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Date : 20190212


Dossier : T‑1608‑17

Référence : 2019 CF 175

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 février 2019

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

BRENDA JOLY, WILLIAM JOHN

ET TREVOR JOHN

demandeurs

Et

GORDON GADWA, BENJAMIN BADGER, JASON MOUNTAIN ET

VERNON WATCHMAKER

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Dans la décision Brenda Joly, William John et Trevor John c Gordon Gadwa, Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, 2018 CF 746, datée du 17 juillet 2018 [la décision d’outrage au tribunal], et à la suite d’un procès à Edmonton, j’ai déclaré les défendeurs coupables d’outrage au tribunal pour violation de l’ordonnance rendue par le juge Lafrenière le 10 novembre 2017 [l’ordonnance du 10 novembre 2017].

[2]  Cette audience pour outrage au tribunal a été scindée pour traiter séparément des questions d’outrage au tribunal et de la détermination de la peine, ce qui était indiqué dans les circonstances étant donné que la décision d’outrage au tribunal serait prise en délibérée et vu la décision rendue par la Cour d’appel fédérale sous la plume du juge Sexton dans l’arrêt Winnicki c Canada (Commission des droits de la personne), 2007 CAF 52.

[3]  Le 15 janvier 2019, j’ai poursuivi le procès à Edmonton afin de déterminer la peine appropriée pour les outrages au tribunal.

[4]  Les présents motifs traitent de la peine appropriée.

[5]  Cela dit, à titre préliminaire, les défendeurs ont aussi contesté la qualité des demandeurs pour traiter de la question de la peine appropriée en se fondant sur le fait que les élections au sein de cette Première Nation qui ont eu lieu en septembre 2018 ont donné lieu à la défaite de la demanderesse Brenda Joly [Joly], qui était chef intérimaire au moment du procès pour outrage au tribunal, aux mains du défendeur Vernon Watchmaker [Watchmaker] qui est maintenant chef de la Première Nation. Le demandeur William John et le défendeur Jason Mountain [Mountain] ne sont plus membres du conseil. Le défendeur Benjamin Badger [Badger] l’est toujours. Le défendeur Gordon Gadwa [Gadwa] a été destitué de son poste de chef et de conseiller au sein de l’ancien conseil; il n’est plus chef ni conseiller. Après avoir entendu les arguments, j’ai rejeté les objections des défendeurs concernant la question de la qualité pour agir. Mes motifs pour ce faire sont exposés dans les motifs ci‑dessous.

II.  Faits

A.  Contexte factuel de la décision d’outrage au tribunal du 17 juillet 2019

[6]  Le contexte factuel en l’espèce se trouve dans ma décision antérieure d’outrage au tribunal du 17 juillet 2018 :

II. Contexte

[5]  La demande ayant donné ouverture à la présente procédure pour outrage au tribunal a été déposée le 23 octobre 2017. Les demandeurs sont Brenda Joly (la chef intérimaire Joly), la conseillère élue et la chef intérimaire nommée par le Conseil de bande de la Kehewin Cree Nation, laquelle fonctionne selon un système d’élections coutumières, aux termes de la Loi sur les Indiens, LRC 1985 c I‑5 (la bande de Kehewin), William John et Trevor John, tous deux des conseillers élus de la nation Kehewin.

[6]  Les défendeurs sont Gordon Gadwa (M. Gadwa), un ancien chef et conseiller de la bande de Kehewin, dont l’élection de 2015 à titre de chef et de conseiller a été annulée en raison des manœuvres frauduleuses d’un membre du personnel électoral. M. Gadwa a été destitué de son poste de conseiller par une décision unanime rendue par le Conseil de bande le 7 juillet 2016. Les autres défendeurs sont les conseillers Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, qui ont tous été élus à des postes de conseiller de la bande de Kehewin, en septembre 2015. Je dois ajouter que M. Mountain est très malade et qu’il a été destitué de son poste de conseiller par une résolution du Conseil de bande (RCB) adoptée le 13 mars 2018.

III. Chronologie des faits ayant mené à l’ordonnance du 10 novembre

[7]  La dernière élection de conseillers aux termes du [traduction] Code électoral coutumier de la Kehewin Cree Nation (le Code électoral) a été tenue le 1er septembre 2015. Les conseillers Badger, Trevor John, William John, Mountain et Watchmaker ainsi que la chef intérimaire Joly et M. Gadwa ont été élus conseillers pour un mandat de trois ans se terminant en 2018.

[8]  La dernière élection du chef s’est tenue le 29 septembre 2015. M. Gadwa a remporté l’élection avec trois votes de plus que la chef intérimaire Joly. Un appel en matière d’élection contestant le résultat de l’élection du chef de 2015 a été accueilli; le président d’élection a conclu que M. Gadwa avait employé des manœuvres électorales frauduleuses. L’élection a été annulée, et le président d’élection a destitué M. Gadwa de son poste de chef et de conseiller. Le président d’élection a aussi déclaré que la chef intérimaire Joly était élue comme chef de la bande de Kehewin.

[9]  En mai 2016, la juge Strickland a confirmé la destitution prononcée par le président d’élection concernant M. Gadwa à titre de chef, mais elle a annulé la destitution prononcée par le président d’élection concernant M. Gadwa à titre de conseiller. La juge Strickland a également annulé la nomination de la chef intérimaire Joly comme chef et elle a ordonné la tenue d’une nouvelle élection d’un chef.

[10]  En mai 2016, le Conseil de bande a nommé la chef intérimaire Joly pour agir en tant que chef intérimaire jusqu’à la tenue de la nouvelle élection d’un chef.

[11]  En juin 2016, la chef intérimaire Joly a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale de la décision de la juge Strickland d’annuler sa nomination de chef ainsi que la destitution, par le président d’élection, de M. Gadwa de son poste de conseiller. Pour sa part, M. Gadwa a interjeté appel de la conclusion de la juge Strickland selon laquelle il avait employé des manœuvres électorales frauduleuses.

[12]  En juin 2016, le Conseil de la bande de Kehewin a examiné une plainte de méfait, de manquement au devoir ou d’inconduite. En juin 2016, le Conseil de bande, dans une décision unanime, a démis M. Gadwa de ses fonctions de conseiller.

[13]  M. Gadwa n’a pas contesté la décision du Conseil de bande de le démettre de ses fonctions de conseiller.

[14]  En juillet 2016, la Cour d’appel fédérale a suspendu la tenue d’une nouvelle élection d’un chef en attendant l’issue de l’appel interjeté par la chef intérimaire Joly et de l’appel incident de M. Gadwa.

[15]  Le 4 octobre 2017, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel de la chef intérimaire Joly. À l’audition, M. Gadwa a abandonné son appel incident devant la Cour d’appel fédérale.

[16]  Compte tenu des allégations selon lesquelles M. Gadwa commettait des irrégularités et se présentait, à tort, comme un conseiller, les demandeurs ont déposé, en octobre 2017, un avis de demande de contrôle judiciaire, afin d’obtenir ce qui suit :

  une déclaration voulant que M. Gadwa ait cessé d’occuper les fonctions de conseiller de la bande de Kehewin le 7 juillet 2016, lorsqu’il a été destitué par le Conseil de bande, en application du Code électoral;

  une ordonnance de quo warranto portant que M. Gadwa n’exerce pas de fonctions de conseiller de la bande de Kehewin, et qu’il ne peut pas participer aux réunions du Conseil de la bande de Kehewin ni être pris en compte au moment de constater le quorum;

  une déclaration portant, qu’aux termes du Code électoral, trois membres du Conseil de bande n’aient pas le pouvoir ou l’autorité de réintégrer une personne dans le Conseil, après qu’elle a été démise de ses fonctions au sein du Conseil, en application de l’article X du Code électoral;

  une ordonnance enjoignant à M. Gadwa de ne pas se présenter publiquement comme un conseiller en poste de la bande de Kehewin;

  une déclaration portant qu’aucun clan ou groupe formé de quatre personnes, même si elles sont toutes des conseillers élus, ne puisse se rencontrer comme un [traduction] « quorum de quatre » ou comme un soi‑disant [traduction] « Quorum du Conseil de bande » et prendre des décisions liant le Conseil de la bande de Kehewin et qu’aucune décision prise par les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker depuis le 4 octobre 2017, avec ou sans M. Gadwa, ne soit valide ni contraignante à l’égard de la bande de Kehewin.

