Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Dossier : T-2022-13

Référence : 2019 CF 129

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

PYRRHA DESIGN INC.

demanderesse

et

PLUM AND POSEY INC.

ET ADRINNA M. HARDY

défenderesses

MOTIFS DU JUGEMENT

TABLE DES MATIÈRES

SECTIONS :

No de PARAGRAPHE

I.  Aperçu

[1] - [8]

II.  Témoins

[9]

A.  Les témoins de la demanderesse

[9] - [21]

B.  Les témoins des défenderesses

[22] - [29]

III.  Contexte factuel

[30]

A.  Création de bijoux à partir de sceaux de cire

[30] - [33]

B.  Création des dessins de Pyrrha

[34] - [41]

C.  Vente des dessins de Pyrrha

[42] - [43]

D.  Bijoux de Plum and Posey

[44] - [52]

E.  Relation judiciarisée

[53] - [66]

IV.  Questions en litige

[67] - [69]

V.  Analyse

[70]

A.  Conclusions dans les instances antérieures

[70] - [81]

B.  Existence du droit d’auteur

[82] - [87]

C.  Protection – Idée ou expression

[88] - [94]

D.  Dessins – Œuvres originales

[95] - [113]

E.  Pertinence de l’entente de règlement à l’égard du droit d’auteur sur les dessins

[114] - [118]

VI.  Violation

[119]

A.  Cadre juridique

[120] - [123]

B.  Similitude importante

[124] - [131]

C.  Application du cadre juridique

[132] - [147]

D.  Accès aux dessins de Pyrrha

[148] - [154]

E.  Défense de la source commune

[155] - [156]

F.  Paragraphe 13 de l’entente de règlement – Présentation commerciale de Pyrrha

[157] - [163]

VII.  Réparations

[164] - [166]

LE JUGE PHELAN

I.  Aperçu

[1]  Voici les motifs du jugement rejetant l’action en violation du droit d’auteur de la demanderesse relativement à neuf (9) bijoux. Les neuf bijoux sont illustrés à l’annexe A de la nouvelle déclaration modifiée et sont reproduits à la fin des présents motifs.

[2]  La demanderesse soutient que les neuf dessins des défenderesses [dessins de Plum and Posey] sont des contrefaçons des neuf dessins de bijoux créés à partir de sceaux de cire de la demanderesse [dessins de Pyrrha] en violation du paragraphe 3(1) et de l’article 27 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42 [la Loi].

[3]  Les dispositions législatives applicables sont les suivantes :

Droit d’auteur sur l’œuvre

Copyright in works

3 (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

3 (1) For the purposes of this Act, copyright, in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof, and includes the sole right

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

(a) to produce, reproduce, perform or publish any translation of the work,

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, …

(b) in the case of a dramatic work, …

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, …

(c) in the case of a novel or other non-dramatic work, …

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, …

(d) in the case of a literary, dramatic or musical work, …

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, …

(e) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, …

f) … une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, …

g) de présenter au public lors d’une exposition, …

(g) to present at a public exhibition, …

h) de louer un programme d’ordinateur …

(h) in the case of a computer program …

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, …

(i) in the case of a musical work, …

j) s’il s’agit d’une œuvre sous forme d’un objet tangible, d’effectuer le transfert de propriété, notamment par vente, de l’objet, dans la mesure où la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur.

(j) in the case of a work that is in the form of a tangible object, to sell or otherwise transfer ownership of the tangible object, as long as that ownership has never previously been transferred in or outside Canada with the authorization of the copyright owner,

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

and to authorize any such acts.

[…]

Règle générale

Infringement generally

27 (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

27 (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

[Caractères gras ajoutés]

[4]  Dans sa nouvelle déclaration modifiée, la demanderesse a sollicité les réparations suivantes : 

[traduction]

Bien que la demanderesse ait sollicité comme réparation des dommages-intérêts punitifs et exemplaires ainsi que des intérêts avant et après jugement, elle n’a présenté aucune observation à cet égard. La demanderesse a également précisé dans ses conclusions finales qu’elle sollicitait des dommages-intérêts préétablis d’un montant de 5 000 $ par œuvre ainsi qu’une injonction permanente.

[5]  Voici les principales questions en litige, telles qu’elles sont libellées dans les actes de procédure :

[6]  La demanderesse, Pyrrha, est une société de la Colombie-Britannique dont les deux administrateurs et dirigeants sont Danielle Wilmore [Mme Wilmore] et Wade Papin [M. Papin]. M. Papin et Mme Wilmore sont des employés de la demanderesse, qui compte 30 employés.

[7]  Les défenderesses sont Plum and Posey Inc. [Plum and Posey], société albertaine établie en Nouvelle-Écosse, et Adrinna Hardy [Mme Hardy], l’unique administratrice et la principale actionnaire et employée de Plum and Posey.

[8]  Pour les motifs qui suivent, la Cour a conclu que même si la demanderesse est titulaire d’un droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha, aucune des défenderesses n’a violé ce droit. Par conséquent, aucun jugement déclaratoire ne sera rendu et la demande de dommages-intérêts et d’injonction est rejetée avec dépens.

II.  Témoins

A.  Les témoins de la demanderesse

[9]  La demanderesse a convoqué cinq (5) témoins profanes et un expert.

[10]  M. Papin a fourni des preuves de l’histoire et de la structure de l’entreprise Pyrrha, de la conception et de la finition des bijoux de Pyrrha, ainsi que des dates de création et de vente des dessins de Pyrrha. Il a rendu un témoignage au sujet de la réputation et du profil de Pyrrha sur le marché. Il a exposé le point de vue de Pyrrha sur Plum and Posey, la contrefaçon alléguée et les autres acteurs du marché. Il a également traité de l’entente de règlement de 2013, d’autres litiges ainsi que des nombreuses mesures prises par Pyrrha pour contrer la présumée contrefaçon de Plum and Posey. Son témoignage portait davantage sur la commercialisation des dessins de Pyrrha que sur la façon dont les dessins de Pyrrha ont été créés sur le plan opérationnel ou artistique. Il avait tendance à exagérer les choses et à éviter de répondre aux questions sur des sujets délicats, de sorte que son témoignage a été interprété avec beaucoup de prudence.

[11]  Mme Wilmore était un témoin à la fois honnête et crédible. Elle a parlé de la qualité artistique et de la sophistication de la création, de la conception et de la production des bijoux de Pyrrha. Elle était passionnée par son travail et a décrit la part de jugement et de talent nécessaire à la création des dessins de Pyrrha. Elle a également abordé les nombreux aspects techniques de la fabrication de bijoux de Pyrrha, l’équipement et les procédés utilisés ainsi que l’embauche et la formation du personnel.

[12]  Erica Somer [Mme Somer] est étudiante à l’Université de Victoria, mannequin à temps partiel, acheteuse des bijoux de Pyrrha et abonnée au compte de Pyrrha sur les médias sociaux. Son témoignage portait sur le fait d’avoir vu des bijoux dans un magasin et d’avoir confondu les bijoux de Plum and Posey avec ceux de Pyrrha. Elle a fait une vidéo des bijoux et l’a publiée sur Instagram en faisant l’éloge des bijoux de Pyrrha, pour plus tard publier une correction expliquant qu’il s’agissait plutôt des bijoux de Plum and Posey.

[13]  Bien que Mme Somer ait sans doute été sincère, j’ai accordé peu d’importance à son témoignage. Elle était une amatrice si manifeste des bijoux de Pyrrha qu’elle était favorable à la position de Pyrrha. Son témoignage paraissait trop préparé pour que je la croie sur parole. Son pouvoir d’observation était discutable puisque sa vidéo montrait clairement un signe indiquant que les bijoux étaient ceux de Plum and Posey, et son message sur Instagram à l’intention de Pyrrha semblait plutôt vouloir attirer l’attention de Pyrrha en ligne. En outre, comme il en sera question plus loin, le point de vue du profane ne constitue qu’une faible partie de l’analyse de la contrefaçon.

[14]  Lea Weir [Mme Weir] est copropriétaire d’une boutique située également à Victoria. Elle a parlé du caractère unique des bijoux de Pyrrha. Son témoignage a confirmé ce que l’on pouvait voir sur les différentes photos de bijoux en ligne – à savoir que le nom du bijou et la [traduction] « carte de signification » qui l’accompagne (indiquant la signification du bijou) font partie de l’attrait de ce type de bijoux.

[15]  En plus de son témoignage sur le caractère unique, Mme Weir a décrit sa propre confusion en voyant certains bijoux de Plum and Posey. Toutefois, l’importance de son témoignage est minée par son entente de vente exclusive avec Pyrrha et son intérêt en matière de ventes et de profits, qui l’incite à défendre le caractère unique des bijoux de Pyrrha et ainsi dévaloriser les bijoux de Plum and Posey. Son enthousiasme pour Pyrrha était évident dans son témoignage.

[16]  Le dernier témoin profane de la demanderesse, qui a témoigné par vidéoconférence depuis la Nouvelle-Écosse, était Samantha Downey [Mme Downey]. Mme Downey travaille à temps partiel pour Plum and Posey et est la seule employée autre que Mme Hardy. Elle a brossé un tableau des opérations du bureau d’Amherst. Elle a décrit ce qu’elle fait avec les pièces brutes, y compris le polissage et l’oxydation. Elle a mentionné des aspects de la fabrication d’un moule à partir d’un sceau de cire ou de l’estampage à l’aide d’un outil à cacheter qui ne lui étaient pas familiers, et a indiqué qu’elle savait peu de choses sur la façon dont Mme Hardy fabriquait un bijou avant l’étape du coulage.

