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Date : 20190314


Dossier : IMM‑3857‑18

Référence : 2019 CF 311

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2019

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

OLUWAKEMI SHOLA AKANNIOLU, OLUWAFEMI DAVID AKANNIOLU, OOREOLUWA STEPHEN AKANNIOLU

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire, au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], de la décision datée du 20 juillet 2018 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.  Contexte

A.  Les allégations des demandeurs

[3]  Les demandeurs, qui sont les trois membres d’une même famille, sont des citoyens du Nigéria. Ils sollicitent l’asile au motif que leurs vies sont menacées du fait du travail d’Oluwakemi Shola Akanniolu [la demanderesse principale] auprès de l’organisme Future Planners Initiative. Cet organisme vise à protéger les femmes et les jeunes filles du Nigéria contre les agressions sexuelles et à dénoncer leurs agresseurs.

[4]  Les demandeurs allèguent qu’ils étaient menacés par des personnes qui n’étaient pas en faveur du travail de la demanderesse principale consistant à sensibiliser la population à l’égard de la violence sexuelle envers les femmes et les jeunes filles. Les demandeurs allèguent également que des membres de la secte Badoo les ont agressés à leur domicile et les ont menacés en raison du travail de défense de la demanderesse principale.

B.  La décision de la SPR

[5]  La SPR a jugé crédible le témoignage des demandeurs au sujet de l’organisme Future Planners Initiative et de son travail de défense. La SPR a d’ailleurs attiré l’attention sur les publications de l’organisme, y compris les livres écrits par la demanderesse principale au sujet de la violence faite aux enfants, sur les conférences données et sur d’autres initiatives de sensibilisation menées par l’organisme.

[6]  Cependant, la SPR a jugé que les documents fournis par les demandeurs pour appuyer leurs allégations selon lesquelles ils étaient persécutés et menacés en raison du travail de la demanderesse principale manquaient de crédibilité. Ayant conclu que divers documents n’étaient pas fiables, qu’ils avaient probablement été fabriqués de toutes pièces et, pire encore, qu’ils étaient frauduleux, la SAR n’a accordé que peu de poids, voire aucun, à ces documents.

[7]  La SPR a constaté que deux lettres faisant état d’un cas de maltraitance d’un enfant envoyées par l’organisme Future Planners Initiative au secrétaire permanent du ministère de la Condition féminine et de la Réduction de la pauvreté portaient la mention [traduction« reçu » aux pages 1 et 2, mais que ces mentions indiquaient des dates différentes. La SPR a jugé que ces lettres avaient probablement été fabriquées de toutes pièces.

[8]  La SPR a estimé que le rapport de police et l’affidavit de la demanderesse principale concernant une menace de mort proférée à l’endroit de celle-ci lors de la violation de son domicile étaient peu fiables, [traduction« voire frauduleux ». La SPR a souligné que le rapport de police contenait de nombreuses erreurs d’orthographe. Dans l’affidavit de la demanderesse principale, son propre nom était mal orthographié et certains passages répétaient mot à mot des passages du rapport de police.

[9]  La SPR a aussi estimé que l’affidavit d’Oluwafemi David Akanniolu [le demandeur], lequel confirme la violation de domicile par des hommes armés et le vol de certains effets, corrobore effectivement les faits concernant la violation de domicile et le vol, mais pas l’allégation des demandeurs selon laquelle les hommes armés ciblaient précisément la demanderesse principale en raison de son travail auprès de l’organisme Future Planners Initiative.

[10]  La SPR a jugé que l’affidavit de T.O., qui porte également sur la violation de domicile, était fondé sur le récit des demandeurs et qu’il n’avait donc qu’une faible valeur probante.

[11]  L’affidavit de L.B., qui relate un vol qualifié, sans lien avec les autres incidents, commis à l’endroit de L.B. et de la demanderesse principale, a été jugé non pertinent au regard des allégations des demandeurs relativement aux menaces dont ils avaient fait l’objet.

[12]  Enfin, la SPR a estimé que la crainte des demandeurs à l’égard de la secte Badoo était peu crédible.

