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Date : 20190208


Dossier : IMM‑547‑18

Référence : 2019 CF 167

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

FIREW HAILE KIDANE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Firew Haile Kidane, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la décision de la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SPR a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.

I.  Le contexte

[3]  L’identité personnelle du demandeur, de même que son identité nationale – un citoyen de l’Éthiopie, membre du groupe ethnique des Amharas – ne sont pas en litige. La question déterminante qui s’est posée devant la SPR a été celle de sa crédibilité.

[4]  Le demandeur a demandé l’asile au Canada parce qu’il craignait d’être persécuté par le gouvernement éthiopien, principalement en raison de ses activités en tant que prédicateur évangéliste pentecôtiste et de son opposition au gouvernement au pouvoir en Éthiopie. Il a étudié la théologie au collège biblique Ethiopian Full Gospel, à Addis‑Abeba (Éthiopie), et a beaucoup voyagé pour prêcher comme évangéliste missionnaire.

[5]  Le demandeur allègue avoir été interpellé pendant qu’il se rendait chez des amis en automobile par trois agents des forces de sécurité de l’État éthiopien le 20 février 2016 ou aux environs de cette date. Les agents ont exigé qu’il poursuive sa route jusqu’à un poste de police situé à Addis‑Abeba. Il a demandé aux agents s’ils avaient un mandat et, en réponse, l’un d’entre eux l’a battu et insulté et a dit : [traduction] « Tu vas venir avec nous. » Au poste de police, le demandeur a été accusé d’association avec des membres de l’opposition de la diaspora éthiopienne et de représenter leurs points de vue en Éthiopie. On l’a aussi accusé de critiquer le gouvernement en prétextant prêcher l’Évangile. Il a nié ces allégations et a été détenu au poste de police jusqu’au 29 février 2016, période au cours de laquelle, prétend‑il, il a été sauvagement battu à coups de matraque en caoutchouc à la tête et aux jambes.

[6]  Le 28 mars 2016, le demandeur a fui l’Éthiopie pour les États‑Unis en compagnie de sa fiancée. Leur relation a toutefois pris fin et le demandeur s’est rendu au Canada, où des membres de sa famille vivent, et y est arrivé le 3 novembre 2016. Il a demandé l’asile sous le régime de l’Entente sur les tiers pays sûrs.

[7]  Depuis son départ de l’Éthiopie, le demandeur a pris part à deux manifestations, l’une aux États‑Unis et l’autre au Canada, de même qu’à une activité de souscription de fonds au Canada au soutien d’une émission de télévision qui critiquait le gouvernement éthiopien. Il allègue que s’il retournait en Éthiopie, il serait persécuté par le gouvernement de ce pays à cause de ces activités.

[8]  Le demandeur a déposé un formulaire de fondement de la demande d’asile, ainsi qu’une version modifiée de ce dernier. Dans le présent jugement, pour des raisons de commodité, j’utiliserai le terme « formulaire FDA du demandeur » pour désigner ces deux versions du formulaire collectivement.

[9]  L’audience devant la SPR s’est déroulée sur trois jours (les 28 juillet, 23 août et 20 septembre 2017). Le deuxième jour, l’audience a été interrompue en raison de services d’interprétation inadéquats. Il convient de signaler que l’interprète, ce jour‑là, était le même que celui qui avait fourni les services d’interprétation le premier jour d’audience.

II.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[10]  La décision de la SPR est datée du 12 décembre 2017. La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur principalement parce qu’il n’était pas digne de foi. Le tribunal a conclu qu’il y avait de sérieuses incohérences entre le témoignage que le demandeur avait fait devant la SPR et les allégations qu’il avait énoncées dans son formulaire FDA.

[11]  La SPR a signalé que la crainte qu’avait le demandeur d’être persécuté par les forces de sécurité du gouvernement au pouvoir en Éthiopie était fondée sur son appartenance au groupe ethnique des Amharas, sur sa religion en tant que prédicateur évangéliste pentecôtiste ainsi que sur son opposition, réelle et perçue, au gouvernement. Il disait également craindre d’être persécuté en Éthiopie parce qu’il avait pris part à des manifestations et à d’autres activités politiques au Canada et aux États‑Unis.