[17]  Mme Downey a témoigné de manière franche et semblait essayer de répondre honnêtement aux questions posées. Les limites du témoignage par vidéoconférence semblent avoir eu une incidence sur la qualité de son témoignage.

[18]  Bien que la demanderesse ait tenté, en posant des questions, de démontrer que le processus de fabrication de bijoux à partir de sceaux à cacheter de Plum and Posey était semblable au sien, le témoignage de Mme Downey, y compris la description de son manque de formation et des activités dans leur ensemble, cadrait davantage avec une production mécanique assez simple qu’avec l’image que la demanderesse a présentée du raffinement, de la qualité artistique, des compétences et de la formation dont sont issues ses activités.

[19]  Le témoin expert de la demanderesse, Karin Jones, est chargée de cours et directrice du département de l’art et de la conception de bijoux (Jewellery Art and Design) au Collège communautaire de Vancouver. Elle a été reconnue à titre d’experte en « art et conception de bijoux ».

[20]  Appliquant la définition d’« originalité » énoncée dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, au paragraphe 16, [2004] 1 RCS 339 [CCH], elle était d’avis que les bijoux de Pyrrha exigeaient un talent et un jugement considérables dans le choix et la conception des bijoux faits à partir de sceaux de cire, ainsi que des compétences pour la production, notamment pour ajouter et retirer des matériaux et déterminer l’épaisseur, la symétrie et la forme des pendentifs. C’est au début et à la fin du processus que l’exercice du talent et du jugement est le plus nécessaire : le choix de la forme, de la taille et de l’image au début et les étapes finales du polissage et de l’oxydation. Cependant, elle a reconnu que l’oxydation et le polissage étaient des techniques couramment utilisées dans la fabrication de bijoux qui n’avaient pas été développées par la demanderesse.

[21]  Le témoignage de Mme Jones était sincère, mais en tant qu’experte, elle manquait d’objectivité. Elle était une admiratrice si enthousiaste de Mme Wilmore et M. Papin, si élogieuse quant à leur contribution à la joaillerie, qu’elle a volontiers accepté de rédiger son rapport en se fondant sur des hypothèses générales qui lui avaient été fournies par la demanderesse, notamment celles voulant que Mme Wilmore et M. Papin avaient pris des décisions artistiques. La Cour est très réticente à admettre son témoignage au sujet de l’originalité.

B.  Les témoins des défenderesses

[22]  Les défenderesses n’ont appelé que deux témoins, Mme Hardy, la directrice de Plum and Posey, et leur témoin expert, Robyn Cornelius [Mme Cornelius].

[23]  Mme Hardy a témoigné sur la structure de l’entreprise Plum and Posey ainsi que sur la conception et la finition des bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire. Elle a également parlé de l’entente de règlement de 2013 et d’autres procédures intentées par la demanderesse pour mettre fin à ses ventes de bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire.

[24]  Elle a dressé un état financier pour montrer le profit versé à Plum and Posey à partir des dessins de Plum and Posey. Cependant, il s’agissait davantage d’un état approximatif des flux de trésorerie qui contenait des erreurs flagrantes que d’un élément sur lequel la Cour pourrait s’appuyer autrement que pour établir l’évidence – que le drainage des frais juridiques pour se défendre contre les nombreuses attaques de la demanderesse a épuisé les ressources limitées de Plum and Posey.

[25]  Mme Hardy a admis connaître les bijoux de Pyrrha et avoir suivi la commercialisation de divers bijoux par Pyrrha. Sans surprise, elle a nié avoir copié ou tenté de copier le travail ou les processus de Pyrrha. Plum and Posey et Pyrrha commercialisent leurs produits par l’intermédiaire des mêmes canaux de distribution, en particulier en ligne sur des sites tels que « Etsy ».

[26]  La demanderesse a demandé à la Cour d’accorder peu ou pas de crédit à Mme Hardy en raison des nombreuses erreurs dans sa preuve, de ses réponses incomplètes aux engagements et de la production de renseignements financiers douteux. J’ai trouvé Mme Hardy généralement crédible, dépassée par les nombreux litiges, mais honnête quant aux faits. Elle a minimisé le talent et le jugement requis pour la fabrication de ce type de bijoux, une position raisonnable compte tenu de son point de vue sur ce qui devait être fait pour fabriquer ses bijoux. J’admets son témoignage quant à l’absence d’intention de copier les dessins de Pyrrha.

[27]  Robyn Cornelius a été reconnue à titre d’experte en matière de confection de bijoux. Elle est diplômée du Collège d’art et de design de l’Alberta et est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts en joaillerie et en arts métalliques. Elle travaille dans le domaine depuis plusieurs années et donne des cours de joaillerie.

[28]  Même si elle a été appelée à réfuter le témoignage de Mme Jones et était d’avis que les bijoux de Pyrrha ne répondaient pas au critère d’originalité établi dans l’arrêt CCH, elle est allée plus loin en fournissant une preuve objective utile (pour la Cour) quant à la fabrication des bijoux à partir de sceaux de cire.

[29]  Malgré le fait que Mme Cornelius connaissait Mme Hardy avant le présent litige et qu’elle a exposé ses propres bijoux avec ceux de Plum and Posey, elle n’a pas perdu son objectivité, a maintenu l’approche qu’il convient à l’expert d’adopter et n’a pas montré un enthousiasme excessif envers le travail des défenderesses. Je l’ai trouvée crédible et, même si je n’admets pas toutes ses conclusions sur les bijoux de Pyrrha, j’attache une grande importance à son témoignage, en particulier en ce qui concerne les diverses compétences requises. Elle a placé ces compétences et le jugement dans un contexte utile, particulièrement en ce qui concerne les processus de finition que sont l’oxydation et le polissage.

III.  Contexte factuel

A.  Création de bijoux à partir de sceaux de cire

[30]  Les bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire, ceux qui font l’objet du présent litige, ne sont pas une invention de Pyrrha. Ce type de bijoux est fabriqué depuis au moins les années 1960. Pyrrha ne revendique pas le droit d’auteur sur le procédé de fabrication des bijoux fait à partir de sceaux de cire, mais sur l’expression de ce procédé que l’on retrouve dans les dessins.

[31]  Les bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire sont créés en transférant l’image d’une empreinte de sceau de cire préexistante ou d’un outil à cacheter préexistant sur un bijou métallique.

[32]  Il existe deux méthodes de fabrication des bijoux à partir de sceaux de cire qui sont pertinentes en l’espèce : la pâte à métaux précieux, ou pâte d’argent, et la fonte à la cire perdue. Ces deux méthodes sont couramment utilisées pour fabriquer des bijoux à partir d’objets « trouvés » tels que des sceaux de cire et des outils à cacheter. Le témoignage des parties principales et de l’experte Cornelius l’a établi. 

[33]  Voici les étapes de la création de bijoux à partir de sceaux de cire :

B.  Création des dessins de Pyrrha

[34]  Mme Wilmore et M. Papin ont commencé à fabriquer des bijoux à partir de sceaux de cire entre 2004 et 2005. Les dessins de Pyrrha ont été créés entre 2004 et 2012.

[35]  Ils ont procédé à des expérimentations pour fabriquer des bijoux à partir de sceaux de cire anciens. Mme Wilmore a fait la majorité du travail de conception et de création des dessins de Pyrrha et des autres dessins de bijoux faits à partir de sceaux de cire de la demanderesse, tandis que M. Papin a participé activement à la commercialisation des produits de Pyrrha.

[36]  La demanderesse produit de 300 à 400 dessins de bijoux à partir de sceaux de cire. Pour fabriquer les bijoux, Mme Wilmore et M. Papin ont utilisé des sceaux de cire et des outils à cacheter anciens datant principalement des XVIIIe et XIXe siècles. Ils ont choisi les sceaux de cire et les outils à cacheter dans leur collection comptant des milliers de sceaux de cire et des douzaines d’outils à cacheter.

[37]  Huit des neuf bijoux ont été créés à l’aide de sceaux de cire anciens qui ont été modifiés avant le moulage et la fonte. Les modifications comprenaient l’ajout et le retrait de cire sur les bords, le craquelage de la cire et le lissage ou l’ajout de rugosité sur les bordures, bien que la plupart des sceaux de cire anciens comportent déjà une certaine forme de bordure.

[38]  Le neuvième bijou, appelé « Full of Spirit », a été fabriqué à l’aide d’un outil à cacheter. Après avoir fait plusieurs empreintes de l’outil à cacheter, ils en ont choisi une à partir de laquelle fabriquer le bijou.

[39]  Mme Wilmore et M. Papin n’ont ni créé ni modifié l’image des sceaux de cire utilisés pour créer leurs bijoux. Ils ont utilisé la méthode relativement courante de la fonte à la cire perdue pour fabriquer leurs bijoux, laquelle ne demandait pas un travail créatif important dans le coulage de leurs bijoux.

[40]  Après avoir coulé les bijoux métalliques arborant l’empreinte des sceaux de cire, Pyrrha a effectué la finition en oxydant et en polissant les pendentifs. Généralement, la finition consistait à noircir les cavités par oxydation et à polir les points surélevés pour produire le contraste mentionné précédemment.

[41]  L’oxydation et le polissage des bijoux fabriqués à partir de sceaux de cire exigent du savoir-faire et, selon Mme Jones, le choix des options de finition à utiliser a sollicité le jugement de Mme Wilmore et de M. Papin.

