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Date : 20190207


Dossier : IMM‑3083‑17

Référence : 2019 CF 159

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 février 2019

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

MARY ANN SIBAL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Mary Ann Sibal [la demanderesse], en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], relativement à une décision prise par un agent des visas à l’ambassade canadienne aux Philippines [l’agent]. La demanderesse avait demandé un permis de travail pour offrir ses services de gardienne d’enfants au Canada [le permis de travail ou le visa d’emploi]. Le 3 mai 2017, l’agent a refusé d’accéder à la demande de la demanderesse [la décision].

[2]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je vais accueillir la demande, parce que la décision n’est pas raisonnable. L’agent a tiré un certain nombre de conclusions de fait erronées qui ne tiennent pas compte de la preuve au dossier.

II.  Le contexte factuel

[3]  La demanderesse est âgée de 28 ans, elle est citoyenne des Philippines et elle est une mère au foyer qui prend soin de ses deux enfants (âgés de 6 et 4 ans). Le conjoint de fait de la demanderesse, avec lequel elle habite, est le père de ses enfants.

[4]  La demanderesse a présenté une demande pour venir au Canada après avoir reçu une offre d’emploi comme gardienne d’enfants de la part de Mme Jennifer Mercanti, qui vit à Oakville.

[5]  Mme Mercanti avait reçu une étude d’impact sur le marché du travail [EIMT] d’Emploi et Développement social Canada [EDSC] le 13 décembre 2016. Par suite de cette EIMT favorable, l’offre d’emploi à la demanderesse à titre de gardienne d’enfants pour le compte de Mme Mercanti a été jugée comme répondant aux exigences du Programme des travailleurs étrangers temporaires [PTET].

[6]  La demanderesse a ensuite fait une demande de permis de travail en mars 2017 en indiquant qu’elle avait accumulé de l’expérience de travail comme gardienne d’enfants aux Philippines entre juin 2007 et septembre 2009 pour le compte de Mme Jennie Espinosa.

[7]  Mme Espinosa a produit un document intitulé [traduction« Attestation » dans lequel elle confirme avoir embauché la demanderesse pour qu’elle prenne soin de sa fille nouveau‑née aux Philippines. Elle y a décrit les compétences de la demanderesse en matière de soins aux enfants ainsi que ses qualités personnelles. Mme Espinosa a affirmé que la demanderesse était [traduction« très fiable, digne de confiance, motivée et capable d’être à l’écoute des besoins de la famille et des enfants. En résumé, Mme Sibal possède toutes les qualités d’une gardienne d’enfants efficace ».

[8]  Au moment où elle a fait sa demande de permis de travail, la demanderesse résidait avec ses deux enfants et son conjoint de fait aux Philippines. La mère et la sœur de la demanderesse vivaient au Canada. D’après le dossier, les autres membres de sa famille, c’est‑à‑dire son père, ses trois frères et une autre sœur, étaient établis aux Philippines. La sœur de la demanderesse au Canada travaillait comme gardienne d’enfants à Hamilton, en Ontario.

[9]  Son conseil a affirmé dans une lettre jointe à la demande de permis de travail que la demanderesse n’avait aucune intention de demeurer au Canada sans statut. Son conjoint de fait et leurs deux enfants allaient rester aux Philippines pendant la durée de son emploi.

III.  Les dispositions législatives pertinentes

[10]  La LIPR exige qu’un ressortissant étranger qui demande à entrer ou à demeurer au Canada fasse la preuve qu’il est titulaire du visa d’entrée approprié, selon les modalités prévues au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR].

[11]  Si l’entrée est demandée en vue d’obtenir la résidence temporaire, la LIPR exige également, outre le visa nécessaire et tout autre document requis par le RIPR, que la personne démontre qu’elle va quitter le Canada au plus tard à la fin de sa période de séjour autorisée : LIPR, à l’alinéa 20(1)b).

[12]  La délivrance des permis de travail est régie par la Partie 11, de la section 3 du RIPR. Les dispositions qui sont pertinentes en l’espèce se trouvent aux paragraphes 200(1) et (3), lesquels traitent des exigences encadrant l’obtention d’un permis de travail :

Délivrance du permis de travail

Permis de travail – demande préalable à l’entrée au Canada

200 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), et de l’article 87.3 de la Loi dans le cas de l’étranger qui fait la demande préalablement à son entrée au Canada, l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments ci‑après sont établis :

a) l’étranger a demandé un permis de travail conformément à la section 2;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

[…]

Exceptions

(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;

 

Issuance of Works Permits

Work Permits

200 (1) Subject to subsections (2) and (3) — and, in respect of a foreign national who makes an application for a work permit before entering Canada, subject to section 87.3 of the Act — an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

(a) the foreign national applied for it in accordance with Division 2;

(b) the foreign national will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

[…]

Exceptions

(3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if

(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;

IV.  La décision faisant l’objet du contrôle

[13]  La décision a été communiquée à la demanderesse le 15 mai 2017. Les motifs de la décision se trouvent dans une liste de « cases à cocher » et dans les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC].