IV. L’ordonnance du 31 octobre 2017 rendue par le juge Zinn

[17]  À l’occasion de la demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont demandé que des mesures de redressement provisoires soient accordées de manière urgente, à titre ex parte. La requête a été entendue et accueillie par le juge Zinn, qui a rendu l’ordonnance intérimaire suivante, devant prendre fin le 14 novembre 2017 :

LA COUR ORDONNE que :

1. Il soit interdit par la présente et défendu à l’intimé Gordon Gadwa de :

a) se présenter au public comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

b) agir comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

c) interférer dans l’administration des affaires financières et des autres affaires de la nation crie Kehewin;

2. Il soit interdit par la présente et défendu à l’intimé Vernon Watchmaker de :

a) se présenter au public comme s’il était chef provisoire ou intérimaire de la nation crie de Kehewin;

b) agir comme s’il était chef provisoire ou intérimaire de la nation crie de Kehewin.

3. Le « public » mentionné aux paragraphes 1 et 2 comprennent tous les membres de la nation crie de Kehewin, tous les employés et le personnel de la nation crie de Kehewin, le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones, provinciaux, territoriaux et les administrations municipales, leurs ministères, leurs employés et leur personnel, les particuliers et les entreprises qui font des affaires avec la nation crie Kehewin et les médias.

4. Il soit interdit et défendu aux intimés Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker de :

a) convoquer des réunions du Conseil;

b) participer à une réunion quelconque du Conseil qui n’est pas la réunion régulière du Conseil du mardi à 9 h, dans l’immeuble administratif dans la réserve de la nation crie de Kehewin, sauf :

(i) une réunion spéciale a été convoquée par Brenda Joly ou qui est sous sa direction, et un préavis d’au moins 48 heures a été donné à toutes les personnes suivantes : Benjamin Badger, Brenda Joly, Trevor John, William John, Jason Mountain et Vernon Watchmaker par courriel à [...]; (ii) une réunion d’urgence a été convoquée par l’une des personnes suivantes ou est sous leur direction :

A. deux (2) personnes parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker et une (1) personne parmi Brenda Joly, Trevor John et William John, ou

B. deux (2) personnes parmi Brenda Joly, Trevor John et William John et une (1) personne parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker,

et un préavis d’au moins 24 heures a été envoyé par courriel à [...].

5. La présente ordonnance et l’avis de requête des requérants, les affidavits de Brenda Joly et de Lavonna M. Trenchie à l’appui et l’exposé des faits et du droit puissent être signifiés à l’intimé Gordon Gadwa en les envoyant par courriel à l’adresse [...];

6. Une copie de la présente ordonnance soit affichée dans un endroit bien en vue dans les bureaux du Conseil de bande.

7. La présente ordonnance prenne fin le 14 novembre 2017.

8. Sauf si une date antérieure est établie par le juge responsable de la gestion de l’instance et qu’un avis en conséquence est communiqué à toutes les parties par courriel ou par téléphone, la Cour entende la requête inter partes des requérants prévue par l’article 373 des Règles pour que soit de nouveau rendue la présente ordonnance en attente du jugement définitif dans la présente demande à 10 h, HNE, le 14 novembre 2017, par téléconférence.

V. L’ordonnance du 10 novembre 2017 rendue par le juge Lafrenière

[18]  Les demandeurs ont ensuite sollicité que l’ordonnance intérimaire prononcée par le juge Zinn soit accordée inter partes et rendue permanente. Les avocats des parties ont discuté de l’affaire, et les défendeurs ont retenu les services de nouveaux avocats. En conséquence, les nouveaux avocats des défendeurs ont informé la Cour que les parties avaient consenti à une autre injonction provisoire reprenant les mêmes mesures injonctives que celles du juge Zinn. Les avocats des défendeurs ont aussi fourni un projet d’ordonnance à la Cour.

[19]  Le juge Lafrenière, ayant demandé que des délais soient fixés pour permettre l’instruction ordonnée de la question, a rendu une ordonnance le 10 novembre 2017, dont l’exécution est maintenant demandée dans la présente procédure pour outrage au tribunal.

[20]  Les mesures injonctives de l’ordonnance du 10 novembre étaient les mêmes que celles contenues dans l’ordonnance prononcée par le juge Zinn. En substance, l’ordonnance du 10 novembre prescrit ce qui suit (en plus des délais) :

LA COUR ORDONNE que :

1. Il soit interdit par la présente et défendu à l’intimé Gordon Gadwa de :

a) se présenter au public comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

b) agir comme s’il était un conseiller de la nation crie de Kehewin;

c) interférer dans l’administration des affaires financières et des autres affaires de la nation crie Kehewin.

[...]

3. Le « public » mentionné aux paragraphes 1 et 2 de la présente ordonnance comprend tous les membres de la nation crie de Kehewin, tous les employés et le personnel de la nation crie de Kehewin, le gouvernement fédéral et les gouvernements autochtones, provinciaux, territoriaux et les administrations municipales, leurs ministères, leurs employés et leur personnel, les particuliers et les entreprises qui font des affaires avec la nation crie Kehewin et les médias.

4. Il soit interdit et défendu aux intimés Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker de :

a) convoquer des réunions du Conseil;

b) participer à une réunion quelconque du Conseil qui n’est pas la réunion régulière du Conseil du mardi à 9 h, dans l’immeuble administratif dans la réserve de la nation crie de Kehewin, sauf :

(i) une réunion spéciale a été convoquée par Brenda Joly ou qui est sous sa direction, et un préavis d’au moins 48 heures a été donné à toutes les personnes suivantes : Benjamin Badger, Brenda Joly, Trevor John, William John, Jason Mountain et Vernon Watchmaker par courriel à [...];

(ii) une réunion d’urgence a été convoquée par l’une des personnes suivantes ou est sous leur direction :

A. deux (2) personnes parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker et une (1) personne parmi Brenda Joly, Trevor John et William John, ou

B. deux (2) personnes parmi Brenda Joly, Trevor John et William John et une (1) personne parmi Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, et un préavis d’au moins 24 heures a été envoyé par courriel à [...].

VI. Demande en vue d’obtenir une ordonnance de justifier

[21]  Compte tenu des allégations selon lesquelles les défendeurs ont enfreint diverses dispositions de l’ordonnance du 10 novembre, les demandeurs ont présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance de justifier contre les défendeurs, aux termes du paragraphe 467(1) des Règles, pour leur enjoindre de justifier pourquoi ils ne devraient pas être déclarés coupables d’outrage au tribunal à l’égard de l’ordonnance du 10 novembre. Les demandeurs ont aussi demandé une autre injonction provisoire, laquelle ne relève pas de l’espèce.

