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Date : 20190319

Dossier : IMM‑3778‑18

Référence : 2019 CF 330

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 mars 2019

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

OLUBUNMI SUSAN ADEBAYO, GBADEBO DAVE ADEBAYO, TIMILEYIN REBECCA ADEBAYO, OLUWABUKUNFUNMI PAUL ADEBAYO, DAMILOLA COMFORT ADEBAYO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION,

DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 24 juillet 2018 par la Section d’appel des réfugiés (la SAR), qui a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR). La SPR a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en raison de leur manque de crédibilité et de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) raisonnable.

[2]  Pour les motifs exposés ci-après, la demande est rejetée.

I.  Le contexte

[3]  Les demandeurs qui forment une famille de cinq personnes – la demanderesse principale, le demandeur adulte et leurs trois enfants – sont citoyens du Nigéria. Selon eux, le demandeur adulte est forcé de devenir un chef traditionnel, appelé Elegosi, dans leur ville au Nigéria, étant donné qu’il est le premier petit‑fils du chef précédent. Les demandeurs prétendent que, pour assumer ce rôle, le demandeur adulte doit participer à des rituels qui vont à l’encontre de leurs croyances religieuses. Ils allèguent également que la demanderesse principale et ses filles subiraient une mutilation des organes génitaux féminins et que leur fils se verrait obligé de subir des incisions traditionnelles sur son corps.

[4]  Les demandeurs affirment qu’ils ont été victimes de harcèlement et de menaces de la part de l’oncle du demandeur adulte et d’autres aînés de leur collectivité, en raison de la réticence du demandeur adulte à devenir le prochain Elegosi. Les demandeurs prétendent que, s’ils sont renvoyés au Nigéria, l’oncle du demandeur adulte et d’autres aînés le retrouveront et l’obligeront à assumer le rôle en question, et forceront la famille à se plier aux rituels. Selon eux, cet oncle, qui est riche et puissant, recevrait l’aide de policiers corrompus pour les traquer.

[5]  Les demandeurs affirment qu’alors qu’ils étaient en vacances aux États‑Unis en 2016, le grand-père du demandeur adulte, qui occupait la fonction d’Elegosi à l’époque, est mort. La famille du demandeur adulte a exigé qu’ils rentrent chez eux au Nigéria. Lors de l’audience devant la SPR, le demandeur adulte a déclaré que son oncle avait menacé sa belle-famille afin de forcer le retour des demandeurs. Ceux‑ci déclarent qu’ils n’ont pas demandé l’asile aux États‑Unis en raison du coût élevé de la vie et d’autres facteurs. Ils se sont rendus au Canada et y ont demandé l’asile en mai 2017.

A.  La décision de la SPR

[6]  Le 14 septembre 2017, la SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs. Elle a conclu que des aspects importants de leur demande d’asile n’étaient pas crédibles et qu’ils bénéficiaient d’une PRI viable à Port Harcourt.

[7]  La SPR a examiné un article de journal produit par les demandeurs et sur lequel ces derniers se sont appuyés pour étayer leur demande d’asile. Cet article mentionne que le demandeur adulte sera le prochain Elegosi et fait état des rituels à observer. La SPR a fait remarquer que l’article contenait plusieurs erreurs de nature grammaticale et autre, y compris une phrase qui n’était qu’un fragment de phrase, ce qui ne concordait pas avec la qualité des autres articles tirés du même journal. La SPR a également fait remarquer la présence d’une bordure autour de l’article, laquelle donnait l’impression que la page avait été photocopiée sur le document. Ayant conclu que l’article n’était pas authentique, la SPR ne lui a accordé aucun poids et a jugé qu’il minait la crédibilité des demandeurs.

[8]  En outre, la SPR a conclu que le témoignage livré par le demandeur adulte, en réponse à des questions sur le rôle de l’Elegosi, était vague, en dépit du fait qu’il savait depuis 20 ans que l’on s’attendait à ce qu’il assume ce rôle. La SPR a conclu qu’il n’était ni vraisemblable ni crédible que le demandeur adulte ne sache pas si les femmes de sa famille avaient subi une mutilation des organes génitaux féminins, étant donné que les menaces alléguées de telles mutilations à l’endroit de son épouse et de ses filles étaient un aspect fondamental de la demande d’asile. De même, la SPR a conclu que le témoignage du demandeur adulte concernant le fait que son oncle était capable de les trouver était vague et incompatible avec la preuve documentaire produite par les demandeurs, compte tenu de leur allégation selon laquelle l’oncle avait harcelé la famille pendant des années, ce qui les avait obligés à déménager plusieurs fois. La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur adulte n’était pas censé devenir le prochain Elegosi.

