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Date : 20190301

Dossier : IMM‑2306‑18

Référence : 2019 CF 249

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2019

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

RITA SEMYKINA

DMITRII SEMYKIN

SERGEY SEMYKIN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 18 avril 2018, par laquelle la SAR a rejeté l’appel des demandeurs à l’encontre d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) le 18 mai 2017 et a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs n’ont ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  J’ai conclu que la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie. La SAR a commis une erreur dans l’évaluation faite, au titre de l’article 29 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 (les Règles de la SAR), relativement à l’utilisation de documents reçus après que les demandeurs eurent produit leur dossier des appelants dans le cadre de l’instance de la SAR.

Contexte

[3]  Les demandeurs sont les trois membres d’une même famille : Rita Semykina (la demanderesse), son mari Dmitrii Semykin (le demandeur) et leur fils Sergei Semykin (collectivement, les demandeurs). Ils sont citoyens de la Fédération de Russie. La demanderesse est d’origine arménienne et le demandeur est russe.

[4]  Les demandeurs affirment que la demanderesse a agi comme témoin dans le cadre d’un litige opposant son employeur à un client de celui‑ci, M. Yuri Molyarov, lequel litige a été tranché par un tribunal russe en faveur de son employeur. Après l’audience, M. Molyarov a dit à la demanderesse qu’ils se reverraient et il lui a lancé une insulte raciale.

[5]  Le 27 décembre 2015, alors qu’elle rentrait chez elle, la demanderesse a été attaquée par un groupe de quatre personnes dont faisait partie M. Molyarov. Celui‑ci l’a battue en lui criant des insultes raciales. Lorsque le demandeur est intervenu, les agresseurs se sont enfuis en disant qu’ils reviendraient en finir avec la demanderesse. Le soir du 8 mars 2016, la demanderesse et le demandeur se trouvaient à l’extérieur d’un restaurant lorsqu’ils ont été attaqués par des agresseurs que la demanderesse a désignés comme étant [traduction] « les mêmes skinheads ». L’un d’eux était armé d’un couteau avec lequel il a frappé la demanderesse. Elle a perdu connaissance et s’est ensuite réveillée dans un hôpital, où elle est demeurée durant six jours. Pendant que la demanderesse se trouvait à l’hôpital, les demandeurs ont porté plainte auprès de la police locale, qui a pris la déposition de la demanderesse. Par la suite, la police a fait parvenir une lettre aux demandeurs les informant qu’elle ne pouvait pas traiter leur plainte [traduction] « parce qu’elle ne disposait pas de suffisamment de renseignements pour pouvoir rechercher et appréhender les agresseurs présumés ».

[6]  Les demandeurs ont alors demandé des visas de résidents temporaires canadiens de la catégorie des visiteurs, lesquels visas ont été délivrés le 24 avril 2016. Ils ont ensuite vendu leur maison afin d’obtenir suffisamment d’argent pour payer leurs billets d’avion pour venir au Canada, billets qu’ils ont acheté le 27 juillet 2016. Cette nuit‑là, un groupe de personnes, dont faisait partie M. Molyarov, est entré par effraction dans la maison des demandeurs. Ces derniers ont réussi à s’échapper et ont fui à Moscou où ils sont demeurés jusqu’au 18 août 2016, date à laquelle ils ont pris un vol pour le Canada.

[7]  Dans une décision datée du 18 mai 2017, la SPR a rejeté les demandes d’asile conjointes des demandeurs. Elle a conclu que la question déterminante était celle de la crédibilité. La SPR a fait valoir que la demanderesse avait fait un témoignage vague et évasif, que son témoignage comportait des incohérences et que des omissions observées dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA) n’avaient pas été expliquées de façon satisfaisante. La SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse n’avait pas été persécutée en raison de ses origines arméniennes et que son manque de crédibilité quant aux événements survenus en Russie minait la crédibilité de ses allégations relativement à un risque de préjudice éventuel fondé sur son origine ethnique.