[13]  La SPR a fait remarquer que les demandeurs avaient mis un certain temps à quitter le Nigéria après avoir reçu les menaces alléguées et qu’ils n’avaient pas demandé l’asile aux États‑Unis alors qu’ils y ont habité durant un an. La SPR a conclu que ces faits minaient leur crédibilité, soulignant que leur comportement était incohérent avec leurs allégations selon lesquelles ils avaient peur et croyaient que quelqu’un en avait après eux.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[14]  Dans leur appel à la SAR, les demandeurs ont fait valoir que la SPR avait manqué à l’équité procédurale en ne portant pas à leur attention ses préoccupations quant à leurs documents justificatifs et en ne leur offrant pas la possibilité de s’expliquer.

[15]  En outre, les demandeurs ont cherché à faire admettre de nouveaux éléments de preuve, notamment un affidavit de la demanderesse principale contenant des explications relativement aux incohérences et aux erreurs contenues dans les documents fournis précédemment, de nouvelles versions des lettres déjà fournies indiquant de nouvelles dates, une version corrigée du rapport de police, la transcription d’une conversation entre la demanderesse principale et une jeune fille, une lettre de l’épouse de l’agresseur présumé de cette jeune fille, ainsi qu’un article récent portant sur la secte Badoo.

[16]  La SAR a jugé que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas admissibles puisqu’ils ne satisfaisaient pas aux critères énoncés au paragraphe 110(4) de la Loi ou aux facteurs établis dans l’arrêt Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, [2007] ACF no 1632 (QL) [Raza]. Les nouveaux éléments de preuve n’ayant pas été admis, la SAR a refusé de tenir une audience.

[17]  La SAR a déclaré que la question déterminante était celle de la crédibilité des allégations des demandeurs selon lesquelles ils faisaient l’objet de menaces au Nigéria.

[18]  La SAR a estimé que la SPR n’avait pas manqué à l’équité procédurale, soulignant que la SPR n’est pas tenue de porter à l’attention d’un demandeur les incohérences relevées dans les documents que celui-ci a fournis et sur lesquels il s’est fondé.

[19]  La SAR a jugé que le nouvel affidavit de la demanderesse principale, qui visait à expliquer les erreurs d’orthographe, les incohérences et le caractère illogique des dates indiquées dans les documents originaux, ne suffisait pas à compenser les lacunes, soulignant que certaines explications étaient absurdes.

[20]  La SAR a effectué sa propre analyse des documents originaux et a relevé plusieurs problèmes. Elle a jugé que les documents portaient à mettre en doute la crédibilité des allégations relatives à l’agression et aux menaces.

[21]  La SAR a examiné le rapport de police et l’affidavit de la demanderesse principale portant sur la violation de domicile. La SAR a souscrit aux conclusions de la SPR concernant les erreurs d’orthographe dans les sections principales et les en-têtes, les erreurs d’orthographe dans le nom de la demanderesse principale et la ressemblance entre les écritures manuscrites des deux documents, lesquelles conclusions ont amené la SPR à juger que les documents étaient peu fiables.

[22]  La SAR a fait remarquer que l’affidavit de F.A.O., décrit comme un « ami et protecteur », relate la violation de domicile d’après le récit que les demandeurs en ont fait et qu’il n’a donc qu’une faible valeur probante.

[23]  En ce qui concerne les affidavits de L.B. et T.O., la SAR a estimé qu’ils n’avaient aucun lien avec les allégations des demandeurs selon lesquelles ils étaient ciblés et menacés. La SAR a aussi estimé que les affidavits ne suffisaient pas à dissiper les doutes sérieux quant à la crédibilité.

[24]  La SAR a conclu que les allégations des demandeurs selon lesquelles ils étaient menacés en raison du travail de la demanderesse principale, y compris les allégations concernant la secte Badoo, n’étaient pas crédibles et que la crédibilité des demandeurs était minée par les documents qu’ils avaient fournis. Par conséquent, la SAR a confirmé la conclusion de la SPR, à savoir que les demandeurs n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.

III.  Les questions en litige

[25]  La présente demande soulève trois questions :

  1. La SAR a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve des demandeurs?
  2. La SAR a-t-elle commis une erreur en concluant que la SPR n’avait pas manqué à l’équité procédurale?
  3. La SAR a-t-elle raisonnablement conclu que les allégations des demandeurs n’étaient pas crédibles?

IV.  La norme de contrôle applicable

[26]  Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 70, [2016] 4 RCF 157 [Huruglica], la Cour d’appel fédérale a précisé que la SAR instruit un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la SPR et examine les conclusions de la SPR en se fondant sur la norme de la décision correcte. Toutefois, la SAR peut s’en remettre à la SPR en ce qui a trait aux conclusions quant à la crédibilité « si la SPR a joui d’un véritable avantage », par exemple, si la SPR a entendu le témoignage en direct.