[12]  La SPR a tiré quatre inférences défavorables au sujet du fondement de la demande d’asile du demandeur et de sa crédibilité :

[traduction]

  1. À l’audience, en réponse à des questions du tribunal, le demandeur a déclaré qu’on l’avait accusé en Éthiopie de communiquer avec des éléments étrangers et de parler contre le gouvernement dans ses sermons. Il a ajouté qu’il avait comparu en cour le 28 février 2016, date à laquelle le juge l’a mis en liberté mais déclaré qu’il aurait à répondre des accusations portées contre lui. La SPR a attiré l’attention du demandeur sur le fait que, dans son formulaire FDA, il n’avait pas mentionné qu’il avait été accusé ou qu’il avait comparu en cour. Le tribunal a rejeté l’explication du demandeur, la considérant comme déraisonnable, et il a déclaré :

[16]  De l’avis du tribunal, le témoignage du demandeur d’asile selon lequel il a été officiellement accusé et a comparu en cour, et la cour a ordonné sa mise en liberté, va au cœur de son allégation selon laquelle il a été détenu par les autorités et maltraité parce qu’il se serait aligné sur la diaspora de l’opposition pendant qu’il était à l’étranger et aurait prêché un discours antigouvernemental à l’église chez lui. Le tribunal se serait attendu à ce que le demandeur d’asile ait mentionné ces détails dans son formulaire FDA, et tire une inférence défavorable de l’absence de ses prétendues arrestation et détention. Le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile n’a jamais été officiellement accusé, qu’il n’a pas comparu en cour le 28 février 2016 pour répondre à des accusations portées contre lui, et que la cour n’a pas ordonné sa mise en liberté ce même jour.

  1. La SPR a questionné le demandeur sur la date de sa mise en liberté. Le tribunal s’est reporté à un document présenté par le demandeur intitulé [traduction] « Preuve de la durée de la détention »; ce document était daté du 29 février 2016 et portait la signature d’un représentant de la Commission de police d’Addis‑Abeba. Le demandeur a déclaré qu’il avait demandé la lettre le 28 février 2016, soit la date de sa mise en liberté. Le tribunal a attiré son attention sur le fait que son témoignage contredisait ce qu’il avait indiqué dans son formulaire FDA, à savoir qu’il avait été détenu au poste de police jusqu’au 29 février 2016. À la suite d’autres questions, le demandeur a indiqué qu’il avait été mis en liberté le 29 février 2016 et qu’il s’était trompé en mentionnant la date du 28 février 2016. Le tribunal a rejeté son explication et a tiré une autre inférence défavorable au sujet de sa crédibilité.

  2. Dans son formulaire FDA, le demandeur a indiqué que, pendant sa détention, on l’avait sauvagement battu à coups de matraque en caoutchouc à la tête et aux jambes. À l’audience, la SPR a plusieurs fois questionné le demandeur sur la manière dont on l’avait traité au cours de sa détention. Celui‑ci a décrit la situation en disant, notamment, qu’il avait été victime de mauvais traitements et d’agressions et qu’on l’avait privé de la nourriture que des membres de sa famille et des amis lui apportaient. Quand on lui a demandé de décrire les mauvais traitements et les agressions en question, il a répondu que la police insultait et maltraitait les détenus. Le tribunal a rappelé au demandeur que, dans son formulaire FDA, il avait dit qu’on l’avait frappé à la tête et aux jambes pendant qu’il était en détention. La SPR n’a pas retenu l’explication du demandeur selon laquelle il avait vécu une très mauvaise expérience en prison, dont des actes de violence physique. Le demandeur n’avait pas dit qu’on l’avait battu à coups de matraque en caoutchouc à la tête et aux jambes, et la SPR, s’appuyant sur cette omission, a tiré une autre inférence défavorable au sujet de sa crédibilité.

  3. Enfin, la SPR a demandé au demandeur si, après sa mise en liberté, il avait eu d’autres démêlés avec les autorités éthiopiennes. Il a répondu qu’il avait eu d’autres problèmes, soit des appels téléphoniques de la part des autorités qui l’avertissaient de mettre fin à ses activités, de même qu’une rencontre ultérieure au cours de laquelle les autorités l’avaient averti une fois de plus de ne pas entretenir de liens avec des personnes à l’étranger. Le tribunal a attiré l’attention du demandeur sur le fait que rien n’avait été dit dans son formulaire FDA à propos des contacts qu’il avait eus avec les autorités éthiopiennes à la suite de sa détention. Il a répondu qu’il avait eu peu de temps pour présenter son formulaire FDA après son arrivée au Canada et que son avocat était trop occupé pour que le demandeur continue d’ajouter des détails à son exposé circonstancié. La SPR a rejeté l’explication du demandeur, la considérant comme déraisonnable. Elle a déclaré que le témoignage du demandeur, à savoir que les autorités éthiopiennes étaient entrées en contact avec lui et l’avaient menacé à la suite de sa mise en liberté, était important pour sa demande d’asile. Le tribunal a conclu que le demandeur n’avait eu aucun contact avec les autorités éthiopiennes après sa mise en liberté, et il a tiré une quatrième inférence défavorable au sujet de sa crédibilité.

