Date : 20190227
Dossier : T-1764-17
T-1765-17
T-1766-17
Référence : 2019 CF 236
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 27 février 2019
En présence de monsieur le juge Mosley
ENTRE :
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CHINATOWN AND AREA BUSINESS ASSOCIATION
|
demanderesse
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
ACCESS TO MEDICALLY SUPERVISED INJECTION SERVICES EDMONTON
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défendeurs
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COALITION CANADIENNE DES POLITIQUES SUR LES DROGUES
|
intervenante
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
La demanderesse, la Chinatown and Area Business Association (l’association des commerçants du quartier chinois et des environs, ci-après la CABA), demande le contrôle judiciaire des exemptions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 [LRCDAS], délivrées par Santé Canada, qui permettent l’exploitation de trois sites de consommation supervisée (SCS) à proximité immédiate de sa collectivité, en plus d’une installation distincte pour les patients hospitalisés dans un hôpital local.
[2]
La demande dans le dossier T-1764-17 est le regroupement de trois demandes de contrôle judiciaire, une pour chaque décision d’exemption : T-1764-17 pour le SCS situé au Boyle Street Community Services (Boyle Street), T-1765-17 pour le site dans les locaux de la George Spady Society (George Spady) et T-1766-17 pour le Boyle McCauley Health Centre (Boyle McCauley). Les documents déposés à l’égard de chaque demande sont essentiellement les mêmes, sauf pour les détails propres à chaque site. Les demandes ont été instruites conjointement, et une copie des présents motifs et du jugement sera versée dans chacun des dossiers.
[3]
La CABA soutient qu’elle ne s’oppose pas à ce que les consommateurs de drogues injectables obtiennent de l’aide ni ne conteste la présence d’un site à l’hôpital, mais elle prétend qu’en tant que représentante d’une collectivité directement touchée par les décisions, elle n’a pas été dûment consultée quant aux décisions relatives à l’exemption. Elle prétend en outre que l’ouverture de trois sites situés à six coins de rue les uns des autres, en plus de celui réservé aux patients hospitalisés à l’hôpital voisin, imposera un fardeau injuste à la collectivité. À l’audience, elle a soutenu que, si les demandes de contrôle judiciaire étaient accueillies, l’ordonnance concernant Boyle McCauley devrait être suspendue pendant six mois afin que les services de consommation supervisée puissent continuer à cet endroit pendant que le ministre réexamine la question.
[4]
Les défendeurs, à savoir le procureur général du Canada et l’organisme qui a demandé les exemptions, Access to Medically Supervised Injection Services Edmonton (AMSISE), défendent les décisions. AMSISE soutient que Santé Canada n’a pas violé le droit à l’équité procédurale de la CABA et a rendu des décisions raisonnables. Le procureur général présente des arguments semblables et soutient en outre que la CABA n’a pas qualité pour présenter la présente demande. La Coalition canadienne des politiques sur les drogues (CCPD) a obtenu l’autorisation d’intervenir pour faire valoir que les groupes communautaires tiers n’ont pas droit à l’équité procédurale dans le processus d’exemption.
[5]
Au vu du dossier dont dispose la Cour, il est compréhensible que les particuliers et les entreprises qui font partie de l’association demanderesse aient cru que Santé Canada avait décidé d’accorder les exemptions sans tenir compte de leurs préoccupations et que le résultat du processus de demande avait été établi à l’avance. Pour les motifs qui suivent, je conclus néanmoins que les exigences minimales en matière d’équité procédurale envers la CABA ont été respectées et que les décisions étaient raisonnables. Les demandes de contrôle judiciaire seront donc rejetées.
II.
Le contexte
A.
Les parties
(1)
La CABA
[6]
La CABA est une société provinciale créée en vertu de la Municipal Government Act, RSA 2000, c M-26, et du règlement municipal 12370 de la ville d’Edmonton intitulé Chinatown and Area Business Revitalization Zone Bylaw, adopté en 2005. Les limites de la zone de revitalisation, qui sont modifiées de temps à autre, sont énoncées à l’Annexe « C »
du règlement municipal. La société représente environ 200 magasins de détail, restaurants, professionnels et autres entreprises dans le quartier chinois d’Edmonton et dans les environs.
[7]
Les objectifs de la CABA, énoncés dans le règlement municipal, sont d’améliorer, d’embellir et d’entretenir les biens, d’aménager, d’améliorer et d’entretenir le stationnement public ainsi que de promouvoir le secteur comme quartier des affaires et de magasinage. Selon le témoignage de sa directrice générale, la CABA veut s’assurer également que le quartier chinois est un environnement sécuritaire et convenable où ses membres peuvent vivre et travailler. À cette fin, la CABA défend les intérêts de ses membres auprès du gouvernement et d’autres fonctionnaires, y compris de la police.
[8]
Au cours du processus de demande d’exemption, la CABA a participé à une coalition non constituée en société, appelée la Urban Core Coalition (la coalition du centre urbain, ou la UCC), formée de groupes de résidents et de propriétaires d’entreprises du centre-ville d’Edmonton, qui communiquait avec Santé Canada par l’entremise d’un conseiller juridique (et non l’avocat actuel de la CABA). La CABA a également fait part des préoccupations de ses membres directement à AMSISE et au ministre de la Santé. La UCC n’est pas intervenue dans les présentes demandes. Je reconnais que, lorsque la UCC a communiqué avec Santé Canada et AMSISE, elle l’a fait pour le compte de la demanderesse et de ses autres membres. Je ne tire aucune inférence de l’absence des autres membres de la UCC dans le cadre des présentes demandes.
(2)
AMSISE
[9]
AMSISE est une alliance non constituée en société qui a été formée en 2012 pour [traduction] « documenter le besoin, élaborer une réponse sur mesure, consulter et obtenir du soutien »
pour les SCS à Edmonton. L’alliance comprend quelque 25 personnes et groupes, comme des organismes communautaires, des personnes qui ont consommé des drogues injectables, des chercheurs universitaires et des organismes locaux et provinciaux, dont des fonctionnaires de la ville d’Edmonton, des employés de l’Université de l’Alberta et des médecins et des conseillers en politiques de l’organisme provincial Alberta Health Services.
(3)
Le procureur général du Canada
[10]
Le procureur général du Canada est désigné à titre de défendeur dans la présente instance pour défendre les décisions et le processus de Santé Canada.
(4)
L’intervenante – la CCPD
[11]
La CCPD se décrit comme une coalition de la société civile active depuis 2010 composée de plus de 70 organismes et de 3 000 particuliers de partout au Canada. Ses membres comprennent des personnes qui consomment des drogues illicites, des membres de leur famille, des professionnels de la santé, des experts en politique antidrogue, des instituts de recherche, des organismes juridiques et des fournisseurs de services.
[12]
La CCPD a obtenu l’autorisation du juge responsable de la gestion de l’instance de déposer un bref exposé des arguments et, sous réserve du pouvoir discrétionnaire du juge de l’audience, le droit de présenter de brèves observations orales. Lorsqu’il a décidé que la CCPD devait être autorisée à intervenir, le juge responsable de la gestion de l’instance a affirmé que, lors de sa participation antérieure aux audiences relatives à la loi, l’organisme avait présenté un point de vue unique que les défendeurs ne partagent pas. J’ai permis aux avocats de la CCPD de présenter des observations orales à l’audience et j’ai trouvé leurs commentaires utiles, particulièrement en ce qui concerne l’historique législatif de l’exemption prévue par la LRCDAS.
B.
Le cadre de l’exemption prévue par la loi
[13]
La LRCDAS est la loi fédérale qui met en œuvre les obligations internationales et la politique intérieure du Canada quant à la réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d’autres substances. Entre autres dispositions, elle prévoit des infractions criminelles qui interdisent la possession et le trafic de substances désignées. L’article 56.1 de la LRCDAS permet au ministre, sous réserve des conditions qu’il estime nécessaires, de soustraire des personnes ou des substances désignées à l’application de la LRCDAS afin de permettre l’exercice d’activités dans un SCS, s’il estime que des raisons médicales le justifient.
[14]
La disposition relative à l’exemption fait partie intégrante de la loi depuis bon nombre d’années. Dans son libellé de 1996 à 2015, l’article 56 de la LRCDAS exigeait simplement que le ministre soit d’avis que des raisons médicales, scientifiques ou d’intérêt public justifiaient l’exemption.
[15]
La Cour suprême du Canada a examiné l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire dans l’arrêt Canada (Procureur général) c PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 RCS 134 [PHS], dans le contexte de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [la Charte]. L’arrêt PHS portait sur une décision par laquelle le ministre de la Santé avait refusé de renouveler une exemption pour un centre d’injection supervisée dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver.
[16]
Dans l’arrêt PHS, la question était de savoir si le site d’injection supervisée de Vancouver, Insite, échappait à l’application de la LRCDAS, soit parce qu’il s’agissait d’un établissement de santé relevant de la compétence exclusive de la province, soit parce que l’application des dispositions en matière criminelle de la LRCDAS contreviendrait à la Charte. Insite fonctionnait depuis 2003 grâce à une exemption obtenue en vertu de l’article 56 de la LRCDAS, mais le ministre n’a pas reconduit l’exemption en 2008.
