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Date : 20190214


Dossier : IMM-3715-18

Référence : 2019 CF 188

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 14 février 2019

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

MARKO PISAREVIC

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience, le 13 février 2019)

I.  PROCÉDURE

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, en date du 18 juin 2018, par laquelle un agent des visas [l’agent] a rejeté la demande de visa d’étudiant présentée par le demandeur [la décision]. La présente demande est présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

II.  CONTEXTE

[2]  Le demandeur est âgé de 38 ans. Il est citoyen de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie. Il est un avocat d’expérience ayant son propre cabinet à Brcko, en Bosnie-Herzégovine.

[3]  Le demandeur a présenté à deux reprises une demande de permis d’études pour suivre un programme de formation parajuridique en Alberta. La décision défavorable en réponse à la seconde demande fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

[4]  Un agent des visas a rejeté la première demande du demandeur. La lettre de présentation pour la seconde demande du demandeur [la lettre] a été reçue en ligne le 30 mai 2018. Elle énonce les raisons pour lesquelles on a refusé sa première demande, notamment le fait que les études proposées n’étaient pas raisonnables à la lumière de sa situation professionnelle ainsi que de ses qualifications et études antérieures. En outre, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur avait suffisamment de fonds ou qu’il quitterait le Canada après avoir terminé ses études.

[5]  La lettre comprenait les énoncés suivants qui, à mon avis, expriment une double intention.

[traduction]

J’ai la ferme intention de demeurer au Canada en permanence, mais seulement, et je ne saurais trop insister là‑dessus, si les autorités canadiennes m’autorisent à rester.

Je n’ai pas l’intention de quitter le Canada après mes études, mais seulement si et tant que le Canada m’autorise à rester. Je prévois faire de mon mieux pour terminer mes études, travailler fort pendant mes études pour subvenir à mes besoins, présenter une demande de permis de travail postdiplôme, décrocher un bon emploi dans le domaine du droit et, entre-temps, trouver un moyen légal de rester au Canada.

[6]  Au sujet de sa situation financière pendant la période de ses études, le demandeur a affirmé ce qui suit : [traduction] « nous aurons sans doute plus de fonds à notre disposition lorsque nous partirons (espérons-le) pour le Canada (je vendrai mon cabinet, par exemple). »

III.  DÉCISION

[7]  Dans la décision par laquelle il a rejeté la seconde demande, l’agent n’a pas accepté l’expression de double intention du demandeur et a donné les raisons suivantes :

[traduction]

Je ne suis pas convaincu que vous quitterez le Canada au terme de votre séjour, comme le prévoit le paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, compte tenu du but de votre visite.

-programme d’études choisi – vous êtes un aspirant immigrant. Je ne suis pas convaincu de l’existence d’une double intention.

[8]  La note versée par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), laquelle est datée du 18 juin 2018, donne de plus amples renseignements. Elle se lit comme suit :

[traduction]

Le demandeur est âgé de 37 ans. Il a achevé un programme d'études supérieures en droit en 2010 et compte de nombreuses années d’expérience comme avocat. Il présente maintenant une demande pour suivre une formation parajuridique. Je note que le demandeur a droit à quatre tentatives pour présenter une demande Entrée express. Bien que le programme d’études choisi soit dans le même domaine que l’emploi et les études antérieurs du demandeur, il marque un retour en arrière et ne cadre pas avec l’avancement de sa carrière. Compte tenu de l’intérêt que démontre le demandeur pour l’immigration, le programme d’études ne doit servir qu’à assurer l’entrée au Canada, et non à obtenir un meilleur emploi ou une promotion dans le pays d’origine. Compte tenu des demandes présentées antérieurement et du programme d’études choisi, je ne peux conclure à l’existence d’une double intention. Je ne suis pas convaincu que le demandeur souhaite retourner dans son pays de résidence et qu’il aura des raisons l’incitant à quitter le Canada à la fin du séjour autorisé.

IV.  OBSERVATIONS

[9]  Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve concernant les liens qu’il entretient avec son pays d’origine. Il fait remarquer qu’il a fourni des preuves de ses économies, du fait qu’il est propriétaire d’un appartement en copropriété et de son entreprise. De plus, il affirme que sa citoyenneté croate lui a permis d’entrer au Canada sans devoir obtenir un visa de visiteur. Il déclare également que, même s’il a beaucoup voyagé, notamment aux États-Unis, il n’a jamais dépassé la durée du séjour autorisée par un visa. Enfin, il n’entretient aucun lien avec le Canada.