[8]  Les demandeurs ont été informés de la décision de la SPR le 30 mai 2017, ils ont déposé un avis d’appel à la SAR le 8 juin 2017 et ils ont produit leur dossier des appelants le 26 juin 2017.

Décision faisant l’objet du contrôle

[9]  Devant la SAR, les demandeurs ont avancé de nombreux arguments pour étayer leur point de vue selon lequel la SPR avait commis une erreur en tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilité fondées sur les incohérences perçues dans le témoignage de la demanderesse ainsi que sur les omissions observées dans le formulaire FDA.

[10]  Avec leur dossier des appelants, les demandeurs ont présenté à la SAR des documents comme nouveaux éléments de preuve, au titre du paragraphe 110(4) de la LIPR, notamment des copies de divers messages reçus sur les médias sociaux dans lesquels M. Molyarov proférait de nouvelles menaces contre la demanderesse. Certains messages n’étaient pas datés et d’autres étaient datés des 8 et 9 juin 2017.

[11]  De plus, le dossier des appelants produits par les demandeurs contenait une demande qu’ils avaient présentée en vue d’obtenir une prorogation du délai pour présenter d’autres éléments de preuve, lesquels étaient survenus après le rejet de leurs demandes d’asile par la SPR et leur avaient été postés de la Russie le 17 juin 2017. La demande indiquait que ces documents devraient être traduits une fois arrivés au Canada.

[12]  Le dossier de la SAR indique que les demandeurs lui ont envoyé ces documents les 27 et 28 juillet 2017 et qu’elle les a reçus le 28 juillet 2017. Les demandeurs ont demandé à la SAR d’admettre ces documents ultérieurement à la production de leur dossier des appelants, au titre des articles 29 et 37 des Règles de la SAR. Les documents présentés par les demandeurs les 27 et 28 juillet 2017 sont les suivants :

  1. un affidavit de l’acheteur de la maison des demandeurs, daté du 13 juin 2017 et traduit le 25 juin 2017;

  2. un affidavit de la sœur de la demanderesse, daté du 26 mai 2017 et traduit le 14 juillet 2017;

  3. un affidavit d’une amie de la demanderesse, daté du 15 juin 2017 et traduit le 25 juin 2017;

  4. un rapport d’incident du service des incendies, daté du 25 mai 2017 et traduit le 25 juillet 2017;

  5. une lettre d’un inspecteur de police, datée du 15 juin 2017 et traduite le 25 juillet 2017.

(Collectivement, les Documents)

[13]  Les demandeurs ont également demandé que la SAR tienne une audience. Ils ont fait valoir que les nouveaux éléments de preuve étaient essentiels pour la prise de la décision relative à leurs demandes d’asile et qu’ils justifieraient, s’ils étaient admis, que leurs demandes d’asile soient accueillies, au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR.

[14]  La SAR a refusé d’admettre les messages non datés présentés avec le dossier des appelants au motif que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer que ces messages satisfaisaient aux critères énoncés au paragraphe 110(4) de la LIPR. La SAR a aussi refusé d’admettre les messages datés, bien qu’ils soient survenus après le prononcé de la décision de la SPR, au motif que ces messages manquaient de crédibilité. De l’avis de la SAR, il était improbable que M. Molyarov ait obtenu l’adresse de courriel de la demanderesse et l’ait menacée, sans déclencheur apparent, dix mois après que les demandeurs eurent quitté la Russie.

[15]  La SAR a également refusé d’autoriser les demandeurs à s’appuyer sur les Documents, lesquels ont été présentés après la production de leur dossier des appelants. La SAR a déterminé que les demandeurs n’avaient pas fait d’efforts raisonnables pour s’assurer que ces documents arriveraient à temps pour être présentés avec leur dossier des appelants, par exemple en prenant « d’autres mesures que de confier les documents à un service postal russe apparemment lent, comme de prendre des dispositions pour que les documents soient envoyés par service de messagerie ».

[16]  Ensuite, n’ayant admis aucun nouvel élément de preuve, la SAR a refusé de tenir une audience.