[14]  Dans les cases à cocher des motifs, l’agent a indiqué (1) que la demanderesse n’avait pas été capable d’établir adéquatement qu’elle satisfaisait aux exigences de l’offre d’emploi et (2) qu’elle n’avait pas réussi à convaincre l’agent qu’elle quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée en raison des perspectives d’emploi aux Philippines et de sa situation d’emploi actuelle.

[15]  Les notes du SMGC contiennent les observations supplémentaires suivantes :

  • - la demanderesse est sans emploi depuis 2012;

  • - la demanderesse n’a produit aucune preuve de son niveau de scolarité;

  • - l’EIMT exige six mois de formation ou une expérience pertinente;

  • - la demanderesse n’a pas fait la preuve qu’elle avait suivi une formation d’au moins six mois comme gardienne d’enfants;

  • - la demanderesse a allégué avoir travaillé comme gardienne d’enfants de 2007 à 2009 et elle a produit une lettre de Jennie Espinoza, mais elle n’a présenté aucun document d’une tierce partie à l’appui (lettres de sécurité sociale ou de prestations de santé);

  • - un autre agent a constaté que l’emploi précédent de la demanderesse avait été celui de vendeuse entre 2010 et 2012;

  • - la lettre de Mme Espinoza est intéressée et elle n’est pas vérifiable de façon indépendante.

[16]  En conclusion, l’agent a déclaré ce qui suit :

[traduction]

APRÈS AVOIR ÉTUDIÉ ATTENTIVEMENT TOUTE L’INFORMATION ET TOUS LES DOCUMENTS AU DOSSIER, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE L’INTÉRESSÉE SATISFAIT DE FAÇON ADÉQUATE AUX EXIGENCES DE L’EMPLOI POTENTIEL. JE NE SUIS PAS CONVAINCU NON PLUS QUE L’INTÉRESSÉE A FAIT LA PREUVE DE SOLIDES PERSPECTIVES D’EMPLOI ET DE LIENS DANS SON PAYS D’ORIGINE DE NATURE À L’INCITER À Y RETOURNER. TOUT COMPTE FAIT, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE L’INTÉRESSÉE QUITTERA LE CAN. À LA FIN DE SON SÉJOUR AUTORISÉ. REJETÉE. R200(1)B).

[En majuscules dans l’original.]

V.  Les questions en litige

[17]  La demanderesse soulève les questions suivantes dans ses observations :

  • 1) la décision était déraisonnable, parce que l’agent a fait abstraction de la preuve contraire pertinente ou a omis de l’aborder, y compris le fait que les enfants et le conjoint de fait de la demanderesse étaient demeurés aux Philippines et qu’elle pourrait finir par être en mesure de demeurer au Canada de manière autorisée après y avoir travaillé comme gardienne d’enfants en milieu familial;

  • 2) la décision a été rendue en violation de l’équité procédurale, étant donné que la demanderesse n’a pas été mise au courant des préoccupations de l’agent au sujet de la lettre de Mme Espinoza et de la question de savoir si la demanderesse retournerait aux Philippines à l’expiration de son permis de travail.

[18]  Le défendeur fait valoir que la décision est raisonnable, puisque le fardeau de la preuve reposait sur les épaules de la demanderesse et qu’elle n’a pas réussi à satisfaire aux exigences. Plus particulièrement, le défendeur allègue que la demanderesse (1) a omis de produire une preuve suffisante qu’elle satisfait aux exigences de l’offre d’emploi visé par sa demande de visa d’emploi (2) n’a pas établi qu’elle quitterait le Canada quand elle ne serait plus autorisée à y demeurer.

[19]  La présente demande peut être décidée sur la base de la première question de la demanderesse. Il ne sera pas nécessaire de répondre à la seconde question.

VI.  La norme de contrôle

[20]  La norme de contrôle applicable lorsqu’il s’agit d’apprécier le rejet d’une demande de permis de travail par un agent à l’étranger est celle de la décision raisonnable : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 894, aux paragraphes 15 et 16.

