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Date : 20190311


Dossier : IMM‑1957‑18

Référence : 2019 CF 292

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 mars 2019

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

IMRE EMIL AJTAI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Imre Emil Ajtai a demandé l’asile au Canada parce qu’il craint d’être persécuté en Roumanie. Il allègue qu’il a été victime d’une poursuite pour voies de fait injustifiée. Bien qu’il ait été acquitté et que ce verdict ait été confirmé en appel, il soutient que les instigateurs de cette poursuite s’en prendront probablement à lui de nouveau.

[2]  Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Ajtai. La Commission a conclu que la crainte qu’avait M. Ajtai d’être persécuté en Roumanie ne reposait sur aucun fondement objectif, car les instigateurs de la poursuite n’avaient pas communiqué avec lui depuis 2012. De plus, M. Ajtai mettait lui‑même en doute l’existence de toute discrimination à son encontre en raison de son origine rom. Il a soutenu que les allégations de discrimination contenues dans son exposé circonstancié écrit avaient été rédigées par son ancien avocat, qu’il avait congédié avant son audience devant la Commission.

[3]  Puisque M. Ajtai est aussi un citoyen de la Hongrie, la Commission s’est également penchée sur la probabilité qu’il soit persécuté s’il choisissait d’y vivre au lieu de vivre en Roumanie. Elle a conclu que l’origine rom de M. Ajtai ne justifiait pas, en soi, le dépôt d’une demande d’asile.

[4]  M. Ajtai soutient que la décision de la Commission était déraisonnable parce que celle‑ci n’a pas tenu compte du fait qu’il n’était pas représenté par un avocat. Il prétend également que la Commission n’a pas bien saisi le véritable fondement de sa demande d’asile. Enfin, M. Ajtai affirme que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve concernant des personnes dont la situation est similaire à la sienne en Hongrie. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner à un autre tribunal de la Commission d’examiner à nouveau sa demande.

[5]  Je ne constate aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de la Commission. M. Ajtai a choisi de se représenter lui‑même à l’audience et, d’après mon interprétation de la transcription, il n’a eu aucune difficulté à présenter sa demande d’asile à la Commission. La Commission a compris et examiné le fondement de la crainte qu’avait M. Ajtai d’être persécuté en Roumanie, ainsi que la possibilité qu’il soit exposé à un risque en Hongrie. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]  Trois questions se posent en l’espèce :

  1. La Commission a‑t‑elle traité M. Ajtai équitablement comme une personne se représentant elle‑même?

  2. La Commission a‑t‑elle mal interprété les craintes de M. Ajtai concernant la Roumanie et la Hongrie?

  3. La Commission a‑t‑elle omis de tenir compte de la situation de personnes se trouvant dans une situation similaire en Hongrie?

II.  Première question – La Commission a‑t‑elle traité M. Ajtai équitablement comme une personne se représentant elle‑même?

[7]  M. Ajtai affirme que la Commission n’a pas reconnu qu’il était difficile pour lui de se représenter à une audience seulement huit jours après le retrait de son avocat du dossier. Il ne connaissait pas les procédures et il avait de la difficulté à comprendre les questions qui seraient abordées par la Commission. Il est d’avis que, dans les circonstances, la Commission aurait dû envisager d’ajourner l’audience ou lui demander s’il souhaitait retenir les services d’un autre avocat, ou que la Commission aurait dû veiller à ce qu’il obtienne une audience équitable.

[8]  Je ne suis pas de cet avis. M. Ajtai a obtenu une audience équitable.

[9]  M. Ajtai a renvoyé son avocat avant l’audience et en a informé la Commission. La Commission a confirmé que M. Ajtai avait retiré son avocat du dossier, et elle s’est assurée que M. Ajtai avait tous les documents pertinents à sa disposition et elle lui a donné l’occasion de les examiner. Elle lui a également expliqué le déroulement de l’audience, lui a fait part des questions en litige et lui a signalé qu’il était tenu de dire la vérité. Un interprète était aussi disponible pour l’aider à faire son témoignage. M. Ajtai n’a jamais exprimé de malaise à l’égard du déroulement de l’audience.

[10]  M. Ajtai prétend que la Commission a interrompu son témoignage à plusieurs reprises et lui a reproché de ne pas s’en tenir à des questions pertinentes. Je n’ai pas la même interprétation de la transcription. Il semble que, à l’occasion, la Commission ait simplement renvoyé M. Ajtai à des questions qui étaient directement liées à sa demande d’asile. Je ne vois rien d’inéquitable dans la manière dont la Commission a traité M. Ajtai pendant son témoignage.

[11]  M. Ajtai prétend également qu’il n’a pas eu l’occasion de présenter tous les éléments de preuve documentaire à l’appui de sa demande.