[17]
S’appuyant sur les décisions du tribunal de première instance et de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, la Cour suprême a conclu que la LRCDAS était applicable à Insite et que le régime qu’elle établit était conforme à la Charte. Le refus du ministre de reconduire l’exemption d’Insite contrevenait à l’article 7 de la Charte et ne pouvait se justifier au sens de l’article premier. Par conséquent, la Cour a ordonné au ministre de reconduire l’exemption d’Insite.
[18]
Pour en arriver à cette conclusion, la Cour suprême a décrit la vie des consommateurs de drogues injectables de la rue de la façon suivante, au paragraphe 10 :
Par la nature même de leur dépendance, les consommateurs de drogues injectables mènent une vie désespérée et dangereuse. Sans compter les dangers que présentent les drogues, les toxicomanes sont susceptibles de se livrer à une panoplie d’autres pratiques qui mettent leur vie en danger. Bien que beaucoup de toxicomanes sachent comment éviter les comportements à risque, l’état de manque ou la crainte que la police découvre et confisque leur drogue peuvent l’emporter même sur des habitudes de protection bien ancrées. Les toxicomanes partagent leurs seringues, se piquent à la hâte dans des ruelles et puisent dans des flaques d’eau stagnante pour dissoudre leur héroïne avant de se l’injecter dans les veines. S’ils sont victimes d’une surdose dans ces ruelles, les toxicomanes se trouvent souvent seuls et loin des services médicaux. Les seringues partagées peuvent transmettre le VIH et l’hépatite C. L’insalubrité cause des infections. Le toxicomane qui rate une veine dans sa hâte risque de développer un abcès. En ne prenant pas le temps nécessaire pour préparer sa dose, il risque de mal mesurer la quantité de la substance qu’il s’injecte. Il n’est pas rare pour les consommateurs de drogues injectables de souffrir d’endocardite ou d’infections dangereuses. Ces risques sont exacerbés par le fait que ces toxicomanes forment une population marginalisée que les professionnels de la santé ont toujours eu du mal à rejoindre.
[19]
La Cour suprême a fait remarquer que, bien qu’il s’agissait d’une expérience, la preuve démontrait que celle-ci avait réussi, puisque Insight a sauvé des vies et a eu un effet bénéfique sur la santé, et ce, sans provoquer une hausse des méfaits liés à la consommation de drogues et de la criminalité dans les environs. La décision de ne pas reconduire l’exemption mettait en jeu les droits garantis par l’article 7 aux membres du personnel et aux clients d’Insight et était arbitraire d’après la preuve. En concluant que la décision du ministre de ne pas reconduire l’exemption accordée à Insight contrevenait à la Charte, la Cour a accepté, au paragraphe 131, plusieurs constatations factuelles du juge de première instance qui sont pertinentes quant au présent contrôle judiciaire :
(1) les interdictions traditionnelles du droit criminel ont peu fait pour diminuer la consommation de drogues dans le quartier DTES [Downtown East Side];
(2) le risque de décès et de maladie auquel les toxicomanes sont exposés est réduit lorsque leurs injections sont supervisées par des professionnels de la santé;
(3) la présence d’Insite n’a pas contribué à une augmentation du taux de criminalité, à une augmentation des injections en public, ni à une augmentation du taux de rechute chez les consommateurs de drogues injectables. Au contraire, le public a une opinion favorable ou neutre d’Insite; une association régionale de gens d’affaires a déclaré qu’il y avait eu une diminution de la criminalité pendant la période de fonctionnement d’Insite; le centre encourageait les clients à avoir recours à des services de counselling, de désintoxication et de traitement. Mais surtout, le personnel d’Insite est intervenu dans 336 cas de surdose depuis 2006, et aucun décès occasionné par une surdose ne s’est produit au centre.
[20]
La Cour suprême a rappelé que la conclusion selon laquelle le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire en conformité avec la Charte n’autorise pas les consommateurs de drogues injectables à posséder des drogues à leur guise, n’importe où et n’importe quand. Il ne s’agit pas non plus d’inviter quiconque le désire à ouvrir un centre de consommation de drogues en le présentant comme un « centre d’injection supervisée »
. L’issue de cette affaire reposait sur les conclusions du juge de première instance selon lesquelles l’existence d’Insite permet vraiment de diminuer le risque de décès et de maladie et n’a eu aucune incidence négative sur les objectifs légitimes du gouvernement fédéral en matière de droit criminel : PHS, précité, au paragraphe 140.
[21]
La Cour suprême a souligné au paragraphe 152 que le double objet de la LRCDAS — la santé et la sécurité publiques — oriente le ministre :
En examinant une demande d’exemption relativement à un centre d’injection supervisée, il tentera d’établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. Dans les cas où, comme en l’espèce, la preuve révèle que l’existence d’un site d’injection supervisée diminuera le risque de décès et de maladie et où il n’existe guère, sinon aucune preuve qu’elle aura une incidence négative sur la sécurité publique, le ministre devrait en règle générale accorder une exemption.
[22]
Pour décider s’il faut accorder ou non une exemption, la Cour suprême a conclu que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé en conformité avec la Charte. Le ministre doit se demander si le refus d’accorder une exemption porterait atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes contrairement aux principes de justice fondamentale. La Cour a déclaré, au paragraphe 153, que la preuve relative à un certain nombre de facteurs doit être prise en compte :
Les facteurs pris en compte pour rendre une décision relativement à une exemption doivent comprendre la preuve, si preuve il y a, concernant l’incidence d’un tel centre sur le taux de criminalité, les conditions locales indiquant qu’un centre d’injection supervisée répond à un besoin, la structure réglementaire en place permettant d’encadrer le centre, les ressources disponibles pour voir à l’entretien du centre et les expressions d’appui ou d’opposition de la communauté.
[23]
Le législateur a donné suite à l’arrêt PHS en ajoutant l’article 56.1 à la LRCDAS en 2015 : Loi sur le respect des collectivités, LC 2015, c 22, article 5. La nouvelle disposition imposait 26 conditions exigeant que des renseignements accompagnent toute demande d’exemption. Parmi ces conditions, il y avait l’obligation de présenter un rapport des consultations tenues avec un large éventail d’organismes communautaires de la municipalité où le site serait établi.
[24]
Aux termes des modifications de 2015, une exemption relative à un site de consommation supervisée ne pouvait être accordée que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire seulement lorsque les 26 conditions prévues par règlement étaient respectées et après l’examen par le ministre d’un certain nombre de principes précis concernant les risques associés à la consommation de substances illicites. Prises ensemble, les 26 conditions et les restrictions quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre constituaient un obstacle énorme à l’obtention d’une exemption. La loi autorisait également le ministre à donner un avis de la demande afin de permettre au public de présenter des observations en plus de celles découlant des consultations que les demandeurs étaient tenus de mener avant de présenter la demande.
[25]
Le législateur a réexaminé la question en 2017. L’article 56.1 a été considérablement modifié par la Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d’autres lois, LC 2017, c 7, article 42, présentée sous le nom de projet de loi C-37. Les modifications, qui ont été adoptées rapidement et qui sont entrées en vigueur le 18 mai 2017, ont supprimé les limites au pouvoir discrétionnaire du ministre qui avaient été imposées par la loi de 2015 et ont considérablement simplifié les renseignements à présenter pour l’obtention d’une exemption. Des renseignements sur les effets bénéfiques attendus du site sur la santé publique étaient toujours requis. Des renseignements supplémentaires concernant l’incidence sur le taux de criminalité, les conditions locales indiquant qu’un tel site répond à un besoin, la structure administrative en place permettant d’encadrer le site, les ressources disponibles pour voir à l’entretien du site et les expressions d’appui ou d’opposition de la communauté, pouvaient également être présentés, « le cas échéant »
.
[26]
Le pouvoir discrétionnaire du ministre de donner avis de toute demande d’exemption a été conservé. Si l’avis est délivré, il doit indiquer le délai – d’au moins 45 jours mais d’au plus 90 jours – dans lequel les membres du public peuvent présenter des observations.
[27]
Comme l’a déclaré le ministre de la Santé à la Chambre des communes le 15 mai 2017, ces modifications visaient à simplifier le processus de traitement des demandes de sites de consommation supervisée afin que « les collectivités qui souhaitent obtenir ces sites et qui en ont besoin ne [soient] pas retardées inutilement dans leurs efforts visant à sauver des vies »
. Elle a fait remarquer que, l’année précédente, plus de 900 personnes étaient mortes d’une surdose de drogues illicites en Colombie-Britannique et près de 500 autres en Alberta. Les conditions exigées par la loi de 2015 avaient causé des retards dans l’établissement des sites. Le nouveau processus, a déclaré le ministre, « cadre avec les cinq facteurs que la Cour suprême du Canada a définis dans l’arrêt [...] de 2011 »
.
[28]
Les cinq facteurs énoncés par la Cour suprême au paragraphe 153 de l’arrêt PHS, reproduits ci-dessus, figurent maintenant presque mot pour mot à l’article 56.1 de la LRCDAS. Le mot « preuve »
a été remplacé par « renseignements »
et, pour le troisième facteur, le mot « réglementaire »
a été remplacé par « administrative »
. Dans la version anglaise, l’expression « if any » a été conservée et, dans la version française, « si preuve il y a » a été remplacée par « le cas échéant »
, ce qui indique dans les deux cas que ces renseignements ne doivent être fournis que s’ils sont disponibles. Dans le cas de nouveaux sites comme ceux qui nous occupent, l’incidence sur le taux de criminalité, par exemple, pourrait ne pas être disponible avant l’ouverture des sites.