[21]  Lorsqu’elle procède à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision est justifiée, transparente et intelligible, et si elle appartient aux issues possibles et acceptables au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir].

[22]  Les motifs, considérés dans leur ensemble, « répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [Newfoundland Nurses].

[23]  L’agent agissait à titre de tribunal administratif et il n’était pas tenu de prendre en considération ou de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par la demanderesse. La question que doit se poser la cour de révision consiste à savoir si la décision, prise dans son ensemble dans le contexte du dossier, est raisonnable : Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, au paragraphe 3.

VII.  Analyse

A.  Le niveau de scolarité de la demanderesse

[24]  L’agent a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de l’emploi potentiel énoncées dans l’offre d’emploi. De plus, ou peut‑être dans le cadre de cette appréciation, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait produit [traduction« aucune preuve de son niveau de scolarité ».

[25]  Les précisions contenues dans l’information sur l’emploi et énoncées dans l’EIMT approuvé de Mme Mercanti aux pages 28 à 31 du dossier certifié du tribunal [DCT] indiquent que le diplôme d’études secondaires était le niveau de scolarité exigé par l’employeur.

[26]  On trouve aux pages 20 et 21 du DCT une copie du diplôme d’études secondaires de la demanderesse, qui lui avait été décerné par l’école secondaire de Dapdap, aux Philippines, ainsi qu’un relevé de ses notes pour chacune des quatre années pendant lesquelles elle a fréquenté l’école avant l’obtention de son diplôme; ces documents étaient joints à la demande de permis de travail.

[27]  Le diplôme est daté du 1er avril 2007 et il atteste que [traduction« Mary Ann S. Sibal a satisfait aux exigences donnant droit à un diplôme du programme d’enseignement secondaire prescrit pour les écoles secondaires des Philippines et qu’elle a donc droit au présent diplôme ». Le diplôme est signé et arbore un sceau. Il est imprimé en tagalog avec une traduction anglaise en plus petits caractères sous chaque phrase.

[28]  Il n’est pas du tout évident de tenter de savoir pourquoi l’agent a affirmé qu’aucune preuve du niveau de scolarité n’avait été produite. L’agent a dû voir le diplôme et le relevé de notes aux pages 20 et 21 du DCT. La page 19 du DCT contient la lettre d’attestation rédigée par la dame qui avait employé la demanderesse comme gardienne d’enfants aux Philippines entre juin 2007 et septembre 2009. Il s’agit de la lettre que l’agent a mise en doute en la qualifiant d’[traduction« intéressée ». Nous y reviendrons dans la partie suivante des présents motifs.

[29]  Les notes du SMGC qui avaient été prises dix jours plus tôt par un autre agent indiquent que, selon les exigences de l’EIMT, la demanderesse devait avoir six mois de formation ou de l’expérience pertinente en matière de garde d’enfants. Ces notes mentionnent aussi que la scolarité de la demanderesse [traduction« n’est pas indiquée ».

[30]  Je vais d’abord me pencher cette dernière mention. Comme je l’ai relevé ci‑dessus, cette assertion est manifestement erronée. De plus, la page 41 du DCT contient la page 3 de la demande de permis de travail de la demanderesse. Sous la rubrique « Scolarité », la demanderesse a coché la case « oui » en réponse à la question suivante : « Avez‑vous reçu une éducation postsecondaire (y compris l’université, le collège ou une formation en apprentissage)? » Dans l’espace situé en dessous, elle a écrit qu’elle possède un [traduction« certificat de secourisme et de RCR ».

[31]  Il appert du formulaire qu’en plus de cocher la case « oui » au sujet de ses études postsecondaires, la demanderesse aurait peut‑être dû inscrire aussi son diplôme d’études secondaires en plus de son certificat de RCR. Je dis bien « peut‑être », compte tenu de la phase suivante, qui apparaît sous la case à cocher : « Si vous avez répondu oui, veuillez fournir tous les détails sur vos études postsecondaires les plus récentes ». Dans cet espace, la demanderesse a donné des renseignements sur son cours de RCR. Néanmoins, en incluant son diplôme et son relevé de notes, la demanderesse a fourni l’information exigée.

[32]  Ni l’un ni l’autre des agents ne semble avoir remarqué dans le dossier le fait que la demanderesse avait confirmé qu’elle avait fait des études postsecondaires et qu’elle avait fourni des documents à l’appui. S’ils l’ont remarqué, ils se sont bien gardés de le commenter. Et ils n’ont pas indiqué non plus pourquoi ils avaient considéré, en ce qui concerne la scolarité de la demanderesse, qu’elle n’avait produit [traduction« aucune preuve de son niveau de scolarité » ou qu’elle n’avait pas [traduction « précisé son niveau de scolarité ».