[13]  La SPR a conclu cette partie de son analyse de la demande d’asile du demandeur en se disant d’avis que celui‑ci n’avait pas établi qu’il avait été « arrêté [et] détenu par les autorités gouvernementales parce qu’il était soupçonné d’avoir entretenu des liens avec la diaspora de l’opposition ou [parce qu’il avait] prêché contre le gouvernement pendant ses sermons » et en concluant « qu’il n’[était] pas recherché pour ce motif en Éthiopie ».

[14]  La SPR a pris en compte un certain nombre de documents que le demandeur a produits, dont des lettres d’un ami à lui et de son beau‑frère, ainsi qu’une recommandation de la Gate of Hope Church, à Burnaby (Colombie‑Britannique). Le tribunal a conclu que la preuve documentaire ne dissipait pas ses doutes concernant la crédibilité du demandeur.

[15]  La SPR a ensuite examiné la demande d’asile sur place du demandeur, laquelle était fondée sur sa participation à des manifestations et à d’autres activités politiques aux États‑Unis et au Canada. Plus précisément, le demandeur a déclaré qu’il avait pris part à une manifestation à Washington (D.C.) le 19 septembre 2016, ainsi qu’à une manifestation à Toronto (Ontario) le 20 septembre 2017. Il avait également assisté à une activité de collecte de fonds pour une émission de télévision indépendante au Canada, qui critiquait le gouvernement éthiopien. Le tribunal a examiné la question de savoir si la participation du demandeur à ces activités avait été ou serait portée à l’attention des autorités éthiopiennes et s’il s’exposait ainsi à un risque sérieux de persécution s’il retournait en Éthiopie.

[16]  Le tribunal a conclu que le demandeur n’était pas parvenu à établir que sa participation à ces activités faisait de lui une cible pour les autorités éthiopiennes. Le demandeur n’avait reçu aucune indication que le gouvernement éthiopien l’avait identifié du fait de ses activités, et le tribunal a conclu que l’inquiétude du demandeur à cet égard était de nature conjecturale. Par ailleurs, se fondant sur ses conclusions défavorables quant à la crédibilité, la SPR a fait remarquer que le demandeur n’était pas une personne connue du gouvernement éthiopien. Le tribunal a rejeté la demande d’asile sur place du demandeur, qui reposait sur ses activités aux États‑Unis et au Canada.

[17]  Enfin, la SPR a conclu que l’appartenance du demandeur au groupe ethnique des Amharas n’était pas suffisante pour créer un profil de risque résiduel. D’après la preuve documentaire dont disposait le tribunal, le risque que couraient les membres de ce groupe ethnique en Éthiopie se limitait aux personnes qui jouaient un rôle politique actif.

III.  Les questions en litige

[18]  Le demandeur soulève deux questions dans la présente demande :

  1. Y a‑t‑il eu manquement au droit du demandeur à l’équité procédurale parce qu’on ne lui a pas fourni des services d’interprétation adéquats pendant l’audience devant la SPR?

  2. La décision de la SPR est‑elle raisonnable?

IV.  La norme de contrôle applicable

[19]  La question de l’équité procédurale que soulève le demandeur sera contrôlée selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43; Chemins de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, aux paragraphes 34 à 56). Le contrôle est axé sur la procédure suivie pour arriver à une décision et non sur le fond ou le bien‑fondé de l’affaire. Il me faut évaluer s’il y a eu atteinte au droit du demandeur à une procédure équitable parce que des services d’interprétation inadéquats lui ont été fournis à l’audience de la SPR (Mah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 853, au paragraphe 9 (Mah)).

[20]  La norme de contrôle qui s’applique aux questions de crédibilité et à l’évaluation, par la SPR, de la preuve relative à une demande sur place est la norme de la décision raisonnable (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 19, au paragraphe 12; Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 941, aux paragraphes 14 et 15; Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 22 (Rahal)). Le contrôle des conclusions que tire un tribunal administratif en matière de crédibilité selon la norme de la décision raisonnable m’oblige à faire preuve d’une grande retenue à leur égard, sachant que « le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve » (Rahal, au paragraphe 42).