C.
La demande de l’AMSISE
[29]
Le 1er mai 2017, AMSISE a présenté une unique demande d’exemption en vertu de l’article 56.1 de la LRCDAS pour chacun des trois organismes. Le projet de loi C-37 était alors sur le point d’être adopté par le Parlement.
[30]
Une demande distincte a été présentée pour un SCS pour les patients hospitalisés à l’hôpital Royal Alexandra, qui est également situé au centre-ville d’Edmonton, mais qui se trouve à plus de deux kilomètres des trois établissements visés par la demande d’AMSISE. La CABA ne s’oppose pas au site situé à l’hôpital Royal Alexandra et cette demande n’est pas visée par le présent contrôle judiciaire. Toutefois, l’existence de ce site est pertinente quant à l’argument de la CABA selon lequel il n’était pas nécessaire d’ouvrir trois autres sites.
[31]
La demande d’AMSISE comprenait :
des observations écrites;
un aperçu des politiques, des procédures et des protocoles proposés;
des schémas des installations proposées;
une étude sur la mobilisation communautaire menée par ibis communications;
un sondage sur la consommation de drogues et la santé à Edmondon;
un rapport du ministère de la Santé de l’Alberta sur la consommation abusive de substances opioïdes;
une description des services de soutien généraux offerts par les organismes et par Streetworks (programme d’échange de seringues offert par l’organisme Alberta Health Services);
le budget proposé;
une résolution d’approbation du College of Physicians & Surgeons of Alberta Council;
une lettre d’appui du College of Licensed Practical Nurses of Alberta;
une motion d’appui du Alberta College of Social Workers;
une lettre d’appui du ministre adjoint de la Santé de l’Alberta;
une lettre d’appui du médecin hygiéniste en chef de l’Alberta;
une lettre d’appui du ministre de la Justice et solliciteur général de l’Alberta;
une lettre d’appui du maire d’Edmonton pour le compte du conseil municipal;
une lettre d’appui du chef de police d’Edmonton pour le compte du service de police d’Edmonton.
[32]
Le rapport d’avril 2017 concernant l’étude sur la mobilisation communautaire menée par ibis communications, intitulé «
What we heard
»
, était le résultat d’un processus visant à informer les membres de la collectivité des raisons pour lesquelles les SCS étaient intégrés aux organismes et à leur donner l’occasion de poser des questions et de soulever des préoccupations. Le processus comprenait six séances portes ouvertes de quatre heures dans les locaux des organismes visés, un questionnaire communautaire, la participation à des réunions de ligues communautaires et d’associations de gens d’affaires et une campagne de porte-à-porte. On estime que les employés d’ibis communications ont parlé à des personnes dans 40 % des quelque 850 résidences visitées dans le cadre de la campagne de porte-à-porte, soit à 340 personnes. Le rapport indique que d’autres séances d’information auprès des ligues communautaires et d’associations de gens d’affaires, y compris la CABA, étaient prévues.
[33]
Le rapport fait remarquer que la majorité des résidents et des propriétaires d’entreprises ont réagi favorablement à l’idée de réduire le nombre de personnes qui s’injectent des drogues en public et la quantité de débris d’aiguille dans le quartier. Le rapport fait également état des réactions positives de la collectivité à l’intégration des SCS à des centres existants où les toxicomanes sont déjà présents et peuvent obtenir de l’aide et des services supplémentaires.
[34]
En revanche, le rapport fait remarquer que certains résidents étaient préoccupés par la concentration d’un plus grand nombre de services dans leur quartier, qui, à leur avis, offrait déjà un nombre disproportionné de services aux personnes marginalisées. Les résidents ont également exprimé des préoccupations au sujet de la sécurité publique et d’une possible augmentation des activités des gangs ou du trafic de drogues près des installations.
[35]
La proposition d’AMSISE était également fondée en partie sur le sondage sur la consommation de drogues et la santé à Edmonton mené par l’École de santé publique de l’Université de l’Alberta. Le sondage a été mené en partenariat avec AMSISE et consistait en un [traduction] « échantillon de commodité de participants »
recrutés dans trois organismes du centre-ville, dont Boyle Street et Boyle McCauley, ou près de ceux-ci.
[36]
Pour être admissibles au sondage, les participants devaient déclarer avoir consommé des drogues illicites au moins une fois par mois au cours des six derniers mois, déclarer avoir passé au moins deux jours par semaine au centre-ville d’Edmonton, être âgés d’au moins 15 ans et avoir la capacité de donner un consentement éclairé. Dans le sondage, on a clairement procédé à un suréchantillonnage de personnes qui s’injectent des drogues illicites. Les participants ont reçu une rétribution de 20 $ en contrepartie de leur participation. Les résultats du sondage étaient fondés sur les données de 320 participants, dont 311 ont été recrutés à Boyle Street et à Boyle McCauley.
[37]
Les résultats du sondage font état de liens entre la consommation régulière de drogues illicites et un logement inadéquat, les comportements à risque (comme le partage de seringues, l’injection en public, la consommation excessive de drogues et l’injection en privé), la violence et les problèmes de santé (mentale, physique et sexuelle). Les résultats du sondage font également état d’un lien entre la consommation de drogues illicites et les besoins non comblés en matière de santé.
[38]
Selon le sondage, plus de 90 % des participants ayant consommé de la drogue par injection au cours des six derniers mois auraient recours à un SCS si un tel centre ouvrait ses portes. Plus de 75 % de ces participants ont indiqué qu’ils ne marcheraient pas plus d’un kilomètre pour accéder à un SCS. La majorité de ces participants étaient toujours disposés à utiliser un SCS si la plupart des règles proposées, comme l’enregistrement, la surveillance après l’injection, l’absence de partage de drogues et la surveillance vidéo, étaient appliquées.
[39]
Les auteurs du sondage font remarquer plusieurs limites. Les résultats ne donnent qu’un « aperçu »
et ne peuvent aider à établir des influences causales ou à suivre les tendances; le sondage surestime probablement la volonté des consommateurs de drogues d’avoir recours à des services puisque l’échantillonnage n’était pas aléatoire; enfin, il est entièrement fondé sur des données provenant d’autodéclaratations. Néanmoins, le sondage recommande d’augmenter les heures d’ouverture des programmes d’échange de seringues, d’implanter des SCS et d’accroître l’accès aux services de soutien.
[40]
La demande comprenait également le rapport du T4 de 2016 du ministère de la Santé de l’Alberta sur la consommation abusive de substances opioïdes. Le rapport souligne qu’en 2016, 80 % des décès apparemment liés à une surdose de fentanyl se sont produits à l’extérieur du noyau urbain central. Au cours de la même période, la plus forte concentration d’interventions des services médicaux d’urgence (SMU) lors d’incidents liés aux opioïdes à Edmonton a toutefois eu lieu au centre-ville, notamment dans les secteurs de Central McDougall, de McCauley et de Boyle Street, où les sites proposés seraient situés.
[41]
Des lettres d’appui de politiciens locaux, de représentants des services de police, de politiciens provinciaux et de membres de professions médicales ont également été présentées. De plus, Santé Canada a reçu des observations directes de membres de la collectivité et du chef de police d’Edmonton à l’appui de la proposition d’AMSISE. Une lettre d’appui type a été reçue 166 fois, apparemment à la suite de la campagne d’AMSISE demandant au public d’envoyer un courriel d’appui à Santé Canada.
[42]
Des observations directes s’opposant à la proposition d’AMSISE ont été reçues d’exploitants d’entreprises, de membres de la collectivité (dont certains ont indiqué qu’ils résidaient au centre-ville), de la UCC et de la CABA.
[43]
La proposition d’AMSISE a été décrite dans la demande comme étant adaptée au contexte d’Edmonton. À la différence de ce qui s’est passé à Vancouver, elle visait à intégrer les SCS au sein de trois organismes communautaires existants. On a soutenu que les sites des trois organismes compléteraient les services aux patients hospitalisés proposés à l’hôpital Royal Alexandra. L’hôpital inciterait les patients externes à fréquenter l’un des trois organismes communautaires. Au lieu d’une installation autonome comme celle d’Insite à Vancouver, les trois petits sites offriraient leurs services dans des organismes qui fournissent déjà des services sociaux, de santé et de réduction des méfaits à la population ciblée. En 2016, les trois organismes ont fourni 98 % des seringues distribuées au centre d’Edmonton. La proposition d’AMSISE, qui s’appuyait sur ces relations existantes, visait à tirer parti des services existants dans chaque organisme et à les mettre à la disposition des clients des SCS. La répartition des services entre les trois organismes, y compris la dotation de personnel pour les séjours de nuit à George Spady, permettrait un accès 24 heures par jour, 7 jours par semaine, à un SCS. Streetworks, le programme d’échange de seringues d’Edmonton, coordonnerait les services entre les organismes.
D.
Le processus d’examen
[44]
Santé Canada a confirmé avoir reçu la demande d’AMSISE pour les trois exemptions le 2 juin 2017 et a procédé à son évaluation conformément à la version de la LRCDAS en vigueur après la sanction royale et l’entrée en vigueur du projet de loi C-37.
