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Date : 20190129


Dossier : T‑210‑12

Référence : 2019 CF 122

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2019

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

JENNIFER MCCREA

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La demanderesse et la défenderesse introduisent la présence requête conjointe en vertu de l’article 334.29 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles] pour demander l’approbation de l’entente de règlement dans le cadre du présent recours collectif. Dans l’entente de règlement, les parties demandent également une rétribution de 10 000 $ pour la représentante demanderesse, Jennifer McCrea, les frais juridiques des avocats du groupe, un processus d’exclusion de l’entente de règlement, la nomination d’un contrôleur et un processus de règlement des demandes contestées. De plus, les parties demandent l’approbation d’une ordonnance accessoire visant à modifier la déclaration de la demanderesse de façon à refléter les causes d’action qui ont été autorisées et à certifier une définition modifiée du « groupe ». Le 4 décembre 2018, la Cour a émis une directive visant à modifier l’intitulé pour refléter le fait que la défenderesse est Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la Cour approuve l’entente de règlement, la rétribution de la représentante demanderesse et les honoraires et débours des avocats du groupe.

I.  Le contexte

[3]  Le contexte de la présente action a déjà été décrit dans la décision McCrea c Canada (Procureur général), 2013 CF 1278 [McCrea, 2013], qui concernait la requête de la défenderesse présentée en vertu de l’article 220 des Règles pour trancher une question de droit, qui, selon la défenderesse, serait concluante relativement à l’action.

[4]  Le contexte a également été décrit dans la décision McCrea c Canada (Procureur général), 2015 CF 592, [2015] ACF no 1225 (QL) [McCrea, 2015], qui constitue l’ordonnance et les motifs liés à l’autorisation du présent recours collectif.

[5]  L’affidavit de M. Michael Wright, associé directeur du cabinet Cavalluzzo S.E.N.C.R.L., s.r.l., le cabinet des avocats du groupe, fournit des renseignements supplémentaires sur l’historique de la procédure. En outre, la défenderesse a fourni un résumé succinct et cohérent du dossier.

[6]  Afin de mettre en contexte les questions qu’il faut maintenant trancher, les principaux aspects contextuels décrits précédemment sont repris ci‑dessous.

[7]  La demanderesse, Mme McCrea, représente d’autres personnes qui, comme elle, ont cotisé au régime d’assurance‑emploi [AE], ont donné naissance à un enfant et ont reçu des prestations parentales. Certains prestataires de l’AE sont tombés malades pendant qu’ils recevaient des prestations parentales et ont présenté une demande pour convertir leurs prestations parentales en prestations de maladie pendant leur période de maladie, ce qui leur aurait permis de prolonger leur période de prestations en fonction de la période durant laquelle ils étaient malades. En outre, certains prestataires n’ont pas pu s’occuper de leur enfant pendant qu’ils étaient malades, et d’autres ont dû le faire pour eux. Les prestataires de l’AE qui cherchaient à convertir leurs prestations parentales en prestations de maladie se sont vu refuser les prestations de maladie. Leurs prestations parentales ayant pris fin, certaines personnes sont retournées au travail, même si elles avaient besoin de plus de temps pour se rétablir de leur affection.

[8]  D’autres prestataires de l’AE qui sont tombés malades et qui se sont renseignés au sujet des prestations de maladie ont été avisés par des représentants de la Commission de l’assurance‑emploi (l’autorité compétente à l’époque) ou de Service Canada qu’ils n’étaient pas admissibles aux prestations de maladie, raison pour laquelle ils n’ont pas présenté de demande de conversion de leurs prestations parentales en prestations de maladie.

[9]  La demanderesse a expliqué que la justification ou l’explication donnée relativement au refus des prestations de maladie était l’application stricte de l’alinéa 18b) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, c 23 (version modifiée) [la Loi], tel qu’il était libellé au moment pertinent. L’alinéa 18b) exigeait alors que les personnes qui reçoivent des prestations de maladie soient autrement disponibles pour travailler. Les prestataires qui étaient déjà en congé parental et qui s’occupaient d’un enfant et recevaient des prestations étaient considérés comme non disponibles pour travailler.

