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Date : 20190130


Dossier : IMM‑2622‑18

Référence : 2019 CF 130

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2019

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

LIANGSHUANG YANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATON

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  APERÇU

[1]  Les présents motifs traitent de cinq demandes de contrôle judiciaire qui ont été présentées au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [la LIPR] à l’égard d’une décision prise par un agent [l’agent] d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] au titre de l’article 14.1 de la LIPR, par laquelle il refusait d’accorder aux demandeurs le statut de résident permanent au titre de la catégorie « démarrage d’entreprise » [CDE]. Les cinq demandes de contrôle judiciaire ont été réunies le 10 juillet 2018.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais les demandes de contrôle judiciaire.

II.  LE CONTEXTE

[3]  Liangshuang Yang [le demandeur principal] (IMM‑2622‑18), Yang Zhang
(IMM‑2624‑18), Jing Ma (IMM‑2620‑18), Xiaoli Liu (IMM‑2619‑18), Yuchen Huang
(IMM‑2625‑18), Lihai Zhou (IMM‑2623‑18) et Chunyan Nan (IMM‑2627‑18) [les demandeurs, collectivement] ont présenté des demandes en vue d’obtenir le statut de résident permanent au titre de la CDE, sous le régime de l’article 14.1 de la LIPR. Ils allèguent qu’ils devaient travailler pour l’un ou l’autre de deux projets de l’entreprise Top Renergy Inc. [TRI]. Ces projets, Version Chat et Version Pay [parfois désignés par les abréviations VC et VP dans la preuve documentaire], opèrent ensemble pour créer une application téléphonique offrant aux utilisateurs un système sécurisé de messagerie instantanée muni de fonctionnalités pour effectuer des transactions financières.

[4]  Le 7 septembre 2017, l’agent a demandé à Yuchen Huang de soumettre une proposition commerciale pour le projet Version Chat et il a demandé à Lihai Zhou d’en faire autant pour le projet Version Pay. Les deux propositions avaient été préparées par l’entreprise Cycloids Inc. et elles ont été transmises à l’agent le jour même.

[5]  L’agent a demandé, au titre de l’article 11 des Instructions ministérielles concernant la catégorie « démarrage d’entreprise » (2017), Gaz C I, 3523, que les demandes soient soumises à un comité d’examen par les pairs au sein d’une organisation ayant une expertise à l’égard du type d’entité des demandeurs.

[6]  L’examen par les pairs, daté du 27 novembre 2017, contient un certain nombre de conclusions défavorables concernant les demandes. Les pairs ont conclu que la description du marché concurrentiel laissait à désirer et qu’elle était top générale. Des recettes étaient manifestement prévues, mais elles n’étaient pas établies en fonction d’attentes rationnelles envers le marché. La stratégie de distribution et de commercialisation était abordée très sommairement et le projet semblait ne contenir aucun nouvel élément en matière de propriété intellectuelle. L’analyse de rentabilité présentait un caractère frivole et la preuve documentaire ainsi que les données à l’appui étaient insuffisantes pour justifier un investissement de capital‑risque typique. Enfin, l’entité était dotée d’une équipe de gestion possédant très peu ou aucune expérience en démarrage d’entreprise. Bref, les plans d’affaires manquaient manifestement de génie.

[7]  Le 19 avril 2018, l’agent a fait parvenir à chacun des demandeurs une lettre dite « d’équité procédurale » [LEP], laquelle énonçait les préoccupations suivantes :

  1. Selon le certificat d’engagement, les demandeurs ne sont pas jugés indispensables.
  2. TRI considère que l’équipe est « inexpérimentée » et elle a d’ailleurs fait remarquer qu’elle ferait affaire avec une entreprise plus expérimentée en Inde, ce qui fait naître un doute quant à savoir si les demandeurs ont véritablement l’intention d’importer au Canada leur expérience avec la propriété intellectuelle.
  3. Le plan d’affaires révèle que les recherches sur la compétitivité dans le marché ont été très faibles, car les services « Version Wallet » similaires sont déjà offerts par les grandes institutions financières dans des marchés établis.
  4. TRI investit dans une entreprise concurrente similaire, ce qui n’est pas commun chez les investisseurs en capital‑risque.
  5. Les demandes démontrent un manque de sérieux de la part des demandeurs et de l’entreprise désignée.