[33]  Ces conclusions sont contraires à la preuve dont les agents étaient saisis et elles sont donc déraisonnables.

B.  Les qualités requises pour l’emploi de l’EIMT

[34]  L’approbation de l’EIMT ne prévoyait aucune qualité requise autre que la scolarité au niveau secondaire. L’annexe A de l’autorisation de l’EIMT indique, sous la rubrique « Information sur l’emploi », que le code et le titre dans la Classification nationale des professions [CNP] sont « 4411 – Gardiens/gardiennes d’enfants en milieu familial ».

[35]  La décision précise que [traduction« l’EIMT exige une formation de 6 mois ou une expérience pertinente ». L’agent a conclu qu’il n’y avait [traduction« pas de preuve de l’achèvement d’un cours de six mois sur la garde des enfants » et que l’emploi précédent de la demanderesse avait été un travail de vendeuse. Cette conclusion découlait du fait que l’agent avait rejeté, en le qualifiant d’« intéressé », le certificat fourni par Mme Espinosa qui attestait que la demanderesse avait travaillé chez elle comme gardienne d’enfants pendant deux ans; ce faisant, l’agent a éliminé du même coup cette expérience de travail.

[36]  J’ai conclu qu’il n’est pas nécessaire de traiter de l’argument de l’équité procédurale soulevé par la demanderesse en ce qui concerne le certificat. Mais je constate que le certificat a été produit par une ancienne employeuse, et non par un futur employeur. Le fait que l’agent l’a rejeté sans autre forme de procès et sans explication autre que son impression qu’il était « intéressé » est déraisonnable, étant donné que sa conclusion est ni intelligible ni transparente.

[37]  Quoi qu’il en soit, selon l’agent, la demanderesse n’a pas besoin d’une formation de six mois si elle a de l’expérience pertinente. Je ne peux pas imaginer une expérience plus pertinente pour une gardienne qui élève les enfants de quelqu’un d’autre que celle d’être une mère au foyer qui élève ses enfants. Comme l’indique le formulaire de renseignements sur la famille à la page 35 du DCT, un enfant est né le 19 mai 2012 et l’autre est venu au monde le 8 novembre 2013. Au moment où la demande d’autorisation de l’EIMT a été présentée le 20 mars 2017, la demanderesse avait accumulé presque neuf années d’expérience pertinente combinées en matière d’éducation des enfants en élevant ses propres enfants.

[38]  On ne voit pas très bien comment l’agent en est arrivé à la conclusion qu’un cours de gardiennage de six mois ou une expérience pertinente était nécessaire. Rien dans le DCT n’appuie une telle exigence. Le dossier ne contient pas non plus de copie des qualités requises qui sont énoncées dans la CNP 4411. Il se peut que l’agent les ait eues en mémoire. Dans ce cas, l’agent ne s’en est pas souvenu avec exactitude.

[39]  J’estime que je peux prendre connaissance d’office de la CNP 4411, étant donné qu’elle est accessible au public sur le site Web du gouvernement du Canada.

[40]  Les qualités requises par la CNP 4411 se trouvent en ligne sur le site Web du gouvernement du Canada à la page « Exigences d’emploi : Dispensateur/dispensatrice de soins aux enfants à domicile » (https://www.guichetemplois.gc.ca/rapportmarche/prerequis/24770/22437). Les voici :

Conditions d’accès à la profession

Voici les conditions généralement requises pour pouvoir exercer cette profession.

Ÿ  Un diplôme d’études secondaires peut être exigé.

Ÿ  Un programme de formation en soins des enfants ou dans un domaine connexe peut être exigé des dispensateurs de soins aux enfants à domicile, des aides à la famille et des parents de famille d’accueil.

Ÿ  De l’expérience en soins des enfants ou en économie domestique peut être exigée.

Ÿ  Une aptitude manifeste à exécuter le travail est habituellement exigée.

Ÿ  Un certificat en secourisme et une formation en réanimation cardiorespiratoire (RCR) peuvent être exigés.

[Non souligné dans l’original.]

[41]  Quand on examine ces conditions, aucune ne prévoit que la demanderesse « devra » ou « doit » satisfaire à l’une ou l’autre d’entre elles. Aucune n’exige un [traduction« cours de six mois en soins des enfants », que l’agent a jugé nécessaire.