C.  Vente des dessins de Pyrrha

[42]  Les dessins de Pyrrha étaient accessibles au public sur le site Web de Pyrrha, par l’entremise de ses catalogues ainsi que dans les magasins. Les bijoux arborant les dessins de Pyrrha sont apparus sur le site Web de Pyrrha au moins 4 à 6 semaines après la date de la première vente. En l’espèce, les dessins de Pyrrha et la date de leur première vente sont les suivants :

[43]  Le prix de ces bijoux variait de 48 $ (Boar’s Head) à 262 $ (Three Graces).

D.  Bijoux de Plum and Posey

[44]  Les dessins Plum and Posey ont été créés de 2009 à 2013 environ. Pour fabriquer ses bijoux – plus particulièrement les bijoux visés par le litige – Mme Hardy a utilisé ses propres sceaux de cire et outils à cacheter anciens issus de sa propre collection comptant de 6 000 à 6 200 sceaux de cire et 500 outils à cacheter. Plum and Posey vend de 250 à 260 dessins de sceaux de cire différents.

[45]  Rien n’indiquait ou ne laissait entendre que Mme Hardy avait copié directement les bijoux de Pyrrha en travaillant à partir d’un bijou arborant les dessins de Pyrrha, en faisant le moulage et la finition à partir d’une réplique des bijoux arborant les dessins de Pyrrha Designs. La plainte de Pyrrha porte sur le produit fini de Plum and Posey – ce qu’elle a d’abord appelé [traduction« la présentation et l’aspect » des bijoux.

[46]  Depuis le début de ses activités, en 2009, jusqu’à 2015, Mme Hardy a utilisé la méthode de la pâte d’argent pour créer ses bijoux. Après avoir fait une impression de l’outil à cacheter ou du sceau de cire dans la pâte d’argent, Mme Hardy ajoutait une boucle sur le dessus, apposait sa marque au dos du bijou et lissait les bords de celui-ci.

[47]  En août 2015, Mme Hardy est passée à la méthode de fonte à la cire perdue. C’est une façon moins chère et plus efficace de faire des copies identiques de bijoux. C’est aussi la façon dont Pyrrha coule ses bijoux faits à partir de sceaux de cire. Bien que la méthode de fabrication des bijoux ait changé, la source – la propre collection de sceaux de cire et d’outils à cacheter de Mme Hardy – est restée la même.

[48]  Quand Mme Hardy est passée à la méthode de fonte à la cire perdue, elle a fait des expériences pour trouver le moyen de produire l’image et d’obtenir la bonne forme pour ses bijoux.

[49]  Pour fabriquer ses bijoux en utilisant la méthode de fonte à la cire perdue, Mme Hardy presse un outil à cacheter ancien dans son propre mélange de cire jusqu’à ce qu’elle obtienne une empreinte qui présente l’image désirée et une bordure pleine. Comme auparavant, elle ajoute une boucle sur le dessus et estampille sa marque au dos. Un composé de silicone est utilisé pour fabriquer un moule, de la cire est versée dans le moule pour créer une copie de cire, laquelle est ensuite recouverte de plâtre qui durcira. La cire est ensuite fondue, puis du métal en fusion est versé dans la cavité du moule en plâtre, ce qui crée une réplique du sceau de cire ancien ou de l’empreinte de l’outil à cacheter ancien. Le métal utilisé est généralement l’argent, l’or ou le bronze.

[50]  La finition des bijoux se fait à l’atelier de Plum and Posey en Nouvelle-Écosse, d’abord par le polissage dans un tonneau d’ébavurage puis par l’oxydation au moyen de l’application de produits chimiques. Ensuite, les bijoux sont polis à la main par Mme Hardy pour leur donner l’aspect désiré.

[51]  Plum and Posey vend ses bijoux en ligne sur le site Etsy et ses propres sites Web, de même que par l’entremise de détaillants et d’autres sites Web. Même si le prix des dessins de Plum and Posey et le prix le plus bas des dessins de Pyrrha étaient comparables, les prix de Plum and Posey étaient sensiblement moindres à mesure que l’on montait dans l’échelle, atteignant 109 $ pour le bijou présumément contrefait (« Gratiae – The 3 Graces ») comparativement à 262 $ pour le bijou comparable de Pyrrha (« 3 Graces »).

[52]  Comme il est indiqué précédemment, Mme Hardy a présenté en preuve une certaine forme de calcul financier pour démontrer une marge bénéficiaire de 4,82 %, et pour démontrer que les honoraires professionnels (surtout les frais juridiques) représentaient 23,65 % des dépenses de Plum and Posey. La Cour ne peut tirer de conclusions très poussées à partir de cet exercice comptable parce qu’il s’agissait au mieux d’un calcul approximatif. Compte tenu de l’issue de la présente affaire, l’information était peu pertinente.

E.  Relation judiciarisée

[53]  À la suite de la première lettre de Pyrrha transmise à Plum and Posey en 2010 soulevant des questions de droit d’auteur, Mme Hardy a changé certains des noms de ses bijoux et a ajouté la marque de commerce Plum and Posey à chaque bijou, tout en niant également que Pyrrha était titulaire d’un droit d’auteur ou que Plum and Posey l’avait violé.

[54]  Le 25 mai 2012, Pyrrha a intenté sa première action en violation de marque de commerce et de droit d’auteur devant la Cour fédérale (dossier de la Cour nT-1035-12) contre Plum and Posey relativement à 18 dessins de bijoux. Aucun des dessins de Pyrrha visés par le présent litige ne faisait partie des 18 dessins de bijoux en cause dans le litige de 2012.

[55]  Les parties ont conclu une entente de règlement le 3 octobre 2013, qui a été sanctionnée par une ordonnance du juge de Montigny [l’ordonnance visant l’entente de règlement]. L’entente de règlement portait notamment sur les éléments suivants, qui sont les plus pertinents dans le cadre du présent litige :

[56]  Depuis l’entente de règlement, Pyrrha a intenté quatre (4) actions devant trois (3) tribunaux différents contre les défenderesses – deux en Alberta, une en Colombie-Britannique (qui est toujours en cours) et la présente instance devant la Cour fédérale. En outre, en 2017, M. Papin a envoyé cinq (5) avis d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle au siège social d’Etsy situé aux États-Unis, conformément à la législation américaine, ce qui a eu pour effet de suspendre les ventes en ligne de Plum and Posey sur Etsy pendant 10 jours ouvrables pour chaque avis déposé.

[57]  Pyrrha a intenté la présente action devant la Cour fédérale le 6 décembre 2013 (deux mois après l’ordonnance visant l’entente de règlement), alléguant que 37 des dessins de Plum and Posey étaient des contrefaçons des siens. La déclaration a été modifiée à deux reprises – d’abord pour faire passer de 37 à 41 le nombre de dessins contrefaits, et ensuite (cinq semaines avant le procès) pour ramener le nombre de dessins contrefaits aux neuf en cause.

[58]  Il a été beaucoup question des actions intentées en Alberta dans la présente affaire, mais la Cour a conclu que les arguments des deux parties sur l’incidence de ces actions étaient en grande partie non pertinents.

[59]  En décembre 2013, Pyrrha a allégué devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta que Plum and Posey avait violé l’entente de règlement. La juge Sheilah Martin (maintenant juge de la Cour suprême du Canada) a rejeté l’affaire sommairement et sa décision a été confirmée par la Cour d’appel. Aucune action n’a été intentée devant la Cour alléguant une violation de l’ordonnance visant l’entente de règlement.

[60]  Dans ses motifs, la juge Martin a formulé des commentaires défavorables quant à la crédibilité de M. Papin, sur lesquels les défenderesses cherchent à s’appuyer devant la Cour ou qu’elles veulent que la Cour fasse siens. 

[61]  La juge Martin a également interprété l’entente de règlement, y compris des commentaires formulés sur la présentation commerciale de Pyrrha (expression non définie).

[62]  En août 2015, Pyrrha a intenté une poursuite devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique pour commercialisation trompeuse et violation du droit d’auteur relativement à son site Web et à des photographies de ses bijoux.

[63]  Puis, en novembre 2017, Pyrrha a intenté la deuxième action en Alberta, alléguant la violation de la clause de renonciation de l’entente de règlement. Cette action a été radiée sur le principe de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure. Dans cette action, la juge Hughes a constaté le désir apparent de Pyrrha d’intimider et de mettre en faillite les défenderesses.

[64]  En plus de ces procédures judiciaires, Pyrrha, de juin à décembre 2017, a déposé cinq avis d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle auprès d’Etsy. Cumulativement, ces avis couvraient les neuf dessins de Plum and Posey visés par le présent litige. Chacun de ces avis a eu pour effet d’empêcher les ventes de Plum and Posey sur Etsy pendant 10 jours. Même après que Mme Hardy eut déposé un avis auprès d’Etsy contestant la prétention, l’avis de Pyrrha a eu pour effet de retirer de la vente les produits pendant 10 jours; ensuite, Pyrrha devait déposer une preuve d’injonction interlocutoire, faute de quoi les dessins seraient remis en vente.

[65]  Pyrrha n’a jamais déposé de preuve d’injonction, n’a jamais cherché à obtenir une telle injonction et a pourtant continué à soumettre ces avis. La seule explication raisonnable que la Cour peut en tirer est que chaque avis agissant à titre d’injonction de 10 jours visait à punir Plum and Posey d’une manière qu’un tribunal canadien n’aurait pas sanctionnée.

[66]  Finalement, le protonotaire responsable de la gestion de l’instance a refusé aux défenderesses une modification à cette action visant à ajouter les questions de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure contre la demanderesse.