[27]  Dans le cadre du contrôle d’une décision de la SAR, la Cour applique la norme de la décision raisonnable au regard des conclusions tirées par la SAR relativement aux questions de fait, y compris la crédibilité, et aux questions mixtes de fait et de droit (Huruglica, aux paragraphes 30 à 35). Cette même norme s’applique aussi aux conclusions concernant l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, au paragraphe 29, [2016] 4 RCF 230 [Singh]).

[28]  Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

[29]  Les questions liées à l’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339).

V.  Les observations des demandeurs

[30]  Les demandeurs allèguent que la SAR a commis une erreur en n’admettant pas les nouveaux éléments de preuve qu’ils ont produits dans le but de dissiper les doutes de la SPR quant à la crédibilité. Les demandeurs font valoir que le nouvel affidavit de la demanderesse principale explique pourquoi les documents n’auraient pas pu être présentés à la SPR dans leur forme actuelle. Les demandeurs ajoutent que la SAR a commis une autre erreur en ne tenant pas d’audience.

[31]  En outre, les demandeurs allèguent que la SAR a commis une erreur en concluant que la SPR n’avait pas manqué à l’équité procédurale. Ils soulignent que la SPR a convenu que la demanderesse principale défendait les femmes et les jeunes filles contre la violence sexuelle et que son travail contribuait à dénoncer les agresseurs. Les demandeurs font valoir que la crédibilité de leurs documents aurait dû être prise en compte dans ce contexte.

[32]  Les demandeurs prétendent que la SPR aurait dû porter à leur attention ses préoccupations au sujet des documents et leur donner l’occasion de les dissiper.

[33]  Les demandeurs mentionnent que la SAR a cité la jurisprudence relative aux facteurs qu’un décideur doit prendre en compte au moment de déterminer s’il y a obligation de porter à l’attention d’un demandeur les incohérences relevées dans ses éléments de preuve, mais qu’elle n’a pas appliqué cette jurisprudence. Les demandeurs renvoient à la décision Ngongo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1627 (QL), au paragraphe 16, 94 ACWS (3d) 975 [Ngongo] et font valoir qu’est établi, dans cette décision, un critère qui n’a été appliqué ni par la SPR ni par la SAR.

[34]  De plus, les demandeurs font valoir que la conclusion de la SAR selon laquelle ils n’ont pas établi le fondement de leur demande d’asile – les allégations de menaces, notamment de la part de la secte Badoo, attribuables au travail de défense de la demanderesse principale – n’est pas raisonnable.

VI.  Les observations du défendeur

[35]  Le défendeur affirme que la décision de la SAR est raisonnable.

[36]  Le défendeur allègue que la SAR a conclu à juste titre qu’il n’y avait pas eu manquement à l’équité procédurale de la part de la SPR. Il souligne qu’il a été établi, dans la jurisprudence, que le devoir d’équité procédurale n’exige pas de porter à l’attention des demandeurs les incohérences et autres préoccupations soulevées à l’égard des documents qu’ils ont eux-mêmes présentés. Le défendeur ajoute que la jurisprudence sur laquelle se sont appuyés les demandeurs (Ngongo) porte sur la façon dont un témoignage devrait être évalué et sur la façon dont une cour de révision devrait déterminer si un décideur a fait preuve d’un zèle exagéré en tirant des conclusions défavorables du témoignage, par exemple, en se concentrant sur des incohérences mineures. La décision Ngongo ne porte aucunement sur l’évaluation de documents écrits produits par les demandeurs.

[37]  Le défendeur souligne que, contrairement aux observations présentées de vive voix par les demandeurs, la SPR ne s’est fondée sur aucun élément de preuve extrinsèque. Les documents que la SPR et la SAR ont jugés problématiques ont tous été produits par les demandeurs, lesquels en connaissaient le contenu.

[38]  Le défendeur ajoute que la SAR n’a pas commis d’erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve. Il fait valoir que les demandeurs ne sont pas autorisés à produire de nouveaux éléments de preuve dans le but de corriger ou de combler des lacunes contenues dans leurs éléments de preuve originaux. Les demandeurs doivent présenter leurs meilleurs arguments dès l’audience devant la SPR.