[42]  Même si cela n’est pas exigé, la demanderesse a achevé ses études secondaires, elle a de l’expérience en soin des enfants ou en économie domestique et elle a un certificat de secourisme et une formation en RCR. Elle a également démontré qu’elle a une aptitude manifeste à exécuter le travail en question. Cette aptitude est une condition générale qui n’est pas rattachée uniquement au soin des enfants et qui est réputée être une condition habituelle, mais non obligatoire.

[43]  La conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’est pas en mesure de démontrer qu’elle remplit adéquatement les conditions d’accès à la profession pour son emploi potentiel est déraisonnable, étant donné qu’elle ne reposait sur aucun fondement probatoire et que le dossier ne contient aucune exigence, hormis celle de la réussite des études secondaires.

C.  La demanderesse quittera‑t‑elle le Canada à la fin de sa période de séjour autorisée?

[44]  L’agent s’en est remis à deux cases à cocher pour établir que la demanderesse ne l’avait pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de son emploi. L’un de ces motifs était [traduction« les perspectives d’emploi dans le pays de résidence » et l’autre était [traduction« sa situation d’emploi courante ».

[45]  Voici les motifs donnés par l’agent pour expliquer pourquoi il avait coché les cases en question : [traduction« Je ne suis pas convaincu non plus que l’intéressée a fait la preuve de solides perspectives d’emploi et de liens dans son pays d’origine de nature à l’inciter à y retourner ».

[46]  Une troisième possibilité était ouverte à l’agent, mais il ne l’a pas choisie : [traduction« Les liens familiaux au Canada et dans le pays de résidence ». L’agent n’a pas coché cette case. Cela s’explique probablement par le fait que, pour justifier une appréciation défavorable, la demanderesse aurait dû n’avoir pratiquement aucune famille aux Philippines et certains membres de sa famille au Canada. La mère et la sœur de la demanderesse vivent à Hamilton, en Ontario. Le conjoint de fait et les deux enfants de la demanderesse vivent aux Philippines avec elle. Le père, les trois frères et la sœur de la demanderesse vivent tous aux Philippines.

[47]  Compte tenu du dossier, il est impossible de savoir comment l’agent a pu établir que la demanderesse n’avait pas fait la preuve de liens solides dans son pays d’origine. L’agent n’a donné aucune explication à ce sujet.

[48]  Le dossier contient des éléments de preuve des nombreux liens familiaux de la demanderesse aux Philippines, son pays natal.

[49]  À l’heure actuelle, huit des dix membres de la famille de la demanderesse vivent aux Philippines. Sa demande indiquait qu’aucun d’entre eux n’allait l’accompagner au Canada. Une lettre, qui a été présentée avec sa demande, confirme que la demanderesse [TRADUCTION] « n’avait aucune intention de demeurer au Canada sans statut » et que [TRADUCTION] « son conjoint de fait et leurs deux enfants allaient rester aux Philippines pendant la durée de son emploi ».

[50]  Rien dans la preuve ne donne à penser que la demanderesse préférerait demeurer au Canada, où vivent sa mère et sa sœur, plutôt que de retourner aux Philippines pour vivre avec ses enfants, son conjoint et les autres membres de sa famille.

[51]  La conclusion de l’agent est incompatible avec la preuve au dossier, laquelle démontre que les deux enfants et le conjoint de fait de la demanderesse allaient demeurer aux Philippines.

[52]  Il est établi depuis longtemps que « plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée " sans tenir compte des éléments dont il [disposait] " » : Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 157 FTR 35, au paragraphe 17 (CF); Thomas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1038, aux paragraphes 14 et 16.

VIII.  Conclusion

[53]  Pour les motifs énoncés ci‑dessus, je dois conclure que l’agent a tiré de nombreuses conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve.

[54]  Les motifs de ces conclusions de l’agent ne sont ni transparents ni intelligibles, de sorte que sa décision n’est pas justifiée et ne fait pas partie des issues possibles et acceptables au regard des faits et du droit.

[55]  Je suis incapable de comprendre pourquoi l’agent a pris la décision contestée; les critères de l’arrêt Dunsmuir n’ont donc pas été remplis.

[56]  La demande est accueillie et le rejet par l’agent de la demande de permis de travail de la demanderesse est annulé. La demande de permis de travail devra faire l’objet d’un nouvel examen par un autre agent des visas.

[57]  Les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑3083‑17

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie.

  2. Le rejet de la demande de permis de travail est annulé et l’affaire est renvoyée en vue d’un nouvel examen par un agent des visas différent.

  3. Les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM‑3083‑17

 

INTITULÉ :

MARY ANN SIBAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 février 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton

 

POUR LA demanderesse

 

Prathima Prashad

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Poulton Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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