grief n’a pas été présenté dans les délais prescrits a entraîné son rejet. Je conclus que le rejet du grief lors de l’examen initial, au motif que le grief contrevenait à la section 1.3.1, n’a pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale du demandeur.

VII.  Conclusion

[55]  La demande est rejetée.

[56]  Chacune des parties a demandé de se voir adjuger les dépens dans ses observations écrites. Vu les facteurs énumérés au paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, le demandeur payera sans délai au défendeur, pour les dépens, une somme forfaitaire fixée à 1 000 $ (y compris les débours et les taxes, le cas échéant).


JUGEMENT dans le dossier no T‑330‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Les dépens sont adjugés au défendeur pour une somme forfaitaire de 1 000 $ (y compris les débours et les taxes, le cas échéant), laquelle devra être payée sans délai par le demandeur.

« Elizabeth Walker »

Juge


ANNEXE A

Politique sur la classification du Conseil du Trésor (en vigueur le 1er juillet 2015)

3. Contexte

3.2 En tant qu’employeur, le Conseil du Trésor est investi d’importantes responsabilités en matière de gestion des personnes et d’excellence en leadership, incluant le soutien de l’infrastructure connexe et la garantie d’un niveau d’uniformité adéquat relativement à la gestion des personnes à l’échelle de l’APC. Le programme de classification fait partie intégrante de la stratégie de gestion élargie des personnes au sein de l’APC, notamment parce qu’il contribue directement à la bonne gestion des organismes.

3.9 D’autres exigences obligatoires sont énoncées dans les documents suivants :

  Directive sur la classification;

  Directive sur les griefs de classification;

[…]

5. Énoncé de la politique

5.1 Objectif

La présente politique :

5.1.1 Appuie l’établissement équitable, uniforme et efficace de la valeur relative du travail au sein de l’APC et s’assure que les postes soient classifiés correctement et conformément aux définitions des groupes professionnels et aux normes d’évaluation des emplois pertinentes (normes de classification);

Annexe A – Définitions – grief de classification

Plainte rédigée par un employé qui s’oppose à la classification du travail qui lui a été attribué par le gestionnaire responsable et qui est décrit dans la description d’emploi du poste qu’il occupe. Un grief de classification ne porte pas sur les problèmes liés au contenu ou la date d’entrée en vigueur de la description d’emploi.

Directive sur les griefs de classification du Conseil du Trésor (en vigueur le 1er juillet 2015)

3. Contexte

3.2 Un processus de règlement des griefs de classification est une composante essentielle de la gestion efficace des personnes. Cette directive appuie la Politique sur la Classification en ce qui concerne les griefs de classification, y compris ceux concernant les postes du groupe EX. Elle définit les exigences obligatoires, énonce les rôles et responsabilités et décrit la marche à suivre pour présenter, traiter et régler les griefs de classification.

[…]

5. Énoncé de la directive

5.1 Objectif

5.1.1 La présente directive appuie la mise en place d’un mécanisme de recours uniforme et équitable pour les employés qui veulent déposer un grief relativement à la classification du travail qui leur a été attribué par le gestionnaire responsable et qui est décrit dans la description d’emploi du poste qu’ils occupent.

Annexe B : Procédure de règlement des griefs de classification

1. Renseignements généraux

1.3 Circonstances justifiant la présentation d’un grief de classification et délais prescrits

1.3.1 Un employé doit présenter un grief de classification au plus tard 35 jours civils après la date à laquelle il a reçu un avis l’informant d’une mesure ou d’une circonstance affectant la classification du poste qu’il occupe ou, si l’employé ne reçoit aucun avis de ce type, 35 jours civils après le jour où il apprend l’existence de cette mesure ou de cette circonstance.

2. Examen initial du grief de classification

2.1 Tous les griefs de classification doivent être examinés lors de leur réception. Lorsqu’un grief de classification est rejeté, l’administrateur général ou son délégué émettra la décision et informera le plaignant en conséquence.

3. Comité de règlement des griefs de classification

3.1 Mandat

Le comité de règlement des griefs de classification doit déterminer la classification appropriée pour le poste faisant l’objet d’un grief en tenant compte du travail attribué par le gestionnaire responsable et décrit dans la description d’emploi ainsi que de l’information supplémentaire présentée par la direction et par le plaignant ou son représentant. La classification recommandée à l’administrateur général ou à son délégué doit être équitable et conforme aux instruments de politique de classification du Conseil du Trésor, y compris à la norme d’évaluation des emplois pertinente.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑330‑18

 

INTITULÉ :

HARRY DENIS ADAMIDIS c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 1ER OCTOBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge WALKER

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

 

le 18 MARS 2019

 

 

COMPARUTIONS :

Harry Denis Adamidis

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Zorica Guzina

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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