VII.  La décision de la SAR est raisonnable

A.  La SAR n’a pas commis d’erreur en refusant d’admettre les nouveaux éléments de preuve. De ce fait, elle n’a pas commis d’erreur en refusant de tenir une audience.

[39]   Le paragraphe 110(4) de la Loi est libellé comme suit :

110(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

110(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[40]  Dans l’arrêt Singh, au paragraphe 63, la Cour d’appel fédérale a souligné que la SAR ne peut faire fi des critères législatifs clairs énoncés au paragraphe 110(4). De plus, les facteurs établis dans l’arrêt Raza, aux paragraphes 13 et 14 (crédibilité, pertinence, nouveauté et caractère substantiel), demeurent applicables par la SAR au moment de déterminer si de nouveaux éléments de preuve doivent être admis. La Cour d’appel fédérale a ajouté que seuls les éléments de preuve qui satisfont aux critères énoncés au paragraphe 110(4) sont admissibles.

[41]  Le rôle de la Cour n’est pas de réexaminer la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient dû être admis, mais bien de déterminer si la conclusion de la SAR selon laquelle les nouveaux éléments de preuve ne satisfaisaient pas aux critères est raisonnable. La SAR a fourni des motifs clairs pour justifier son refus d’admettre les nouveaux éléments de preuve, se fondant sur les critères législatifs énoncés au paragraphe 110(4) de la Loi et sur l’application des facteurs établis dans l’arrêt Raza.

[42]  Comme l’a fait remarquer la SAR, les demandeurs n’ont pas expliqué de façon raisonnable pourquoi les « nouveaux » documents – qui étaient essentiellement des versions corrigées ou révisées des documents originaux – n’avaient pas pu être présentés à la SPR. Les renseignements n’étaient ni nouveaux ni nouvellement révélés, seulement révisés. La SAR a examiné le nouvel affidavit de la demanderesse principale, lequel visait à expliquer les incohérences. Cet affidavit mentionnait que les demandeurs n’avaient pas rédigé les documents (y compris l’affidavit présenté à la SPR), mais qu’ils s’étaient plutôt fiés à des tiers, qui ont commis des erreurs bureaucratiques. Les demandeurs n’auraient pas pu savoir que les documents contiendraient ces erreurs. La SAR a raisonnablement jugé que cette explication n’était pas suffisante pour permettre à la SPR de conclure que les critères énoncés au paragraphe 110(4) avaient été respectés.

[43]  Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Singh, au paragraphe 54 :

Le rôle de la SAR ne consiste pas à fournir la possibilité de compléter une preuve déficiente devant la SPR, mais plutôt à permettre que soient corrigées des erreurs de fait, de droit ou mixtes de fait et de droit.

[44]  La SAR a aussi raisonnablement jugé que l’article concernant la secte Badoo ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité des nouveaux éléments de preuve établis dans l’arrêt Raza et qu’il était donc inadmissible. La SAR a estimé que l’article ne fournissait pas de renseignements sur la secte Badoo qui n’avaient pas déjà été examinés par la SPR et que les renseignements fournis ne concernaient pas les demandeurs en particulier.

B.  La SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que la SPR n’avait pas manqué à l’équité procédurale.

[45]  La SAR a correctement conclu que la SPR n’était pas tenue de porter à l’attention des demandeurs ses préoccupations au sujet des documents qu’ils avaient eux-mêmes produits.

[46]  Dans la décision Moïse c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 93, [2019] ACF no 72 (QL) [Moïse], le juge LeBlanc a réitéré la jurisprudence établie aux paragraphes 9 et 10, soulignant la distinction entre les éléments de preuve présentés par un demandeur et les éléments de preuve extrinsèques :

9.  […] La jurisprudence de cette Cour est sans équivoque : les règles de l’équité procédurale n’exigent pas que les demandeurs d’asile soient confrontés à des renseignements qu’ils connaissaient et qu’ils ont, par surcroit, eux-mêmes fournis (Gu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 543 au para 29; Aguilar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 150 au para 31; Mohamed Mahdoon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 284 au para 22; Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558 au para 17; Azali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 517 au para 26).