[22]  Le 19 mars 2018, le juge Martineau a conclu qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché. Le juge Martineau a ordonné aux défendeurs de comparaître devant la Cour pour entendre la preuve de leur outrage à l’ordonnance du 10 novembre et pour présenter toute défense qu’ils peuvent invoquer à l’égard de leur manquement prima facie aux paragraphes 1 et 4 de ladite ordonnance. Plus précisément, l’ordonnance du juge Martineau prescrit ce qui suit :

[TRADUCTION]

1. Chacun des défendeurs, Gordon Gadwa, Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, doit :

a) le 13 juin 2018, à 9 h 30, comparaître devant un juge de notre Cour à l’adresse suivante : Cour fédérale, Scotia Place, Tour 1, 5e étage, 10060, avenue Jasper, Edmonton, en Alberta;

b) pour entendre la preuve de leur outrage à l’ordonnance de la Cour datée du 10 novembre 2017, plus précisément qu’ils ont signé et publié des documents auxquels ils ont donné suite, lesquels sont joints à l’affidavit de William John, assermenté le 12 mars 2018, comme pièce E et pièce F, de la manière alléguée dans ledit affidavit;

c) présenter toute défense qu’ils peuvent invoquer contre leur outrage prima facie aux paragraphes 1 et 4 de l’ordonnance du 10 novembre 2017.

[7]  Des explications doivent être données à ce stade‑ci au sujet de la dernière phrase du paragraphe 21 de la décision d’outrage au tribunal. Le juge Martineau était saisi de deux requêtes, la première étant l’ordonnance de justifier ayant mené à la présente procédure pour outrage au tribunal. La deuxième requête dont le juge Martineau a été saisi et dont il n’a pas été question ci‑dessus visait une demande d’injonction provisoire interdisant le processus électoral que les défendeurs avaient tenté de déclencher par des moyens illégaux lorsqu’ils s’étaient réunis le 31 janvier 2018. À cette date, les défendeurs avaient tenu une soi‑disant réunion du Conseil de bande et signé une résolution du conseil de bande (RCB) appelant à l’élection du chef et de conseillers en mars 2018. Le juge Martineau a accordé une injonction interdisant la tenue de cette soi‑disant élection [l’injonction du juge Martineau].

[8]  Bien que les défendeurs n’aient pas obtempéré à l’ordonnance du 10 novembre 2017 et qu’ils aient été déclarés coupables d’outrage au tribunal, il semble qu’ils se soient conformés à l’injonction du juge Martineau et qu’ils aient mis fin à leur processus électoral illégal. Je dis illégal parce que, comme j’ai conclu dans la décision d’outrage au tribunal, la soi‑disant réunion du Conseil de bande du 31 janvier 2018 était contraire à l’ordonnance du 10 novembre 2017 du juge Lafrenière. Il en va de même pour la signature de la RCB; cette signature était illégale, d’abord parce qu’il n’y avait pas de RCB valide à signer et ensuite parce que le défendeur M. Gadwa a signé la RCB à titre de conseiller, alors qu’il n’occupait pas cette fonction. M. Gadwa avait été destitué de son poste de chef pour inconduite, et bien qu’il ait été réintégré dans ses fonctions de conseiller par la Cour fédérale, il a été démis de ses fonctions au sein du Conseil en 2017 par un vote unanime.

[9]  L’injonction du juge Martineau est pertinente dans une certaine mesure pour les observations en vue de la détermination de la peine présentées par quelques‑uns des défendeurs, comme on le verra.

B.  Résumé des conclusions de la décision d’outrage au tribunal du 17 juillet 2018

[10]  Voici le résumé des conclusions de la décision d’outrage au tribunal du 17 juillet 2018 :

  • (1) Résumé concernant l’ancien chef et conseiller M. Gadwa

[68]  En résumé, je conclus qu’il a été démontré, hors de tout doute raisonnable, que M. Gadwa est coupable d’outrage au tribunal pour l’inobservation de l’ordonnance du 10 novembre, sur cinq chefs d’accusation. M. Gadwa a enfreint les paragraphes 1a) et b) en signant la RCB. M. Gadwa a enfreint les paragraphes 1a) et b) en signant l’avis. En outre, M. Gadwa a enfreint le paragraphe 1a) en votant sur des décisions à l’assemblée générale annuelle de la Société Tribal Chiefs Child & Family Services (East), le 29 novembre 2017. En conséquence, M. Gadwa est trouvé coupable d’outrage au tribunal sur cinq chefs d’accusation liés à l’ordonnance du 10 novembre.

  • (2) Résumé concernant le chef élu Watchmaker, le conseiller Badger et l’ancien conseiller Mountain

[80]  En résumé, je conclus que chacun des conseillers Badger, Mountain et Watchmaker est coupable d’outrage au tribunal sur deux chefs d’accusation liés à l’ordonnance du 10 novembre. Ils ont chacun, individuellement, contrevenu au paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre en signant la prétendue RCB datée du 31 janvier 2018, puisque, pour ce faire, ils ont participé à une réunion du Conseil non autorisée. Pour les mêmes motifs, ils ont aussi chacun enfreint le paragraphe 4b) de l’ordonnance du 10 novembre en signant l’avis.

C.  Historique de la procédure depuis la décision d’outrage au tribunal

[11]  Avec le consentement des parties, j’ai prévu que l’étape de la détermination de la peine dans la présente instance aura lieu à Edmonton le 20 novembre 2018 et que les actes de procédure, le cas échéant, seront déposés à l’avance. Les demandeurs ont déposé des documents, alors que les défendeurs n’en ont pas déposé.

[12]  Cette audience de détermination de la peine a ensuite été ajournée et reportée, sur ordonnance du juge en chef, au 12 décembre 2018 à Edmonton. Toutefois, à la fin de la semaine précédant le 12 décembre 2018, l’avocate des demandeurs a informé la Cour qu’elle avait récemment accepté un mandat de représentation pour une autre instance, qui allait être instruite le 12 décembre 2018. Elle a demandé un ajournement par lettre. En raison du caractère tardif de cette demande, j’ai refusé d’examiner la question; les demandes d’ajournement pour répondre au désir de l’avocate d’accepter un mandat dans une autre instance dont l’instruction tombe le même jour nécessitent le dépôt d’une requête en bonne et due forme et d’un affidavit de l’avocate. Aucun élément important n’a été ajouté à l’affidavit de l’avocate. Non sans hésitation, j’ai ordonné l’ajournement, en faisant remarquer que la Cour n’ajourne pas à la légère une audience prévue pour permettre à un avocat d’accepter par la suite un mandat de représentation qui crée un conflit d’horaires.

[13]  J’ai ordonné que la question des dépens relatifs à l’ajournement de décembre soit réglée lors de l’audience de détermination de la peine, qui a finalement été reportée à janvier et qui s’est déroulée à Edmonton. Ce qui a été fait. Les demandeurs ont déposé deux mémoires de dépens qui couvraient, entre autres, le temps requis pour la requête en ajournement des défendeurs. Les demandeurs réclament les dépens se rapportant à la lettre et à la requête en ajournement auxquelles ils ont donné suite; le montant réclamé s’élève à 3 430 $, montant auquel la TPS devrait être ajoutée. L’avocate des défendeurs n’a pas contesté ce montant; en plus, et c’est tout à son honneur, elle a accepté la responsabilité de ces dépens en s’engageant à payer cette somme aux demandeurs de sa poche. À mon avis, un engagement pris par un avocat de payer une somme comme celle‑ci est exécutoire au même titre qu’une ordonnance de la cour : Hudson c Andros, 2010 ONSC 3417, le juge Pierce, au paragraphe 23; Ex parte Smith re Hilliard (1845), 67 Rev R 880 (Queen’s Bench (Bail Court)), le juge Coleridge, 822; United Mining & Finance Corp Ltd c Becher, [1910] 2 KB 296, le juge Hamilton, 305; Law Society of Alberta c Elander, [2011] LSSD No 243 (QL) (Law Society Discipline Decisions) au paragraphe 137. Par souci de commodité, j’incorpore l’engagement de l’avocate dans le jugement de la Cour.