[9]  La SPR a accordé peu de poids aux autres documents à l’appui et a conclu qu’ils ne permettaient pas de dissiper les doutes soulevés quant à la crédibilité. Elle a conclu que les demandeurs n’étaient pas poursuivis par l’oncle et qu’ils ne seraient pas forcés de subir une mutilation des organes génitaux féminins ou des incisions traditionnelles.

B.  La décision faisant l’objet du contrôle — la décision de la SAR

[10]  Dans le cadre de l’appel qu’ils ont interjeté devant la SAR, les demandeurs ont fait valoir que la SPR avait commis une erreur lors de l’appréciation de leur crédibilité et qu’elle n’avait pas effectué une analyse complète relativement à la PRI.

[11]  La SAR a conclu que la question déterminante consistait à établir si les demandeurs disposaient d’une PRI à Port Harcourt et, après avoir jugé que c’était effectivement le cas, elle a rejeté l’appel.

[12]  La SAR a jugé que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité étaient raisonnables en rapport avec ce que prétendaient les demandeurs, à savoir que le demandeur adulte était tenu d’assumer le rôle d’Elegosi et que l’oncle était en mesure de les retrouver. Toutefois, la SAR a conclu que la SPR avait commis une erreur en ne procédant pas à une analyse complète relativement à la PRI. La SAR a effectué cette analyse et en est arrivée à la même conclusion, soit que les demandeurs avaient une PRI à Port Harcourt.

[13]  La SAR a appliqué le critère à deux volets établi dans la décision Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, [1991] ACF no 1256 (CA) (Rasaratnam).

[14]  La SAR s’est d’abord penchée sur la question de savoir si, à Port Harcourt, les demandeurs étaient exposés à une possibilité sérieuse d’être persécutés, à une menace à la vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités. Après avoir examiné la preuve, elle s’est dite d’accord avec la SPR sur le fait que, selon la prépondérance des probabilités, les allégations de persécution n’étaient pas crédibles.

[15]  La SAR a souscrit aux préoccupations soulevées par la SPR au sujet de l’article de journal, qui constituait la preuve clé des demandeurs, et ne lui a donc accordé aucun poids. Elle a également convenu que le témoignage du demandeur adulte était sapé par son manque de connaissances des fonctions de l’Elegosi, de même que par la déposition vague qu’il a livrée au sujet de la capacité de son oncle de retrouver les demandeurs et de forcer le demandeur adulte à devenir le prochain Elegosi, ainsi que des motifs de l’oncle pour ce faire.

[16]  En outre, la SAR a convenu que la crainte relative à la mutilation forcée des organes génitaux féminins manquait de crédibilité, en raison de l’insuffisance des connaissances du demandeur adulte concernant la pratique traditionnelle au sein de sa famille. Elle a conclu que d’autres éléments de preuve, comme le rapport psychologique relatif à la demanderesse principale, une lettre de soutien rédigée par des membres de la famille et les éléments de preuve objectifs contenus dans le cartable national de documentation, n’étayaient pas cette crainte de mutilation. La SAR a jugé que les demanderesses n’étaient pas exposées à un risque de mutilation forcée des organes génitaux féminins au Nigéria ou à Port Harcourt, plus particulièrement.

[17]  La SAR a ensuite examiné la question de savoir s’il serait déraisonnable, dans les circonstances, que les demandeurs cherchent refuge à Port Harcourt. Elle a constaté le seuil élevé qui s’applique et qui exige la preuve que certaines conditions mettraient en danger la vie et la sécurité d’un demandeur d’asile. Elle a signalé le fait que Port Harcourt était une zone urbaine importante et a laissé entendre qu’il n’y aurait pas d’obstacles culturels importants dans une grande ville. Elle a reconnu que les demandeurs pourraient éprouver certaines difficultés sur le plan économique, mais elle a fait remarquer qu’ils avaient été des travailleurs autonomes et qu’ils pourraient l’être encore. Elle a jugé que les conditions sociales n’atteignaient pas un seuil risquant de mettre leur vie en danger.

II.  Les questions en litige

[18]  La question en litige consiste à déterminer si la décision de la SAR était raisonnable. Ceci exige que l’on examine les questions suivantes :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur en jugeant que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité étaient raisonnables?