[10]  La demanderesse a fait valoir que le libellé de l’alinéa 18b) empêchait les prestataires de recevoir des prestations de maladie, faisant remarquer que, si les prestataires étaient tombés malades avant la naissance de leur enfant, ils auraient eu droit à jusqu’à concurrence de 15 semaines de prestations, car ils auraient été autrement disponibles pour travailler (c.‑à‑d. hormis leur maladie). Ces personnes auraient ensuite reçu des prestations de maternité et des prestations parentales après la naissance de leur enfant.

[11]  La Loi avait été modifiée en 2002 par application de la Loi d’exécution du budget de 2001, L.C. 2002, c 9, en vue, entre autres, de donner suite à la décision du Tribunal canadien des droits de la personne [TCDP] dans la décision McAllister‑Windsor c Canada (Développement des ressources humaines), [2001] DCDP No 4, [2002] CLLC 240‑001 [McAllister‑Windsor]. Dans la décision McAllister‑Windsor, le TCDP a conclu que la règle anticumul, c’est‑à‑dire le fait de limiter à 30 (limite fixée à l’époque) le nombre de semaines pendant lesquelles un prestataire peut recevoir des prestations de maternité, des prestations de maladie ou des prestations parentales, était discriminatoire envers les femmes qui étaient ou tombaient malades pendant qu’elles recevaient des prestations parentales ou de maternité. Les modifications de 2002 ont permis de prolonger la période de prestations afin de permettre le « cumul » des prestations de maternité, des prestations parentales et des prestations de maladie, sans pour autant modifier précisément l’article 18 de la Loi, de façon à supprimer l’exigence selon laquelle une personne qui demande des prestations de maladie doit être autrement disponible pour travailler.

[12]  La demanderesse a reconnu que le régime de prestations parentales avait évolué positivement à plusieurs égards au fil des ans, y compris grâce aux modifications apportées en 2002 en réaction à la décision McAllister‑Windsor. Cependant, elle a fait valoir que les modifications de 2002 visaient à rendre les prestataires en congé parental qui tombent malades avant, pendant ou après leur congé parental, admissibles aux prestations de maladies, ce qui devait permettre de rallonger leur période de prestation jusqu’à 15 semaines supplémentaires. La demanderesse a soutenu, entre autres, que les modifications de 2002 n’avaient pas été mises en œuvre comme l’entendait le législateur et de façon à combler la lacune relevée, parce que ceux qui tombaient malades pendant leur congé parental se voyaient tout de même refuser des prestations de maladie.

[13]  La demanderesse a fait remarquer que de nombreux prestataires s’étant vu refuser des prestations de maladie ont interjeté appel des décisions en question devant un conseil arbitral, tandis que d’autres se sont plutôt tournés vers un juge‑arbitre de l’AE (processus qui n’existe plus). Même si la plupart de ces personnes ont échoué, deux femmes (mesdames Rougas et Kittmer) ont eu gain de cause devant un juge‑arbitre de l’AE. Il semble que ces appels devant un juge‑arbitre ainsi que d’autres efforts de défense des droits ont sensibilisé les gens à l’impossibilité d’être disponible pour travailler pendant un congé parental, qui vise justement à permettre à un parent de s’absenter de son emploi pour s’occuper d’un jeune enfant.

[14]  Le 24 mars 2013, les modifications à la Loi prévues dans la Loi visant à aider les familles dans le besoin, L.C. 2012, c 27, sont entrées en vigueur. Entre autres modifications, la Loi visant à aider les familles dans le besoin a eu pour effet de modifier l’article 18 pour que les personnes qui reçoivent des prestations parentales ne se voient pas refuser des prestations de maladie parce qu’elles ne sont pas disponibles pour travailler. La modification a fait en sorte que, après le 24 mars 2013, les prestataires qui se trouvaient dans une situation similaire à celle de la demanderesse et des membres du groupe ne se verraient pas refuser des prestations de maladie parce qu’ils ne sont pas disponibles pour travailler. En effet, depuis mars 2013, les personnes qui présentent une demande pour convertir leurs prestations parentales en prestations de maladie sont admissibles au prolongement de leurs prestations jusqu’à concurrence de 15 semaines supplémentaires, à condition de répondre aux autres critères d’admissibilité. Toutefois, les modifications de 2013 ne visent ni la demanderesse ni les membres du groupe qui étaient en congé parental et qui sont tombés malades avant l’entrée en vigueur de cette précision de la Loi parce que les modifications ne sont pas rétroactives.