V.  Analyse

1.  Y a‑t‑il eu manquement au droit du demandeur à l’équité procédurale parce qu’on ne lui a pas fourni des services d’interprétation adéquats pendant l’audience devant la SPR?

[21]  Le demandeur soutient qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale parce que des services d’interprétation inadéquats lui ont été fournis à l’audience de la SPR. Il indique que la traduction inexacte de son témoignage a eu une forte incidence sur l’appréciation de sa crédibilité par le tribunal, laquelle a porté un coup fatal à sa demande d’asile. Il signale qu’il a été conclu, le deuxième jour d’audience, que l’interprète qui avait été présent le premier jour fournissait des services d’interprétation inadéquats. Pour cette raison, la deuxième journée d’audience a été annulée et les témoignages livrés ce jour‑là n’ont pas été pris en compte. Le demandeur fait valoir que ce fait à lui seul dénote que les services d’interprétation qu’on lui a fournis le premier jour de l’audience étaient douteux. Il a aussi présenté des observations détaillées sur trois erreurs que l’interprète aurait commises le premier jour, et il lie chacune d’elles aux importantes conclusions défavorables que la SPR a tirées au sujet de sa crédibilité. Le défendeur est en désaccord avec le demandeur en ce qui concerne les services d’interprétation contestés et l’effet qu’a eu la traduction de son témoignage sur la manière dont la SPR a évalué sa crédibilité.

[22]  Je traiterai des arguments précis des parties plus loin dans la présente analyse. Je vais tout d’abord énoncer les normes établies pour évaluer le caractère approprié des services d’interprétation fournis lors d’une audience de la SPR.

[23]  Le droit des demandeurs à une traduction fidèle, effectuée de manière compétente, pendant l’audience devant la SPR est protégé par l’article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 (la Charte). Dans l’arrêt Mohammadian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 191, au paragraphe 4 (Mohammadian), la Cour d’appel fédérale a conclu que les services d’interprétation fournis aux demandeurs doivent satisfaire à la « norme de la continuité, de la fidélité, de la compétence, de l’impartialité et de la concomitance ». La Cour d’appel a également conclu que, pour que la Cour intervienne dans la décision de la SPR, il n’est pas nécessaire que les demandeurs établissent qu’ils ont subi un réel préjudice par suite d’un manquement à la norme de qualité requise. Cependant, il ne faut pas confondre le droit à des services d’interprétation adéquats et le droit à des services d’interprétation parfaits. Il faut se demander si les services d’interprétation fournis ont donné lieu à un défaut de « compréhension linguistique » (Mohammadian, aux paragraphes 6 et 16). Un demandeur n’est pas tenu de prouver qu’il a subi un réel préjudice à cause d’une erreur d’interprétation, mais il faut que cette erreur ait joué un rôle important dans les conclusions que la SPR a tirées (Batres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 981, au paragraphe 12).

[24]  À l’appui de ses arguments concernant le caractère inadéquat des services d’interprétation fournis à l’audience de la SPR, le demandeur se fonde sur un affidavit qu’a déposé M. Liyu Solomon Kidane (aucun lien de parenté avec le demandeur), un stagiaire en droit du cabinet de son avocat. On ne m’a pas fait part des titres de compétence que détient M. Kidane pour ce qui est d’évaluer les services d’interprétation, hormis le fait qu’il est un locuteur d’origine amharique et qu’il a suivi ses études de droit en Éthiopie et au Canada. Il n’est agréé ni comme interprète ni comme traducteur, un titre professionnel qui requiert une formation linguistique considérable (par contraste, voir la décision Mah, au paragraphe 5). Avec tout le respect que je dois à M. Kidane, il me faut tenir compte de son manque de formation officielle en matière d’interprétation dans mon examen de ses commentaires et de son interprétation différente du témoignage que le demandeur a fait à l’audience.

[25]  Le demandeur fait valoir tout d’abord que l’interprète a commis une erreur en donnant au mot amharique « kise » le sens d’une accusation officielle, ce qui a contribué à amener le tribunal à tirer sa première inférence défavorable au sujet de la crédibilité en se fondant sur le fait que le demandeur n’avait pas indiqué dans son formulaire FDA qu’on l’avait officiellement accusé pendant qu’il était détenu par les autorités éthiopiennes. Le demandeur soutient que le mot kise a de nombreux sens, dont celui d’une allégation, et que le sens de ce mot est fonction du contexte dans lequel il est employé.