10  La situation est toute autre lorsque les renseignements que l’on invoque à l’encontre du demandeur d’asile et auxquels il n’a pas été confronté, sont des éléments de preuve extrinsèques. Il ne s’agit pas de cela ici. Le certificat médical en cause faisant partie de la documentation soumise par le demandeur au soutien de sa demande d’asile. On ne peut donc reprocher à la SPR de ne pas l’avoir confronté à l’écart de dates quant au jour précis de l’agression dont le demandeur dit avoir été victime en janvier 2006, que ce certificat fait apparaître.

[47]  Dans la décision Gu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 543, au paragraphe 29, [2017] ACF no 600, la Cour a mis l’accent sur le même principe bien établi, récemment réitéré dans la décision Moïse :

La SPR n’était pas tenue de confronter les demandeurs concernant cette contradiction; les principes d’équité procédurale n’exigent pas que la Commission confronte les demandeurs quant à de l’information qu’ils ont eux-mêmes fournie : Aguilar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 150, [2012] ACF no 146, au paragraphe 31.

[48]  Lors de l’instruction de la présente demande, les demandeurs ont renvoyé la Cour à plusieurs décisions dans lesquelles il est dit que les éléments de preuve extrinsèques devraient être portés à l’attention d’un demandeur, que les affidavits ne devraient pas être écartés uniquement parce qu’ils proviennent de membres de la famille et que les documents ne devraient pas être écartés uniquement parce qu’ils contiennent des erreurs typographiques. Toutefois, aucune des décisions citées par les demandeurs n’est liée aux documents ou aux questions déterminantes en cause en l’espèce.

[49]  En outre, les demandeurs ont laissé entendre que le demandeur et Ooreoluwa Stephen Akanniolu [le demandeur mineur] ne devraient pas être concernés par les conclusions de la SPR et de la SAR quant à l’élément de preuve fourni par la demanderesse principale. Les demandeurs ont avancé que cet élément de preuve pourrait être considéré comme extrinsèque au regard du demandeur et du demandeur mineur, et que ceux-ci auraient dû avoir la possibilité de répondre aux préoccupations de la SPR au sujet de l’élément de preuve en question. Je ne partage aucunement cet avis. L’argument est fondé sur une mauvaise compréhension de l’élément de preuve extrinsèque. En outre, il ne tient pas compte du fait que le demandeur et le demandeur mineur s’appuient sur le même exposé des faits et sur les mêmes éléments de preuve que la demanderesse principale; ils ont présenté des demandes conjointes. De plus, le demandeur a produit un affidavit relatant la même violation de domicile alléguée. Les éléments de preuve produits par les demandeurs s’appliquent à eux tous. Il ne s’agit donc pas d’éléments de preuve extrinsèques. Les demandeurs sont censés connaître le contenu de leurs propres éléments de preuve, et un décideur n’est pas tenu de porter ses préoccupations à l’attention des demandeurs ni de leur offrir la possibilité d’y répondre.

C.  La SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que les allégations des demandeurs n’étaient pas crédibles.

[50]  La SAR a réalisé sa propre évaluation de tous les éléments de preuve et a raisonnablement conclu que les documents manquaient de crédibilité et ne pouvaient pas appuyer les allégations des demandeurs selon lesquelles ils faisaient l’objet de menaces de la part de la secte Badoo ou de personnes non identifiées qui, selon les demandeurs, les ciblaient en raison du travail de défense de la demanderesse principale. La SAR a jugé que les documents n’étaient pas fiables pour plusieurs raisons, notamment en raison des incohérences observées dans les dates, des erreurs d’orthographe dans les sections principales du document de police et des erreurs contenues dans l’affidavit de la demanderesse principale. Par conséquent, la SAR a conclu que les documents n’étaient pas crédibles. La SAR a estimé que d’autres affidavits ne soulevaient aucune préoccupation quant à la crédibilité des demandeurs, mais qu’ils ne faisaient que relater les faits présentés par les demandeurs. La SAR s’est penchée sur les explications fournies par la demanderesse principale dans son nouvel affidavit et a raisonnablement conclu que ces explications ne suffisaient pas à dissiper les préoccupations soulevées et que certaines des explications étaient tout simplement absurdes.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑3857‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de mai 2019.

Geneviève Bernier, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3857‑18

 

INTITULÉ :

OLUWAKEMI SHOLA AKANNIOLU, OLUWAFEMI DAVID AKANNIOLU, OOREOLUWA STEPHEN AKANNIOLU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 MARS 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 MARS 2019

 

COMPARUTIONS :

Adetayo Akinyemi

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Kevin Doyle

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Adetayo Akinyemi

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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