[45]
Pendant l’évaluation de la demande, AMSISE et Santé Canada communiquaient régulièrement par téléphone et par courriel. Le 5 juillet 2017, par exemple, Santé Canada a communiqué avec AMSISE pour savoir si elle était au courant de l’existence d’un groupe communautaire local à Edmonton qui n’appuyait pas les SCS proposés. En réponse, AMSISE a présenté le 26 juillet 2017 un document de cinq pages intitulé [traduction]« Préoccupations et réponses de la collectivité »
.
[46]
Comme il a été mentionné précédemment, la CABA était membre de la Urban Core Coalition et a participé aux réunions et aux communications de la UCC avec Santé Canada. La UCC a communiqué avec Santé Canada le 20 mai 2017 et a souligné que, selon le sondage du ministère de la Santé de l’Alberta, la plupart des décès liés aux opioïdes à Edmonton surviennent à l’extérieur du centre-ville.
[47]
La UCC a demandé à Santé Canada de ne pas approuver les exemptions jusqu’à ce qu’une analyse complète soit effectuée sur la nécessité et les effets d’un regroupement de trois sites dans le centre-ville en difficulté et sur les effets du détournement des ressources d’autres secteurs.
[48]
La coalition a soulevé un certain nombre d’objections précises à l’encontre de la proposition d’AMSISE. Selon la UCC, le sondage sur la consommation de drogues et la santé à Edmonton était destiné à tirer des conclusions précises, et les résultats contredisaient les données de santé publique indiquant que les plus grands besoins se trouvaient à l’extérieur du noyau urbain. Le gouvernement provincial avait exercé des pressions indues sur la Ville d’Edmonton pour qu’elle appuie la proposition d’AMSISE malgré l’absence d’urgence de santé publique. Les consultations publiques ont été inadéquates et les échantillons du sondage étaient trop petits pour permettre d’obtenir un portrait exact des attitudes du public. Les documents utilisés pour informer les participants n’étaient disponibles qu’en anglais, bien que la grande proportion des résidents du quartier soit d’origine chinoise. Les Autochtones n’ont pas participé à la proposition malgré leur surreprésentation dans la communauté de consommateurs de drogues. AMSISE n’a pas présenté de preuve convaincante quant à la nécessité d’avoir trois sites distincts. UCC a fait valoir que la proposition contribuerait à la « concentration spatiale de la pauvreté »
et obligerait les personnes dans le besoin à s’installer dans le centre-ville déjà en difficulté.
[49]
À la suite d’une série d’autres communications de la UCC, Santé Canada a répondu le 15 septembre 2017. Santé Canada a indiqué qu’il procédait à l’examen des renseignements qu’AMSISE avait présentés, lesquels comprenaient un résumé des points de vue de la collectivité sur les SCS proposés, des copies de toutes les observations écrites et une description des mesures qu’AMSISE prendrait pour répondre aux préoccupations soulevées lors des consultations. Santé Canada a invité la UCC à présenter des observations ou des préoccupations précises au plus tard le 29 septembre 2017. Le ministère a ensuite reporté cette date limite au 9 octobre 2017.
[50]
AMSISE et Santé Canada ont communiqué avec la UCC le 22 septembre 2017 pour fournir des liens et des pièces jointes aux documents qu’AMSISE avait présentés à Santé Canada. La UCC a accusé réception de ces communications le même jour et a soulevé d’autres objections quant au processus, soutenant que Santé Canada avait préjugé la demande et qu’elle tentait maintenant de justifier sa conclusion. Un autre échange a eu lieu le 25 septembre 2017, au cours duquel la UCC a réitéré ses préoccupations relatives au préjugement et à la partialité du processus décisionnel.
[51]
Le 29 septembre 2017, la UCC a de nouveau écrit à Santé Canada pour faire remarquer qu’un politicien provincial avait annoncé qu’une décision serait prise à l’égard de la demande d’AMSISE le 6 octobre 2017. La UCC s’est plainte du fait que cela signifierait qu’une décision serait prise quelques heures après la remise de ses observations (qui devaient à ce moment-là être déposées au plus tard le 4 octobre, à 17 h) et donc que Santé Canada n’avait pas l’intention d’évaluer de façon appropriée les éléments de preuve présentés par la UCC.
[52]
Le 1er octobre 2017, la UCC a informé Santé Canada qu’elle avait reçu une version incomplète du document intitulé [traduction] « Préoccupations et réponses de la collectivité »
et a demandé que Santé Canada offre au public une période de 45 à 90 jours pour présenter des observations, comme le prévoit le paragraphe 56.1(4) de la LRCDAS, et ce, à la lumière des nouvelles questions soulevées par la demande d’AMSISE.
a)
Les objections de la UCC à la proposition
[53]
Le 9 octobre 2017, la UCC a présenté une lettre de 66 pages, accompagnée de 38 pages de pièces jointes, faisant état de ses préoccupations particulières à l’égard de la proposition d’AMSISE et du processus d’examen.
[54]
La UCC s’est opposée à la proposition pour plusieurs motifs. Elle a notamment fait valoir que la demande d’AMSISE était irrecevable parce qu’AMSISE avait fait des fausses déclarations, en contravention de l’article 46.1 de la LRCDAS, adopté par le projet de loi C-37. Les fausses déclarations alléguées étaient liées à des contradictions entre les déclarations contenues dans la demande et les renseignements obtenus par la UCC au moyen de demandes d’accès à l’information présentées à la Ville d’Edmonton.
[55]
Selon la UCC, l’information publique reçue indique qu’AMSISE avait choisi le modèle à trois sites et avait même choisi les trois sites en particulier dès le 23 novembre 2012. À ses dires, le sondage sur la consommation de drogues à Edmonton utilisé pour justifier cette approche a plutôt été conçu pour appuyer cette conclusion. Ainsi, les déclarations d’AMSISE au sujet du sondage étaient selon elle fausses ou trompeuses, tout comme les déclarations au sujet des heures et des ressources disponibles à l’un des sites, George Spady. La UCC a fait valoir que la déclaration selon laquelle aucun des organismes ne pouvait offrir des services 24 par jour, 7 jours par semaine, est manifestement fausse.
[56]
La UCC a également allégué que l’utilisation par AMSISE de données sur la consommation à l’échelle de la ville en combinaison avec des données sur l’injection de drogues au centre-ville était trompeuse. Selon elle, seulement trois des 75 derniers décès liés au fentanyl se sont produits au centre-ville; par conséquent, la proposition d’AMSISE ne tient pas compte des 72 autres décès, ou 96 % des décès. La proposition ne traitait pas d’autres préoccupations, comme l’incidence des cas d’hépatite C. Par conséquent, la UCC a fait valoir que l’allégation selon laquelle les sites devaient être créés au centre-ville pour remédier au problème de décès par surdose est manifestement fausse.
[57]
Les allégations d’AMSISE selon lesquelles les exploitants des sites choisis répondent aux préoccupations au sujet des troubles publics à leurs locaux sont contredites par les dossiers d’application des règlements municipaux de la ville. Il n’était pas justifié de se fier aux données de Vancouver sur la diminution de la criminalité dans les environs d’Insite, car elle était tributaire d’une plus grande présence policière à un endroit. Le modèle à trois emplacements, conçu pour permettre aux utilisateurs de se déplacer entre les sites, peut enraciner la criminalité dans ces voies, a indiqué la UCC.
[58]
Par conséquent, la UCC a soutenu qu’AMSISE ne pouvait pas tenir sa promesse d’exploiter les SCS pour ses effets bénéfiques sur la santé et la sécurité publiques. La UCC a ajouté que si, malgré son opposition, Santé Canada décidait d’autoriser les exemptions, celles-ci devaient être assorties de conditions strictes, y compris des rapports mensuels de tiers indépendants sur les conditions près des SCS.
b)
La réaction de Santé Canada à l’égard des observations de la UCC
[59]
Un document de Santé Canada intitulé [traduction]« Sommaire de la demande de SCS de l’Alberta »
confirme que Santé Canada a reçu et examiné les observations de la UCC. Santé Canada y a répondu en proposant une condition supplémentaire pour l’octroi de l’exemption : AMSISE devait fournir des données supplémentaires à Santé Canada dans les 90 jours suivant l’ouverture des sites.
[60]
Le 12 octobre 2017, Santé Canada a préparé trois mémoires résumant les demandes pour Boyle Street, George Spady et Boyle McCauley. Les mémoires indiquent que la demande d’AMSISE fournit des renseignements importants sur les critères pertinents et demande l’approbation ou le rejet de chaque demande d’exemption. Jointes aux mémoires se trouvent les évaluations de Santé Canada de la demande d’AMSISE par rapport aux critères pertinents.
c)
La réunion entre la CABA et le ministre
[61]
Le 17 octobre 2017, la CABA et d’autres groupes ont été invités à rencontrer le ministre le 19 octobre 2017 pour [traduction] « faire part de [leurs] préoccupations au sujet du processus d’approbation des sites de consommation supervisée »
. La directrice générale de la CABA a compris de l’invitation qu’elle aurait l’occasion de discuter des préoccupations de la CABA au sujet des lieux proposés pour les SCS.