[26]  J’ai passé en revue la transcription du premier jour d’audience de la SPR (la transcription du premier jour d’audience), ainsi que le contexte dans lequel l’erreur d’interprétation a censément été commise. Voici les deux versions de l’échange pertinent entre le tribunal et le demandeur, soit la version qui figure dans la transcription du premier jour d’audience et celle que propose M. Kidane :

[traduction]

COMMISSAIRE :  Avez‑vous été formellement accusé d’un crime?

DEMANDEUR D’ASILE :  Oui, ils ont porté des accusations contre moi.

[M. KIDANE : Oui, ils m’ont accusé.]

COMMISSAIRE :  Quelles étaient les accusations portées contre vous?

DEMANDEUR D’ASILE :  On m’a accusé d’avoir communiqué avec des éléments étrangers opposés au gouvernement et, au cours de mes sermons, d’avoir aussi dit des choses qui n’étaient pas favorables au gouvernement.

[M. KIDANE : Pour mes sermons qui incitent à protester contre le gouvernement et pour avoir envoyé à des opposants à l’étranger des informations concernant le gouvernement.]

[27]  Si, comme le demandeur le soutient et M. Kidane le dit, le mot kise doit être considéré dans son juste contexte pour pouvoir en déterminer le sens exact, je ne vois aucune erreur dans la traduction qui a été fournie au tribunal, compte tenu du contexte dans lequel les questions ont été posées. Le mot kise que le demandeur a employé en réponse à la question directe de la commissaire quant au fait de savoir s’il avait été accusé aurait été traduit, d’après le contexte, par le terme [traduction] « porter des accusations » (et ses dérivés).

[28]  Deuxièmement, le demandeur soutient que l’interprète a fait des erreurs en traduisant les questions de la SPR au sujet des mauvais traitements qu’il a subis lors de sa détention en Éthiopie. Cette observation concerne plus précisément l’inférence défavorable que la SPR a tirée du fait que, dans son témoignage, le demandeur n’a pas donné de précision au sujet des mauvais traitements qu’il a subis, ce qui contrastait avec les renseignements précis qui figuraient dans son formulaire FDA. Le tribunal a demandé à plusieurs reprises au demandeur comment il a été traité lors de sa détention. Selon M. Kidane, dans la traduction, le mot « traitement » a été considéré comme se rapportant à la question plus générale de savoir qu’elles étaient les « conditions » de détention. Il déclare aussi que dans la traduction des questions du tribunal sur la nature des agressions subies par le demandeur on parle plutôt de [traduction] « passages à tabac » ou du fait que le demandeur a été « battu » (et non « agressé »).

[29]  Il ressort clairement de la transcription que le tribunal a longuement questionné le demandeur sur la manière dont on l’avait traité en détention et qu’il a tenté un certain nombre de fois d’obtenir des précisions de sa part. Chaque fois, le demandeur a répondu qu’on l’avait maltraité, insulté et ridiculisé. M. Kidane souligne divers endroits où le demandeur a parlé dans son témoignage du [traduction] « passage à tabac » subi par des détenus, traduit par « mauvais traitements ». Or, à chaque occasion le tribunal a creusé le sujet en demandant des précisions sur les mauvais traitements subis. Le tribunal est revenu à cette question, a résumé le témoignage du demandeur et lui a précisément demandé pourquoi il ne fournissait pas, comme il l’a fait dans le formulaire FDA, de détails concernant le traitement qu’on lui a fait subir. Là encore, dans sa réponse, comme elle a été traduite à l’audience ou comme M. Kidane propose de la traduire, aucun détail n’est fourni. Il importe peu que l’on ait employé le mot [traduction] « agression » ou le mot « passage à tabac » dans la traduction des questions du tribunal, car de toute façon le mot utilisé – que ce soit l’un ou l’autre – n’a suscité aucune confusion non plus qu’il n’explique les réponses évasives du demandeur lors de son témoignage.