  2. La SAR a-t-elle commis une erreur dans le cadre de son analyse de la PRI?

III.  La norme de contrôle

[19]  La SAR instruit l’appel de la décision de la SPR et examine les conclusions de la SPR selon la norme de la décision correcte. Toutefois, la SAR peut s’en remettre à la SPR, pour ce qui est des conclusions touchant la crédibilité, dans les cas où la SPR jouit d’un « avantage certain », par exemple, lorsque cette dernière a entendu le témoignage directement (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157 (Huruglica), au paragraphe 70).

[20]  Lors du contrôle judiciaire d’une décision de la SAR, la Cour applique la norme de la décision raisonnable concernant les conclusions tirées par la SAR sur les questions de fait, y compris celles touchant la crédibilité, et sur les questions mixtes de fait et de droit (Huruglica, aux paragraphes 30 à 35).

[21]  La conclusion de la SAR concernant l’analyse relative à une PRI est également examinée selon la norme de la décision raisonnable : Ugbekile c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1397, 275 ACWS (3d) 360, aux paragraphes 12 à 14.

[22]  La norme de la décision raisonnable tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[23]  En ce qui concerne les conclusions touchant la crédibilité, il est bien établi que les commissions et les tribunaux – c’est-à-dire les décideurs qui entendent les témoignages et examinent la preuve – sont les mieux placés pour apprécier la crédibilité : Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (QL), 160 NR 315 (CA), au paragraphe 4. Les conclusions qu’ils tirent quant à la crédibilité commandent un degré élevé de retenue : Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1052, [2008] ACF no 1329 (QL), au paragraphe 13; Fatih c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 857, 415 FTR 82, au paragraphe 65; Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, 228 FTR 43, au paragraphe 7.

IV.  La SAR a-t-elle commis une erreur en jugeant que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité étaient raisonnables?

A.  Les observations des demandeurs

[24]  Les demandeurs font valoir que les conclusions de la SAR quant à la crédibilité étaient déraisonnables, parce qu’elles étaient teintées de scepticisme et ne reposaient pas sur une analyse de la preuve. Ils prétendent que la SAR a simplement adopté les conclusions de la SPR. Ils font également valoir qu’ils ont droit à la présomption de véracité de leurs déclarations sous serment (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, [1979] ACF no 248 (QL) (CA), au paragraphe 5).

[25]  Les demandeurs soutiennent que l’appréciation qu’a faite la SAR de l’article de journal était déraisonnable. Ils font valoir que la SAR n’a pas relevé d’erreurs particulières dans l’article, mis à part une phrase incomplète. Selon eux, cette phrase n’est pas incomplète et [traduction« transmet le message ». Les demandeurs soutiennent également que l’article a été apprécié à tort selon les normes occidentales et que d’autres articles du même journal contenaient également certaines erreurs. De plus, les fautes d’orthographe et de grammaire ne prouvent pas qu’un document est frauduleux (Mohamud c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 170, 289 ACWS (3d) 600 (Mohamud), aux paragraphes 6 à 8). À titre d’exemple, les demandeurs attirent l’attention sur une erreur de formatage dans la décision de la SAR, faisant remarquer que cela ne veut pas dire que la décision n’est pas authentique.

[26]  Les demandeurs contestent la conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur adulte, lors de son témoignage, ne semblait pas disposé à parler des rituels traditionnels redoutés par la famille. Ils font valoir que le témoignage du demandeur adulte était suffisamment détaillé, étant donné qu’il a expliqué avoir quitté sa collectivité alors qu’il était enfant.

[27]  En outre, les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas tenu compte du rapport psychologique relatif à la demanderesse principale, au moment d’apprécier la crédibilité de cette dernière ou la viabilité de la PRI. Ils font valoir que le défaut de considérer ce rapport psychologique rend la décision déraisonnable, plus particulièrement en ce qui concerne le caractère raisonnable de la PRI (Atay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 201, [2008] ACF no 251 (QL) (Atay), au paragraphe 32).

[28]  Les demandeurs soutiennent également que la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve objectifs pertinents prouvant l’omniprésence de la mutilation des organes génitaux féminins au Nigéria. Ils contestent la conclusion de la SAR selon laquelle la preuve objective démontre qu’au Nigéria, cette pratique est interdite et que les parents peuvent refuser qu’une telle mutilation soit infligée. Ils attirent l’attention sur d’autres parties du cartable national de documentation, qui indiquent que cette pratique demeure très courante et que la loi est peu appliquée.

B.  Les observations du défendeur

[29]  Le défendeur soutient que la SAR a raisonnablement conclu que l’article de journal invoqué par les demandeurs, comme principal élément de preuve, manquait de crédibilité. Cet article contenait des erreurs et des irrégularités, qui ne concordaient pas avec la qualité des autres articles tirés de la même publication. Il était raisonnable de la part de la SAR de lui accorder peu de poids.

