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Date : 20190227


Dossier : IMM‑282‑18

Référence : 2019 CF 241

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 février 2019

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

AMRITPAL SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur, Amritpal Singh, est un citoyen de l’Inde. Il est arrivé au Canada le 8 juillet 2011 et a présenté une demande d’asile fondée sur le fait qu’il craignait d’être arrêté et tué s’il retournait dans son pays d’origine. Lors de l’instruction de la demande d’asile du demandeur, le 7 novembre 2017, très peu d’éléments de preuve ont été présentés pour prouver son identité. Le demandeur, qui était représenté par un avocat, a indiqué qu’il n’avait pas pensé à apporter d’autres éléments de preuve, comme son certificat de naissance ou son permis de conduire de l’Inde, ni à demander aux amis de sa famille habitant au Canada de venir témoigner à l’audience. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif qu’il n’avait pas réussi à établir son identité.

[2]  Le 18 janvier 2018, le demandeur a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR. Je rejette la demande pour les motifs qui suivent.

II.  Faits

A.  Le demandeur

[3]  Le demandeur, âgé de 27 ans, est un citoyen de l’Inde. Selon son formulaire Fondement de la demande d’asile (formulaire FDA), il a assisté, le 15 juin 2011, à un rassemblement anti‑sikhs des disciples d’Ashutosh avec sa famille et ses amis dans le but d’empêcher les personnes réunies de prêcher contre la religion sikhe. La police a dit au demandeur et aux personnes qui l’accompagnaient de partir [traduction« sinon ils seraient battus et emprisonnés ». Cependant, plutôt que de partir, ils ont commencé à se disputer avec la police. Celle-ci a alors chargé le groupe à la matraque. Le demandeur explique qu’il a réussi à s’enfuir et à se cacher de la police, mais qu’il a dû rester caché parce qu’il est sikh. Il croit que s’il avait été arrêté, il n’aurait jamais été libéré ou il aurait été battu à mort. Par la suite, le demandeur a retenu les services d’un agent de voyages pour l’aider à venir au Canada. Il est arrivé à Toronto le 8 juillet 2011.

[4]  La date initiale qui avait été fixée pour l’instruction de la demande d’asile du demandeur était le 8 mai 2015. De nombreux ajournements ont été accordés par la SPR pour diverses raisons. Lors de deux audiences ajournées (le 14 juillet 2017 et le 20 septembre 2017), la SPR a avisé le demandeur qu’il lui faudrait fournir des documents, plus particulièrement des pièces d’identité. À l’audience ajournée de juillet, un commissaire de la SPR a indiqué au demandeur que n’importe quelle pièce d’identité serait acceptée, précisant que [traduction« les pièces doivent seulement démontrer que vous êtes bel et bien Amritpal Singh, parce que le dossier ne contient même pas de passeport ». À l’audience ajournée de septembre, un autre commissaire de la SPR a expliqué au demandeur que son permis de conduire canadien ne suffirait pas à établir son identité.

[5]  Ce n’est que le 7 novembre 2017 que l’instruction en bonne et due forme de la demande d’asile du demandeur a eu lieu. Plusieurs documents ont été présentés le jour même de l’audience malgré l’avertissement qui avait été donné par la SPR selon lequel les documents devaient être présentés au moins dix jours avant l’instruction de la demande d’asile du demandeur. Les éléments de preuve figurant au dossier du demandeur comprenaient un document du bureau de l’autorité des transports de district, le permis de conduire canadien du demandeur, un affidavit souscrit par quatre amis du demandeur qui habitent en Inde et qui le connaissent depuis quinze ans, un rapport de police partiellement traduit, une carte du ministère de l’Impôt sur le revenu de l’Inde, une trousse de Citoyenneté et Immigration Canada, le formulaire FDA original du demandeur, un formulaire FDA modifié et le Cartable national de documentation sur l’Inde datant du 14 septembre 2017.

[6]  Après examen de ces éléments de preuve, la SPR a expliqué qu’elle ne pouvait pas admettre le rapport de police puisqu’il n’était pas traduit. La SPR a aussi souligné que la carte du ministère de l’Impôt sur le revenu ne comportait pas de photo et que le nom du demandeur y était écrit en deux mots plutôt qu’en un seul mot. Le demandeur a d’abord déclaré qu’il s’agissait d’une erreur, mais il a ensuite expliqué que son nom s’écrivait en un seul mot au Canada et en deux mots en Inde, ce à quoi la SPR a répondu que l’affidavit conjoint provenait de l’Inde et que son nom y était écrit en un seul mot.

[7]  Le demandeur a indiqué qu’il n’avait pas pensé à apporter d’autres pièces d’identité, comme un certificat de naissance, ni à demander à des amis de sa famille habitant au Canada de venir témoigner à l’audience. Il a également dit à la SPR qu’il avait perdu son permis de conduire de l’Inde et qu’il avait oublié d’en demander un nouveau.

[8]  La SPR a rejeté l’explication du demandeur quant au fait que son nom est écrit différemment sur divers documents et elle a jugé déraisonnables les motifs pour lesquels il n’a pas fourni une preuve suffisante. Pour arriver à cette conclusion, la SPR s’est appuyée sur le fait que le demandeur était représenté par un avocat depuis au moins mai 2015 et qu’il avait reçu des instructions précises selon lesquelles il devait fournir d’autres pièces d’identité puisqu’un permis de conduire canadien ne suffirait pas à établir son identité.