[15]  Même si la demanderesse a déposé sa déclaration en 2012, le présent recours collectif se limite à la période du 3 mars 2002 (date d’entrée en vigueur des modifications de 2002) au 24 mars 2013 (date d’entrée en vigueur des modifications de 2013).

[16]  Malgré le changement de politique reflété par les modifications de 2013, la défenderesse s’est opposée à la déclaration de la demanderesse.

[17]  La défenderesse a initialement présenté une requête en vertu de l’article 220 des Règles afin d’obtenir une décision préliminaire sur une question de droit liée à l’interprétation des principales dispositions de la Loi, faisant valoir que la réponse à la question suivante serait concluante quant à la question centrale de l’affaire et permettrait de régler l’instance :

[traduction]

La Loi sur l’assuranceemploi interdisait‑elle le versement de prestations de maladie à des personnes pendant qu’elles recevaient des prestations parentales en vertu de la loi en vigueur du 3 mars 2002 au 24 mars 2013?

[18]  La Cour a rejeté la requête de la défenderesse (McCrea, 2013), ce qui signifie que la question de droit ne serait pas tranchée. La Cour a conclu, entre autres, que les dispositions législatives en cause étaient interreliées et, dans une certaine mesure, incohérentes, déterminant qu’il fallait interpréter la Loi dans son ensemble pour mieux comprendre le régime de prestations. La Cour a souligné que, à ce moment‑là, le dossier nécessaire pour appuyer la requête n’était pas suffisant et qu’il serait litigieux aux étapes suivantes. En outre, la résolution de la question de droit proposée ne ferait que restreindre les enjeux tout en laissant plusieurs autres enjeux complexes non résolus.

[19]  En ce qui concerne la requête d’approbation présentée par la demanderesse en 2014, la défenderesse a soutenu que les causes d’action soulevées n’avaient aucune chance raisonnable d’obtenir gain de cause et a contesté tous les autres éléments du critère visant à établir s’il fallait autoriser le recours collectif.

[20]  Après avoir examiné les observations des parties, la preuve au dossier et la jurisprudence, la Cour a accueilli la requête de la demanderesse et accordé une autorisation partielle d’intenter l’action en tant que recours collectif (McCrea, 2015). En effet, les causes d’action de déclarations inexactes par négligence, d’enrichissement sans cause et de faute dans l’exercice d’une charge publique ont été radiées, car il a été conclu qu’elles n’avaient aucune chance raisonnable d’obtenir gain de cause. La cause d’action de négligence ainsi que certains points soulevés relativement à la cause d’action ont été autorisés. En outre, il a été conclu que Mme McCrea était une représentante demanderesse appropriée des membres du groupe.

[21]  La défenderesse a par la suite présenté une requête accueillie par la Cour pour définir les conditions précises de l’ordonnance d’approbation. La demanderesse a interjeté appel avec succès de la décision en question, et les conditions initiales ont été rétablies. Les parties se sont ensuite préparées en vue des prochaines étapes du litige et ont entamé des discussions sur les modifications à apporter à la déclaration de la demanderesse afin de tenir compte des causes d’action autorisées et de modifier la définition du groupe. Au début de 2018, la demanderesse a reporté sa requête proposée visant à modifier la définition du groupe afin de poursuivre les discussions en vue de régler l’instance. Au bout du compte, les parties se sont entendues relativement à une proposition d’entente de règlement en août 2018.