[8]  Les demandeurs ont répondu à la LEP le 16 mai 2018 et leurs lettres de réponse respectives sont très similaires.

[9]  Le 22 mai 2018, l’agent a refusé de leur accorder le statut de résident permanent, en invoquant des motifs qui, dans certains cas, renvoyaient à l’insuffisance des renseignements fournis :

  1. Aucune information n’avait été fournie concernant les actionnaires ou la structure de l’actionnariat pour l’entreprise Version Chat.
  2. Dans les documents de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] concernant les projets « Version », une seule personne est désignée comme propriétaire/associé/administrateur, et celle‑ci n’est pas l’un des demandeurs.
  3. Selon la lettre du 3 mai 2018 transmise par Cycloids Inc., la version bêta du projet Version Chat a été lancée dans Google Play et celle pour Version Pay devrait suivre bientôt. On y mentionne que les travaux se poursuivent pendant que les demandeurs attendent la réponse à leurs demandes de visa; cependant, les demandeurs n’ont fourni aucune preuve démontrant que les travaux se poursuivent en Chine.
  4. Aucune preuve ne démontre que la plateforme et le logiciel ont été principalement conçus par les demandeurs, avec l’aide de quelques contributeurs externes seulement, comme Cycloids Inc.
  5. Les demandeurs ne sont pas désignés comme « indispensables » à l’entreprise.
  6. Les demandeurs n’apportent pas à l’entreprise une expérience avec la propriété intellectuelle.
  7. Le certificat d’engagement fourni par TRI n’établit pas que Version Chat et Version Pay sont des « partenaires ».

[10]  Compte tenu de ce qui précède, l’agent a conclu que la réponse des demandeurs n’avait pas [traduction« dissipé » les préoccupations énoncées dans la LEP ni démontré qu’ils échappaient à l’application du paragraphe 2(5) des instructions ministérielles. Il a donc rejeté leurs demandes.

III.  LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[11]  Les paragraphes 11(1) et 14.1(1) de la LIPR sont libellés comme suit :

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

[…]

 

Catégorie « immigration économique »

Economic Immigration

14.1 (1) Afin de favoriser l’atteinte d’objectifs économiques fixés par le gouvernement fédéral, le ministre peut donner des instructions établissant des catégories de résidents permanents au sein de la catégorie « immigration économique » visée au paragraphe 12(2) et, à l’égard des catégories ainsi établies, régissant les éléments visés aux alinéas 14(2)a) à g), 26a), b), d) et e) ainsi que 32d) et les frais d’examen de la demande de visa ou de statut de résident permanent, et prévoyant les cas de dispense de paiement de ces frais.

14.1 (1) For the purpose of supporting the attainment of economic goals established by the Government of Canada, the Minister may give instructions establishing a class of permanent residents as part of the economic class referred to in subsection 12(2) and, in respect of the class that is established, governing any matter referred to in paragraphs 14(2)(a) to (g), 26(a), (b), (d) and (e) and 32(d) and the fees for processing applications for permanent resident visas or for permanent resident status and providing for cases in which those fees may be waived.

[12]  Le paragraphe 2(5) des instructions ministérielles concernant la catégorie CDE est libellé comme suit :

But irrégulier

Improper purpose

 

(5) Ne peut être considéré comme appartenant à la catégorie « démarrage d’entreprise » le demandeur qui compte participer, ou qui a participé, à un accord ou à une entente à l’égard de l’engagement principalement dans le but d’acquérir un statut ou un privilège au titre de la Loi et non d’exploiter l’entreprise visée par l’engagement.