[9]  Par conséquent, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à établir son identité selon la prépondérance des probabilités. Le demandeur a retenu les services d’un nouvel avocat et, le 18 janvier 2018, il a présenté une demande de contrôle judiciaire.

III.  Question en litige et norme de contrôle applicable

[10]  La norme de contrôle applicable aux conclusions de la SPR relativement à l’identité est celle de la décision raisonnable (Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 877, au paragraphe 13; Bagire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 816, au paragraphe 18). En conséquence, la question en litige dans la présente affaire est de savoir si la conclusion de la SPR relativement à l’identité est raisonnable.

IV.  Analyse

A.  La conclusion de la SPR relativement à l’identité est-elle raisonnable?

[11]  Lors de l’instruction de la demande de contrôle judiciaire, le demandeur a fait valoir que la SPR avait commis une erreur en rejetant l’affidavit conjoint sans tenir compte de sa valeur en tant que preuve d’identité, mais il a aussi reconnu que l’affidavit ne constituait pas une preuve d’identité de premier ordre. Le demandeur soutient que l’affidavit corrobore divers renseignements, notamment l’endroit où il habitait en Inde ainsi que le nom de son père. Par conséquent, selon le demandeur, la SPR était tenue d’examiner l’affidavit et de tirer des conclusions relativement aux renseignements qu’il contient.

[12]  Le défendeur convient que le nom du père du demandeur indiqué dans l’affidavit (Gurdarshan Singh) correspond au nom indiqué dans le formulaire FDA du demandeur. Cependant, le défendeur soutient qu’en lui-même, l’affidavit ne suffit pas à établir l’identité du demandeur au regard de la norme de preuve exigée (à savoir la prépondérance des probabilités).

[13]  Comme l’a reconnu la Cour dans la décision Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319 au paragraphe 48 (Rahal), l’identité est une question fondamentale pour la SPR :

[48] La question de l’identité est au cœur même de l’expertise de la SPR, et s’il y a un endroit où la Cour doit se garder de mettre en doute les conclusions de la Commission c’est bien ici. Je suis d’avis que, pour autant qu’il y ait des éléments de preuve pour appuyer les conclusions de la Commission quant à l’identité, que la SPR en donne les raisons (qui ne sont pas manifestement spécieuses) et qu’il n’y a pas d’incohérence patente entre la décision de la Commission et la force probante de la preuve au dossier, la conclusion de la SPR quant à l’identité appelle un degré élevé de retenue et sera considérée comme une décision raisonnable. Autrement dit, si ces facteurs s’appliquent, il est impossible de dire que la conclusion a été rendue de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve.

[14]  Comme il est expliqué dans la décision Rahal, la Cour doit avoir de bonnes raisons pour mettre en doute la conclusion de la SPR relativement à l’identité. Le défendeur fait valoir que la décision était conforme aux exigences énoncées dans la décision Rahal puisque le dossier indique que la SPR a tenu compte de tous les éléments de preuve, y compris de l’affidavit conjoint. De plus, le défendeur a attiré l’attention de la Cour sur la transcription de la discussion entre les parties au sujet de l’affidavit conjoint, qui s’est déroulée lors de l’instruction de la demande d’asile.

[15]  Je dois souscrire à l’avis du défendeur. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour doit se demander si l’évaluation faite par la SPR des éléments de preuve qui lui ont été présentés était raisonnable. Bien entendu, je n’ai aucun doute quant à l’existence d’autres documents établissant l’identité du demandeur. Par exemple, le demandeur a mentionné que des amis de sa famille habitant au Canada auraient pu témoigner lors de l’audience. En outre, il aurait pu fournir son certificat de naissance ou son permis de conduire de l’Inde à la SPR. Toutefois, malgré la disponibilité de ces documents, ceux-ci n’ont pas été fournis à la SPR en guise de pièces d’identité. En l’espèce, la SPR n’a obtenu que le permis de conduire ontarien du demandeur, une copie d’une carte du ministère de l’Impôt sur le revenu de l’Inde et l’affidavit conjoint. De plus, comme l’a souligné le défendeur, la transcription démontre que la question de l’affidavit a été abordée par la SPR lors de l’instruction de la demande d’asile. Pour déterminer le caractère raisonnable de la décision de la SPR, la décision doit être examinée à la lumière des éléments de preuve dont la SPR disposait et non des éléments de preuve qui auraient pu ou auraient dû lui être fournis si une attention convenable avait été portée aux pièces d’identité du demandeur.

[16]  De manière générale, la décision de la SPR est fondée sur des motifs qui s’accordent avec le dossier dont elle disposait, ainsi qu’avec le poids des éléments de preuve fournis. La transcription établit clairement que la SPR a, à maintes reprises, rappelé au demandeur – qui était représenté par un autre avocat lors de l’instruction de sa demande d’asile – qu’il devait fournir des pièces d’identité suffisantes. Par ailleurs, la décision de la SPR satisfait aux exigences énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9. Par conséquent, je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire.

V.  Les questions à certifier

[17]  La Cour a demandé aux avocats des deux parties s’il y avait des questions à certifier. Chacun d’eux a répondu qu’il n’y avait aucune question à certifier, et je suis du même avis.

VI.  La conclusion

[18]  La décision est raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑282‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 1er jour de mai 2019.

Geneviève Bernier, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑282‑18

 

INTITULÉ :

AMRITPAL SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 OCTOBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 27 FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS:

Raj Napal

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Hillary Adams

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Raj Napal

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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