IV.  Questions en litige

[67]  Les trois questions principales dans le présent procès sont les suivantes :

[68]  Le rôle de l’entente de règlement et des autres instances judiciaires est visé, dans une certaine mesure, par les questions a) et b). Outre l’entente de règlement et le rôle des autres instances judiciaires, les questions principales comportent un certain nombre de sous-questions.

[69]  La présente affaire porte, en réalité, sur la question de la contrefaçon. S’il n’y a pas de contrefaçon, la question de l’existence du droit d’auteur est largement théorique.

V.  Analyse

A.  Conclusions dans les instances antérieures

[70]  Les deux parties, à des degrés divers et pour des questions et des fins différentes, ont fait référence aux conclusions et aux commentaires formulés dans d’autres instances. Toutefois, la demanderesse soutient essentiellement que ces conclusions et commentaires ne sont pas pertinents. Elle s’est opposée à la présentation d’une grande partie de la preuve issue de ces instances; cependant, la Cour les a admises dans le but limité invoqué par les défenderesses pour lequel elles avaient besoin de cette preuve devant la Cour.

[71]  Les défenderesses ont soutenu que la preuve et les conclusions tirées des instances antérieures – particulièrement celle qui s’est déroulée devant la juge Martin – constituaient un élément important de leur défense et étaient nécessaires au contre-interrogatoire. Les conclusions des instances introduites en Alberta ont été jugées pertinentes quant à la crédibilité de M. Papin et à l’interprétation de l’entente de règlement, car celles-ci pourraient avoir une incidence sur le présent procès.

[72]  Le paragraphe 23(1) de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5, permet généralement à toute partie de déposer une preuve d’une procédure ou pièce d’un tribunal provincial. De plus, la portée du contre-interrogatoire est assez large et laisse une grande latitude quant à ce qui peut être soumis à un témoin, particulièrement en ce qui concerne les questions de crédibilité.

[73]  Bien que cette preuve puisse être admissible, aux fins décrites dans la décision de la Cour, sa pertinence et son importance peuvent être évaluées par rapport à l’ensemble du dossier du procès. Il revient au juge du procès de séparer « le bon grain de l’ivraie ».

[74]  Les conclusions de la juge Martin à l’égard de la crédibilité de M. Papin ne sont pas particulièrement pertinentes, importantes ou susceptibles d’être adoptées aux fins de la détermination des questions en litige dans le présent procès.

[75]  Étant donné que M. Papin a été témoin dans le présent procès, les conclusions ne sont pas nécessaires. La Cour peut et doit faire sa propre évaluation de la crédibilité. Les défenderesses ont utilisé les conclusions pour appuyer leur argument selon lequel le témoignage de M. Papin était intéressé et peu fiable. Les défenderesses ont également utilisé les conclusions de la juge Hughes dans la deuxième action intentée en Alberta comme preuve de malveillance à l’endroit de Mme Hardy, à savoir que la demanderesse avait l’intention de l’acculer au mur en lui imposant un lourd fardeau judiciaire.

[76]  La mauvaise foi ou l’intention malveillante du titulaire du droit d’auteur ne constitue pas un moyen de défense à la contrefaçon ni une entrave à la reconnaissance des droits d’auteur. La vigueur avec laquelle la demanderesse a poursuivi Mme Hardy peut également être attribuée à une croyance sincère que cette dernière violait les droits de la demanderesse, ce qui écarte la mauvaise foi ou la malveillance. Les antécédents de la demanderesse à cet égard sont mitigés compte tenu de sa position changeante sur les dessins contrefaits et du fait qu’elle a eu recours à des avis afin que les produits de Plum and Posey soient retirés de la vente pendant 10 jours. Tout bien soupesé, je conclus que la demanderesse était motivée par une croyance raisonnable dans le cadre de son litige contre les défenderesses. Certains de ces éléments peuvent influencer le niveau des dépens adjugés, mais non les questions fondamentales du présent litige.

[77]  La Cour est en mesure de tirer ses propres conclusions sur la crédibilité en tenant compte de la conduite de M. Papin à titre de témoin et, dans la mesure où ces éléments sont utiles, les actions qu’il a intentées antérieurement à l’envoi d’avis de violation des droits de propriété intellectuelle.

[78]  Fait important, les défenderesses n’ont pas présenté aux témoins la déclaration de la juge Martin ou de la juge Hughes. Cela contrevient à la règle énoncée dans Browne c Dunn (1893), 6 R 67 (HL), laquelle se veut plutôt une règle d’équité qu’une règle de preuve.

[79]  En outre, les tribunaux doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils acceptent de leur propre chef les conclusions d’autres juges, en particulier celles qui sont fondées sur des faits, des lois et un contexte différents. La Cour s’appuie sur ses propres observations et sur les documents dont elle est saisie dans le contexte de la présente affaire pour conclure que le témoignage de M. Papin doit être abordé avec prudence – il était plus de nature commerciale que de nature strictement factuelle.

[80]  Je n’adopte pas non plus les conclusions de la juge Martin concernant l’entente de règlement. Ses conclusions doivent être replacées dans le contexte d’une requête en jugement sommaire dont le dossier est beaucoup moins complet que celui dont dispose la Cour. Certaines de ses conclusions étaient également fondées sur l’examen des photos des bijoux – elle n’avait pas l’avantage que la Cour a de disposer des bijoux devant elle. Certaines de ses observations étaient fondées sur des faits qui se sont révélés inexacts. Voilà le risque que pose toujours une procédure sommaire devant un tribunal.

[81]  Bien que l’entente de règlement puisse avoir une incidence sur les conclusions de la Cour, c’est à la Cour que revient de tirer ces conclusions. Comme pour les questions fondamentales en l’espèce, elles doivent être examinées au regard du droit et de la preuve présentée à la Cour. Les conclusions d’autres tribunaux, bien qu’elles soient intéressantes et dignes de respect, ne peuvent déterminer la décision finale de la Cour.

B.  Existence du droit d’auteur

[82]  L’alinéa 5(1)a) de la Loi prévoit les conditions devant être réunies pour que prenne naissance le droit d’auteur dans une œuvre :

5 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d’auteur existe au Canada, pendant la durée mentionnée ci-après, sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale si l’une des conditions suivantes est réalisée :

5 (1) Subject to this Act, copyright shall subsist in Canada, for the term hereinafter mentioned, in every original literary, dramatic, musical and artistic work if any one of the following conditions is met:

a) pour toute œuvre publiée ou non, y compris une œuvre cinématographique, l’auteur était, à la date de sa création, citoyen, sujet ou résident habituel d’un pays signataire;

(a) in the case of any work, whether published or unpublished, including a cinematographic work, the author was, at the date of the making of the work, a citizen or subject of, or a person ordinarily resident in, a treaty country;

[83]  Pyrrha est titulaire de tout droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha en vertu du paragraphe 13(3) de la Loi puisque Mme Wilmore et M. Papin ont créé les dessins de Pyrrha dans le cadre de leur emploi chez Pyrrha. Mme Wilmore et M. Papin sont tous deux citoyens canadiens.

[84]  Les dessins de Pyrrha sont des œuvres artistiques et s’apparentent à des gravures qui, comme les gravures à l’eau-forte, les lithographies, les gravures sur bois et les estampes, sont des reproductions d’images créées antérieurement, mais sur un support différent. Les dessins de Pyrrha s’apparentent dans une certaine mesure à une sculpture créée à l’aide d’un moule ou d’un modèle.

[85]  Bien qu’il y ait peu de jurisprudence au Canada sur la question de savoir si un bijou est une œuvre « artistique », les tribunaux canadiens ont généralement interprété de façon libérale les types d’« œuvres » pouvant être protégées en vertu de la Loi, y compris les « œuvres artistiques » (voir DRG Inc c Datafile Ltd (1987), 18 CPR (3th) 538, à la page 546, [1988] 2 CF 243, (C.F. 1re inst.), confirmé par (1991), 25 ACWS (3d) 711 (CAF) [DRG]).

[86]  Les défenderesses n’ont pas contesté l’affirmation de la demanderesse selon laquelle les bijoux créés à partir de sceaux à de cire constituent des œuvres artistiques.

[87]  Cependant, la question de savoir s’il existe un droit d’auteur sur les dessins Pyrrha dépend de la question de savoir si les dessins de Pyrrha sont (1) des expressions protégées d’une idée et (2) originales.

C.  Protection – Idée ou expression

[88]  Les défenderesses soutiennent que Pyrrha cherche à protéger l’idée de fabriquer des bijoux à l’apparence d’un sceau ancien et renvoient au paragraphe 8 de l’arrêt CCH, dans lequel la Cour suprême du Canada déclare que le droit d’auteur « protège l’expression des idées dans ces œuvres, et non les idées comme telles ». 

[89]  Comme il est établi dans les arrêts Théberge c Galerie d’Art du Petit Champlain Inc, 2002 CSC 34, au paragraphe 5, [2002] 2 RCS 336, et Bishop c Stevens, [1990] 2 RCS 467, à la page 477, 22 ACWS (3d) 568, au Canada, le droit d’auteur tire son origine de la loi, et les droits et recours que celle-ci prévoit sont exhaustifs.

[90]  Pour que le droit d’auteur existe sur une œuvre, celle-ci doit être l’expression fixe d’une idée (CCH, paragraphe 8). Pour déterminer si une œuvre est fixe, comme il a été établi dans Canadian Admiral Corp c Rediffusion, Inc. [1954] EX C 382, page 394, 20 CPR 75, celle-ci doit être exprimée [traduction] « de manière identifiable et avoir une forme matérielle plus ou moins permanente ».