[17]  Enfin, la SAR a confirmé les conclusions de la SPR sur la question de la crédibilité et elle a rejeté les arguments et les explications présentés par les demandeurs en appel. La SAR a souligné qu’elle avait écouté des enregistrements des audiences et elle a convenu que le témoignage de la demanderesse était vague et évasif. De plus, la SAR a rejeté l’argument des demandeurs selon lequel l’interrogatoire de la SPR comportait des lacunes et qu’il n’avait pas permis d’évaluer les éléments de preuve présentés.

Question déterminante

[18]  Lorsqu’ils ont comparu devant moi, les avocats des demandeurs et du défendeur ont convenu que la question du refus de la SAR, au titre du paragraphe 29(4) des Règles de la SAR, d’autoriser les demandeurs à utiliser les Documents était déterminante puisque les éléments de preuve concernent directement la crédibilité de la demande d’asile des demandeurs et le risque prospectif. Ainsi, si le refus de la SAR d’autoriser les demandeurs à utiliser les Documents était déraisonnable, la décision de la SAR ne pouvait pas être confirmée. Comme les parties, je suis d’avis que cette question est déterminante. En outre, je souscris à l’avis des demandeurs selon lequel le refus de la SAR de les autoriser à utiliser les Documents présentés après la production de leur dossier des appelants est déraisonnable.

[19]  La SAR a déclaré qu’elle avait reçu le dossier des appelants le 26 juin 2017 et qu’environ six semaines plus tard, soit le 11 août 2017, les demandeurs avaient demandé que les Documents soient admis au titre de l’article 29 des Règles de la SAR. La SAR a reconnu que pour déterminer si les documents devaient être admis, elle devait prendre en considération les facteurs énoncés au paragraphe 29(4) des Règles de la SAR. La SAR a indiqué que dans son affidavit daté du 11 août 2017, la demanderesse expliquait que les Documents n’étaient devenus disponibles qu’après le prononcé de la décision de la SPR et qu’elle n’aurait pas pu les fournir avec le dossier des appelants puisqu’ils avaient été postés par l’intermédiaire du service postal de la Russie. La SAR a reconnu que la demanderesse avait demandé la remise de l’audition de son appel afin d’obtenir un affidavit de son amie, mais elle a affirmé que cela ne garantissait en rien le droit de la demanderesse de fournir des documents après la production du dossier des appelants, sans égard au paragraphe 29(4) des Règles de la SAR.

[20]  En ce qui concerne les observations des demandeurs expliquant pourquoi les Documents devraient être admis, la SAR a mentionné que selon les dates indiquées, les Documents étaient devenus disponibles de onze à vingt jours avant la production du dossier des appelants. En outre, compte tenu de l’importance déclarée des Documents, la SAR n’était pas convaincue que les demandeurs avaient fait des efforts raisonnables pour s’assurer que les Documents arriveraient à temps pour pouvoir être inclus dans le dossier des appelants. Selon la SAR, aurait constitué un effort raisonnable la prise de dispositions pour que les documents leur soient transmis par service de messagerie plutôt que de les confier au service postal apparemment lent de la Russie. Par conséquent, la SAR a refusé d’autoriser les demandeurs à utiliser les Documents.

[21]  Le raisonnement de la SAR pose un certain nombre de problèmes. Il est exact que la SAR a reçu le dossier des appelants le 26 juin 2017. Dans les observations écrites contenues dans ce dossier, la demanderesse demandait que l’audition de l’appel soit remise [traduction] « pour lui laisser suffisamment de temps (compte tenu du délai de livraison du courrier) » pour obtenir l’affidavit de son amie, Mme Marina Ostapenko, faisant état des efforts soutenus déployés par M. Molyarov pour retrouver les demandeurs. Il s’agissait donc d’une nouvelle circonstance survenue après les audiences de la SPR.

[22]  De plus, dans le dossier des appelants, la demanderesse a inclus un affidavit non fait sous serment demandant une prorogation de 30 jours du délai pour présenter de nouveaux éléments de preuve. Dans son affidavit, elle a déclaré qu’une personne ayant reçu des menaces de la part de M. Molyarov en Russie avait fait une déclaration sous serment et la lui avait envoyée par la poste le 17 juin 2017. Le document était toujours en transit à ce moment, et une traduction certifiée conforme devait être produite une fois le document arrivé au Canada.