[62]
Le 18 octobre 2017, juste avant la réunion prévue, la CABA et d’autres groupes communautaires ont appris que Santé Canada avait déjà approuvé les exemptions le 17 octobre. Par conséquent, certaines des personnes invitées à assister à la réunion ont choisi de ne pas se présenter. La directrice générale de la CABA était présente pour exprimer ses préoccupations. Elle a été informée que les décisions étaient prises et qu’elles ne changeraient pas.
E.
Les décisions
[63]
Comme il a été mentionné, Santé Canada a approuvé la demande d’exemption d’AMSISE le 17 octobre 2017. Des notes manuscrites au dossier indiquent que Santé Canada a tenu compte de renseignements en matière de sécurité, notamment en ce qui a trait aux caméras de surveillance, des données sur les SMU et les surdoses, du plan d’évaluation et du comité de liaison proposés par AMSISE, du soutien et des préoccupations de la collectivité et, enfin, de la preuve concernant la nécessité, sur le plan médical, d’ouvrir des SCS.
[64]
Santé Canada a communiqué ses décisions à AMSISE le même jour. Parmi les conditions d’exemption, il exigeait ceci pour chaque site :
[traduction]
[AMSISE] doit fournir un rapport sur les répercussions des services de consommation supervisée sur le quartier où le site sera établi. Ces répercussions pourraient notamment se voir sur les données démographiques générales des clients, les plaintes du public, les surdoses dans les environs, les crimes liés à la drogue, les seringues jetées de manière inadéquate, les troubles publics, les efforts continus de mobilisation communautaire et d’atténuation, etc. Le rapport devrait être envoyé à [Santé Canada] 90 jours après que le site a commencé à offrir des services au public et il sera mis à la disposition du public.
III.
Les questions en litige
[65]
Ayant examiné les observations des parties, la Cour doit maintenant trancher les questions suivantes :
La CABA a-t-elle qualité pour agir?
La CABA avait-elle droit à l’équité procédurale? Le cas échéant, dans quelle mesure?
Le processus d’exemption a-t-il enfreint le droit à l’équité procédurale de la CABA?
Les décisions étaient-elles raisonnables?
[66]
Les parties n’ont pas toutes présenté des arguments sur chaque question. Le procureur général a soulevé la question de la qualité pour agir de la CABA, mais AMSISE ne l’a pas fait. AMSISE n’a pas non plus pris position sur la norme de contrôle. Comme il a été mentionné précédemment, l’intervention de la CCPD se limitait à l’interprétation de l’article 56.1 de la LRCDAS.
IV.
Le cadre juridique
[67]
Les dispositions pertinentes de la Loi sur les Cours fédérales et de la LRCDAS sont reproduites à l’annexe « A »
ci-jointe.
A.
Le critère de la qualité pour agir
(1)
Directement touché
[68]
L’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou « par quiconque est directement touché par l’objet de la demande »
.
[69]
Pour qu’une partie soit directement touchée par une décision rendue par un office fédéral, en l’occurrence la décision de Santé Canada d’approuver les exemptions, la décision doit porter atteinte aux droits qui lui sont reconnus par la loi, lui imposer des obligations légales ou porter atteinte à ses intérêts de quelque façon que ce soit : La compagnie Rothmans of Pall Mall Canada Ltée c Ministre du Revenu national, [1976] 2 CF 500, à la page 506, 67 DLR (3d) 505 (CA); Bernard c Close, 2017 CAF 52, au paragraphe 2.
[70]
Lorsque les intérêts d’une partie sont purement commerciaux et qu’elle n’était pas partie à l’instance, la partie ne sera pas directement touchée : CanWest MediaWorks Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 752, au paragraphe 17, 68 Admin LR (4th) 81 [CanWest], confirmée pour d’autres motifs par 2008 CAF 207; Aventis Pharma Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1396, au paragraphe 19.
[71]
De plus, lorsqu’une partie a droit à l’équité procédurale, elle doit également avoir le droit de soumettre la question à la Cour afin d’établir qu’il y a eu violation de ce droit : Irving Shipbuilding Inc. c Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, au paragraphe 28, [2010] 2 RCF 488 [Irving]. La Cour fédérale a longuement traité de l’interaction entre la qualité pour agir et l’équité procédurale : P & S Holdings Ltd c Canada, 2015 CF 1331, aux paragraphes 30 à 39, 23 Admin LR (6th) 32 [P & S].
(2)
La qualité pour agir dans l’intérêt public
[72]
L’article 18.1 a été interprété comme étant suffisamment large pour permettre également aux parties qui satisfont au critère de l’intérêt public d’avoir qualité pour agir : Williams c Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2003 CFPI 30, au paragraphe 8, confirmée par 2003 CAF 484; Canada (Gendarmerie royale du Canada) c Canada (Procureur général), 2005 CAF 213, au paragraphe 56, [2006] 1 RCF 53.
[73]
Pour accorder la qualité pour agir dans l’intérêt public, la Cour doit tenir compte de trois facteurs, soit les questions de savoir : (1) si une question justiciable sérieuse est soulevée; (2) si la partie a un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question; (3) si la poursuite proposée constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux : Conseil canadien des Églises c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236, à la page 253, 88 DLR (4th) 193; Canada (Procureur général) c Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, au paragraphe 37, [2012] 2 RCS 524 [Downtown Eastside].
B.
La norme de contrôle
[74]
Il n’y a pas de différend entre les parties quant à la norme de contrôle à appliquer aux décisions en cause dans la présente instance. La retenue s’impose en présence de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans le contexte du droit administratif, et ces décisions sont assujetties à la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir].
[75]
Une décision est raisonnable si elle est justifiée, transparente, intelligible et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47. Les motifs du décideur n’ont pas à être parfaits, et il n’est pas nécessaire non plus qu’ils fassent référence à tous les arguments ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire. Dans la mesure où les motifs permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du décideur et de déterminer si la décision fait partie des issues possibles acceptables, les motifs répondent aux critères établis dans l’arrêt Dunsmuir : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 16 à 18, [2011] 3 RCS 708.
[76]
La Cour d’appel fédérale a récemment précisé que les questions d’équité procédurale ne nécessitent pas l’application d’une norme de contrôle; la cour de révision doit plutôt déterminer si le décideur a suivi un processus juste et équitable, compte tenu des droits substantiels concernés et des conséquences en cause : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au paragraphe 54.
C.
L’équité procédurale
[77]
En général, l’obligation de respecter l’équité procédurale s’applique aux décisions administratives qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne : Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643, à la page 653, 24 DLR (4th) 44. Cette obligation peut toutefois être écartée par une disposition législative claire ou par déduction nécessaire : Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, au paragraphe 39, [2011] 2 RCS 504; Ocean Port Hotel Ltd c Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), 2001 CSC 52, aux paragraphes 21 et 22, [2001] 2 RCS 781 [Ocean Port].
[78]
Lorsqu’une partie a droit à l’équité procédurale, le degré d’équité procédurale doit être déterminé au cas par cas, selon les cinq facteurs non exhaustifs suivants : (1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les termes de la loi; (3) l’importance de la décision pour la personne qui la conteste; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; (5) les choix procéduraux faits par le décideur, surtout lorsque ce dernier peut choisir ses propres procédures ou possède une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 23 à 28, 174 DLR (4th) 193 [Baker].
D.
L’attente légitime
[79]
Un décideur administratif peut être lié par ses affirmations si celles-ci sont claires, nettes et explicites et sont faites dans le cadre de l’exercice de son pouvoir concernant la tenue d’un processus administratif, à condition que ces affirmations soient de nature procédurale et qu’elles n’aillent pas à l’encontre de l’obligation légale du décideur : Mavi, précité, au paragraphe 68. Constitue un manquement à l’obligation d’équité l’omission substantielle du décideur de respecter ultérieurement sa parole : Mavi, précité, au paragraphe 68.
V.
Analyse
A.
La CABA a-t-elle qualité pour agir?
[80]
La CABA soutient qu’elle est « directement touchée »
par la décision d’accorder les prolongations pour les motifs suivants : (1) elle est composée de résidents et d’entreprises préoccupés du quartier; (2) son mandat consiste notamment à assurer la sécurité du quartier; (3) le modèle à trois sites proposé par AMSISE prévoit le transport de substances désignées entre les sites, par les rues du quartier; (4) les données sur la santé indiquent que des décès liés au fentanyl surviennent à l’extérieur du centre-ville, ce qui signifie que les sites attireront plus de consommateurs de drogues dans le quartier; (5) AMSISE concède dans sa proposition qu’il est probable qu’il y ait consommation publique dans le quartier si les sites sont exploités au maximum de leur capacité.
[81]
La CABA soutient en outre qu’en tant que membre de la UCC, qui a été invitée à présenter des observations sur les demandes, elle a droit à l’équité procédurale dans le cadre du processus d’exemption. Elle souligne que, dans l’arrêt Irving, précité, la Cour d’appel fédérale a déclaré au paragraphe 28 que, si une partie a droit à l’équité procédurale, elle doit également avoir le droit de soumettre la question à la Cour afin de tenter d’établir que le processus a violé son droit à l’équité.