(5) An applicant is not to be considered a member of the start‑up business class if they intend to participate, or have participated, in an agreement or arrangement in respect of the commitment primarily for the purpose of acquiring a status or privilege under the Act and not for the purpose of engaging in the business activity for which the commitment was intended.

IV.  LA QUESTION EN LITIGE

[13]  La question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si l’agent a commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte d’éléments de preuve contenus dans les demandes de résidence permanente initiales et les documents y afférents, et en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

V.  LA NORME DE CONTRÔLE

[14]  Les parties s’entendent pour dire que les questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable. Le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

VI.  ARGUMENTS DES PARTIES ET ANALYSE

A.  La question préliminaire — L’admissibilité du mémoire supplémentaire des arguments des demandeurs

[15]  Les demandeurs ont soumis un mémoire supplémentaire des arguments et un affidavit afin de [traduction« mettre à jour le statut des deux entreprises en démarrage mentionnées dans leurs demandes de visa », étant donné que [traduction« les deux projets d’entreprises en démarrage ont connu des développements considérables depuis le dépôt des demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire initiales ». Le défendeur affirme qu’il conviendrait de rejeter le mémoire supplémentaire des arguments ainsi que l’affidavit, ou de ne leur accorder aucun poids, et ce, pour deux raisons : (1) ces documents ont été présentés en retard et (2) ils traitent de faits qui n’ont pas été portés à la connaissance de l’agent.

[16]  C’est une règle bien établie que celle selon laquelle le dossier de preuve soumis à la Cour lors d’un contrôle judiciaire doit se limiter à ce que contenait celui dont disposait le tribunal administratif. En d’autres mots, les éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance du tribunal administratif et qui soulèvent des doutes quant au bien‑fondé de sa décision sont inadmissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au paragraphe 19.

[17]  Le mémoire supplémentaire des arguments et l’affidavit soumis par les demandeurs présentent des éléments de preuve concernant les développements récents dans les deux projets « Version », en particulier ceux qui sont postérieurs au dépôt des demandes de contrôle judiciaire en 2018. De toute évidence, l’agent ne disposait pas de ces éléments de preuve. Qui plus est, ceux‑ci ont trait au fond de l’affaire, comme les demandeurs l’ont eux‑mêmes fait remarquer :

[traduction]

À cet égard, nous soutenons que l’expansion commerciale de VC et VP susmentionnée démontre clairement la viabilité des projets, leur rentabilité, le créneau qu’ils occupent dans le marché et le fait qu’ils ne font pas concurrence.

[18]  Le mémoire supplémentaire des arguments et l’affidavit soumis par les demandeurs sont par conséquent inadmissibles, car ils traitent d’éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance de l’agent et qui ont trait au fond de la décision. Puisqu’il en est ainsi, je n’examinerai que le mémoire initial des arguments des demandeurs ainsi que la réponse.

B.  L’agent a‑t‑il commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte d’éléments de preuve contenus dans les demandes de résidence permanente initiales et les documents y afférents, et en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait?

[19]  Les demandeurs prétendent que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve contenue dans le certificat d’engagement pour les projets « Version » ni de celle produite par Cycloids Inc., laquelle comprend une déclaration écrite, une lettre de confirmation ainsi qu’un rapport d’examen fonctionnel et de spécifications. Le défendeur affirme que les demandeurs ne font qu’inviter la Cour à examiner la preuve de nouveau, car ils ne soulèvent aucune erreur susceptible de révision. Il fait aussi remarquer que l’agent n’est pas obligé de se prononcer sur chacun des éléments de preuve dans sa décision.

[20]  L’agent est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve soumis au tribunal, mais il n’a pas l’obligation de mentionner chacun des documents de la preuve : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16.