[30]  Le défendeur soutient également que la SAR n’a pas commis d’erreur dans les conclusions qu’elle a tirées quant à la crédibilité. Il soutient qu’il n’était pas crédible que le demandeur adulte ait une connaissance aussi limitée de la mutilation des organes génitaux féminins traditionnellement pratiquée dans sa propre famille, étant donné qu’il s’agit là d’un élément central de la persécution alléguée.

C.  La SAR n’a pas commis d’erreur en jugeant que les conclusions tirées quant à la crédibilité étaient raisonnables

[31]  Contrairement à ce qu’avancent les demandeurs, la SAR a le droit de s’appuyer sur les conclusions tirées par la SPR en matière de crédibilité, puisque cette dernière a eu l’avantage de tenir l’audience, d’entendre le témoignage des demandeurs et de les interroger. En l’espèce, la SAR a également procédé à sa propre appréciation de la preuve, en examinant la transcription de l’audience ainsi que la preuve documentaire.

[32]  Les demandeurs reconnaissent que l’article de journal était le principal élément de preuve sur lequel ils se sont fondés pour appuyer leur allégation selon laquelle ils seraient persécutés par l’oncle du demandeur adulte à leur retour. Peu d’autres éléments de preuve ont été fournis.

[33]  La SAR a raisonnablement conclu que l’article de journal indiquant que le demandeur adulte serait le prochain Elegosi d’Ilogbo Ekiti n’était pas crédible. Les erreurs relevées ne sont pas de simples erreurs typographiques ou des signes de ponctuation manquants. L’article contient plutôt des phrases qui n’ont pas de début ou de fin, ce qui ne fait aucun sens (par exemple, [traduction« les dirigeants sont de leur côté, ce qui a toujours été » et [traduction« a appris l’Oba de la ville »).

[34]  Comme l’a fait remarquer le juge Grammond dans la décision Mohamud, aux paragraphes 6 et 7, les erreurs typographiques ne peuvent pas justifier une conclusion selon laquelle le document est frauduleux et les « erreurs de rédaction ne prouvent pas nécessairement l’absence d’authenticité (voir Arubi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 36, au paragraphe 35). Elles se produisent même dans les décisions de la Cour (Ali, au paragraphe 31) » [non souligné dans l’original]. Cependant, les erreurs relevées dans l’article de journal vont bien au-delà des simples erreurs typographiques ou de rédaction. La SPR a eu l’avantage d’examiner la qualité de l’article original et de le comparer à d’autres articles tirés du même journal. Elle a reconnu que d’autres articles contenaient certaines formulations maladroites, mais rien de comparable à ce qui a été observé dans l’article invoqué par les demandeurs. Elle a également signalé l’étrange bordure, qui donne à penser que l’article a été collé dans le journal.

[35]  La SAR a raisonnablement conclu que l’appréciation qu’avait faite la SPR de l’article était raisonnable et qu’elle avait le droit de s’en remettre aux conclusions de cette dernière (Huruglica, au paragraphe 70). Toutefois, la SAR a, elle aussi, apprécié l’article ainsi que le témoignage du demandeur adulte et elle a conclu que ce dernier ne pouvait pas expliquer les problèmes relevés. La Cour admet que le témoignage du demandeur adulte était vague et limité en ce qui concerne cet article. Il a indiqué qu’il ne l’avait lu qu’une seule fois et qu’il savait que son nom y était mentionné.

[36]  La Cour fait aussi remarquer que, quoi qu’il en soit, le contenu de l’article n’étayerait pas les allégations des demandeurs quant à la persécution exercée à leur endroit par l’oncle du demandeur adulte. L’article semble être une critique des pratiques archaïques qui ont cours à Ilogbo Ekiti, précisant que les pratiques barbares, telles que manger de la chair humaine, sont [traduction« inacceptables dans la société d’aujourd’hui ». L’article s’interroge sur les raisons pour lesquelles de telles pratiques continueraient d’avoir cours, compte tenu du grand nombre de personnes éminentes et instruites présentes dans cette ville. En outre, il y est signalé que le demandeur adulte, qui succéderait à son grand-père au poste d’Elegosi, a quitté le pays, d’abord pour se rendre en Afrique du Sud, puis aux États‑Unis. Il n’y est pas mentionné que son oncle le menace pour le forcer à revenir.