[23]  Contrairement à la conclusion de la SAR, les Documents ne lui ont pas été fournis le 11 août 2017. Ils lui ont été transmis dans deux envois, datés respectivement des 27 et 28 juillet 2017, et ces envois ont été estampillés comme ayant été reçus le 28 juillet 2017 par la SAR. Ainsi, la SAR a reçu les Documents environ deux semaines plus tôt que la date de réception qu’elle a indiquée dans sa décision. De plus, conformément à l’article 28 des Règles de la SAR, les documents devaient être traduits comme l’avait indiqué la demanderesse dans l’affidavit présenté à la SAR avec le dossier des appelants en vue de demander une prorogation du délai pour présenter des documents supplémentaires. Bien que le dossier contienne les traductions anglaises, la dernière ayant été faite au Canada le 25 juillet 2017, la SAR ne semble pas les avoir prises en compte.

[24]  L’article 29 des Règles de la SAR se lit comme suit :

29 (1) La personne en cause qui ne transmet pas un document ou des observations écrites avec le dossier de l’appelant, le dossier de l’intimé ou le dossier de réplique ne peut utiliser ce document ou transmettre ces observations écrites dans l’appel à moins d’une autorisation de la Section.

29 (1) A person who is the subject of an appeal who does not provide a document or written submissions with the appellant’s record, respondent’s record or reply record must not use the document or provide the written submissions in the appeal unless allowed to do so by the Division.

(2) Si la personne en cause veut utiliser un document ou transmettre des observations écrites qui n’ont pas été transmis au préalable, elle en fait la demande à la Section conformément à la règle 37.

(2) If a person who is the subject of an appeal wants to use a document or provide written submissions that were not previously provided, the person must make an application to the Division in accordance with rule 37.

(3) La personne en cause inclut dans la demande pour utiliser un document qui n’avait pas été transmis au préalable une explication des raisons pour lesquelles le document est conforme aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi et des raisons pour lesquelles cette preuve est liée à la personne, à moins que le document ne soit présenté en réponse à un élément de preuve présenté par le ministre.

(3) The person who is the subject of the appeal must include in an application to use a document that was not previously provided an explanation of how the document meets the requirements of subsection 110(4) of the Act and how that evidence relates to the person, unless the document is being presented in response to evidence presented by the Minister.

(4) Pour décider si elle accueille ou non la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent, notamment :

(4) In deciding whether to allow an application, the Division must consider any relevant factors, including

a) la pertinence et la valeur probante du document;

(a) the document’s relevance and probative value;

b) toute nouvelle preuve que le document apporte à l’appel;

(b) any new evidence the document brings to the appeal; and

c) la possibilité qu’aurait eue la personne en cause, en faisant des efforts raisonnables, de transmettre le document ou les observations écrites avec le dossier de l’appelant, le dossier de l’intimé ou le dossier de réplique.

(c) whether the person who is the subject of the appeal, with reasonable effort, could have provided the document or written submissions with the appellant’s record, respondent’s record or reply record.

[25]  En l’espèce, les Documents sont tous ultérieurs à la décision de la SPR, qui a été rendue le 18 mai 2017. De plus, les Documents semblent concerner trois incidents différents qui laissent croire que le persécuteur de la demanderesse, M. Molyarov, cherche toujours à lui faire du mal. Les trois événements décrits dans les Documents semblent tous s’être produits après que la SPR eut rejeté les demandes d’asile des demandeurs. Les Documents sembleraient donc pertinents et probants puisqu’ils apportent de nouveaux éléments de preuve à l’appel, qu’ils dissipent les préoccupations de la SPR quant à la crédibilité et qu’ils démontrent le risque prospectif auquel la demanderesse est exposée. Enfin, les Documents semblent être essentiels à une évaluation adéquate des messages datés et non datés reçus sur les médias sociaux et inclus dans le dossier des appelants, messages que la SAR a rejetés au motif qu’ils manquaient de vraisemblance. Essentiellement, la SAR a estimé que « [l]e moment des menaces [sur les médias sociaux] est trop fortuit pour être croyable».