[12]  La Commission disposait d’éléments de preuve documentaire qui démontraient que M. Ajtai avait été poursuivi pour voies de fait et acquitté, et que ce verdict avait été confirmé en appel. M. Ajtai a expliqué qu’il craignait encore les instigateurs de cette poursuite, mais il est difficile d’établir que d’autres éléments de preuve documentaire auraient pu être utilisés pour étayer sa demande. Je constate que la Commission disposait de documents en hongrois non traduits, mais M. Ajtai a affirmé qu’il n’avait pas déposé ces documents et il a bien fait comprendre qu’il n’avait pas l’intention de s’appuyer sur ceux‑ci. Il n’a désigné aucun document qui aurait pu l’aider.

[13]  Dans l’ensemble, il m’est donc impossible de conclure que la Commission a traité M. Ajtai de façon inéquitable.

III.  Deuxième question – La Commission a‑t‑elle mal interprété les craintes de M. Ajtai concernant la Roumanie et la Hongrie?

[14]  M. Ajtai affirme que la Commission n’a pas bien saisi le fondement de sa demande, à savoir qu’il avait été poursuivi à tort pour voies de fait et que, bien qu’il ait été acquitté, les instigateurs de cette poursuite voulaient encore s’en prendre à lui. Le fait que le tribunal avait tranché en sa faveur dans cette affaire était pour lui une maigre consolation; il se sentait encore en danger. De plus, il craignait d’être maltraité en Hongrie compte tenu de ce qu’il avait vécu auparavant dans ce pays.

[15]  Je ne vois rien dans la décision de la Commission qui démontre que celle‑ci a mal compris la demande de M. Ajtai. La manière dont la Commission a décrit la source des craintes de M. Ajtai concordait avec la version des faits de ce dernier. La Commission a rejeté sa demande d’asile à l’égard de la Roumanie au motif que M. Ajtai n’a pas été reconnu coupable des accusations criminelles portées contre lui, et que les agents de persécution n’avaient pas tenté de communiquer avec lui depuis 2012. De plus, la manière dont il a été traité par les tribunaux en Roumanie démontre qu’il peut se prévaloir de la protection de l’État dans ce pays.

[16]  En ce qui a trait à la Hongrie, la Commission n’a pas fait référence au fait que M. Ajtai y avait été agressé pendant un séjour dans ce pays il y a près de 30 ans alors qu’il était adolescent. Toutefois, M. Ajtai n’a pas non plus mentionné cet incident dans son exposé circonstancié écrit. Lorsqu’on lui a posé des questions sur cette omission, il a expliqué que sa demande d’asile visait la Roumanie et non la Hongrie.

[17]  Il se peut que M. Ajtai n’ait pas su qu’il devait aussi présenter des éléments de preuve sur le risque de persécution en Hongrie parce qu’il possède la citoyenneté hongroise. Quoi qu’il en soit, il a déclaré que d’après ses lectures, les Roms sont persécutés en Hongrie, et il croit qu’il risque d’être aussi victime de discrimination en tant que citoyen roumain. La Commission lui a donné l’occasion de présenter des éléments de preuve supplémentaires à l’audience, mais il n’avait rien d’autre à ajouter. Encore une fois, je ne vois rien de déraisonnable dans la manière dont la Commission a traité sa demande.

IV.  Troisième question – La Commission a‑t‑elle omis de tenir compte de la situation de personnes se trouvant dans une situation similaire en Hongrie?

[18]  M. Ajtai prétend que la Commission a commis une erreur en exigeant qu’il prouve qu’il serait personnellement persécuté en Hongrie. Il soutient qu’il aurait dû simplement démontrer que des personnes se trouvant dans une situation similaire à la sienne y sont maltraitées et, par conséquent, qu’il pourrait s’attendre au même traitement s’il vivait dans ce pays.

[19]  Une preuve de risque personnel n’est pas strictement requise pour établir le bien‑fondé d’une demande d’asile. Une personne peut démontrer qu’elle craint avec raison d’être persécutée en faisant référence à l’expérience qu’ont vécue des personnes se trouvant dans une situation similaire à la sienne dans le même pays. Cependant, en l’espèce, les éléments de preuve quant au traitement que subissent les Roms en Hongrie sont contradictoires – certains Roms sont persécutés, certains font l’objet de discrimination, et certains sont traités équitablement. Par conséquent, la preuve concernant les Roms en Hongrie ne peut servir à elle seule à étayer l’allégation de M. Ajtai selon laquelle il sera probablement persécuté dans ce pays.

[20]  Je ne vois aucune erreur dans l’appréciation de la Commission de cet aspect de sa demande.

V.  Conclusion et décision

[21]  Même s’il n’était pas représenté par un avocat, M. Ajtai a obtenu une audience équitable. La Commission a raisonnablement examiné le fondement de sa demande et tenu compte du cas d’autres personnes se trouvant dans une situation similaire à la sienne en Hongrie. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑1957‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour d’avril 2019.

Manon Pouliot, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1957‑18

 

INTITULÉ :

IMRE EMIL AJTAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 FÉVRIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 MARS 2019

 

COMPARUTIONS :

Melissa Keogh

Pour LE DEMANDEUR

 

Ian Hicks

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee & Company

Service d’assistance judiciaire, conseils juridiques et contentieux en matière d’immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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