[82]
Subsidiairement, la CABA soutient qu’elle satisfait au critère de la qualité pour agir dans l’intérêt public énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Downtown Eastside, précité, au paragraphe 37. En effet, elle a soulevé des questions justiciables sérieuses, la CABA a un intérêt véritable pour les mêmes raisons qu’elle a avancées pour faire valoir qu’elle est directement touchée et, enfin, il s’agit d’une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux, parce que personne d’autre n’a contesté les exemptions et qu’aucune des parties au processus ne le fera.
[83]
Le procureur général du Canada affirme que la CABA n’est pas directement touchée par les décisions sur les exemptions. La CABA est un organisme de défense des intérêts des entreprises créé uniquement à des fins commerciales, et qui ne peut donc représenter ses membres qu’à des fins commerciales. De plus, elle n’a allégué que des répercussions hypothétiques sur ses membres. Cela ne confère pas la qualité pour agir, comme l’a mentionné la Cour fédérale dans la décision CanWest, précitée, aux paragraphes 16 et 17.
[84]
Le procureur général soutient, et est appuyé à cet égard par l’intervenante, que la CABA et la UCC n’avaient aucun droit de participation au processus d’exemption, parce que l’article 56.1 de la LRCDAS ne confère aucun droit à des tiers si aucun avis n’a été donné par Santé Canada en vue de l’obtention des observations du public. Comme l’a déclaré la Cour d’appel dans l’arrêt P & S, précité, au paragraphe 39, les règles de la common law relatives à l’équité procédurale peuvent être écartées par une disposition législative claire. La possibilité donnée à la UCC et à la CABA, en tant que membre de cette coalition, de présenter des observations pendant l’examen de la demande par Santé Canada ne leur a pas accordé de droits de participation. L’obligation de recueillir des renseignements sur le soutien communautaire incombait uniquement à la demanderesse, AMSISE.
[85]
Selon le procureur général, la CABA ne devrait pas se voir accorder la qualité pour agir dans l’intérêt public, parce que ses intérêts sont purement commerciaux et que ses préoccupations sont hypothétiques et portent surtout sur des questions de planification préexistantes que les autorités locales sont mieux placées pour régler. Elle ne traite pas directement de la question de savoir si une exemption devrait être accordée pour des raisons médicales, ce qui est l’objet de l’article 56.1 de la LRCDAS.
[86]
Je ne suis pas d’accord pour dire que les intérêts de la CABA sont purement commerciaux. La CABA a peut-être initialement été créée comme projet de revitalisation d’un quartier des affaires et de magasinage, mais sa directrice générale a déclaré que la CABA cherche à faire en sorte que le quartier chinois soit un milieu sécuritaire et convenable où ses membres peuvent vivre et travailler. À cette fin, elle travaille en étroite collaboration avec les organismes gouvernementaux locaux. Ses préoccupations au sujet des répercussions potentielles des décisions relatives à l’exemption sont, dans une certaine mesure, hypothétiques, mais elles sont fondées sur la preuve de problèmes existants dans le quartier et, en particulier, aux trois emplacements en cause. Il n’est pas déraisonnable de la part de la CABA de soutenir que l’établissement d’une voie pour les consommateurs de drogues injectables entre les sites pourrait aggraver ces problèmes et nuire à ses efforts visant à améliorer l’environnement.
[87]
Je suis convaincu que, même si je devais conclure que la CABA n’est pas directement touchée par les décisions, elle mérite d’obtenir la qualité pour agir dans l’intérêt public puisqu’elle a soulevé au moins une question qui est « loin d’être futil[e] »
(Downtown Eastside, précité, paragraphe 42) en cherchant à déterminer le rôle de la collectivité dans les décisions relatives à l’exemption après l’adoption du projet de loi C-37. La CABA est composée de résidents et d’entreprises préoccupés du quartier, et son mandat consiste notamment à assurer la sécurité de ce quartier. Ni AMSISE ni Santé Canada n’ont intérêt à contester les décisions, et le présent contrôle judiciaire est un moyen raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux.
B.
La CABA avait-elle droit à l’équité procédurale? Le cas échéant, dans quelle mesure?
[88]
Comme il a été mentionné précédemment, la CABA soutient qu’elle avait droit à l’équité procédurale dans le cadre du processus d’exemption. Un processus administratif devrait respecter les principes de justice naturelle en l’absence de termes exprès de la loi qui écartent l’obligation d’équité : Ocean Port, précité, au paragraphe 21, et Mavi, précité, au paragraphe 39. La CABA soutient que la LRCDAS, telle qu’elle a été modifiée par le projet de loi C-37, n’écarte pas l’équité procédurale, mais prévoit plutôt, au paragraphe 56.1(4) et à l’alinéa 56.1(2)e), une participation importante du public. En l’espèce, la CABA soutient que Santé Canada a implicitement reconnu son droit à l’équité procédurale en invitant la UCC à présenter des observations relativement aux demandes.
[89]
Se fondant sur les facteurs énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Baker, la CABA soutient qu’elle devait bénéficier d’un niveau d’équité procédurale allant de modéré à élevé. Le fait que la décision ait été prise en dépit des oppositions de la collectivité a fait en sorte qu’elle ressemblait davantage à un différend entre parties qu’à une décision de politique administrative. La décision est importante parce qu’elle a une incidence sur la légalité des substances désignées dans le quartier où vivent et travaillent les membres de la CABA. Par ailleurs, l’absence de procédure d’appel milite en faveur d’un niveau plus élevé d’équité procédurale.
[90]
En ce qui concerne les attentes, la CABA souligne qu’elle a été invitée, en tant que membre de la UCC, à présenter des observations écrites, ce qui crée une attente légitime qu’elle soit entendue. Elle a ensuite été invitée, encore une fois en tant que membre de la UCC, à rencontrer le ministre, ce qui l’a portée à croire qu’elle pouvait faire part de ses préoccupations à cette réunion avant qu’une décision ne soit prise.
[91]
AMSISE n’aborde pas directement la question de savoir si la CABA avait droit à l’équité procédurale ou dans quelle mesure. Toutefois, quel que soit le degré d’équité requis, AMSISE affirme que la CABA n’avait pas le droit de bénéficier des éléments procéduraux particuliers auxquels elle prétend avoir droit, et que la situation n’est pas comparable aux droits protégés par la Charte que l’arrêt PHS a reconnus comme étant en jeu dans le contexte de l’exemption prévue par la LRCDAS. AMSISE qualifie l’intérêt de la CABA comme étant celui de voisins qui préféreraient que les SCS soient situés dans une autre partie de la ville.
[92]
Comme il a été mentionné précédemment, le procureur général a fait valoir que la CABA n’avait pas droit à la qualité de participante ou à l’équité procédurale dans le contexte du processus d’exemption. Il ne s’agissait pas en l’espèce d’un processus décisionnel judiciaire. Si une obligation d’équité s’appliquait, elle était minimale, limitée à la capacité de présenter des observations et de les faire prendre en considération. L’offre de rencontre du ministre se limitait à entendre les préoccupations au sujet du processus d’exemption; il ne s’agissait pas du type de déclaration qui a été reconnu par les tribunaux comme créant une attente légitime qu’une partie aurait l’occasion de présenter des observations orales avant qu’une décision ne soit prise.
[93]
L’intervenante, la CCPD, soutient qu’une obligation d’équité procédurale envers les tiers est incompatible avec l’article 56.1 de la LRCDAS et avec l’intention du législateur dans le contexte du projet de loi C-37. La LRCDAS limite la représentation communautaire à deux volets : (1) l’appui ou l’opposition de la communauté présentée par le demandeur, et (2) la demande d’observations du public lorsque Santé Canada est d’avis que des renseignements supplémentaires sont requis pour la prise d’une décision – ce qui devrait être l’exception, et non la règle. Les modifications apportées à la loi par le projet de loi C-37 ont fait des effets bénéfiques sur la santé publique le seul critère obligatoire pour les décisions relatives à l’exemption. Toutes les autres exigences, y compris les consultations publiques, viennent en deuxième lieu. Selon la CCPD, il est clair que telle était l’intention de la loi, d’après les déclarations faites devant les deux chambres du Parlement lors de l’étude du projet de loi.
[94]
La CCPD est d’accord avec le procureur général pour dire que, si Santé Canada n’invoque pas le paragraphe 56.1(4) de la LRCDAS, les tiers n’ont aucun droit de participation. Une obligation d’équité procédurale envers les tiers imposée par les tribunaux risquerait d’entraver les droits garantis par l’article 7 de la Charte aux consommateurs de drogues, comme l’a conclu la Cour suprême dans l’arrêt PHS, précité.
[95]
La méthode d’interprétation des lois au Canada est établie. « [I]l faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »
: Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21, 36 OR (3d) 418, citant Elmer Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto : Butterworths, 1983), à la page 87.
[96]
L’ancienne règle d’exclusion concernant la preuve de l’historique d’un texte législatif est depuis longtemps assouplie : R c Morgentaler, [1993] 3 RCS 463, à la page 484, 107 DLR (4th) 537. Cette preuve peut nous aider à discerner pourquoi le législateur a modifié une loi, mais la Cour doit tenir compte de son utilisation limitée. Plus précisément, « [i]l est certain qu’aucun de ceux qui prennent part au processus législatif ne peut prétendre s’exprimer au nom de l’ensemble de l’assemblée législative »
: AYSA Amateur Youth Soccer Association c Canada (Agence du revenu), 2007 CSC 42, au paragraphe 12, [2007] 3 RCS 2017, citant Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd. (Toronto : Butterworths, 2002), à la page 489.