[37]  En ce qui concerne l’argument des demandeurs voulant qu’ils aient droit à la présomption de véracité de leurs déclarations sous serment (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, [1979] ACF no 248 (CA) (Maldonado), au paragraphe 5), je souligne que cette présomption a clairement été réfutée. Les demandeurs ne peuvent pas simplement invoquer la décision Maldonado, comme s’il s’agissait d’une « panacée » pour toute demande d’asile qui n’est pas étayée par une preuve crédible. Le principe fréquemment cité doit être lu dans son intégralité et compris : « Quand un demandeur jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter » [non souligné dans l’original]. En l’espèce, la SPR avait des raisons de douter de la véracité des allégations concernant le rôle de l’Elegosi, les menaces provenant de l’oncle du demandeur adulte et le risque que les demandeurs subissent les rituels qu’ils prétendent être associés au rôle d’Elegosi. Ces questions ont été portées à l’attention du demandeur adulte, et son témoignage a été jugé non crédible.

[38]  L’observation des demandeurs selon laquelle la SAR n’a pas tenu compte du rapport psychologique relatif à la demanderesse principale au moment d’apprécier sa crédibilité est sans fondement, parce que la demanderesse n’a présenté aucune preuve orale. Elle a été invitée à le faire, mais elle a refusé.

[39]  Contrairement à ce qu’avancent les demandeurs, le demandeur adulte n’a pas livré un témoignage détaillé. L’explication qu’il a donnée, à savoir qu’il a quitté la ville alors qu’il était enfant, n’est pas suffisante pour excuser le fait qu’il ne connaissait pas les rituels mêmes auxquels il prétend que lui et sa famille seront soumis et qui sont à la base de leur demande d’asile. Comme la SAR l’a fait remarquer, il prétendait qu’il savait depuis plus de 20 ans qu’il deviendrait l’Elegosi en raison du fait qu’il était le premier petit-fils. Il a également prétendu que son oncle l’avait menacé, ce qui avait forcé sa famille à déménager. Il n’est pas crédible que la famille ait déménagé pour échapper à cet oncle, sans qu’elle ait une meilleure idée du rôle de l’Elegosi ou des rituels pratiqués.

[40]  Le demandeur adulte n’a pas été en mesure d’expliquer le pouvoir détenu par l’Elegosi, de dire si son rôle était purement spirituel ou s’il exerçait une influence sur le gouvernement local ou une autre administration, ni de préciser la taille de la ville sur laquelle il régnait.

[41]  De même, le témoignage qu’il a livré concernant la capacité de son oncle à retrouver les demandeurs était très vague. Il a seulement indiqué que son oncle était riche, qu’il voyageait pour son commerce de cacao et qu’il pouvait faire appel à des [traduction« truands » pour menacer les demandeurs. Il a également déclaré que son oncle était [traduction« maniaque » (dans le sens de diabolique, selon l’explication qui en a été donnée), ce qui n’a rien à voir avec la capacité de l’oncle à les retrouver. La SPR et la SAR ont raisonnablement conclu qu’il n’y avait aucune preuve crédible que l’oncle avait la capacité ou le pouvoir de les retrouver. Le demandeur adulte n’a pu expliquer comment son oncle a su que les demandeurs se trouvaient aux États‑Unis ou qu’ils avaient auparavant déménagé ailleurs au Nigéria. La seule chose qu’il a pu dire est que son oncle voyage à cause de son commerce de cacao.

V.  La SAR a-t-elle commis une erreur dans le cadre de son analyse de la PRI?

A.  Les observations des demandeurs

[42]  Les demandeurs soutiennent que la SAR a commis une erreur en concluant qu’ils bénéficiaient d’une PRI à Port Harcourt. Ils soutiennent qu’ils seraient exposés à un risque sérieux de persécution là-bas et qu’ils ne pourraient pas vivre dans cette ville pour diverses raisons personnelles.

[43]  Premièrement, les demandeurs font valoir que la SAR a commis une erreur dans son analyse relative à la question de savoir si la PRI proposée présentait un risque sérieux de persécution, en faisant fi de la preuve qu’ils ont présentée selon laquelle l’oncle pouvait utiliser le pouvoir et l’influence qu’il a auprès des policiers pour les trouver. Ils font valoir que la SAR n’a pas tenu compte de la preuve contenue dans le cartable national de documentation concernant la prévalence de la mutilation des organes génitaux féminins, notamment à Port Harcourt. Ils font également valoir que la SAR a commis une erreur en imposant une norme plus élevée que celle de la « possibilité sérieuse de persécution ».

