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Date : 20190311


Dossier : IMM‑3371‑18

Référence : 2019 CF 279

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 mars 2019

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

ANDREA MILENA PLATA VASQUEZ DANIELLE ANDREA CHAPARRO PLATA

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Andrea Milena Plata Vasquez et sa fille, Danielle Andrea Chaparro Plata, ont demandé un examen des risques avant renvoi (l’ERAR) avant d’être renvoyées dans leur pays d’origine, la Colombie. L’agent d’ERAR a conclu que les demanderesses n’ont pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elles risquaient de subir un préjudice grave en Colombie, ou qu’elles ne pourraient pas y obtenir la protection de l’État.

[2]  Les demanderesses affirment que les deux conclusions de l’agent sont déraisonnables. Elles prétendent également que, dans les circonstances, l’agent était obligé de tenir une audience ou, subsidiairement, de fournir les raisons pour lesquelles il a rejeté leur demande d’audience. Les demanderesses me demandent d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner à un autre agent d’effectuer un nouvel ERAR.

[3]  Je suis convaincu que l’agent aurait dû tenir une audience, car, en fait, il a conclu que les demanderesses n’étaient pas crédibles. J’accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire sur ce fondement. Même si j’ai également des réserves quant à l’analyse du bien‑fondé de la demande effectuée par l’agent, il est inutile que je les aborde, car un nouvel ERAR doit être mené de toute façon.

II.  Décision de l’agent

[4]  La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que les autorités colombiennes offraient une protection adéquate contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie, et a rejeté la demande d’asile des demanderesses en 2015.

[5]  Les demanderesses sont retournées en Colombie en 2016, mais de nouvelles menaces les ont obligées à revenir au Canada en 2017. Elles ont présenté une demande d’ERAR peu après leur retour.

[6]  L’agent a étudié les nouvelles sources de risque, soit les agressions et les menaces subies dans les villes de Bogotà et de Yopal, l’enlèvement commis par des agents de l’Ejército de Liberación Nacional (l’ELN), et l’agression perpétrée par des membres d’un gang à l’église de Bogotà où Mme Plata encadrait des jeunes.

[7]  L’agent s’est appuyé sur la déclaration statutaire de Mme Plata, dans laquelle elle décrivait les événements qui l’ont poussé à demander un ERAR :

  • En 2013, des membres d’un gang ont dévalisé l’église et ont pris des personnes en otage, dont la fille de Mme Plata.

  • Mme Plata a été victime d’une agression et d’un vol alors qu’elle était chauffeuse pour l’entreprise Uber à Bogotà. Elle a alors décidé de déménager à Yopal, où vivait son frère.

  • Mme Plata et sa fille ont été enlevées près de la maison de campagne de son frère. Elles ont été tenues en otage pendant environ dix jours jusqu’à ce que des agents du gouvernement les libèrent.

  • Mme Plata travaillait avec des jeunes à son église, essayant de les persuader de cesser leurs activités de gang. Les membres des gangs désapprouvaient ses efforts.

  • Un membre de l’un des pires gangs de la région a dit à son pasteur que les membres de son gang voulaient se débarrasser d’elle. Le même soir, des membres de ce gang l’attendaient chez elle. Elle n’a toutefois pas été blessée, car l’un des membres a demandé aux autres de ne pas lui faire de mal. Les membres du gang lui ont dit qu’elle serait tuée si elle ne quittait pas la région.

  • Mme Plata a demandé à son pasteur de lui fournir une lettre pour appuyer ses déclarations, ce qu’il a fait. Dans sa lettre, le pasteur a confirmé que Mme Plata dirigeait la pastorale des jeunes à l’église, mais il n’a pas corroboré les menaces qui auraient été proférées contre elle. Selon Mme Plata, le pasteur a omis de mentionner ces menaces parce qu’il craignait de subir les représailles des membres du gang.

[8]  En ce qui concerne le dernier incident, l’agent a fait remarquer que Mme Plata a omis de fournir certains détails, comme le nom du gang, le nombre de membres impliqués dans cet incident, l’heure à laquelle il s’est produit et les mots qui ont été utilisés pour la menacer. De plus, elle n’a pas mentionné si d’autres témoins que le pasteur étaient présents et si la police avait été informée de l’incident. L’agent a conclu que la déclaration de Mme Plata était vague, qu’elle manquait de détails et qu’elle n’était pas corroborée. Il a également conclu que les demanderesses n’ont fourni aucun élément de preuve qui justifierait qu’il tire une conclusion différente de celle de la SPR.

[9]  L’agent a également conclu que les demanderesses jouissaient de la protection de l’État, ce que confirmait le fait qu’elles avaient été délivrées de leurs ravisseurs de l’ELN par les forces de l’État. De plus, l’agent a conclu qu’aucun changement important dans la situation de la Colombie n’aurait justifié qu’une décision différente de celle de la SPR soit rendue.

III.  L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne tenant pas d’audience?

[10]  Le ministre soutient que l’agent a simplement conclu que la preuve était insuffisante pour étayer la demande d’asile des demanderesses. Par conséquent, il n’était pas nécessaire de tenir une audience.

[11]  Je ne souscris pas à cette conclusion. L’agent n’a pas considéré à sa juste valeur la déclaration statutaire de Mme Plata parce qu’elle ne contenait aucune précision et aucun élément de corroboration en ce qui concerne l’incident lié au gang. L’agent n’a pas commenté les autres incidents décrits par Mme Plata, si ce n’est pour dire que le fait que sa fille et elle avaient été délivrées de leurs ravisseurs montrait que les autorités de l’État étaient capables de les protéger. En fait, l’agent a conclu que l’ensemble de la preuve produite par Mme Plata n’était pas crédible. Dans les circonstances, l’agent aurait dû tenir une audience avant de tirer cette conclusion.

[12]  Je note également que les demanderesses avaient expressément demandé la tenue d’une audience. L’agent a rejeté cette demande sans motifs. Ce simple fait pourrait justifier l’acceptation de la présente demande de contrôle judiciaire : Montesinos Hidalgo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1334, au paragraphe 21.

[13]  Par conséquent, l’agent aurait dû accorder une audience aux demanderesses avant de rejeter leur demande d’ERAR.

IV.  Conclusion et dispositif

[14]  L’agent a conclu que la preuve produite par les demanderesses n’était pas crédible. Il n’aurait pas dû rejeter leur demande sans tenir une audience. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent réexamine la demande d’ERAR des demanderesses. Aucune des parties n’a demandé la certification d’une question de portée générale, et aucune n’est formulée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑3371‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question de portée générale n’est certifiée. L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un autre agent l’examine.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour d’avril 2019

Manon Pouliot, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3371‑18

 

INTITULÉ :

ANDREA MILENA PLATA VASQUEZ, DANIELLE ANDREA CHAPARRO PLATA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 FÉVRIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 MARS 2019

 

COMPARUTIONS :

Clarisa Waldman

POUR LES DEMANDERESSES

 

Meva Motwani

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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