[21]  Les demandeurs relèvent trois situations où l’agent a affirmé qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté :

  1. Aucun élément de preuve n’a été fourni en ce qui a trait à la structure de l’actionnariat et aux renseignements sur les actionnaires.
  2. Aucun élément de preuve n’a été fourni pour démontrer que des travaux se poursuivent en Chine sur les projets « Version ».
  3. Aucun élément de preuve n’a été fourni pour démontrer que seules certaines composantes de la plateforme et du logiciel ont été externalisées.

[22]  Cette prétention ne me semble pas fondée. Dans presque tous les cas, les demandeurs n’ont pas réussi à s’acquitter du fardeau qui leur incombait de fournir une preuve suffisante pour étayer leurs demandes de visas de résident permanent. Bien que ces problèmes n’aient pas été mentionnés dans les LEP, les obligations de l’agent en matière d’équité procédurale sont moindres lorsqu’il examine des demandes de visa, et il n’a aucune obligation en ce sens lorsque les demandes ou documents y afférents présentent des lacunes manifestes qui soulèvent des réserves : Kong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1183, aux paragraphes 23‑24; Sapojnikov c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 964, au paragraphe 26.

[23]  Dans la première situation relevée, les demandeurs renvoient au certificat d’engagement daté du 6 juin 2017, lequel fait état d’une proposition de statuts constitutifs, d’une offre de souscription datée du 3 juin 2017, puis d’une autre datée du 7 avril 2017. Version Chat Inc. a été constituée en société le 23 juin 2017; il s’agissait donc de documents antérieurs à la constitution en société. Or, puisque l’agent a mentionné la date de constitution en société de Version Chat Inc. dans sa décision, il ne fait aucun doute qu’il s’est fondé sur les statuts constitutifs ayant servi à la constitution en société, et non sur une proposition. Cela dit, il était raisonnable de la part de l’agent de ne pas se fonder sur cette preuve, étant donné que la société a été constituée quelques semaines après la soumission de la proposition et environ un an avant qu’il ne rende sa décision.

[24]  En ce qui concerne la deuxième situation relevée, les demandeurs s’appuient sur un extrait de la lettre de Cycloids Inc. et sur l’affidavit du demandeur principal, dans lequel ce dernier explique que Version Chat serait en liaison avec la société en Chine. L’agent a mentionné plus d’une fois la preuve contenue dans la lettre de Cycloids Inc. — il l’a donc examinée — et le demandeur principal a souscrit l’affidavit le 26 juillet 2018, environ deux mois après que l’agent eut rendu sa décision le 22 mai 2018 — ce qui signifie que cet élément n’a pas été porté à sa connaissance. Par conséquent, c’est à bon droit que l’agent a fait remarquer qu’il ne disposait pas de preuve appuyant la proposition des demandeurs.

[25]  Les demandeurs prétendent aussi que la preuve démontrait que Version Chat et Version Pay avaient établi un partenariat. L’agent a cependant constaté que le certificat d’engagement fourni par TRI ne faisait aucunement mention du partenariat. De plus, le dossier semble muet en ce qui concerne les recherches menées dans le cadre de Version Pay. Les demandeurs s’appuient sur le fait que Version Pay a obtenu un permis d’entreprise du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE); cependant, aucun des demandeurs n’est nommé sur le permis délivré par le CANAFE. Les demandeurs n’expliquent pas pourquoi cette information ne figure pas au certificat d’engagement et ils s’en remettent plutôt aux renseignements contenus dans la proposition commerciale. Les éléments sur lesquels ils s’appuient sont insuffisants pour démontrer l’existence d’une erreur susceptible de révision, car l’agent a soulevé des questions à l’égard du certificat d’engagement, et non de la proposition commerciale.

[26]  En ce qui concerne la troisième situation, les demandeurs renvoient encore une fois à la lettre de Cycloids Inc. datée du 3 mai 2018, selon laquelle tous les droits de propriété intellectuelle appartiennent à Version Chat Inc. C’est là une simple affirmation sans preuve à l’appui, puisque la titularité des droits de propriété intellectuelle ne signifie pas nécessairement que l’entreprise titulaire a conçu le logiciel. Cette affirmation en soi ne dissipait pas les doutes de l’agent qu’une entreprise autre que celle des demandeurs ait pu avoir conçu la propriété intellectuelle. Il était donc raisonnable pour l’agent de ne pas s’appuyer sur cette preuve, en ce qu’elle ne constituait pas une réponse à ses préoccupations.