[30]  Enfin, le demandeur porte à notre attention la conclusion défavorable que la SPR a tirée au sujet de la crédibilité en se fondant sur son témoignage apparemment incohérent à propos de la date de sa mise en liberté. Il ne fait aucun doute qu’il y a eu une certaine confusion à l’audience quant au fait de savoir si la date de mise en liberté du demandeur était le 28 ou le 29 février 2016. La traduction de la réponse initiale du demandeur à la question du tribunal sur cette date est ambiguë. Par les questions qu’il a ensuite posées, le tribunal a tenté à diverses reprises de rectifier et d’expliquer la date. À mon avis, ces questions du tribunal et les conclusions qu’il a tirées des réponses du demandeur ne donnent pas lieu à un problème de traduction. Il s’agirait plutôt d’un problème ayant une incidence sur le caractère raisonnable de la décision de la SPR.

[31]  En résumé, après avoir passé en revue les observations du demandeur et du défendeur, les commentaires et l’autre traduction des extraits de la transcription qu’a fournie M. Kidane pour le compte du demandeur, de même que la transcription elle‑même, je suis convaincue que les services d’interprétation qui ont été fournis au demandeur n’ont donné lieu à aucune méprise linguistique entre le demandeur et le tribunal. Je conclus que le demandeur n’a pas établi qu’il y a eu des erreurs de traduction réelles et importantes au point où cela a porté atteinte à son droit à des services d’interprétation adéquats pendant l’audience de la SPR.

2.  La décision de la SPR est‑elle raisonnable?

[32]  Le demandeur soutient que les conclusions défavorables que la SPR a tirées au sujet de la crédibilité se fondent sur la traduction inadéquate de son témoignage le premier jour d’audience ainsi que sur des omissions peu importantes dans son témoignage. Cela étant, ces conclusions sont déraisonnables. Le demandeur est d’avis par ailleurs que le tribunal a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve qu’il a présentée. Ce dernier a plutôt disséqué le dossier de preuve à la recherche d’éléments qui étayaient ses conclusions défavorables. Enfin, il ajoute que le tribunal a commis une erreur dans son évaluation de sa demande d’asile sur place en omettant d’étayer ses conclusions selon lesquelles les activités du demandeur n’avaient pas attiré l’attention des autorités éthiopiennes et que le gouvernement éthiopien ne ciblait que des personnalités politiques bien connues.

[33]  Le défendeur soutient que la SPR n’a commis aucune erreur importante dans son évaluation du témoignage du demandeur et des éléments de preuve qu’il a présentés. De plus, il fait valoir que le demandeur n’a soulevé aucune question sérieuse au sujet des conclusions que la SPR a tirées sur sa demande d’asile sur place, car il a mal interprété les conclusions du tribunal.

[34]  Étant donné que les services d’interprétation fournis au demandeur pendant l’audience devant la SPR étaient adéquats, il est nécessaire d’évaluer le caractère raisonnable de la décision de la SPR en fonction des conclusions que celle‑ci a énoncées et non d’une lacune implicite qui reposerait sur une traduction erronée des preuves sous‑jacentes.

[35]  Pour les raisons indiquées dans la présente section des motifs du jugement, je conclus que la décision de la SPR est déraisonnable. Je suis consciente du rôle que joue la SPR en tant que décideur le mieux placé pour tirer des conclusions quant à la crédibilité, ainsi que de la nécessité de faire preuve d’une véritable retenue à l’égard des conclusions qu’elle tire. Toutefois, certaines de ces dernières ne s’accordent pas avec la preuve au dossier ou ne sont pas convenablement motivées dans la décision de la SPR.

[36]  La SPR a tiré quatre conclusions défavorables cruciales au sujet de la crédibilité, ce qui l’a amené à conclure que le demandeur n’avait pas établi le bien‑fondé des allégations formulées dans son formulaire FDA. Le tribunal a souligné les incohérences dans la preuve présentée par le demandeur ainsi que les omissions qu’elle comporte, lesquelles touchaient au cœur même de sa demande d’asile. La conclusion principale de la SPR est la suivante :

[34]  D’après la preuve, le tribunal accepte le fait que le demandeur d’asile est un missionnaire évangéliste et qu’il a prêché l’Évangile en Éthiopie et à l’étranger. Compte tenu des préoccupations soulevées sur le plan de la crédibilité, le tribunal conclut cependant, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile n’a pas été arrêté ni détenu par les autorités gouvernementales parce qu’il était soupçonné d’avoir entretenu des liens avec la diaspora de l’opposition ou d’avoir prêché contre le gouvernement pendant ses sermons, et qu’il n’est pas recherché pour ce motif en Éthiopie.

[37]  Je vais maintenant traiter de chacune des quatre conclusions défavorables de la SPR au sujet de la crédibilité au regard de cette conclusion principale.