[91]  Par conséquent, le droit d’auteur ne protège pas les idées, les concepts ou les méthodes en soi.

[92]  Pour déterminer s’il y avait une expression fixe d’une idée, la Cour suprême du Canada a examiné, dans l’arrêt Cinar Corporation c Robinson, 2013 CSC 73, aux paragraphes 43 à 45, [2013] 3 RCS 1168 [Cinar], la question de savoir si une œuvre avait des caractéristiques et une présentation visuelle distinctes qui étaient le fruit du talent et du jugement de l’auteur – semblables au critère d’originalité.

[93]  L’arrêt Cinar est particulièrement pertinent dans le cadre du présent litige, tant sur le plan du droit d’auteur que sur celui de la contrefaçon. La Cour a conclu que le droit d’auteur existait dans les personnages et l’environnement d’une émission de télévision en raison de la combinaison particulière des aspects visuels et des traits de personnalité distincts des personnages de l’émission. L’expression distinctive d’une idée est nécessaire parce que le droit d’auteur ne peut exister dans une idée ou une méthode générique.

[94]  J’ai conclu que les dessins de Pyrrha sont une expression fixe puisque la demanderesse revendique le droit d’auteur sur chacun des dessins de Pyrrha, lesquels sont des expressions particulières d’une certaine image issue d’un sceau de cire estampée dans du métal, avec une finition particulière. La prétention de la demanderesse dans sa nouvelle déclaration modifiée, selon laquelle elle a conçu l’idée et mis au point la méthode pour créer des bijoux à partir de sceau de cire, ne peut être admise. La demanderesse ne peut revendiquer le droit d’auteur sur la méthode de fonte à la cire perdue ni sur l’idée de créer des bijoux à partir de certains sceaux de cire. La méthode et l’idée sont du domaine public.

D.  Dessins – Œuvres originales

[95]  La demanderesse prétend que chacun des dessins de Pyrrha constitue une œuvre « originale », au sens où ce terme est défini dans l’arrêt CCH au paragraphe 16. La demanderesse soutient que la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans la décision Beach c Toronto Real Estate Board (2009), [2009] OJ No 5227, au paragraphe 101, 183 ACWS (3d) 570 (C. sup. j. Ont.) [Beach], a confirmé qu’une œuvre fondée sur une œuvre antérieure peut tout de même être « originale » si la nouvelle œuvre est le résultat du talent et du jugement, et non simplement une copie. Les défenderesses adoptent le point de vue tout à fait opposé; ce talent et ce jugement exercés dans la copie d’une autre œuvre ne peuvent conférer de l’originalité.

[96]  Bien que le paragraphe 5(1) de la Loi exige qu’une œuvre soit originale pour que le droit d’auteur existe, la Loi ne définit pas ce qu’est une œuvre « originale ». Toutefois, au paragraphe 28 de l’arrêt CCH, la Cour suprême énonce les trois (3) éléments requis pour qualifier une œuvre d’originale :

[97]  Conformément à l’arrêt CCH, au paragraphe 16, le talent désigne « le recours aux connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence issue de l’expérience pour produire l’œuvre », et le jugement désigne « la faculté de discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options possibles pour produire l’œuvre ».

[98]  Ainsi, il n’est pas nécessaire qu’une œuvre soit créative, nouvelle ou unique pour être originale, mais l’effort de création ne doit pas être un exercice négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. L’affaire CCH illustre cette tension entre l’originalité non créative et l’effort de création dans la conclusion selon laquelle les sommaires, le résumé jurisprudentiel, l’index analytique et la compilation de décisions judiciaires publiées sont tous des œuvres originales, alors que les jugements réels qui figurent dans ces sommaires et autres sont du domaine public et ne peuvent être protégés par le droit d’auteur.

[99]  Une œuvre peut être originale si elle présente sous une forme différente des éléments existants, pourvu qu’un jugement suffisant soit exercé (voir CCH, paragraphe 33; Lainco Inc. c Commission scolaire des Bois-Francs, 2017 CF 825, paragraphe 84; 284 ACWS (3d) 377 [Lainco]; Beach, paragraphe 101).

[100]  Il convient également de tenir compte du fait que dans la définition d’« œuvre artistique » la Loi inclut une gravure. Comme indiqué dans John S McKeown, Fox on Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 4e édition, Toronto, Thomson Reuters, 2003 (feuilles mobiles, mis à jour en 2018), ch 10, p. 10-11(d) [Fox on Copyright], [traduction]« le fait qu’une gravure s’inspire d’une autre œuvre n’exclut pas le droit d’auteur sur la gravure ».

[101]  Comme il a été indiqué précédemment, les « œuvres artistiques » en l’espèce – les dessins des bijoux créés à partir de sceaux de cire – ressemblent beaucoup à une gravure; les bijoux s’inspirent d’une autre œuvre, soit du sceau de cire ou de l’outil à cacheter.

[102]  Ce qui permet de placer le bijou inspiré d’une autre œuvre sous la protection du droit d’auteur c’est le talent et le jugement exercés pour fabriquer un bijou qui dépassent la simple reproduction de l’image. Selon la décision Interlego AG c Tyco Industries Inc, [1988] 3 All ER 949, à la page 971, [1989] AC 217 (CP), une modification ou un embellissement mineur, mais important, peut transformer une œuvre substantiellement copiée en une œuvre originale.

[103]  Des trois facteurs qui déterminent l’originalité, le plus important en l’espèce est l’exercice du talent et du jugement dans la création des dessins de Pyrrha.

[104]  Le premier facteur, la question de savoir si les dessins émanent de Mme Wilmore et M. Papin, n’est pas mis en doute – il est clair que c’est le cas. Le deuxième facteur, la question de savoir si l’œuvre est une copie, s’inscrit mieux dans l’analyse du talent et du jugement puisque, si suffisamment de talent et de jugement sont exercés pour parvenir à dépasser la simple reproduction de l’image, l’œuvre ne constitue pas une copie.

[105]  Compte tenu de l’ensemble de la preuve, plus particulièrement du témoignage de Mme Wilmore, j’ai conclu que la création des dessins de Pyrrha exigeait suffisamment de talent et de jugement. J’écarte dans une large mesure l’exagération de M. Papin et de Mme Jones quant au niveau de modifications apportées et au jugement exercé. Cependant, les dessins résultent de l’exercice non négligeable de talent et de jugement.

[106]  Les dessins de Pyrrha ne sont pas simplement une copie d’un sceau de cire ancien. Bien que l’image soit reproduite à partir d’un sceau ancien, l’expression de l’image du sceau dans le métal est différente de la simple copie d’un dessin ou d’une photographie à partir d’un autre dessin ou d’une autre photographie. Les dessins dépassent la simple réplique du sceau de cire ou la simple reproduction. Talent et jugement ont été exercés pour présenter l’image dans le métal.

[107]  En particulier, Mme Wilmore a fait preuve de talent par sa connaissance du travail de la cire pour modifier les bordures des empreintes de sceaux de cire et a exercé du jugement dans la conception des bordures. Elle a fait preuve de talent et de jugement dans ces décisions relatives à la finition des bijoux en les oxydant avec des produits chimiques noircissants et en les polissant. Le fait que les employés doivent être formés pendant des mois pour effectuer ces tâches (tant chez Pyrrha que chez Plum and Posey) donne à penser qu’un certain niveau de talent est nécessaire.

[108]  Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que le choix des sceaux de cire a exigé de Mme Wilmore et M. Papin l’exercice d’un niveau suffisant de talent et de jugement. Plus particulièrement, il y a peu de preuves pour montrer comment ces neuf sceaux ont été choisis parmi les 300 à 400 sceaux anciens que Pyrrha produit ni comment, parmi toute la collection de sceaux de Pyrrha, ces sceaux ont été choisis. En outre, le processus de sélection est trop étroitement lié à la tentative de protéger les droits d’auteur d’une idée.

[109]  Le droit d’auteur existe à l’égard de chaque dessin de Pyrrha pris individuellement dans la mesure où Pyrrha a pris l’image d’un sceau de cire et l’a exprimée dans le métal d’une manière particulière.

[110]  Comme il a été reconnu dans la décision Rains c Molea, 2013 ONSC 5016, aux paragraphes 13 à 16, 231 ACWS (3d) 787 [Rains], l’utilisation de techniques et de méthodes courantes peut encore donner lieu à une œuvre originale. Mme Cornelius, l’experte des défenderesses, a reconnu qu’il existe une variété d’options de finition pour les bijoux en argent et que l’oxydation et le polissage sont des techniques très courantes.

[111]  Mme Cornelius était d’avis que le talent et le jugement qu’ont exercé Mme Wilmore et M. Papin seraient les mêmes que pour les autres joailliers, et elle a donc reconnu qu’il y a eu un certain exercice de talent et de jugement. La loi ne mentionne pas que le talent et le jugement du créateur doivent être différents ou supérieurs à ceux d’autres personnes compétentes. C’est l’expression ultime du bijou qui est protégée, et non le caractère unique du talent et du jugement.

[112]  La barre à franchir pour établir l’originalité est peu élevée. Comme il est résumé dans la décision Lainco, au paragraphe 95, les tribunaux canadiens ont reconnu le statut d’œuvre originale à des œuvres relativement simples. Compte tenu de cette norme, Pyrrha a établi que les dessins de Pyrrha sont des œuvres originales. Le corollaire de ce critère peu exigeant se reflète dans la norme plus exigeante applicable à une conclusion de contrefaçon de l’œuvre originale.