[14]  J’aurais rendu la même ordonnance si l’engagement n’avait pas été pris. À mon avis, rien ne justifierait l’imposition aux défendeurs de dépens occasionnés entièrement par la conduite de leur avocate qui a accepté un nouveau mandat malgré l’audience prévue devant la Cour, au détriment de l’avocat de la partie adverse et aux dépens efforts de la Cour pour que le présent litige soit réglé en temps opportun. Il n’est pas nécessaire que je renchérisse, compte tenu de l’engagement de l’avocate.

D.  Nouvelle question de la qualité pour agir des défendeurs

[15]  Le 19 novembre 2018, après la date limite à laquelle les défendeurs devaient déposer des observations écrites, les défendeurs ont déposé une lettre avisant de certains changements de chef et de conseil; ces changements ont été abordés précédemment, au paragraphe 5 des présents motifs. Les défendeurs ont fait valoir que les rôles des conseillers étaient en fait inversés. Ils ont soutenu que cela leur donnait le droit d’obtenir le rejet des procédures de détermination de la peine et, possiblement – ce n’est pas très clair – de l’ensemble de la présente procédure pour outrage au tribunal.

[16]  La juge responsable de la gestion de l’instance Tabib a examiné la question et elle a donné la directive suivante le 22 novembre 2018 :

[traduction]

La Cour n’est pas convaincue que les changements électoraux privent nécessairement les demandeurs de leur intérêt et de leur qualité pour agir, que ce soit en raison du bien‑fondé du contrôle judiciaire ou de l’audience de détermination de la peine, surtout que la position des demandeurs va à l’encontre de la position des défendeurs sur cette question. L’audience de détermination de la peine se tiendra donc comme prévu et les parties peuvent soulever la question de la qualité pour agir des demandeurs aux fins de la détermination de la peine auprès du juge présidant l’instance. En ce qui concerne le bien‑fondé du contrôle judiciaire, pour lequel les questions de qualité pour agir et les questions d’intérêt peuvent être différentes, les défendeurs peuvent présenter une requête en radiation ou soulever la question de la qualité pour agir à l’audience sur le fond.

[17]  Étant donné que l’affaire m’a été renvoyée, j’ai demandé aux parties de me produire leurs observations écrites, accompagnées de leurs arguments, pour le 12 décembre 2018, date à laquelle l’audience relative à la détermination de la peine devait se dérouler. Par la suite, j’ai alloué du temps pour que la question de la qualité pour agir soit plaidée à Edmonton le 15 janvier 2019.

[18]  Après avoir entendu les deux avocats et pris connaissance de leurs observations écrites, je me suis trouvé en accord avec la conclusion suggérée par la juge responsable de la gestion de l’instance Tabib. En conséquence, j’ai rejeté la requête concernant la qualité pour agir et j’ai prononcé de vive voix les motifs de décision suivants; ceux‑ci ont fait l’objet d’une révision, pour assurer l’exactitude syntaxique et grammaticale ainsi que l’uniformité :

[traduction]

Les défendeurs demandent que cette audience de détermination de la peine soit annulée au motif que, en raison des changements apportés dans les rôles des conseillers et du chef consécutivement à l’élection de septembre 2018 du chef et des conseillers de la Première Nation, leurs rôles ont maintenant été inversés.

Il est vrai que les rôles ont été inversés en quelque sorte si l’on se réfère à l’intitulé dans cette affaire. Brenda Joly, qui était chef intérimaire au moment de la déclaration d’outrage, s’est présentée de nouveau pour le poste de chef, mais elle a été défaite. William John n’est plus membre du Conseil, Trevor John est conseiller et Gordon Gadwa n’est pas membre du Conseil. Benjamin Badger est maintenant conseiller, Jason Mountain n’est pas membre du Conseil et Vernon Watchmaker est maintenant chef. Je reconnais ces faits.

Toutefois, l’argument des défendeurs ne tient pas compte, du moins à mon humble avis, de la différence entre ces procédures pour outrage qui se sont déroulées devant la Cour en l’espèce et les questions de gouvernance des Premières Nations, en particulier la composition du Conseil de bande et le titulaire de la fonction de chef, à mesure qu’elle évolue de temps à autre et, en particulier, suivant leur évolution et leur changement en conséquence des élections de la bande de septembre 2018.

Je comprends que les rôles ont changé au sein de la Première Nation et sur le plan de sa gouvernance, mais il n’y a pas eu de changement en ce qui concerne les ordonnances du juge Lafrenière et du juge Martineau.

En particulier, le rôle des demandeurs devant la Cour n’a pas changé, pas plus que le rôle des défendeurs dans le cadre de cette instance judiciaire. Pour ce qui est de l’état du contrôle judiciaire sous‑jacent, il demeure en suspens jusqu’à ce que la Cour rende une nouvelle ordonnance, que ce soit sur consentement ou suivant une requête.

Par conséquent, je suis obligé de rejeter l’argument des défendeurs selon lequel cette procédure de détermination de la peine ne devrait pas se poursuivre au motif que les demandeurs n’ont pas qualité pour présenter leur requête, car il n’est pas fondé.

III.  Question en litige

[19]  Par conséquent, la seule question qui reste à trancher est celle de la peine appropriée pour les chefs d’accusation d’outrage au tribunal commis par les défendeurs. Une telle peine entre dans deux catégories : premièrement, l’amende à payer au receveur général du Canada. La deuxième question est celle des dépens, c’est‑à‑dire les dépens payables par les défendeurs aux demandeurs. Dans une affaire comme celle‑ci, l’ordonnance d’adjudication des dépens devrait tenir compte du principe juridique selon lequel ceux qui intentent des procédures judiciaires pour faire exécuter des ordonnances de la Cour engagent des frais juridiques qu’ils peuvent recouvrer auprès de ceux qui ont violé l’ordonnance de la Cour en premier lieu. Je souligne que les dépens figurent sous la rubrique « Peine » de l’alinéa 472f) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

IV.  Discussion et analyse

A.  Question 1 – Montant de l’amende

[20]  Les demandeurs demandent à la Cour de délivrer une ordonnance imposant une amende de 3 000 $ à chacun des défendeurs pour chaque chef d’accusation d’outrage qui leur est reproché. Selon cette demande, le défendeur M. Gadwa se verrait imposer une amende de 15 000 $ pour ses cinq chefs d’accusation, et les défendeurs Badger, Mountain et Watchmaker se verraient imposer chacun une amende de 6 000 $ pour chacun de leurs deux chefs d’accusation.

[21]  La droit applicable en ce qui concerne les peines et les amendes en cas d’outrage au tribunal n’est pas contestée; mon collègue le juge Noël l’a énoncé de la façon suivante dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c Vallelonga, 2013 CF 1155 [Vallelonga], au paragraphe 26, citant l’arrêt Canada (Ministre du Revenu national) c Marshall, 2006 CF 788 [Marshall], au paragraphe 16 :

[16]  En résumé, les facteurs pertinents quant à la détermination de la peine dans un cas d’outrage au tribunal sont les suivants :

i.  Le but principal des sanctions imposées est d’assurer le respect des ordonnances du tribunal. La dissuasion, particulière et générale, est importante afin que la confiance du public envers l’administration de la justice soit maintenue;

ii.  La proportionnalité de la peine doit refléter un équilibre entre l’application de la loi et ce que la Cour a qualifié de « clémence de la justice ».

iii.  Les facteurs aggravants comprennent la gravité objective du comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement constitue un manquement technique ou si le contrevenant a agi de façon flagrante en sachant bien que ses actions étaient illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant ait enfreint de façon répétitive des ordonnances de la Cour.

iv.  Les facteurs atténuants peuvent comprendre des tentatives de bonne foi de se conformer à l’ordonnance (même après le manquement à l’ordonnance), des excuses ou l’acceptation de la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une première infraction.