[38]  La SPR a tout d’abord demandé si le demandeur avait été officiellement accusé et traduit devant un tribunal éthiopien après que les autorités l’eurent mis en détention le 20 février 2016. Le tribunal a déclaré que le témoignage du demandeur concordait de façon générale avec son formulaire FDA, lequel indiquait qu’il avait été interpellé par la police, qui lui avait intimé l’ordre de se rendre au poste de police, mais qu’il n’était pas mentionné dans ce document qu’il avait été officiellement accusé et qu’il avait comparu devant un tribunal avant d’être mis en liberté. La SPR a conclu que le témoignage du demandeur à l’audience, selon lequel les autorités éthiopiennes avaient porté des accusations contre lui, qu’il avait comparu devant un tribunal et qu’il avait été mis en liberté par le juge présidant l’affaire, n’était pas digne de foi car ces détails n’apparaissaient pas dans le formulaire FDA. Le tribunal a déclaré que ce témoignage touchait au cœur même de la prétention du demandeur selon laquelle on l’avait détenu et maltraité parce qu’il s’était rangé du côté de la diaspora de l’opposition et qu’il avait tenu dans ses sermons des propos antigouvernementaux en Éthiopie. Cela étant, la SPR se serait attendue à ce que ces détails figurent dans le formulaire FDA. Le tribunal a écrit :

Le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile n’a jamais été officiellement accusé, qu’il n’a pas comparu en cour le 28 février 2016 pour répondre à des accusations portées contre lui, et que la cour n’a pas ordonné sa mise en liberté ce même jour.

[39]  En arrivant à cette conclusion, la SPR a omis de tenir compte du document intitulé [traduction] « Preuve de la durée de détention » (certificat d’arrestation) délivré par la commission de police d’Addis‑Abeba. Le certificat d’arrestation indique :

[traduction] M. Firew Haile Kidane a été arrêté par notre division aux fins d’enquête sur l’accusation d’association avec l’opposition du 20 février 2016 au 29 février 2016. Il a été mis en liberté le 29 février 2016.

[40]  Le défendeur souligne à juste titre que la SPR, dans sa décision, n’a pas entièrement fait abstraction du certificat d’arrestation, car elle s’est fondée sur ce document pour arriver à sa seconde conclusion relative à la crédibilité (il en est question ci‑après). Toutefois, cette observation n’explique pas pourquoi le tribunal a omis de traiter de la teneur du certificat d’arrestation, lequel, à première vue, contredisait deux de ses conclusions principales : 1) que le demandeur avait été arrêté par les autorités éthiopiennes, un élément clé de sa première inférence défavorable au sujet de la crédibilité, et 2) qu’il avait été gardé en détention par les autorités gouvernementales, un élément clé de sa conclusion principale.

[41]  À mon avis, la SPR était tenue de prendre en compte le certificat d’arrestation dans sa décision. Ce document était pertinent et il s’agissait d’un élément important de la preuve du demandeur. Le tribunal n’a pas contesté l’authenticité du certificat d’arrestation. En fait, il s’est fondé sur ce dernier pour contredire le témoignage du demandeur au sujet de la date de sa mise en liberté. Le fait que la SPR n’a pas traité de la substance du certificat d’arrestation est en soi une erreur susceptible de contrôle, car cela mine son analyse concernant la crédibilité ainsi que sa conclusion principale (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 FTR 35, au paragraphe 17). Le certificat d’arrestation n’était peut‑être pas suffisant pour changer la conclusion de la SPR, mais sans une analyse quelconque de ce document, la première conclusion défavorable du tribunal au sujet de la crédibilité et sa conclusion principale n’étaient pas intelligibles.

[42]  Le demandeur soutient en outre que la SPR n’a pas tenu compte d’un changement qui a été apporté à son formulaire FDA le 28 juillet 2017. Ce changement supprimait les mots [traduction] « et à un tribunal » de la déclaration du demandeur selon laquelle [traduction] « ils m’ont gardé au poste jusqu’au 29 février 2016 sans aucun accès à un avocat [et à un tribunal] ». Il ajoute que la suppression de ces mots sous‑entendait qu’il avait été traduit devant un tribunal. Le défendeur fait valoir que ce sous‑entendu n’est pas suffisant pour rendre déraisonnable la conclusion défavorable de la SPR au sujet de la crédibilité. Je conviens avec le défendeur que le changement à lui seul n’est pas suffisant pour conclure à l’existence d’une erreur justifiant l’annulation de la décision, mais, si on le considère de pair avec ce qui est dit dans le paragraphe suivant du formulaire FDA, à savoir que le demandeur a été mis en liberté sous caution, ce changement donne à penser qu’un tribunal est intervenu dans le processus de mise en liberté.