[113]  Contrairement à la position des défenderesses, les dessins de Pyrrha n’ont pas besoin d’être nouveaux, uniques ou créés au moyen de méthodes novatrices pour être considérés comme des œuvres originales. Les expressions finales des dessins de Pyrrha sont originales parce que Mme Wilmore et M. Papin ont exercé suffisamment de talent et de jugement en choisissant de créer les bordures et les finitions particulières pour exprimer une image spécifique dans le métal.

E.  Pertinence de l’entente de règlement à l’égard du droit d’auteur sur les dessins

[114]  Les deux parties ont beaucoup insisté sur l’importance de l’entente de règlement ainsi que sur sa portée et son incidence au regard des questions dont la Cour est saisie. Le recours à l’entente de règlement pour les besoins de l’espèce est injustifié.

[115]  La demanderesse s’appuie sur l’entente de règlement pour faire valoir que les défenderesses ont déjà reconnu le droit d’auteur sur les bijoux de Pyrrha de manière générale. L’entente de règlement reconnaissait, entre les parties, le droit d’auteur sur 18 dessins qui ne sont pas en cause en l’espèce.

[116]  À mon avis, la reconnaissance de l’existence d’un droit d’auteur entre les parties en vertu de l’entente de règlement ne peut conférer un droit d’auteur en vertu de la Loi. Tout au plus, elle peut servir de fin de non-recevoir à l’encontre de la partie qui admet l’infraction. En outre, l’admission ne porte que sur les 18 pièces en cause dans ce litige; elle ne concerne pas les 9 pièces visées en l’espèce. Les défenderesses n’ont pas admis de manière générale le droit d’auteur de Pyrrha sur ses bijoux, et elles ont toujours rejeté une telle notion.

[117]  Le fait que la demanderesse a intenté le présent litige concernant des dessins de Pyrrha peu de temps après l’entente de règlement, plutôt que d’intenter des procédures en vertu de l’ordonnance visant l’entente de règlement, établit une distinction claire entre les deux affaires et la portée ou l’incidence de cette entente de règlement.

[118]  Néanmoins, j’ai conclu que Pyrrha détient le droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha.

VI.  Violation

[119]  Ayant établi la validité de la revendication du droit d’auteur de la demanderesse sur ses neuf dessins (ou même en supposant que ce soit le cas), la Cour ne conclut pas que le droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha a été violé par Plum and Posey.

A.  Cadre juridique

[120]  Aux termes du paragraphe 27(1) de la Loi, constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement d’un acte que seul ce titulaire a la faculté d’accomplir. Un de ces droits est le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre (paragraphe 3(1)). La contrefaçon existe également lorsqu’il y a une imitation déguisée de l’œuvre (article 2).

[121]  En l’espèce, Pyrrha devait établir soit une preuve directe de copie – dont il n’existe aucune preuve – soit deux éléments constitutifs de contrefaçon : 

  • 1. Similitude – l’œuvre contrefaite et l’œuvre protégée, ou une partie importante de celle‑ci, doivent être suffisamment similaires;

  • 2. Accès – preuve d’un accès à l’œuvre ou d’un lien entre les deux œuvres démontrant que l’œuvre protégée est la source dont découle l’œuvre contrefaite.

(Voir Phillip Morris Products S.A. c Malboro Canada limitée, 2010 CF 1099, paragraphe 315, 195 ACWS (3d) 237, confirmé en ce qui concerne la question du droit d’auteur dans 2012 FCA 201, paragraphe 119, autorisation d’interjeter appel devant la CSC refusée [2012] CSCR no 413 [Phillip Morris].)

[122]  La preuve, par la demanderesse, d’une similitude suffisante et d’un accès à l’œuvre constituerait une preuve prima facie de contrefaçon. Toutefois, si les défenderesses démontrent que l’œuvre contrefaite est le fruit d’un travail inspiré d’une source commune ou qu’il s’agit d’une création indépendante, on ne peut pas conclure à la contrefaçon (Phillip Morris, paragraphe 320).

[123]  Comme il a été mentionné précédemment et confirmé dans la décision DRG, à la page 548, l’œuvre contrefaite doit copier une partie importante de l’œuvre protégée par le droit d’auteur, et plus l’œuvre protégée est simple, plus il est nécessaire d’établir la copie exacte afin d’établir la contrefaçon.

B.  Similitude importante

[124]  L’arrêt Cinar nous donne la principale orientation de la Cour suprême du Canada sur la question de la similitude importante. Les défenderesses ont tort de se fonder sur l’arrêt Delrina Corp c Triolet Systems Inc (2002), 58 OR (3d) 339, 112 ACWS (3d) 141 [Delrina] de la la Cour d’appel de l’Ontario puisque l’arrêt Cinar a renversé la jurisprudence antérieure.

[125]  Une œuvre contrefaite est réputée copier une « partie importante » lorsqu’elle a recréé une partie importante de l’originalité de l’œuvre protégée par le droit d’auteur.

[126]  Selon l’arrêt Cinar (paragraphes 26 à 43), la question de la reproduction d’une « partie importante » est évaluée au moyen d’un examen qualitatif et global de l’œuvre protégée et de l’œuvre prétendument contrefaite. La Cour suprême du Canada a établi les étapes analytiques à suivre par le juge du procès :

[127]  Dans des décisions comme Delrina et Rains, une approche moins globale a été adoptée. Dans l’arrêt Cinar, au paragraphe 36, contrairement à ce qui s’est passé dans la décision Delrina, la Cour a affirmé que le juge du procès ne devrait pas exclure les éléments non protégés des œuvres puis comparer les similitudes qui restent. Le tribunal devrait plutôt faire une comparaison globale et déterminer si les similitudes représentent une partie importante de l’originalité de l’œuvre protégée dans son ensemble.

[128]  Cette approche globale et qualitative permet aux éléments non originaux de s’insérer dans la part importante du talent et du jugement d’un auteur lorsque la combinaison particulière de ces éléments a été copiée par l’auteur présumé de la contrefaçon.

[129]  De légères différences entre les œuvres n’empêchent pas nécessairement d’invoquer avec succès la similitude lorsque de telles différences constituent une imitation déguisée (Cinar, paragraphe 39; article 2 de la Loi).

[130]  Contrairement aux cas de confusion en matière de marques de commerce, l’analyse d’une similitude importante est fondée sur la question de savoir si une partie importante de l’œuvre a été reproduite – pas nécessairement sur celle de savoir si un profane pourrait relever les similitudes. Il ne s’agit pas d’une situation de « consommateur pressé » souvent évoquée dans les cas de confusion en matière de marques de commerce.

[131]  Il faut évaluer la similitude importante du point de vue d’une personne qui peut évaluer et apprécier pleinement tous les aspects pertinents de l’œuvre (Cinar, paragraphe 51). Cette tâche incombe au juge de première instance, possiblement éclairé par le témoignage d’experts sur l’art dont il est question, mais le juge doit tenir compte de la preuve dont il dispose concernant les aspects pertinents de l’œuvre.

C.  Application du cadre juridique

[132]  Comme il est établi dans l’arrêt Cinar au paragraphe 26, le critère est celui de savoir si les similitudes entre les œuvres représentent « une part importante du talent et du jugement de l’auteur ». La question n’est pas de savoir si les similitudes représentent visuellement une partie importante de l’œuvre (éléments non originaux et originaux), mais plutôt si les défenderesses ont copié une part importante de l’originalité des dessins de Pyrrha. 

[133]  L’originalité des dessins de Pyrrha réside dans la combinaison particulière de l’image du sceau de cire avec la bordure et la finition particulières utilisées pour chacun des dessins de Pyrrha. Comme il a été mentionné précédemment, le fait que ces œuvres sont relativement simples et protégées par le droit d’auteur signifie qu’une copie plus exacte est nécessaire pour atteindre le seuil de la contrefaçon.

[134]  Même s’il peut être utile de connaître le point de vue du profane, il n’est pas suffisant. La vraie question est celle de savoir s’il y a des similitudes importantes d’après les parties pertinentes des œuvres, y compris les similitudes latentes qui ne sont pas nécessairement évidentes pour le profane, mais qui peuvent influencer son expérience en tant que spectateur de l’œuvre (Cinar, paragraphes 51-52).

[135]  En l’absence de témoignage d’expert sur la contrefaçon, la demanderesse a reconnu que le juge du procès, ayant une certaine connaissance de l’objet du litige, doit faire l’évaluation. La demanderesse soutient que l’examen des œuvres devrait être effectué à une distance de 2 à 3 pieds, car c’est probablement à cette distance qu’un acheteur se ferait une idée de l’œuvre.

[136]  Ce n’est qu’un point de vue parmi d’autres pour examiner les bijoux. Afin d’effectuer une analyse globale plutôt qu’impressionniste, il a été utile pour la Cour d’avoir devant elle les bijoux proprement dits.

[137]  Le témoignage de Mme Somers et de MmeWeir était une analyse « rapide », plus proche de celle du consommateur pressé qui jette un coup d’œil dans une vitrine.

[138]  Si l’on considère les dessins de Pyrrha et les œuvres de Plum and Posey dans leur ensemble, aucune des œuvres de Plum and Posey n’a reproduit une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans les dessins de Pyrrha. En conclusion, j’ai appliqué un seuil de similitude relativement plus élevé étant donné la simplicité des œuvres, notamment pour éviter de limiter l’utilisation des dessins et techniques qui relèvent du domaine public.