[26]  Cependant, la SAR n’a pas évalué ces facteurs, lesquels pourraient appuyer l’utilisation des Documents. Elle s’est plutôt fondée uniquement sur l’alinéa 29(4)c) des Règles de la SAR pour déterminer que les demandeurs n’avaient pas fait d’efforts raisonnables pour fournir les Documents avec le dossier des appelants du fait qu’ils se sont fiés au service postal russe au lieu de faire appel à un service de messagerie russe. Il était déraisonnable pour la SAR de ne pas prendre en considération les autres « éléments pertinents » énoncés dans les Règles de la SAR, ce qu’elle est tenue de faire. En outre, la conclusion de la SAR selon laquelle le service postal russe était « apparemment lent » semble être fondée sur son erreur en ce qui concerne les dates auxquelles les Documents lui ont été fournis ainsi que sur le fait qu’elle n’a pas pris en compte le temps nécessaire pour traduire les Documents une fois ceux‑ci reçus.

[27]  J’aimerais faire remarquer qu’à première vue, les Règles de la SAR et leur interprétation par la Cour offrent aux demandeurs d’asile une certaine souplesse pour présenter des documents qui n’étaient pas disponibles au moment où le dossier des appelants a été produit (voir le paragraphe 159.91(2) des Règlements sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 et le paragraphe 3(5) des Règles de la SAR; Aguirre Renteria c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 996, aux paragraphes 16 à 20; Khakpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 25, au paragraphe 24). Si un demandeur présente des éléments de preuve après avoir produit son dossier de l’appelant, au titre du paragraphe 29(4) des Règles de la SAR, une évaluation adéquate de la pertinence, de la valeur probante et de la disponibilité antérieure des éléments de preuve en question peut appuyer des motifs pour exclure les éléments de preuve (Denbel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 629, au paragraphe 44). Cela dit, si la SAR omet de prendre en compte les facteurs pertinents au moment d’évaluer les éléments de preuve au titre du paragraphe 29(4) des Règles de la SAR, si les motifs de l’exclusion des éléments de preuve en question découlent d’erreurs de fait importantes ou si ces motifs manquent de transparence dans une mesure telle qu’ils ne permettent pas à la cour de révision de comprendre pourquoi la SAR a refusé d’admettre les éléments de preuve, l’intervention de la Cour est justifiée (Agyemang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 265, aux paragraphes 13 à 24).

[28]  En l’espèce, la SAR a commis des erreurs de fait importantes au moment d’évaluer la disponibilité raisonnable des éléments de preuve présentés après la production du dossier des appelants et elle n’a pas évalué les autres éléments énoncés au paragraphe 29(4) des Règles de la SAR malgré leur pertinence apparente.

[29]  Par conséquent, la décision de la SAR est déraisonnable. Cette décision doit donc être annulée et l’affaire doit être renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour nouvel examen ayant égard aux nouveaux éléments de preuve présentés avant et après la production du dossier des appelants ainsi qu’au bien‑fondé des demandes d’asile des demandeurs.

[30]  Enfin, l’intitulé doit être modifié afin d’identifier correctement le défendeur comme étant le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, plutôt que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, comme le prévoit le paragraphe 4(1) de la LIPR (Sakow c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 199, au paragraphe 36).


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑2306‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour nouvel examen conformément aux motifs du jugement précités.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et aucune n’est soulevée.

  4. L’intitulé est modifié afin de désigner le « ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » comme défendeur.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de mai 2019.

Geneviève Bernier, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2306‑18

INTITULÉ :

RITA SEMYKINA ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 FÉVRIER 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 1ER MARS 2019

COMPARUTIONS :

Marvin Moses

POUR LES DEMANDEURS

Gordon Lee

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marvin Moses Law Office

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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