[97]
La Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur les débats publiés dans le Hansard pour déterminer l’intention du législateur : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Young, 2016 CAF 183, aux paragraphes 10 et 11, [2017] 1 RCF 299; Alexander College Corp. c Canada, 2016 CAF 269, aux paragraphes 40 et 41, [2017] 2 RCF 269.
[98]
Je pense qu’il ressort clairement de la preuve de l’historique législatif présentée par la CCPD que les exigences obligatoires imposées par la loi de 2015, pour reprendre les mots de la CCPD, [traduction] « mettaient un frein aux demandes »
d’exemption. Pour cette raison et parce qu’on craignait que les droits garantis aux consommateurs de drogues par la Charte soient violés, la consultation obligatoire, que le paragraphe 56.1(3) de la LRCDAS de 2015 exigeait, a été éliminée dans le projet de loi C-37 en faveur d’une exigence selon laquelle le demandeur d’une exemption doit fournir des déclarations d’appui ou d’opposition de la communauté. En l’absence de la publication d’un avis sollicitant les observations du public en vertu du paragraphe 56.1(4) de la LRCDAS, la loi ne donne à la CABA aucun droit à ce que sa position soit examinée plus en profondeur avant que les décisions d’accorder les exemptions ne soient prises.
[99]
Dans le présent processus de demande, surtout eu égard au fait que la UCC a été invitée à présenter des observations, la CABA, en tant que membre de la UCC, avait droit à un certain degré d’équité. Elle n’était toutefois pas partie à une demande contestée exigeant un degré élevé d’équité. Dans les circonstances, le degré d’équité auquel pouvait prétendre la CABA était minime. Je remets à plus tard la question de savoir s’il faut faire preuve d’équité procédurale dans les cas où il n’y a aucune invitation à présenter des observations.
[100]
Comme le prévoit l’article 56.1 de la LRCDAS, le processus est à la fois discrétionnaire et non décisionnel. La loi porte essentiellement et obligatoirement sur la question de savoir si une exemption procurerait des effets bénéfiques sur la santé publique. Toute considération relative aux répercussions négatives sur la collectivité locale est secondaire et discrétionnaire. La seule attente légitime que la CABA aurait pu avoir, compte tenu de l’invitation que Santé Canada a donnée à la UCC de présenter des observations par écrit, était que ses préoccupations soient reçues et examinées.
C.
Le processus d’exemption a-t-il enfreint le droit à l’équité procédurale de la CABA?
[101]
La CABA soutient que Santé Canada a manqué à ses obligations en matière d’équité procédurale en omettant de fournir des motifs, en omettant de faire une divulgation complète, en ne respectant pas les attentes légitimes de la CABA et en n’exerçant pas son pouvoir discrétionnaire d’inviter le public à présenter des observations.
[102]
Les obligations minimales en matière d’équité procédurale envers la CABA n’ont pas été violées par l’omission de faire une divulgation ou de fournir les motifs de la décision.
[103]
En ce qui concerne la divulgation, la CABA se fonde à tort sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada May c Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 RCS 809. La loi en cause dans cette affaire exigeait une communication complète, et la liberté d’une personne était en jeu. En l’espèce, la loi énonçait ce qu’AMSISE devait fournir à Santé Canada et ce que Santé Canada devait prendre en compte, et elle décrivait l’exigence fondamentale selon laquelle les exemptions devaient être étayées par des renseignements concernant les effets bénéfiques sur la santé publique. Santé Canada n’était pas tenu de fournir à la CABA tous les documents dont il disposait; le défaut de le faire ne violait pas l’équité procédurale. Il ne s’agissait pas en l’espèce d’un processus décisionnel. La CABA n’était pas partie à un différend avec AMSISE.
[104]
En ce qui concerne les motifs, il ressort clairement de l’historique législatif du projet de loi C-37 que l’obligation d’expliquer une décision défavorable en matière d’exemption a été ajoutée à la LRCDAS pour exprimer l’intention de protéger les droits garantis par la Charte aux consommateurs de drogues injectables. Le législateur ne voulait pas accorder au ministre le pouvoir de refuser une demande d’exemption sans fournir d’explication. Toutefois, l’inverse n’est pas vrai. La loi ne traduit pas une intention d’exiger des motifs lorsque des exemptions sont accordées. Lorsque la loi exige des motifs dans certains cas, il est implicite qu’elle ne l’exige pas dans les autres cas : Mercier c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 3 CF 3, au paragraphe 23 (CA); Gardner c Canada (Procureur général), 2005 CAF 284, au paragraphe 26, 339 NR 91. La CABA n’était pas partie au processus de demande établi par la loi. Elle n’avait pas droit aux motifs en vertu de la loi et la common law ne lui conférait aucun droit à cet égard.
[105]
Il est regrettable que la CABA et d’autres membres de la UCC aient été amenés à croire qu’ils auraient l’occasion de présenter leurs arguments directement au ministre avant que les décisions ne soient prises. La réunion semble avoir été organisée simplement pour donner aux citoyens préoccupés l’occasion d’exprimer leurs frustrations au sujet du processus, et l’invitation à une réunion avec le ministre ne constituait pas des affirmations « claires, nettes et explicites »
qui seraient susceptibles d’exécution en droit contractuel privé, comme l’exige la théorie de l’attente légitime : Mavi, précité, aux paragraphes 68 et 69.
[106]
Tout au plus, l’invitation du ministre indiquait que les participants pouvaient [traduction] « échanger [
...]
des préoccupations au sujet du processus d
’
approbation des centres de consommation supervisée »
. Il ne s’agissait pas d’une affirmation claire et nette d’un droit à une audience avant que les décisions ne soient prises, contrairement aux faits dans l’affaire Mercier-Néron c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1995] ACF no 1024, 98 FTR 36, sur laquelle s’appuie la CABA. Dans la décision Mercier-Néron, le libellé du formulaire en question, qui faisait référence au droit à une audience, était clair et net.
[107]
La UCC a demandé à plusieurs reprises à Santé Canada qu’un avis soit donné pour demander au public de présenter des observations, comme le permet la loi. Elle n’a pas obtenu de réponse. Bien que je puisse comprendre que les membres de la coalition ont pu être frustrés par l’absence de réponse, je ne vois pas très bien en quoi cela constitue un manquement à l’équité procédurale minimale qui est due à la CABA. Contrairement aux prétentions de la CABA, la loi n’exige pas qu’une réponse positive, ou qu’une réponse tout court, soit fournie à une telle demande. Il s’agit simplement d’une disposition habilitante. Le ministre peut donner un avis au public. Il n’a pas l’obligation de le faire, peu importe le nombre de demandes présentées en ce sens.
[108]
La CABA a raison de dire que le document de Santé Canada intitulé « Sites de consommation supervisée : document d’orientation »
précise que tous les demandeurs sont tenus de fournir un rapport sur les consultations menées auprès des intervenants de la collectivité, y compris dans le quartier où le site serait établi. Toutefois, il était loisible à Santé Canada de conclure que les documents présentés par AMSISE répondaient à cette exigence. Le document d’orientation n’accorde pas aux intervenants le droit d’être entendus par Santé Canada avant qu’une décision relative à l’exemption ne soit prise.
D.
Les décisions étaient-elles raisonnables?
[109]
La CABA soutient que les décisions relatives aux exemptions ne sont pas raisonnables pour deux raisons principales : il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour justifier trois exemptions (en plus de l’exemption accordée pour le site à l’hôpital), et Santé Canada n’a pas tenu compte de ses arguments.
[110]
Il incombait à AMSISE d’établir à la satisfaction de Santé Canada que chaque exemption individuelle était justifiée par « des raisons médicales »
. La CABA soutient qu’il est difficile de savoir quels éléments de preuve pourraient satisfaire à ce critère dans chaque cas et, de plus, que la preuve au dossier ne permet pas de justifier trois exemptions. La situation à Edmonton n’était pas aussi grave que celle à Vancouver. Or, il a été établi que la crise des surdoses d’opioïdes à Vancouver ne justifiait qu’un seul site. Pour cette seule raison, la CABA soutient qu’il était déraisonnable que Santé Canada approuve trois sites à Edmonton.
[111]
Il ne fait aucun doute que le problème de la consommation de drogues injectables à Edmonton n’est pas analogue à celui de Vancouver. Comme les défendeurs le reconnaissent, le problème est plus concentré à Vancouver et a entraîné beaucoup plus de décès par surdose d’opioïdes dans le quartier Downtown Eastside de cette ville, tel qu’il est décrit dans l’arrêt PHS, que dans le centre-ville d’Edmonton. Toutefois, dans l’arrêt PHS, la Cour suprême n’a pas établi de norme minimale en matière de surdoses d’opioïdes dans une collectivité pour que des demandes d’exemption soient accordées. Comme l’a déclaré la Cour suprême, sa décision n’autorise pas nécessairement l’obtention d’une exemption prévue à la LRCDAS. Chaque demande doit être examinée selon son bien-fondé. Le fait que l’arrêt PHS ne concernait qu’un seul SCS n’empêche pas d’autres villes d’adopter d’autres modèles, comme la démarche propre à Edmonton proposée par AMSISE.