[139]  Limiter le recours à l’oxydation de façon générale dans la fabrication de bijoux en argent serait incompatible avec l’un des objets de la Loi – encourager la créativité dans l’utilisation d’éléments relevant du domaine public. Cela reviendrait à évoquer le droit d’auteur sur une méthode couramment employée dans la fabrication de bijoux. Par conséquent, seule la façon particulière dont l’oxydation est utilisée dans chaque dessin de Pyrrha, combinée aux autres caractéristiques du bijou en question, peut être protégée.

[140]  Il en va de même pour le polissage, qui est un procédé courant en joaillerie, en particulier dans la fabrication de bijoux à partir de sceaux de cire. Le polissage, en surface ou en profondeur, est une méthode courante et relève du domaine public.

[141]  Les produits finis des dessins de Pyrrha et des dessins de Plum and Posey ont été déposés à la Cour à titre de pièces. Des images des bijoux seuls et en comparaison les uns avec les autres ont également été présentées en preuve.  

[142]  La Cour a observé des différences notables entre les bijoux réels et même entre les photographies de ceux-ci. En raison des limites des photographies, dans lesquelles les détails et les nuances sont plus difficiles à percevoir qu’à l’examen physique, la Cour a préféré comparer les véritables objets déposés comme pièces. 

[143]  La preuve comprenait également de nombreuses copies de l’exposition en ligne de bijoux sur des sites Web comme Etsy – apparemment un canal clé de distribution et de vente pour ces types de produits. La nature et la qualité des photographies en ligne ont une incidence sur les comparaisons; les différences entre les dessins de Pyrrha et ceux de Plum and Posey étaient tout de même observables.

[144]  En comparant les objets déposés comme pièces, ces différences étaient plus perceptibles.

[145]  Le tableau suivant présente l’évaluation que la Cour a faite des bijoux visés par le présent litige. L’évaluation est fondée sur l’examen des bijoux réels plutôt que sur l’examen de photographies ou d’impressions depuis les sites Web. L’évaluation porte sur les dessins de Plum and Posey qui ont été réalisés avec la méthode de fonte à la cire perdue à compter de 2015, étant donné que Pyrrha a soutenu que ces dessins étaient plus similaires aux dessins Pyrrha que les bijoux fabriqués par Plum and Posey en 2013 au moyen de la pâte d’argent. Seuls les véritables bijoux de Plum and Posey produits au moyen de la fonte à la cire perdue ont été déposés en preuve.

Dessin de Pyrrha

Dessin de Plum and Posey

Similitudes générales

La question de savoir si ces similitudes constituent une part importante du talent et du jugement de Pyrrha

Three Graces

Gratiae – The Three Graces

Les deux dessins présentent une image similaire, mais non identique, de trois femmes nues. Les dessins sont tous les deux de forme ovale. Les deux dessins présentent une bordure lisse et arrondie, bien que la bordure du dessin de Pyrrha soit plus épaisse et comporte plus de dépressions en surface. Les deux dessins sont oxydés, bien que l’oxydation sur celui de Pyrrha semble être plus noire. Les femmes au centre de l’image sont polies dans les deux dessins. Cependant, les femmes de l’image ne sont pas aussi polies dans le dessin de Plum and Posey.  

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. Dans l’ensemble, j’accorde peu de poids au fait que l’image est semblable étant donné qu’elle est du domaine public. L’expression particulière de l’image du sceau dans le métal n’est pas très similaire, en raison des différences dans le degré de polissage de l’image et de celles au niveau de l’épaisseur et de la texture des bordures.

Heart Lock

Heart Padlock

Les deux pendentifs présentent une image similaire, mais non identique, d’un cadenas en forme de cœur. Les deux pendentifs sont oxydés, bien que le contraste entre le cadenas et l’arrière-plan soit plus marqué sur le pendentif de Pyrrha. Le pendentif de Pyrrha présente une forme ovale, alors que celui de Plum and Posey est de forme ronde. La bordure du pendentif de Pyrrha est plus fendillée et déformée que celle des dessins de Plum and Posey, qui est arrondie.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. Les bordures du sceau de cire n’ont pas la même forme, et l’oxydation et le polissage sont différents selon le dessin.   

I Am Ready

Stags Crest – I Am Ready

Les deux pendentifs présentent une image similaire, mais non identique, de la tête d’un cerf et d’une bannière. Sur le pendentif de Pyrrha, il est inscrit « Je Suis Pret », alors que sur le celui de Plum and Posey, il est inscrit « Je Suis Prest ». De manière générale, le pendentif de Pyrrha est beaucoup plus petit. Le pendentif de Plum and Posey est plus plat et de forme carrée. Les deux sont oxydés, présentant des teintes de gris foncé ou de noir, mais le contraste entre le cerf et l’arrière-plan sur le pendentif de Pyrrha est plus marqué.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. L’expression particulière de l’image dans le métal n’est pas similaire entre les deux dessins parce que les bordures, la forme, la taille et le niveau d’oxydation des bijoux diffèrent.

Sweetness

Rose and Butterfly – Thy Sweetness Is My Life

Les deux pendentifs présentent des images différentes d’une rose et d’un papillon avec l’inscription « Thy Sweetness is My Life » enroulée autour de l’image. La forme de la bordure est assez similaire entre les deux dessins. Le dessin de Pyrrha est plus gros que celui de Plum and Posey. Les bordures du pendentif de Pyrrha sont plus texturées que les bordures lisses du pendentif Plum and Posey. Les deux images présentent une oxydation sombre en arrière-plan, bien que l’image de Pyrrha soit plus brillante.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. Cependant, de tous les dessins, celui­ci, de même que le dessin Full of Spirit/Rooster, sont près d’être similaires pour l’essentiel. La forme de la bordure, combinée à cette image et à l’oxydation foncée, se rapproche de la reproduction d’une part importante du talent et du jugement de Pyrrha. Toutefois, étant donné la nature relativement simple de cette œuvre, le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement de Pyrrha susceptible de constituer une contrefaçon, car la texture de la bordure et la taille diffèrent tout de même.

Faithful

Faithful

Les deux pendentifs présentent une image quasi identique d’un chien de profil et de l’inscription « Faithful ». Les pendentifs sont de taille et de forme circulaire similaires. Cependant, les bordures du pendentif de Pyrrha sont plus épaisses et présentent plusieurs fissures et lignes, tandis que les bordures du pendentif de Plum and Posey sont plus fines, sans fissures ni lignes. Les deux pendentifs présentent une oxydation foncée en arrière-plan, bien que le chien sur le pendentif de Pyrrha soit plus poli pour contraster avec l’arrière-plan que sur le pendentif de Plum and Posey.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. L’expression particulière de l’image du chien dans le métal n’est pas suffisamment similaire pour constituer une part importante de l’expression originale de Pyrrha. Les bordures et le niveau d’oxydation diffèrent.

Crown

Petite Crown

Les deux pendentifs présentent l’image similaire, mais non identique, d’une couronne. Les pendentifs ont une forme circulaire similaire et présentent un deuxième cercle au milieu. L’arrière-plan des deux pendentifs est oxydé foncé, bien que le pendentif de Pyrrha soit plus poli que celui de Plum and Posey. Les deux bordures sont relativement épaisses et arrondies. Les bordures du pendentif de Plum and Posey sont plus épaisses. Les bordures du pendentif de Pyrrha présentent des lignes et des fissures qui ne se retrouvent pas sur celui de Plum and Posey. Le pendentif de Plum and Posey est légèrement plus gros.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. L’expression particulière de l’image de la couronne dans le métal n’est pas, pour l’essentiel, similaire dans les deux dessins. Bien que la forme du bijou et l’épaisseur des bordures soient assez semblables, la texture des bordures, la taille et le degré de polissage des bijoux sont différents.

Bond of Friendship

Friendship – Clasped Hands

Les deux pendentifs présentent une image légèrement différente de mains jointes. Les pendentifs sont de taille et de forme circulaire similaires. Cependant, les bordures du dessin de Pyrrha sont plus épaisses et plus brillantes que celles du pendentif Plum and Posey. Les deux dessins présentent une oxydation foncée en arrière-plan, mais l’image sur le pendentif de Pyrrha est polie pour mieux contraster avec l’arrière-plan. De plus, le pendentif de Pyrrha présente une bordure intérieure déformée et une bordure extérieure au fini plus texturé.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. L’expression particulière de l’image des mains jointes dans le métal n’est pas, pour l’essentiel, similaire dans les deux dessins. Les bordures et le niveau de polissage diffèrent. 

Boar’s Head

Warrior – Boar’s Head

Les deux pendentifs présentent une image similaire, mais non identique, d’une tête de sanglier. Les bordures des deux bijoux sont bulbeuses. La forme des pendentifs est différente; le pendentif de Plum and Posey est plus rond, tandis que celui de Pyrrha est de forme plus irrégulière. Les deux pendentifs présentent une oxydation foncée en arrière-plan, bien que l’arrière-plan du pendentif de Pyrrha soit plus foncé et que l’image du milieu soit plus polie.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. L’expression particulière de l’image de la tête de sanglier dans le métal n’est pas, pour l’essentiel, similaire dans les deux dessins. Toute similitude dans l’irrégularité de la bordure semble résulter de la forme de bouclier du sceau de cire utilisé. La forme globale des pendentifs est différente.