[43]  Je reviens à la conclusion principale de la SPR selon laquelle le demandeur n’a pas établi qu’il avait été arrêté et détenu par les autorités éthiopiennes pour ses activités d’opposition. Je suis d’avis que le fait que la SPR n’est pas dûment examiné le certificat d’arrestation, ainsi que le fait qu'elle n'ait pas porté l’attention voulue au contenu du formulaire FDA du demandeur, rendent sa conclusion principale déraisonnable.

[44]  De plus, la manière dont la SPR a traité l’apparente contradiction concernant la date de mise en liberté du demandeur (29 février et non 28 février 2016) est indûment sévère et découle d’un examen microscopique. La déclaration inexacte qu’a faite le demandeur au sujet de cette date lors de son témoignage semble être attribuable à une erreur de bonne foi. Son témoignage est confirmé par le certificat d’arrestation, où la date de mise en liberté indiquée est le 29 février 2016. La transcription de l’audience dénote qu’il y a eu tout d’abord une certaine confusion quant à cette date, mais elle a été rapidement dissipée et il fait peu de doute que la date de mise en liberté était le 29 février 2016. Le fait que la SPR se soit fondée sur cette erreur pour étayer sa deuxième conclusion défavorable quant à la crédibilité est déraisonnable.

[45]  Les conclusions que la SPR a tirées au sujet des incohérences relevées dans le témoignage du demandeur à propos du traitement que celui‑ci a subi en détention sont exhaustives et raisonnables. Toute omission d’un détail dans son témoignage sur les passages à tabac qu’il avait relatés dans son formulaire FDA mettait en doute un aspect important de son exposé circonstancié. Le tribunal a questionné à plusieurs reprises le demandeur sur ce point et il n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en tirant son inférence défavorable au sujet de la crédibilité.

[46]  J’arrive à la même conclusion au sujet du témoignage du demandeur quant aux autres contacts qu’il aurait eus avec les autorités éthiopiennes après sa mise en liberté. Le tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que cet aspect de la preuve du témoignage était important en ce qui concerne sa prétention selon laquelle il risquerait d’être arrêté et torturé de nouveau s’il retournait en Éthiopie. L’explication qu’a donnée le demandeur pour justifier son omission de mentionner ces faits dans son formulaire FDA n’était pas convaincante et la SPR a conclu avec raison que le demandeur n’avait eu aucun contact avec les autorités éthiopiennes après sa mise en liberté.

[47]  Après avoir examiné dans leur ensemble les conclusions défavorables que la SPR a tirées au sujet de la crédibilité par rapport à la conclusion principale de cette dernière, à savoir que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait été arrêté et détenu par les autorités éthiopiennes, je conclus que la décision de la SPR est déraisonnable. Des éléments de preuve montrent que le demandeur a été arrêté et gardé en détention en Éthiopie. Le tribunal a essentiellement ignoré le certificat d’arrestation ou procédé à une analyse incomplète du contenu du formulaire FDA du demandeur. L’incertitude entourant les mauvais traitements que le demandeur aurait subis pendant qu’il était en détention et l’absence de contacts avec les autorités éthiopiennes après sa mise en liberté n’effacent pas les erreurs du tribunal.

[48]  Le demandeur soutient également que l’analyse de la SPR relative à sa demande d’asile sur place est déraisonnable. Comme les conclusions que le tribunal a tirées à propos de la crédibilité ont influé sur la manière dont il a évalué demande d’asile sur place, je ne traiterai pas des observations du demandeur à cet égard. Ces arguments seront forcément réévalués lors du nouvel examen de sa demande d’asile.

VI.  Conclusion

[49]  La demande est accueillie au motif que la décision de la SPR est déraisonnable.

[50]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et il ne s’en pose aucune dans la présente demande.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑547‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) est annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différent de la SPR pour nouvel examen.

3.  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑547‑18

 

INTITULÉ :

FIREW HAILE KIDANE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 SEPTEMBRE 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Teklemichael Sahlemariam

 

POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet d’avocats Teklemichael AB Sahlemariam

Avocat et notaire

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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