[22]  Dans la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada c Bremsak, 2013 CAF 214, le juge Trudel [Institut professionnel de la fonction publique du Canada], la Cour d’appel fédérale a également énoncé les principes directeurs de la détermination de la peine pour outrage au tribunal aux paragraphes 35 et 36 :

1.2  Matière civile

[35]  Comme nous l’avons déjà signalé, le critère permettant à la juridiction d’appel d’intervenir pour modifier une peine en matière pénale s’applique également en matière civile. De plus, comme pour les affaires pénales susmentionnées, il n’existe pas une seule et unique bonne méthode d’appréciation des circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes lorsqu’il s’agit de déterminer la peine pour outrage au tribunal en matière civile. Les Cours fédérales ont élaboré quelques principes en vue de guider les juges. Par exemple :

  Le juge de première instance doit tenir compte de « la gravité de l’outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l’espèce sur l’administration de la justice » (Baxter Travenol Laboratories of Canada, Ltd. c. Cutter Canada, Ltd., [1987] 2 C.F. 557, à la page 562 (C.A.) [Baxter Travenol]; Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 186 F.T.R. 241, au paragraphe 21 (C.F. 1re inst.));

  Les facteurs aggravants comprennent la gravité objective du comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement constitue un manquement de forme ou si le contrevenant a agi de façon flagrante en sachant bien que ses actions étaient illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant a enfreint de façon répétitive les ordonnances de la Cour (Canada (Ministre du Revenu national) c Marshall, 2006 CF 788, au paragraphe 16 [Marshall]);

  Dans le cas des personnes morales contrevenantes, le juge de première instance devrait également tenir compte de l’ampleur, de l’importance et de la nature des activités du contrevenant et du degré de préméditation et du caractère plus ou moins délibéré de ses actes (Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., 2003 CAF 234, au paragraphe 83 [Apotex c. Merck]);

  l’amende ne doit pas être purement symbolique; elle doit être fonction de la capacité de payer de la personne reconnue coupable d’outrage au tribunal (Wanderingspirit c. Première Nation Salt River 195, 2006 CF 1420, au paragraphe 4 [Wanderingspirit]; Desnoes & Geddes Ltd. c. Hart Breweries Ltd., 2002 CFPI 632 au paragraphe 7);

  Les facteurs atténuants peuvent éventuellement comprendre les tentatives de bonne foi de se conformer à l’ordonnance (même après le non‑respect de l’ordonnance), des excuses ou l’acceptation de la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une première infraction (Marshall, au paragraphe 16);

  Le juge peut rechercher si l’ordonnance prononcée par la suite a modifié de façon quelconque la situation de l’auteur de l’outrage ou si l’ordonnance qu’il a violée a été jugée invalide par la Cour (R. c. Bernier, 2011 QCCA 228; R. c. Emmelkamp, 2013 ABCA 71; Liberty Net, au paragraphe 27).

[36]  La jurisprudence n’enseigne pas que les facteurs susmentionnés sont exhaustifs. Là encore, le juge de première instance dispose d’une vaste latitude pour déterminer la sanction appropriée en cas d’outrage civil, selon les circonstances.

  i.  Amendes appropriées

[23]  En ce qui concerne les amendes à payer, je suivrai, par souci de commodité, les rubriques de la Cour d’appel fédérale dans la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada citées au paragraphe 22, ci‑dessus.

(a)  Le juge de première instance doit tenir compte de « la gravité de l’outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l’espèce sur l’administration de la justice » (Baxter Travenol Laboratories of Canada, Ltd. c. Cutter Canada, Ltd., [1987] 2 C.F. 557, à la page 562 (C.A.) [Baxter Travenol]; Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 186 F.T.R. 241, au paragraphe 21 (C.F. 1re inst.)).

[24]  Le 31 janvier 2018, les défendeurs Gadwa, Badger, Mountain et Watchmaker ont tenté de tenir une réunion illégale du Conseil de bande au cours de laquelle ils ont tenté d’ordonner la tenue d’élections illégales pour le chef et le Conseil de bande en mars 2018. J’ai déjà conclu que cela contrevenait à l’ordonnance du 10 novembre 2017. À mon avis, il s’agit d’un manquement grave.

[25]  En réponse à une question de la Cour, M. Gadwa a déclaré avoir été chef pendant 18 ans et conseiller pendant 16 ans. Cela joue contre lui; compte tenu de ses connaissances et de son expérience de la gouvernance des Premières Nations, il aurait dû faire preuve d’un plus grand discernement.

[26]  En défense, les défendeurs ont soutenu qu’une réunion de bande, qui n’était toutefois pas une réunion en bonne et due forme du Conseil de bande, avait été convoquée ce jour‑là. À cette réunion, une pétition signée par quelque 200 membres de la Première Nation demandant la tenue d’élections a été présentée. De nombreux membres de la Première Nation étaient présents à cette réunion.

[27]  M. Gadwa et M. Watchmaker ont déclaré que, dans les faits, les personnes présentes à la réunion et la pétition qu’elles avaient présentée leur enjoignaient de prendre les mesures qui, selon ce que j’ai conclu, constituaient un outrage, à savoir convoquer une réunion illégale du Conseil de bande et tenter de faire adopter une RCB déclenchant une élection en mars 2018. Cette défense est dénuée de fondement.

[28]  En premier lieu, j’ai déjà conclu dans la décision d’outrage que les défendeurs étaient au courant de l’ordonnance du 10 novembre 2017 lorsqu’ils ont pris ces mesures.

[29]  Je comprends que la Première Nation ne compte qu’environ 2 000 membres, y compris les enfants. Bien que je ne connaisse pas le nombre d’électeurs, c’est‑à‑dire les membres de la Première Nation qui sont admissibles au vote, il ne fait aucun doute que 200 personnes constituent, somme toute, une bonne partie de la population adulte. Mais – et je souligne ce point – le nombre importe peu. En l’espèce, il semble que ces défendeurs aient estimé qu’ils feraient preuve de leadership en donnant suite à l’appel au déclenchement d’élections formulé par certains membres de la Première Nation.

[30]  À mon humble avis, aussi séduisant que cela puisse paraître, la tenue de la réunion et la signature de la RCB et l’avis ne constituaient pas une preuve de leadership, mais plutôt une abdication de leadership. Cette conduite a eu pour effet de substituer l’illégalité à la primauté du droit. Au lieu de respecter la primauté du droit, et en particulier, au lieu de se conformer à l’ordonnance du 10 novembre 2017, les défendeurs ont choisi d’y contrevenir. Un leadership assumé aurait conduit les défendeurs à refuser l’invitation des quelque 200 signataires de la pétition, parce que cette invitation était contraire à l’ordonnance de la Cour.

[31]  Il est évident que cette Première Nation était divisée en au moins deux camps, l’un dirigé par l’ancien chef Gadwa et l’autre par la chef intérimaire Joly. Toutefois, l’ancien chef Gadwa a été destitué à titre de chef pour inconduite commise au cours de la dernière élection. Il a contesté son renvoi, mais il n’a pas obtenu gain de cause. Non seulement sa conduite en janvier 2018 allait à l’encontre de l’ordonnance du 10 novembre 2017, mais elle constituait un manque de respect flagrant à l’égard des processus électoraux mis en place par sa Première Nation au fil des ans. Il aurait dû respecter ces processus et leurs résultats, au lieu de prétendre qu’il était toujours conseiller, ce qu’il n’était pas.