[44]  Deuxièmement, les demandeurs font valoir que la SAR n’a pas pris leur situation en considération. Ils font valoir que la PRI qu’offre Port Harcourt est déraisonnable, étant donné que le coût de la vie y est trop élevé, qu’ils y seront considérés comme des étrangers, que leurs enfants ne pourront pas fréquenter les meilleures écoles et que, contrairement à l’hypothèse avancée par la SAR, ils ne pourront pas créer leur propre entreprise.

[45]  Les demandeurs soulignent les éléments de preuve relatifs à Port Harcourt, contenus dans le cartable national de documentation, qui indiquent que le coût de la vie et les coûts liés au logement et aux soins de santé y sont élevés et qu’il est difficile d’y trouver un emploi.

[46]  Lors de l’audience relative à la présente demande, les demandeurs ont également fait valoir que la SAR n’avait pas tenu compte du rapport psychologique relatif à la demanderesse principale ni de l’observation selon laquelle la PRI à Port Harcourt serait préjudiciable à sa santé mentale.

B.  Les observations du défendeur

[47]  Le défendeur fait remarquer que la conclusion déterminante concerne la PRI. Il soutient que la SAR a appliqué le critère approprié pour déterminer la PRI et que ses conclusions sont raisonnables. La SAR a procédé à une analyse complète relativement à la PRI et, ce faisant, elle a examiné tous les éléments de preuve pertinents et a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve crédibles à l’appui des principales allégations selon lesquelles l’oncle du demandeur adulte les persécuterait et les soumettrait à des rituels, et encore moins d’éléments de preuve qu’il les trouverait à Port Harcourt.

[48]  Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il serait déraisonnable pour eux de déménager à Port Harcourt. Il souligne que le coût de la vie et celui du logement, combinés aux questions liées à l’emploi, ne sont pas suffisants pour rejeter une PRI; les circonstances doivent être excessivement difficiles à l’endroit proposé pour la PRI, et il n’y a aucune preuve que cela est le cas.

C.  La conclusion tirée concernant la PRI est raisonnable

(1)  La jurisprudence

[49]  Le critère à deux volets applicable à la PRI énoncé dans l’arrêt Rasaratnam a été continuellement appliqué et expliqué en détail, notamment dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, [1993] ACF no 1172 (QL) (CA) (Thirunavukkarasu), aux paragraphes 2 et 12. Premièrement, le décideur doit être convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté à l’endroit proposé pour la PRI. Deuxièmement, la situation à l’endroit proposé pour la PRI doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge, compte tenu de l’ensemble des circonstances, y compris de la situation personnelle de ce dernier.

[50]  Comme la Cour d’appel l’a fait remarquer dans Thirunavukkarasu, au paragraphe 14 :

La possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ne peut pas être seulement supposée ou théorique; elle doit être une option réaliste et abordable. Essentiellement, cela veut dire que l’autre partie plus sûre du même pays doit être réalistement accessible au demandeur. S’il y a des obstacles qui pourraient se dresser entre lui et cette autre partie de son pays, le demandeur devrait raisonnablement pouvoir les surmonter. On ne peut exiger du demandeur qu’il s’expose à un grand danger physique ou qu’il subisse des épreuves indues pour se rendre dans cette autre partie ou pour y demeurer. Par exemple, on ne devrait pas exiger des demandeurs de statut qu’ils risquent leur vie pour atteindre une zone de sécurité en traversant des lignes de combat alors qu’il y a une bataille. On ne devrait pas non plus exiger qu’ils se tiennent cachés dans une région isolée de leur pays, par exemple dans une caverne dans les montagnes, ou dans le désert ou dans la jungle, si ce sont les seuls endroits sûrs qui s’offrent à eux. Par contre, il ne leur suffit pas de dire qu’ils n’aiment pas le climat dans la partie sûre du pays, qu’ils n’y ont ni amis ni parents ou qu’ils risquent de ne pas y trouver de travail qui leur convient. S’il est objectivement raisonnable dans ces derniers cas de vivre dans une telle partie du pays sans craindre d’être persécuté, alors la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays existe et le demandeur de statut n’est pas un réfugié.

[Non souligné dans l’original.]

[51]  Le fardeau élevé dont doit s’acquitter le demandeur d’asile afin de prouver qu’une PRI proposée est déraisonnable a été expliqué dans Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, 193 FTR 320 (CA) (Ranganathan), aux paragraphes 15 à 17 :

[15]  Selon nous, la décision du juge Linden, pour la Cour d’appel, indique qu’il faille placer la barre très haute lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable. Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. Cela est bien différent des épreuves indues que sont la perte d’un emploi ou d’une situation, la diminution de la qualité de vie, le renoncement à des aspirations, la perte d’une personne chère et la frustration des attentes et des espoirs d’une personne.