[112]
Je ne peux pas non plus souscrire à la prétention de la CABA selon laquelle les éléments de preuve requis pour que trois exemptions soient accordées pour trois sites seraient différents de ceux requis pour qu’une exemption soit accordée pour un seul site. La LRCDAS exige des « renseignements [...] concernant les effets bénéfiques attendus sur la santé publique »
de chaque site. En l’espèce, Santé Canada était convaincue que les renseignements fournis par AMSISE justifiaient une exemption pour chacun des sites. À la lumière des renseignements au dossier selon lesquels la plupart des consommateurs de drogues injectables dans le quartier seraient disposés à marcher au plus un kilomètre, je ne vois rien de déraisonnable à élargir le rayon de desserte en établissant plusieurs sites. Bien que j’aie reconnu que les services aux patients hospitalisés à l’hôpital Royal Alexandra étaient pertinents pour déterminer si trois sites étaient nécessaires, je remarque qu’en plus d’être limités aux patients hospitalisés, les services à l’hôpital Royal Alexandra sont offerts bien au-delà de ce rayon d’un kilomètre.
[113]
Pour ces mêmes motifs, je ne puis non plus souscrire à la prétention de la CABA selon laquelle il était impératif que Santé Canada examine chacun des trois sites proposés individuellement. La proposition d’AMSISE s’appuyait sur la création de plusieurs sites en vue de la prestation de services de consommation supervisée. Il était raisonnable que Santé Canada considère les différents sites comme une proposition collective, puisque l’approbation d’un site et non des autres mènerait à un résultat différent de celui proposé par AMSISE.
[114]
De plus, il ressort clairement du dossier que Santé Canada n’a pas répondu aux préoccupations formulées par la UCC et la CABA, ni aux demandes pour qu’un avis soit donné en vertu du paragraphe 56.1(4) de la LRCDAS, qui aurait permis au public de présenter des observations. Toutefois, cela n’établit pas que le ministère n’a pas tenu compte des observations de la UCC et de la CABA. Comme l’affirme AMSISE, le fait que Santé Canada n’a pas été convaincu par certains arguments ne veut pas dire qu’il n’en a pas tenu compte.
[115]
La CABA se fonde sur les observations du juge Evans dans la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 157 FTR 35 (CF). Dans cette décision, le juge Evans a fait observer au paragraphe 17 qu’il peut être plus facile d’inférer qu’un organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire quand il fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais pas à des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire. Cette décision n’appuie pas la prétention selon laquelle il faut répondre à chaque observation. Comme il n’était pas nécessaire de motiver la décision relative à l’exemption, l’absence de motifs ne peut pas servir à inférer que Santé Canada a fait fi des arguments qui ont été présentés. Le fait que la demande a été assortie de conditions supplémentaires après la réception des observations de la UCC indique que celles-ci ont été prises en compte. Il en va de même pour les notes manuscrites susmentionnées.
[116]
Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que le dossier dont disposait Santé Canada établissait l’existence d’un besoin en matière de santé, mais fournissait peu d’éléments de preuve montrant un risque pour la sécurité publique qui ne découlait pas de conditions préexistantes dans le quartier. L’organisme qui a demandé les exemptions, AMSISE, avait recueilli un ensemble important de renseignements justificatifs et reçu l’appui de professionnels de la santé et de la sécurité publique.
[117]
Les conditions rattachées à l’exemption exigent une surveillance accrue des activités aux trois sites et la présentation de rapports à Santé Canada. Les préoccupations au sujet des répercussions des trois sites pourront être examinées au moment de la reconduction des exemptions. À ce moment‑là, si les conditions sont appliquées comme il semble avoir été prévu, AMSISE sera tenue de présenter des données concernant l’incidence des sites sur le taux de criminalité local. Je n’interprète pas les expressions « le cas échéant »
dans le texte de loi et « si preuve il y a » au paragraphe 153 de l’arrêt PHS comme signifiant qu’AMSISE peut rester inactive et attendre que ces renseignements soient portés à son attention. Elle est maintenant liée par les conditions rattachées à l’exemption et devra prendre des mesures actives pour recueillir ces renseignements.
[118]
Il n’appartient pas à la Cour à ce stade‑ci de réévaluer la preuve examinée par Santé Canada pour déterminer si la décision rendue par le ministère était raisonnable. Comme nous l’avons vu, le critère du caractère raisonnable consiste à déterminer si la décision est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Il ne s’agit pas d’une norme de perfection. Pour décider si les décisions satisfont à la norme de la décision raisonnable, je peux prendre en compte les nombreux documents présentés à Santé Canada à l’appui des demandes d’exemption présentées au motif que des raisons médicales le justifient. Il n’appartient pas à la Cour d’évaluer s’il aurait pu y avoir de meilleurs renseignements ou d’autres renseignements. D’après le dossier dont je dispose, je ne vois aucune raison pour laquelle la Cour interviendrait dans les décisions de Santé Canada.
[119]
Les arguments figurant dans les observations écrites de la CABA selon lesquels la demande d’AMSISE était irrecevable parce qu’AMSISE avait fait des fausses déclarations, en contravention de l’article 46.1 de la LRCDAS, n’ont pas été présentés à l’audience. Comme il a été mentionné précédemment, les fausses déclarations alléguées étaient liées à des contradictions entre les déclarations contenues dans la demande et les renseignements obtenus par la UCC au moyen de demandes d’accès à l’information présentées à la Ville d’Edmonton. Il ne s’agit pas en l’espèce d’un procès avec possibilité d’interroger des témoins; la Cour est saisie d’un contrôle judiciaire. La Cour n’est pas en mesure de tirer des conclusions de fait à l’égard de ces allégations. Bien que la CABA puisse être en désaccord avec l’interprétation que le ministre a faite des renseignements qu’il a reçus d’AMSISE, cela ne rend pas les renseignements faux ou trompeurs. Par exemple, la CABA a soutenu qu’AMSISE avait fait des déclarations fausses ou trompeuses au sujet de la nécessité d’avoir plusieurs sites pour être en mesure d’offrir des services 24 heures par jour, 7 jours par semaine, puisque l’établissement George Spady est ouvert 24 heures par jour. Le dossier révèle que George Spady est la plus petite installation. Je ne vois rien de déraisonnable dans l’évaluation de Santé Canada selon laquelle l’installation ne pourrait pas fournir le niveau de service requis dans le quartier 24 heures par jour, 7 jours par semaine.
[120]
En terminant, je pense qu’il est utile de répéter que la Cour suprême a pris soin de souligner, dans l’arrêt PHS, que sa conclusion dans cette affaire n’autorisait pas les consommateurs de drogues injectables à posséder des drogues à leur guise, n’importe où et n’importe quand. Il ne s’agit pas non plus d’inviter quiconque le désire à ouvrir un centre de consommation de drogues en le présentant comme un « centre d’injection supervisée »
. Il faut d’abord satisfaire aux exigences pour obtenir une exemption et notamment respecter toutes les conditions supplémentaires qui pourraient être imposées.
[121]
Comme la Cour a été informée à l’audience que les parties avaient convenu qu’aucuns dépens ne seraient demandés, peu importe l’issue de la cause, elle n’adjugera aucuns dépens.
JUGEMENT dans les dossiers T-1764-17, T-1765-17 et T-1766-17
LA COUR STATUE comme suit :
les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T-1764-17, T-1765-17 et T-1766-17 sont rejetées;
aucuns dépens ne sont adjugés;
une copie du présent jugement et des motifs sera versée dans chacun des trois dossiers.
« Richard G. Mosley »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 28e jour de juin 2019
Julie Blain McIntosh
ANNEXE A
Loi sur les Cours fédérales / Federal Courts Act
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Loi réglementant certaines drogues et autres substances / Controlled Drugs and Substances Act
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T-1764-17
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INTITULÉ :
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CHINATOWN AREA BUSINESS ASSOCIATION c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et ACCESS TO MEDICALLY SUPERVISED INJECTION SERVICES EDMONTON et LA COALITION CANADIENNE DES POLITIQUES SUR LES DROGUES
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LIEU DE L’AUDIENCE :
|
OTTAWA (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 10 DÉCEMBRE 2018
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JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE MOSLEY
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DATE DES MOTIFS :
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LE 27 FÉVRIER 2019
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COMPARUTIONS :
Edward H. Molstad
Evan C. Duffy
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POUR LA DEMANDERESSE
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James Elford
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POUR LES DÉFENDEURS
(le procureur général du Canada)
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Nathan Whitling
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POUR LES DÉFENDEURS
(Buresh Aloneissi O’Neill)
|
Monique Pongracic-Speier
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POUR L’INTERVENANTE
(Ethos Law Group LLP)
|
Caitlin Shane
|
POUR L’INTERVENANTE
(Pivot Legal Society)
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Parlee McLaws LLP
Edmonton (Alberta)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Procureur général du Canada
Edmonton (Alberta)
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POUR LES DÉFENDEURS
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Buresh Aloneissi O’Neill
Edmonton (Alberta)
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POUR LES DÉFENDEURS
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Ethos Law Group LLP
Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR L’INTERVENANTE
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Pivot Legal Society
Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR L’INTERVENANTE
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