(b)  Les facteurs aggravants comprennent la gravité objective du comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement constitue un manquement de forme ou si le contrevenant a agi de façon flagrante en sachant bien que ses actions étaient illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant a enfreint de façon répétitive les ordonnances de la Cour (Canada (Ministre du Revenu national) c. Marshall, 2006 CF 788, au paragraphe 16 [Marshall]);

[32]  Ce comportement ne constitue pas un manquement de forme. Les défendeurs ont agi en sachant que leurs actions étaient illégales.

[33]  Il ne s’agissait pas non plus d’un incident isolé. Le dossier dont la Cour est saisie indique que des réunions illégales semblables ont eu lieu avant les injonctions prononcées par le juge Zinn le 31 octobre 2017 et l’ordonnance sur consentement rendue par le juge Lafrenière le 10 novembre 2017; ces réunions ont, en fait, conduit aux ordonnances et en constituaient le fondement. Plus précisément, cinq rencontres illégales sont décrites en détail dans la demande que les demandeurs ont déposée à ce moment‑là. Premièrement, il y a eu une réunion le 13 octobre 2017 convoquée par un ou l’ensemble des conseillers Badger, Mountain et Watchmaker, sans le consentement de la chef intérimaire Joly. Seuls ces trois conseillers y ont assisté, ainsi que M. Gadwa qui a participé comme s’il était un conseiller élu, ce qu’il n’était pas. Deuxièmement, il y a eu une réunion du Conseil le 18 octobre 2017 convoquée par un ou tous les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker, encore une fois sans le consentement de la chef intérimaire Joly, mais qui n’a pas eu lieu parce que seuls la chef intérimaire Joly et les conseillers William John et Trevor John étaient présents. Une troisième réunion a été convoquée, encore une fois pour le 18 octobre 2017, entre les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker, et encore une fois sans en aviser la chef intérimaire Joly et les conseillers William John et Trevor John, réunion à laquelle M. Gadwa a assisté et pour laquelle il a été compté aux fins de respect du quorum pour une réunion du Conseil; il y a agi comme conseiller élu, malgré le fait qu’il n’était pas conseiller. Une quatrième réunion a eu lieu plus tard le 19 octobre 2017 entre les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker, sans en aviser la chef intérimaire Joly et les conseillers William John et Trevor John; M. Gadwa a assisté à cette réunion et il a été compté aux fins du quorum pour une réunion du Conseil. Il a une fois de plus participé à cette réunion à titre de conseiller élu, ce qu’il n’était pas. En dernier lieu, une réunion du Conseil a été convoquée par les conseillers Badger, Mountain et Watchmaker, et par M. Gadwa, le 23 octobre 2017.

(c)  Dans le cas des personnes morales contrevenantes, le juge de première instance devrait également tenir compte de l’ampleur, de l’importance et de la nature des activités du contrevenant et du degré de préméditation et du caractère plus ou moins délibéré de ses actes (Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., 2003 CAF 234, au paragraphe 83 [Apotex c. Merck]);

[34]  Bien que cette considération concerne des contrevenants qui sont des personnes morales, ce que les défendeurs ne sont pas, la préméditation et les actes délibérés sont pertinents pour la détermination de la peine.

[35]  En l’espèce, le comportement ne semble pas avoir été entièrement prémédité; à mon avis, les défendeurs ont fait de mauvais choix lorsqu’ils ont été confrontés à la pression exercée par la foule à la réunion. À mon avis, ils se sont laissé emporter par la situation. Cela dit, ils n’auraient pas dû persister dans leur conduite illégale : il n’aurait pas dû être nécessaire que le juge Martineau leur ordonne de s’arrêter de nouveau, comme cela a été le cas.

(d)  L’amende ne doit pas être purement symbolique; elle doit être fonction de la capacité de payer de la personne reconnue coupable d’outrage au tribunal ((Wanderingspirit c. Première Nation Salt River 195, 2006 CF 1420, au paragraphe 4 [Wanderingspirit]; Desnoes & Geddes Ltd. c. Hart Breweries Ltd., 2002 CFPI 632 au paragraphe 7).

[36]  Des éléments de preuve ont été présentés à l’audience sur la capacité de payer des défendeurs.

[37]  M. Watchmaker est maintenant chef. Il a dit gagner quelque 80 000 $ à ce titre. Il a un revenu supplémentaire en raison de sa participation à d’autres comités, notamment la Tribal Chiefs Child and Family Services East Society, la Tribal Chiefs Ventures Incorporation, l’Assemblée des Premières Nations et la Conférence du Traité No 6. Comme je ne suis pas certain du montant qui lui est versé dans ces contextes, je fonde ma décision à cet égard sur son salaire de chef de 80 000 $.

[38]  L’ancien chef Gadwa est à la retraite. Selon son témoignage, son revenu mensuel s’élève à 1 430 $ par mois, soit 17 160 $ par année. Aucune déclaration de revenus ni aucun autre document n’ont été déposés à l’appui de son témoignage à cet égard. Il a nié être propriétaire des biens qu’il détenait autrefois, déclarant avoir remis sa ferme et son équipement à son fils. Il a témoigné qu’il ne louait plus les terres agricoles qu’il possédait auparavant. Il a dit vivre dans une maison mobile convertie et être propriétaire d’une paire de chevaux. Bien que M. Gadwa, selon son témoignage, ait des moyens limités, à mon avis, il a la capacité de payer une amende parce qu’il a fait preuve d’ingéniosité et de succès : il a été un dirigeant de Première Nation pendant environ 32 ans.

[39]  M. Mountain est sans emploi, n’a aucun revenu et n’est pas en bonne santé. Je ne suis pas convaincu que M. Mountain a la capacité de payer autre chose qu’une très modeste somme.

[40]  M. Badger est toujours conseiller et il touche à ce titre environ 60 000 $ par année. Bien qu’il gagne un petit montant d’argent pour son travail au sein d’un conseil de la Première Nation, ma conclusion à cet égard sera fondée sur son revenu de conseiller. Je tiendrai également compte de son témoignage selon lequel il est responsable de 12 enfants, à des degrés divers.

(e)  Les facteurs atténuants peuvent comprendre les tentatives de bonne foi de se conformer à l’ordonnance (même après le non‑respect de l’ordonnance), des excuses ou l’acceptation de la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une première infraction (Marshall, au paragraphe 16);

[41]  Rien n’indique qu’un des défendeurs ait commis un outrage au tribunal par le passé. Toutefois, je ne peux pas ignorer les cinq réunions illégales qui ont été organisées par les défendeurs et auxquelles ces derniers ont pris part. Celles‑ci ont donné lieu aux ordonnances du juge Zinn rendues le 31 octobre 2017 et à l’ordonnance sur consentement du juge Lafrenière datée du 10 novembre 2017.

[42]  À l’audience, tous les défendeurs étaient représentés par une avocate et tous ont répondu à ses questions. Certaines des questions posées par leur avocate appelaient des réponses libres. Chacun a eu amplement l’occasion d’accepter sa responsabilité et de présenter des excuses pour son outrage au tribunal, c’est‑à‑dire de se libérer de sa condamnation pour outrage s’il avait voulu.