[16]  Il y a au moins deux motifs qui font qu’il est important de ne pas baisser la barre. Premièrement, comme notre Cour l’a dit dans Thirunavukkarasu, la définition de réfugié au sens de la Convention exige que « les demandeurs de statut ne puissent ni ne veuillent, du fait qu’ils craignent d’être persécutés, se réclamer de la protection de leur pays d’origine et ce, dans n’importe quelle partie de ce pays ». En d’autres mots, ce qui fait qu’une personne est un réfugié au sens de la Convention, c’est sa crainte d’être persécutée par son pays d’origine quel que soit l’endroit où elle se trouve dans ce pays. Le fait d’élargir ou de rabaisser la norme d’évaluation du caractère raisonnable de la PRI dénature de façon fondamentale la définition de réfugié: on devient un réfugié sans avoir la crainte d’être persécuté et du fait que la vie au Canada serait meilleure sur le plan matériel, économique et affectif que dans un endroit sûr de son propre pays.

[Non souligné dans l’original.]

[52]  Dans la décision Valasquez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1201, [2010] ACF no 1496 (QL), qui a été invoquée par les demandeurs, le juge O’Reilly a résumé, au paragraphe 15, l’approche et les principes tirés de la jurisprudence :

La notion de PRI fait partie inhérente de la définition de réfugié au sens de la Convention, parce que le demandeur doit être un réfugié d’un pays, et non d’une certaine partie ou région d’un pays (voir Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1992] 1 CF 706, au paragraphe 6). Une fois que la Commission envisage une PRI, elle doit en déterminer la viabilité en fonction du critère à deux volets décrit dans l’arrêt Rasaratnam. Il incombe au demandeur de prouver qu’il n’y a aucune PRI ou qu’elle est déraisonnable dans les circonstances. Le demandeur doit en fait persuader la Commission, selon la prépondérance de la preuve, soit qu’il risque sérieusement d’être persécuté à l’endroit proposé par la Commission pour la PRI, soit qu’il serait déraisonnable pour lui de se réfugier à cet endroit étant donné sa situation particulière.

[Non souligné dans l’original.]

[53]  Tel qu’il est souligné dans la jurisprudence, le demandeur d’asile est un réfugié qui fuit l’ensemble de son pays, et non seulement un village ou une région du pays. Par conséquent, il ne peut pas demander l’asile dans un autre pays, tant qu’il existe un endroit dans son propre pays – même si ce n’est pas celui où il souhaite vivre – où il serait protégé contre le risque allégué, et qui ne serait pas déraisonnable, eu égard à l’ensemble des circonstances. Dans tous les cas, il incombe au demandeur d’asile de démontrer, à l’aide d’une preuve objective, que la PRI proposée est déraisonnable. Cela signifie qu’il doit établir qu’il existe une possibilité sérieuse d’être persécuté à l’endroit proposé pour la PRI ou qu’il est déraisonnable de s’y installer en raison des conditions qui y prévalent, compte tenu de toutes les circonstances, y compris de la situation personnelle du demandeur. Le seuil élevé établi dans Ranganathan, au paragraphe 15 (« rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr ») s’applique aux deux volets du critère.

(2)  La conclusion tirée concernant la PRI est raisonnable

[54]  La SAR a appliqué le critère approprié et n’a pas commis d’erreur en concluant que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau qui leur incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la PRI à Port Harcourt n’était pas raisonnable.

[55]  En ce qui concerne le premier volet du critère, l’analyse de la SAR visant à déterminer si les demandeurs étaient exposés à un risque sérieux de persécution a consisté principalement à apprécier la probabilité que l’oncle du demandeur adulte – qui était l’agent de persécution prétendu – les trouve. La SAR a constaté que les demandeurs n’avaient fourni aucune preuve indiquant la façon dont cet oncle avait su qu’ils étaient rendus aux États‑Unis ou qu’ils avaient déménagé ailleurs au Nigéria. La SAR a raisonnablement conclu que le témoignage du demandeur adulte au sujet du pouvoir de cet oncle et de ce qu’il était capable de faire était vague et n’étayait pas l’allégation formulée.