Full of Spirit

Rooster – While I Live I’ll Crown

Les deux pendentifs présentent l’image similaire, mais non identique, d’un coq avec l’inscription « While I Live I'll Crow ». Les bordures sont épaisses et arrondies, bien que le pendentif de Pyrrha présente une bordure légèrement plus épaisse, texturée et moins arrondie. Les pendentifs ont la même forme circulaire, bien que le pendentif de Plum and Posey soit légèrement plus large sur les côtés. Sur les deux pendentifs, l’oxydation est foncée et l’image et les lettres sont polies.

Le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement que l’on retrouve dans le dessin de Pyrrha. Cependant, ce dessin, de même que le dessin « Sweetness », sont près d’être similaires pour l’essentiel. La forme arrondie du bijou et l’épaisseur de la bordure, combinée à l’image similaire du coq et à l’oxydation foncée, se rapprochent de la reproduction d’une part importante du talent et du jugement de Pyrrha. Toutefois, étant donné la nature relativement simple de cette œuvre, le dessin de Plum and Posey ne reproduit pas une part importante du talent et du jugement de Pyrrha susceptible de constituer une contrefaçon, car les bordures diffèrent tout de même. En outre, peu de modifications semblent avoir été apportées au moule de cire de ce dessin de Pyrrha étant donné qu’il a été créé par l’estampage d’un outil à cacheter dans la cire. 

[146]  Pour réaliser cette évaluation, j’ai adopté l’approche qualitative globale énoncée dans l’arrêt Cinar. J’ai examiné toutes les similitudes pour ensuite déterminer si elles représentaient une part importante du talent et du jugement de l’auteur. Dans cette deuxième étape, les similitudes dans les images ne constituaient pas une part importante du talent et du jugement de l’auteur étant donné que les images sont du domaine public (voir aussi l’exposé sur le choix des images au paragraphe 109). Les images ne sont prises en compte que pour déterminer si l’expression globale de l’image du sceau de cire, combinée aux bordures et à la finition, est essentiellement similaire.

[147]  En outre, je n’ai pas trouvé que les dessins de Plum and Posey constituaient une « imitation déguisée » des dessins de Pyrrha. Les différences ne semblent pas avoir été ajoutées superficiellement ou d’une manière qui donne à penser que Mme Hardy dissimulait l’imitation présumée. Les différences sont plus vraisemblablement le résultat de l’utilisation d’images similaires (mais non identiques) provenant de sources distinctes (la propre collection de chaque partie), et du choix de modifier et de finir les bijoux d’une manière légèrement différente.

D.  Accès aux dessins de Pyrrha

[148]  Comme Plum and Posey avait accès aux dessins de Pyrrha et vu les similitudes alléguées, la demanderesse soutient qu’il existe une preuve prima facie de contrefaçon de la part des défenderesses. Cette allégation serait plus importante si la Cour avait conclu que les défenderesses avaient violé le droit d’auteur sur les dessins de Pyrrha, mais étant donné que la Cour a conclu à l’absence de contrefaçon, la question de l’accès est secondaire.

[149]  Les défenderesses ont été étrangement muettes dans leurs observations écrites.

[150]  Les dessins des bijoux de Pyrrha sont, de façon générale, accessibles depuis 2005 dans des magasins, sur son site Web, ainsi que dans des catalogues, magazines, médias, films et émissions de télévision. Mme Hardy a admis suivre le site Web et les médias sociaux de Pyrrha depuis 2010, lorsqu’elle a reçu la première [traduction] « lettre de mise en demeure » de l’avocat de Pyrrha.

[151]  De toute évidence, la lettre de mise en demeure de l’avocat en 2010 et la poursuite ont attiré l’attention des défenderesses sur les dessins de Pyrrha. La demanderesse ajoute que le nouveau site Web et la nouvelle publicité de Plum and Posey montrent qu’il y a reproduction des dessins de Pyrrha. Le changement apporté au site Web en 2015 pour présenter les bijoux de Plum and Posey sur fond blanc serait similaire à celui de Pyrrha, tout comme le premier catalogue de vente de Plum and Posey parce qu’il présentait des photos similaires de femmes portant des pendentifs sur une toile de fond, semblable à ce qui était présenté dans le catalogue 2015 de Pyrrha.

[152]  Je conclus que Pyrrha a établi que Mme Hardy avait accès aux dessins de Pyrrha avant de créer ses propres dessins (à l’exception du dessin « I Am Ready »). Les dessins de Pyrrha ont été créés et vendus avant la date de création des bijoux de Plum and Posey. Pyrrha n’a pas démontré que le dessin « I Am Ready » avait clairement été créé avant le dessin « Stags Crest – I Am Ready » de Plum and Posey.

[153]  Toutefois, l’accès ne permet pas en soi d’établir la contrefaçon. Il ne fait aucun doute que Pyrrha a montré à Plum and Posey, et potentiellement à d’autres, ce qu’il est possible de faire à partir de sceaux de cire. En fait, Pyrrha a peut-être inspiré Mme Hardy à fabriquer des bijoux à partir de sceaux de cire, mais Pyrrha n’a pas de droit d’auteur sur l’idée des bijoux faits à partir de sceaux de cire ni sur le processus utilisé pour créer de tels bijoux – seulement sur l’expression que l’on trouve dans chaque bijou.

[154]  Il n’y a pas suffisamment de preuves pour me convaincre que les modifications apportées au site Web de Plum and Posey en 2015 et au catalogue en 2017 constituent de la copie, comme l’allègue la demanderesse. Sans preuve du contraire, l’utilisation d’un fond blanc pour présenter les bijoux semble être une façon de faire moderne courante sur les sites Web. L’utilisation d’images de femmes dans un décor extérieur dans un catalogue de vente de bijoux visant principalement les femmes est courante et ne peut être protégée. De plus, les mannequins sont exposées, posées et habillées différemment.

E.  Défense de la source commune

[155]  Étant donné que la Cour a conclu à l’absence de contrefaçon, la défense relative à la question de source commune n’est pas pertinente. Cette défense peut être invoquée lorsque la similitude entre les dessins découle de l’utilisation d’idées conventionnelles comme source commune (voir Phillip Morris, paragraphe 320).

[156]  Cependant, en l’espèce, les éléments graphiques des bijoux en métal – l’apparence particulière des bordures et l’oxydation – ne proviennent pas d’une source commune. S’il y avait eu copie d’une part importante de l’originalité du dessin, la défense de la source commune n’aurait pas empêché de conclure à une violation du droit d’auteur.

F.  Paragraphe 13 de l’entente de règlement – Présentation commerciale de Pyrrha

[157]  Le paragraphe 13 de l’entente de règlement est une disposition de renonciation en vertu de laquelle Pyrrha a dégagé les défenderesses de toute action éventuelle à l’égard de la présentation commerciale de Pyrrha.

[158]  Les défenderesses soutiennent que la disposition interdit à Pyrrha d’alléguer une contrefaçon par les défenderesses à l’égard de questions telles que l’apparence foncée attribuable à l’oxydation et les bordures du sceau de cire.

[159]  Le paragraphe 13 est rédigé comme suit :

[traduction]

13.  Par les présentes, Pyrrha dégage les défenderesses, leurs successeurs, ayants droit, héritiers, représentants légaux, mandataires, mandants, employés, assureurs et toutes autres personnes, entreprises ou sociétés, qui pourraient être responsables ou qui pourraient être tenus responsables, de tout contrat, réclamation, demande, dommage, cause d’action, poursuite ou autre procédure de quelque nature que ce soit, connu ou non, qu’on en soupçonne l’existence ou non, découlant de la présumée violation par les défenderesses de la présentation commerciale de Pyrrha et/ou des droits d’auteur de Pyrrha sur les dessins de bijoux figurant à l’annexe « A » ci-jointe, au plus tard à la date d’entrée en vigueur.

[160]  L’une des nombreuses difficultés que soulève cette disposition vient du fait qu’elle a été présentée lors de la plaidoirie sans preuve appropriée sur laquelle la Cour pouvait se fonder pour interpréter correctement la disposition.

[161]  La difficulté semble découler du jugement rendu de vive voix rendu par la juge Martin au sujet d’une requête sommaire, et pourrait avoir été exacerbée par les commentaires de M. Papin lors de l’interrogatoire préalable. 

[162]  L’une des caractéristiques clés de la disposition est l’expression [traduction« présentation commerciale de Pyrrha », laquelle n’est pas définie dans l’entente de règlement. En l’absence de preuve appropriée en ce qui concerne l’utilisation de termes, leur signification et la portée de la renonciation, il n’est ni nécessaire, ni sage, ni possible pour la Cour de se prononcer sur les questions découlant du paragraphe 13.

[163]  Par conséquent, rien ne semble empêcher la demanderesse de poursuivre la présente action relativement au paragraphe 13 de l’entente de règlement.

VII.  Réparations

[164]  Compte tenu de la conclusion de la Cour selon laquelle il n’y a pas eu contrefaçon, l’analyse sur l’injonction et les dommages-intérêts sollicités par la demanderesse est théorique.

[165]  La propriété a été établie sur la base du dossier et la demanderesse cherche à obtenir un jugement déclaratoire portant que, en ce qui concerne les parties, elle est titulaire d’un droit d’auteur, mais elle n’a pas expliqué l’utilité pratique d’une telle déclaration en l’absence d’un constat de contrefaçon. Par conséquent, aucun jugement déclaratoire ne sera rendu à cet égard.

[166]  Les défenderesses ont droit à ce que la présente action soit rejetée avec dépens. Les parties auront 30 jours pour présenter des observations au sujet des dépens.

« Michael L. Phelan »

Ottawa (Ontario)

Le 30 janvier 2019

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de mars 2019

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE A





 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.