[43]  M. Watchmaker a présenté des excuses à la Cour et il a déclaré qu’il respectait la loi. Il a déclaré dans son témoignage qu’il n’y avait eu aucun manquement depuis l’injonction de mars 2018 du juge Martineau, ce à quoi je souscris. Autrement dit, ils ont obéi à l’ordonnance et mis fin au processus électoral qu’ils avaient entamé en janvier. Toutefois, à mon avis, M. Watchmaker n’a pas pleinement accepté la responsabilité de ses agissements contraires à l’ordonnance du 10 novembre 2017. Comme il a été mentionné, les défendeurs ont soutenu qu’ils avaient reçu l’ordre de violer l’ordonnance du 10 novembre 2017 par certains membres de la Première Nation. Dans ces circonstances, je conclus que M. Watchmaker n’a pas entièrement fait amende honorable.

[44]  M. Badger, par contre, s’est excusé ouvertement, pleinement et sincèrement devant la Cour. Il a fait la même chose à l’audience pour outrage au tribunal tenue en juin 2018, et il en aurait dit plus à ce moment‑là, n’eût été ma décision statuant que ce n’était pas le moment de s’excuser, compte tenu de la scission de l’audience. M. Badger a souligné la nécessité de trouver une solution à l’interne pour les divisions au sein de cette Première Nation, qui selon lui, et j’en suis convaincu, persistent toujours; il a dit que ce qui s’était passé était honteux et l’avait blessé. Il souligne également la nécessité pour la Première Nation et le Canada de s’investir activement dans les relations qui les unissent. J’estime que M. Badger a fait amende honorable.

[45]  M. Gadwa a dit qu’il regrettait d’avoir commis un outrage au tribunal. Il affirme avoir du respect pour la Cour. Toutefois, il soutient avoir reçu l’ordre de faire ce qu’il a fait par les signataires de la pétition de la Première Nation et les autres personnes qui réclamaient de nouvelles élections. L’ancien chef Gadwa a dit qu’il s’en voulait, parce que son outrage donne l’impression qu’il n’a pas de respect envers la Cour – il s’en voulait parce que ce n’est pas dans ses habitudes de faire fi des décisions des tribunaux. Il a dit qu’il n’était pas aussi bien informé qu’il aurait dû l’être du fonctionnement des tribunaux et il a présenté des excuses. Je suis préoccupé par le fait qu’il laisse entendre il n’était pas au courant de l’ordonnance sur consentement du 10 novembre 2017, alors que j’ai tiré une conclusion à l’effet contraire dans la décision d’outrage. J’estime qu’il a démontré une certaine acceptation de la responsabilité de ses actes.

[46]  M. Gadwa a également relaté dans son témoignage qu’il croyait qu’il était toujours membre du conseil parce qu’il avait été réintégré par la juge Strickland, dont la décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, je ne peux que conclure qu’il n’accepte pas entièrement la décision unanime du conseil, datée du 7 juillet 2017, de le destituer de ses fonctions de conseiller.

[47]  Dans les circonstances, je suis incapable de conclure que M. Gadwa a entièrement fait amende honorable.

[48]  M. Mountain n’a pas expressément présenté des excuses. Il a expliqué du mieux qu’il pouvait qu’il voulait faire quelque chose, parce que la Première Nation était divisée. Comme je l’ai déjà mentionné, il est en mauvaise santé et sans emploi.

(f)  Le juge peut rechercher si l’ordonnance prononcée par la suite a modifié de façon quelconque la situation de l’auteur de l’outrage ou si l’ordonnance qu’il a violée a été jugée invalide par la Cour (R. c. Bernier, 2011 QCCA 228; R. c. Emmelkamp, 2013 ABCA 71; Liberty Net, au paragraphe 27).

[49]  La composition du Conseil de la Première Nation a changé, mais cela n’a pas d’incidence sur la situation juridique en l’espèce, comme je l’ai expliqué dans ma décision sur la qualité pour agir.

[50]  Passons maintenant aux précédents. J’ai examiné les précédents mentionnés par la Cour d’appel fédérale à l’annexe A de la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada et les peines imposées par d’autres décisions à peu près comparables, notamment :

  1. Dans la décision Mayflower Transit Inc c Bedwell Management Systems Inc, 2000 CarswellNat 6120 (WL Can) (C.F. 1re inst.), le juge McKeown a imposé une amende de 5 000 $ à chacune des entreprises (une défenderesse et une défenderesse reconventionnelle) et une amende de 3 000 $ au défendeur individuel pour violation d’une ordonnance sur consentement.

  2. Dans la décision Universal Foods Inc c Hermes Food Importers Ltd, 2003 CFPI 448, le juge Lemieux a considéré qu’un demandeur ayant violé une ordonnance sur consentement avait fait preuve d’une certaine bonne foi, qu’il n’avait pas délibérément contrevenu à l’ordonnance sur consentement, mais qu’il n’avait pas attaché suffisamment d’importance au respect de l’ordonnance sur consentement, que la valeur des marchandises visées n’était pas importante, que des excuses avaient été présentées à la Cour et à un défendeur, et qu’il ne s’agissait pas d’un cas où le demandeur aurait réalisé un bénéfice ou tiré un avantage financier du manquement à l’ordonnance. Toutefois, la Cour a aussi jugé que le non‑respect de l’ordonnance n’était pas justifié et qu’il était nécessaire, entre autres facteurs, de recourir à la dissuasion. Par conséquent, la Cour a conclu qu’il serait équitable et raisonnable d’imposer à la partie contrevenante une amende au haut de la fourchette, et elle a fixé l’amende à 4 000 $.

  3. Dans la décision Marshall, précitée au paragraphe 21, une amende de 3 000 $ a été imposée à une contribuable qui a été reconnue coupable d’outrage au tribunal pour avoir omis de fournir des renseignements et des documents fiscaux conformément à une ordonnance du tribunal.

  4. Dans la décision Canada (Ministre du Revenu national) c Belanger, 2015 CF 35, un contribuable a été reconnu coupable d’outrage pour avoir omis de payer une amende et de produire des renseignements et des documents fiscaux, conformément à deux ordonnances judiciaires différentes. Le contribuable a été condamné à payer une amende de 2 000 $.

  5. Dans la décision Vallelonga, précitée au paragraphe 21, un contribuable a été reconnu coupable d’outrage pour avoir omis de communiquer les renseignements et les documents fiscaux demandés, conformément à une ordonnance de conformité. Le défendeur a été condamné à payer une amende de 3 000 $.

[51]  Je procéderai maintenant à une évaluation sommaire de l’amende appropriée pour chaque défendeur.

(i)  Le chef Watchmaker

[52]  M. Watchmaker n’a pas offert une explication convaincante pour justifier ses agissements et il n’a pas pleinement fait amende honorable. Je conviens avec son avocate que les deux actes d’outrage, soit la signature de la soi‑disant RCB lors de la réunion du Conseil non autorisée, censée déclencher des élections pour les postes de chef et de conseillers en mars 2018, et la signature des avis à cet effet, sont suffisamment reliés pour être considérés comme un seul acte, d’autant plus que c’est ainsi qu’ils ont été considérés à ce moment‑là. Je conviens également que la jurisprudence établit que les peines en matière d’outrage doivent être empreintes de « clémence » : voir, à cet égard, Vallelonga au paragraphe 26, citant la décision Marshall au paragraphe 16; Canada (Ministre du Revenu national) c Schimpf, 2015 CF 1354, le juge Russell, au paragraphe 23, citant la décision Lyons Partnership, LP c MacGregor, 186 FTR 241, le juge Lemieux, au paragraphe 21. Il a la capacité de payer. Compte tenu de la gravité de l’outrage et de sa capacité de payer, M. Watchmaker est condamné à payer une amende de 3 000 $.