[56]  La SAR a reconnu que les articles généraux produits par les demandeurs concernant la mutilation des organes génitaux féminins faisaient état d’une pratique préjudiciable. Elle s’est appuyée sur le cartable national de documentation, qui indique que les parents peuvent refuser que leurs filles soient soumises à cette pratique. Elle a également fait remarquer que la pratique est interdite aux termes du Violence Against Persons (Prohibition) Act 2015. La SAR a reconnu que, bien que cette pratique ait toujours cours dans certaines régions du Nigéria, il est possible de bénéficier de la protection de l’État et de celle de certaines organisations religieuses.

[57]  En ce qui concerne le risque allégué voulant que la demanderesse principale et ses filles soient forcées de subir une mutilation des organes génitaux féminins et que leur fils doive se plier à d’autres rituels, il convient de se rappeler que l’agent de persécution prétendu est l’oncle, et non des acteurs étatiques. La SPR et la SAR ont toutes deux raisonnablement conclu que cette allégation n’était pas crédible, puisqu’il n’y avait aucune preuve que l’oncle avait un tel pouvoir ou une telle influence.

[58]  Un seuil élevé s’applique en ce qui concerne le deuxième volet du critère, qui consiste à déterminer si le déménagement à l’endroit proposé pour la PRI serait raisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances, y compris de la situation personnelle des demandeurs. Il incombe aux demandeurs de présenter des éléments de preuve objectifs démontrant que, dans leur cas, la PRI n’est pas raisonnable. La SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas atteint le seuil exigé.

[59]  Les observations des demandeurs portaient principalement sur le coût élevé de la vie et du logement, les perspectives d’emploi et d’affaires ainsi que les barrières linguistiques. Toutefois, la SAR a constaté que la preuve objective démontrait que Port Harcourt était une grande ville, où les gens parlaient la langue des demandeurs et où de vastes communautés pratiquaient la religion chrétienne, tout comme eux. La SAR a reconnu que les demandeurs feraient face à des difficultés sur le plan économique, mais a raisonnablement conclu que celles‑ci ne seraient pas de nature à compromettre leur santé ou leur sécurité. Tel qu’il est souligné dans la jurisprudence, le seuil est très élevé, et les préférences d’un demandeur ou les conséquences découlant du fait qu’il doive s’adapter à un nouvel endroit ne suffisent pas pour rejeter une PRI.

[60]  La SAR n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte du rapport psychologique relatif à la demanderesse principale au moment d’apprécier le caractère raisonnable de la PRI.

[61]  C’est à tort que les demandeurs s’appuient sur le paragraphe 32 de la décision Atay pour étayer leur argument selon lequel la SAR a commis une erreur en ne tenant pas compte du rapport psychologique relatif à la demanderesse principale. Dans Atay, le juge O’Keefe a conclu ce qui suit, au paragraphe 32 :

Étant donné que le contenu du rapport psychologique était pertinent à l’égard des conclusions de la Commission quant à la crédibilité, la Commission aurait dû prendre le temps de considérer en quoi l’état de santé du demandeur affectait son comportement avant de tirer sa conclusion en matière de crédibilité. Comme la Commission ne l’a pas fait, il m’est impossible de savoir quelle aurait été sa conclusion au sujet de crédibilité si elle avait pris d’abord en considération le rapport. À mon avis, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle.

[62]  Tel qu’il a été mentionné, aucune conclusion n’a été tirée en l’espèce quant à la crédibilité de la demanderesse principale, et celle-ci n’a pas témoigné. Par conséquent, la recommandation voulant que la demanderesse principale ait droit à des pauses dans le cadre de son témoignage, en raison de son trouble de stress post-traumatique, n’a pas été ignorée; elle ne s’appliquait tout simplement pas.

[63]  De plus, le rapport psychologique du Dr Devins, qui a été rédigé à la suite d’un seul entretien et seulement à partir du récit de la demanderesse principale, fait référence à des [traduction« faits traumatisants », sans fournir de détails particuliers. Le rapport n’aborde pas la question des répercussions d’une PRI proposée, mais énonce de façon générale que l’état de la demanderesse [traduction« se détériorera si elle est exposée à d’autres menaces de préjudice ».


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3778‑18

LA COUR STATUE :

  1. que la demande est rejetée;

  2. qu’aucune question n’est certifiée.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de mai 2019

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3778‑18

 

INTITULÉ :

OLUBUNMI SUSAN ADEBAYO, GBADEBO DAVE ADEBAYO, TIMILEYIN REBECCA ADEBAYO, OLUWABUKUNFUNFUNMI PAUL ADEBAYO, DAMILOLA COMFORT ADEBAYO c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 MARS 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 19 MARS 2019

 

COMPARUTIONS :

Dotun Davies

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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