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Date : 20190218


Dossier : IMM 3084 18

Référence : 2019 CF 198

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 février 2019

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

BARNA HORVATH

BARNA HORVATH

MONIKA HORVATH

ALEX HORVATH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATON

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  En 2012, les demandeurs, une famille rom de Hongrie, ont demandé l’asile au Canada en invoquant leur crainte d’être persécutés en raison de leur origine ethnique. Monsieur Barna Horvath, le demandeur d’asile principal, a décrit plusieurs agressions, menaces et actes discriminatoires dont il avait été victime en Hongrie.

[2]  En 2018, un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a examiné la preuve et a conclu que les demandeurs pourraient bénéficier de la protection de l’État hongrois et que, quoi qu’il en soit, à leur retour en Hongrie, les demandeurs seraient exposés à la discrimination, mais non à la persécution.

[3]  Les demandeurs soutiennent que les deux conclusions de la Commission étaient déraisonnables. Ils me demandent d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner le réexamen de leurs demandes d’asile par un tribunal différemment constitué.

[4]  Je conviens avec les demandeurs que la décision de la Commission devrait être annulée. La Commission a conclu de façon déraisonnable que les demandeurs ne craignaient plus les groupes extrémistes en Hongrie. Cette conclusion a influé sur son analyse des deux questions de fond dont elle était saisie. Par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  La décision de la Commission

[5]  La Commission a reconnu que M. Horvath avait subi des agressions physiques et verbales de la part d’extrémistes avant de fuir la Hongrie en 2012. Elle a aussi constaté qu’en réponse à ces agressions, la police hongroise s’en était tenue à rédiger des rapports et à clore les dossiers de plainte pour manque de preuve.

[6]  Cependant, la Commission a ensuite conclu que les demandeurs ne craignaient plus les groupes extrémistes en 2018. Elle a noté que M. Horvath avait fait part de sa crainte de la [traduction« Garde hongroise » lorsqu’il était arrivé au point d’entrée en 2012, mais qu’il n’avait rien dit à ce sujet lors de l’audience devant la Commission.

[7]  De plus, la Commission a conclu que l’appareil étatique hongrois offre une protection à ses citoyens roms et que la Hongrie prend des mesures concertées pour intégrer les Roms à l’ensemble de la société hongroise.

[8]  En outre, la Commission a conclu que la discrimination à laquelle les demandeurs pourraient faire face en matière de logement, d’emploi et d’éducation ne permettait pas d’établir le fondement d’une demande d’asile pour crainte de persécution. Selon la Commission, la preuve documentaire ne démontre pas que tous les Roms en Hongrie sont victimes de persécution; d’ailleurs, une telle prétention ne saurait être étayée par la jurisprudence de la Cour.

III.  La décision de la Commission était elle déraisonnable?

[9]  Le ministre soutient que la Commission a raisonnablement conclu que la crainte des demandeurs à l’égard des extrémistes s’était dissipée entre leur arrivée au Canada en 2012 et leur audience en 2018. Par conséquent, les inférences de la Commission concernant la protection de l’État hongrois et l’absence de persécution en Hongrie étaient également raisonnables.

[10]  Je ne suis pas du même avis. La conclusion principale tirée par la Commission selon laquelle les demandeurs ne craignent plus d’être victimes de la violence aux mains d’extrémistes n’était pas étayée par la preuve. Cette conclusion erronée a entaché l’analyse des deux questions de fond dont elle était saisie.

[11]  Au point d’entrée, M. Horvath avait affirmé craindre la [traduction« Garde hongroise ». Devant la Commission, lorsqu’on lui a demandé la raison pour laquelle il avait présenté une demande d’asile, M. Horvath a répondu [traduction« l’humiliation ». Son interprète a ajouté ceci : [traduction« Il a énuméré quelques raisons ». Monsieur Horvath a poursuivi en précisant [traduction« [l]’humiliation, les mauvais traitements, la situation des enfants dans les écoles, donc l’éducation, les soins de santé ».

[12]  La Commission a ensuite demandé à M. Horvath pourquoi il avait mentionné la Garde hongroise en 2012, mais pas à l’audience. Monsieur Horvath a dit qu’il n’avait pas abordé le sujet de la Garde hongroise en raison de la [traduction« difficulté de communiquer par l’intermédiaire d’un interprète ». Toutefois, il a clairement indiqué qu’il craignait toujours de retourner en Hongrie à cause des groupes extrémistes qui [traduction« haïssent les Roms ». Il a expliqué que l’audience lui causait beaucoup de stress et que cela expliquait pourquoi il avait oublié de mentionner la Garde hongroise en particulier. Il a ajouté qu’il avait entendu des membres de sa famille et des amis en Hongrie dire que les choses y sont pires aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2012. La Garde hongroise et d’autres groupes extrémistes menacent les Roms et militent activement contre ceux ci.

[13]  Dans sa décision, la Commission a souligné que M. Horvath avait mentionné la Garde hongroise au point d’entrée, mais pas à l’audience. Cette omission, selon elle, a montré que M. Horvath ne craignait plus ce groupe ou d’autres éléments extrémistes au sein de la population hongroise. Par conséquent, la demande d’asile se limitait aux préoccupations concernant l’accès aux programmes sociaux et aux soins de santé en Hongrie.

[14]  Monsieur Horvath a clairement indiqué dans son témoignage qu’il continuait de craindre les groupes extrémistes et anti roms en Hongrie, y compris la Garde hongroise. Rien ne justifiait la conclusion de la Commission selon laquelle cette crainte ne faisait plus partie de la demande d’asile des demandeurs.

[15]  Après avoir tiré cette conclusion factuelle erronée, la Commission a conclu que les demandeurs pouvaient obtenir la protection de l’État hongrois et que leurs demandes d’asile étaient fondées sur des allégations de discrimination, et non de persécution. Selon moi, l’erreur initiale quant à la source de la crainte des demandeurs a eu pour effet de restreindre l’analyse de la Commission concernant la protection de l’État hongrois et les demandes d’asile. La décision de la Commission était donc déraisonnable.

IV.  Conclusion et dispositif

[16]  La conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne craignaient plus d’être persécutés par des groupes extrémistes en Hongrie n’était pas étayée par la preuve et elle était donc déraisonnable. Pour cette raison, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner le réexamen des demandes d’asile par un tribunal différemment constitué. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier en l’espèce.


JUGEMENT DANS IMM 3084 18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à la Commission pour réexamen par un tribunal différemment constitué.

  3. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de mars 2019

Léandre Pelletier Pépin


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM 3084 18

INTITULÉ :

BARNA HORVATH, BARNA HORVATH, MONIKA HORVATH, ALEX HORVATH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

tOROnto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 FÉVRIER 2018

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

LE JUGE O’REILLY

DATE DES MOTIFS :

LE 18 FÉVRIER 2019

COMPARUTIONS :

Peter G. Ivanyi

POUR LES DEMANDEURS

Susan Gans

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rochon Genova LLP

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Sous procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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