(ii)  Le conseiller Badger

[53]  Les deux outrages au tribunal commis par le conseiller Badger doivent être considérés comme un seul pour les besoins de la détermination de la peine. Encore une fois, cependant, il s’agissait d’un outrage grave. Il a la capacité financière de payer, mais il a des obligations familiales. Il a fait amende honorable, ce qui justifie en soi une réduction importante de l’amende par ailleurs appropriée, qui serait la même que celle de M. Gadwa, soit 3 000 $. À mon avis, l’amende imposée au conseiller Badger devrait être réduite à 750 $, en raison de la nécessité de réparer l’atteinte à la primauté du droit et de dénoncer de façon générale la désobéissance aux ordonnances de la Cour. M. Badger est condamné à payer une amende de 750 $.

(iii)  L’ancien chef et ancien conseiller Gadwa

[54]  De tous les défendeurs, M. Gadwa, comme nous l’avons déjà souligné, est celui qui aurait dû réfléchir avant de faire ce qu’il a fait. Je considère qu’il y a trois actes d’outrage, et non cinq, aux fins de la détermination de la peine. Le premier est de s’être présenté illégalement comme conseiller en signant la RCB et d’avoir agi comme s’il était conseiller en signant la fausse RCB. Le deuxième est de s’être présenté au public comme s’il était conseiller en signant l’avis et d’avoir agi comme s’il était conseiller en signant l’avis. Le troisième outrage, est de s’être comporté comme conseiller en votant à l’assemblée générale annuelle de la Tribal Chiefs Child and Family Services East Society.

[55]  Le premier outrage, celui se rapportant à la RCB, constituait un outrage grave et un affront manifeste à la primauté du droit. Au lieu de faire preuve de leadership en disant non aux participants à la réunion et aux signataires de la pétition, il a accédé à leurs demandes. Il a signé la RCB en tant que conseiller alors qu’il ne l’était pas. Il l’a fait de façon très publique en signant la RCB illégale et l’avis tout aussi invalide. Il a alors, une fois de plus, a prêté son nom à une conduite parfaitement illégale. Il importe peu qu’il ait mis fin aux élections lorsque l’injonction du juge Martineau lui ait ordonné de le faire; il a désobéi à l’ordonnance du 10 novembre 2017 à cinq égards, comme je l’ai déjà conclu. Quant au troisième outrage, M. Gadwa a sciemment présenté de manière inexacte son statut à l’assemblée générale annuelle de la Tribal Chiefs Child and Family Services East Society. Il l’a fait ouvertement en présence d’autres chefs et de leurs délégations. Sa conduite impliquait une présentation erronée à l’égard de l’ensemble de la collectivité. Malgré son revenu limité, étant donné qu’il n’a pas pleinement amende honorable, mais aussi étant donné la gravité de sa conduite et à quel point il aurait dû se montrer plus avisé, dans les circonstances, l’amende appropriée est de 3 000 $.

(iv)  L’ancien conseiller Mountain

[56]  L’outrage commis par M. Mountain était grave. La Cour doit également tenir compte du mauvais état de santé de M. Mountain et du fait qu’il se retrouve au chômage. Bien que M. Mountain ait voulu contribuer à améliorer les choses, personne n’a laissé entendre qu’il avait joué un rôle de premier plan au moment de son outrage. Je ne suis pas convaincu qu’il comprenait la nature de l’audience de détermination de la peine que j’ai présidée, et je ne tiens donc pas compte du fait qu’il ne se soit pas excusé ou qu’il n’ait pas fait amende honorable. Bien que sa participation doive comporter certaines conséquences, elles seront minimes, et je fixe à 250 $ l’amende à payer à M. Mountain.

B.  Question 2 – Les dépens

[57]  Les demandeurs demandent que des dépens leur soient accordés sur la base avocat‑client pour leurs efforts en vue de faire exécuter l’ordonnance de la Cour du 10 novembre 2017, calculés à partir du moment où l’ordonnance de justifier a été rendue le 19 mars 2018. Le juge Martineau n’a pas adjugé de dépens. Les demandeurs soutiennent qu’ils ne devraient pas avoir à débourser de leur poche les frais afférents à une action en exécution de l’injonction du juge Martineau. Je suis d’accord.

[58]  Leur demande de dépens est calculée comme suit : le montant global de 19 906,90 $ réclamé dans le premier mémoire de frais des demandeurs, plus celui de 8 771 $ réclamé dans le deuxième mémoire de frais, plus les 1 960 $ dépensés lors de l’audience elle‑même le 15 janvier 2019, plus 178,50 $ de frais de photocopies liées aux débours effectués de septembre 2018 au 19 janvier 2019, pour un total de 30 816,40 $ plus taxes, moins le montant de 3 430 $ plus taxes, qui sera défrayé personnellement par l’avocate des défendeurs, conformément à l’engagement qu’elle a pris à l’audience du 15 janvier 2019, aboutissant à une réclamation totale de dépens, en supposant que l’avocate des défendeurs respecte son engagement, s’élevant à 27 386,40 $ sans les taxes, payables par les défendeurs aux demandeurs.

[59]  Les défendeurs n’ont pas contesté le caractère raisonnable de ces réclamations au titre des dépens ni à l’audience ni par la suite. Je les ai aussi examinés et j’estime qu’elles sont raisonnables. Ce montant garantit que, dans la mesure du possible, les demandeurs n’ont pas à personnellement payer les frais liés aux mesures qu’ils ont prises afin d’assurer l’exécution effective de l’ordonnance du 10 novembre 2017.

[60]  Il n’est pas nécessaire d’évaluer le montant dû, étant donné mon évaluation de son caractère raisonnable. Par conséquent, j’ordonnerai aux défendeurs d’être solidairement responsables du paiement aux demandeurs de la somme de 27 926,12 $, y compris les frais, les débours et les taxes. Ce montant a été demandé par les demandeurs après l’audience et les défendeurs ne s’y sont pas opposés.

[61]  Comme il est indiqué au paragraphe 13 ci‑dessus, l’avocate des défendeurs, Loretta Pete Lambert, s’est engagée, lors de l’audience du 15 janvier 2019, à payer personnellement aux demandeurs la somme de 3 430 $, taxes en sus, pour les coûts de l’ajournement qu’elle a occasionné en acceptant un mandat de représentation tombant le même jour; avec les taxes, cette somme s’élève à 3 631,05 $, y compris les frais, les débours et les taxes. Ce montant a été demandé par les demandeurs après l’audience et les défendeurs ne s’y sont pas opposés.


JUGEMENT dans le dossier 1608‑17

LA COUR STATUE que :

  1. Le défendeur Vernon Watchmaker est tenu de payer au receveur général du Canada la somme de 3 000 $.

  2. Le défendeur Gordon Gadwa est tenu de payer au receveur général du Canada la somme de 3 000 $.

  3. Le défendeur Benjamin Badger est tenu de payer au receveur général du Canada la somme de 750 $.

  4. Le défendeur Jason Mountain est tenu de payer au receveur général du Canada la somme de 250 $.

  5. Les défendeurs Vernon Watchmaker, Gordon Gadwa, Benjamin Badger et Jason Mountain sont solidairement responsables de payer aux demandeurs la somme de 27 926,12 $.

  6. L’avocate des défendeurs, Loretta Pete Lambert, est tenue de payer sans délai aux demandeurs la somme de 3 631,05 $.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour d’avril 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1608‑17

 

INTITULÉ :

BRENDA JOLY, WILLIAM JOHN ET TREVOR JOHN c GORDON GADWA, BENJAMIN MOUNTAIN ET VERNON WATCHMAKER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE brown

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS :

David C. Rolf

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Loretta Pete Lambert

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MLT Aikins LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Semaganis Worme Legal

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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