[10]  Le demandeur soutient que l’agent a omis d’expliquer pourquoi il avait privilégié sa conclusion négative par rapport à ces éléments de preuve. L’agent n’a même pas fait mention ou tenu compte des facteurs favorables à une décision positive.

[11]  Le demandeur soutient qu’il a exprimé de façon claire et honnête sa double intention dans sa demande. L’intention déclarée de devenir résident permanent n’est pas un obstacle à l’obtention d’un visa d’étudiant. Le demandeur s’appuie sur l’énoncé de la juge Strickland dans la décision Ali c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 702, selon lequel « une personne peut avoir la double intention d’immigrer et de respecter les règles de droit applicables au sujet du séjour temporaire ».

[12]  Le défendeur, de son côté, soutient que le demandeur s’est inscrit à un programme de formation parajuridique qui ne ferait pas progresser sa carrière en Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, il était loisible à l’agent de conclure que les agissements du demandeur témoignent de sa seule intention d’immigrer au Canada.

[13]  Le défendeur fait remarquer que, dans la décision Ali citée par le demandeur, la Cour ajoute qu’« il incombe [au demandeur] de démontrer d’abord [qu’il] quittera le Canada à la fin de sa période d’études ». Compte tenu de l’intention du demandeur de vivre en permanence au Canada et de sa déclaration selon laquelle il vendrait son cabinet d’avocats, il était tout à fait raisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas établi sa double intention.

V.  ANALYSE

[14]  J’ai le droit d’examiner le dossier pour comprendre la décision de l’agent. À mon avis, bien que cela ne fasse pas partie des raisons invoquées, le fait que le demandeur a proposé de financer ses études par la vente de son cabinet d’avocats a été considéré de manière raisonnable par l’agent comme un facteur déterminant. Cette affirmation donne l’impression, en l’absence de toute explication contraire, qu’il réduit progressivement les activités de sa pratique et qu’il n’a pas de motif professionnel de retourner en Bosnie-Herzégovine.

[15]  De plus, le demandeur n’a pas expliqué à l’agent en quoi une formation parajuridique ferait avancer sa carrière en tant qu’avocat bien établi en Bosnie-Herzégovine. Dans de telles circonstances, il était raisonnable pour l’agent de conclure que les études envisagées par le demandeur ne font pas état d'une intention de retourner dans son pays d’origine.

[16]  À mon avis, l’absence de liens entre le demandeur et le Canada et les voyages effectués précédemment dans d’autres pays n’avaient pas à être mentionnés, compte tenu des faits déterminants. Le demandeur était prêt à vendre son cabinet et voulait suivre un cours qui semble n’être aucunement adapté à sa situation et à sa carrière jusqu’à maintenant. Dans ces circonstances, la décision était raisonnable.

[17]  Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.

VI.  CERTIFICATION

[18]  Le demandeur soutient qu’il n’a déboursé aucuns frais pour sa deuxième demande de permis d’études et que, pour cette raison, la deuxième demande était en fait une demande de réexamen de la première décision de refus.

[19]  Toutefois, rien ne prouve qu’aucuns frais n’ont été déboursés. De plus, dans sa lettre, le demandeur précise qu’il entend présenter pour une deuxième fois une demande de permis d’études au Canada.

[20]  Dans ces circonstances, je conclus que la décision a été prise dans le contexte d’une deuxième demande et non à la suite d’un réexamen.

[21]  Le demandeur me demande de certifier la question suivante :

Si une deuxième demande est présentée peu après un premier refus, sans que des frais soient déboursés, doit-elle être considérée comme une nouvelle demande ou comme une demande de réexamen?

[22]  Cette question ne sera pas certifiée, car, à mon avis, elle ne saurait être déterminante en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3715-18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par les présentes rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de mars 2019.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3715-18

 

INTITULÉ :

MARKO PISAREVIC c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 FÉVRIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Milan Tomasevic

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Silverman

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Milan Tomasevic

Avocat

Mississauga (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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