[27]  De plus, il semblerait que les demandeurs n’aient pas répondu aux préoccupations de l’agent quant au fait que les documents de l’ARC concernant Version Chat ne font état que d’un seul propriétaire/associé/administrateur, et que celui‑ci n’est pas l’un des demandeurs. De même, aucun élément de preuve ne démontre que les demandeurs apportaient leur expérience en propriété intellectuelle au sein de l’entreprise.

[28]  En ce qui concerne la réponse des demandeurs aux arguments du défendeur, ces derniers renvoient à des documents et soulèvent des questions qui, allèguent‑ils, n’ont pas été pris en compte par l’agent.

  1. Les demandeurs prétendent avoir fourni des explications relativement à l’allégation d’« inexpérience » dans leurs observations écrites en réponse à la LEP.
  2. Les demandeurs prétendent que les projets Version Chat et Version Pay ne sont pas en concurrence l’un et l’autre; au contraire, ils opèrent en symbiose.
  3. Les demandeurs font remarquer que la question du peu de recherches effectuées en ce qui a trait à la concurrence dans le marché a été traitée dans leur réponse par écrit à la LEP.

[29]  Cependant, bien que ces points contestés aient été traités dans la LEP, ils ne sont pas mentionnés dans la décision de l’agent. Par conséquent, l’agent ne s’est pas appuyé sur ceux‑ci pour rejeter les demandes de résidence permanente.

[30]  La Cour reconnaît que l’agent pourrait avoir commis une erreur en s’appuyant sur le fait que les demandeurs n’étaient pas désignés comme étant « indispensables » à l’entreprise dans le formulaire d’engagement, puisque ces derniers avaient reçu la confirmation que l’entité désignée n’avait pas l’obligation de désigner des demandeurs indispensables. Cet avis semble enlever toute utilité au caractère indispensable. De plus, le formulaire semble ne pas contenir d’avis sur l’obligation de fournir des renseignements véridiques, ce qui écarterait toute ambiguïté quant à savoir comment répondre à la question du caractère « indispensable ». Le défendeur fait également remarquer que les demandeurs ont allégué que TRI avait pris une décision stratégique, sans toutefois fournir d’explications à l’agent quant au fondement de cette stratégie. La conclusion selon laquelle les demandeurs n’apportent guère de valeur au projet est étayée par un manque de sérieux manifeste en l’espèce, du fait qu’aucun d’entre eux n’a été désigné indispensable et compte tenu de l’affirmation plutôt inadéquate concernant leur historique de travail.

[31]  Même si la décision de l’agent a été influencée par une ambiguïté attribuable au fait que les demandeurs se sont eux‑mêmes désignés comme n’étant pas indispensables à l’entreprise, il s’agit là d’un motif insuffisant pour passer outre au reste de la preuve appuyant la décision et pour remédier aux autres lacunes de la preuve qui, dans le processus décisionnel, ont amené l’agent à rejeter les demandes de résidence permanente. Par conséquent, la décision de l’agent était raisonnable.

VII.  CONCLUSION

[32]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.


JUGEMENT dans IMM‑2622‑18

LA COUR ORDONNE :

1.  L’intitulé est modifié de manière à ce qu’y soit désigné le défendeur approprié, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de mars 2019

Léandre Pelletier‑Pépin


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER 


DOSSIER :

IMM‑2622‑18

INTITULÉ :

LIANGSHUANG YANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 JANVIER 2019

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

 

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

le 30 janvier 2019

COMPARUTIONS :

Julie Taub

Bhramba Kullur

POUR LE DEMANDEUR

 

Andrew Kinoshita

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Julie Taub

Bhramba Kullur

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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