[22]  Le 11 septembre 2018, la Cour a approuvé le plan de notification, y compris l’avis aux membres du groupe les informant de l’ordonnance d’approbation et de la proposition d’entente de règlement et leur fournissant d’autres renseignements pertinents. Ces renseignements comprennent la façon d’appuyer ou de contester le règlement par écrit ou en personne, la façon de participer à l’audition de la requête d’approbation du règlement, la façon de s’exclure du groupe, si désiré, le fonctionnement éventuel du processus de demandes, l’identité de l’administrateur de l’entente, le mode de règlement des différends concernant le paiement des prestations conformément à l’entente et la façon d’obtenir des renseignements supplémentaires.

[23]  Le plan de notification décrivait la façon dont l’avis serait communiqué afin d’informer, dans la mesure du possible, tous les membres éventuels du groupe de l’entente de règlement proposée et de la façon de demander des prestations en cas d’approbation du règlement. L’avis de l’entente de règlement a été affiché sur le site Web du gouvernement du Canada, le site Web des avocats du groupe et d’autres médias sociaux, en plus d’être publié dans les principaux journaux canadiens.

[24]  Cela nous amène à la requête actuelle. Conformément à l’article 334.29 des Règles, la Cour doit approuver l’entente de règlement. La présente requête est présentée par la demanderesse conjointement avec la défenderesse et avec son consentement. Toutefois, il ne s’agit pas d’un processus d’approbation automatique. Même si la Cour ne peut pas modifier les modalités de l’entente de règlement, elle doit établir si, dans l’ensemble, cette dernière est juste et raisonnable et si elle bénéficiera à ceux qui y ont droit.

[25]  En ce qui concerne la présente requête, les avocats du groupe ont expliqué en détail les modalités de la proposition d’entente de règlement et répondu à plusieurs questions de la Cour. De même, les avocats de la défenderesse ont souligné les caractéristiques clés de l’entente de règlement en plus de préciser certains aspects mineurs, mais importants qui en permettront la mise en œuvre efficace.

II.  Le règlement proposé

[26]  Le règlement proposé prévoit ce qui suit :

  • Les membres du groupe qui ont établi avoir demandé des prestations de maladie pour cause de maladie, de blessure ou de quarantaine durant leur congé parental et qui ont essuyé un refus sont admissibles à une indemnisation. Les prestataires identifiés dans le cadre du projet d’examen des dossiers d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) sont réputés être des membres admissibles du groupe, tandis que ceuxqui n’ont pas été désignés comme étant des membres du groupe dans le cadre du projet en question seront admissibles s’il est établi qu’ils répondent à la définition du groupe.
  • EDSC calculera le montant du paiement à verser à chaque membre du groupe. La défenderesse a accepté de verser aux membres admissibles du groupe un montant équivalant au montant des prestations de maladie qu’ils auraient autrement reçues.
  • Les membres du groupe présenteront leurs demandes au moyen d’un simple formulaire et ne seront pas tenus de fournir des preuves médicales pour établir leur maladie.
  • Tous les membres admissibles du groupe, y compris les successions admissibles, recevront une indemnisation à l’égard de toutes les demandes présentées. L’indemnité versée sera calculée en fonction du nombre de semaines durant lesquelles les prestataires étaient malades pendant la période de prestations en question — moins le nombre de semaines pour lesquelles ils ont reçu des prestations de maladie —, ce nombre de semaines étant ensuite multiplié par le taux de prestations d’AE hebdomadaire en vigueur au moment de leur demande. Le taux de prestations le plus élevé au cours de la période visée était de 501 $. Les renseignements détaillés sont exposés dans l’entente de règlement, qui est jointe à l’ordonnance de la Cour.
  • En échange de l’indemnité versée, tous les membres du groupe — à l’exception de ceux qui s’en sont retirés pendant la période d’exclusion — seront réputés avoir accordé une quittance complète et finale relativement à toute réclamation contre le gouvernement liée aux questions soulevées dans le présent litige.
  • Le délai d’exclusion sera de 60 jours à compter de la date d’approbation de l’entente de règlement.
  • Les membres du groupe pourront présenter leur demande d’indemnisation dans un délai de six mois. La période de demande commencera à la date de mise en œuvre de l’entente de règlement. Les demandeurs peuvent présenter une demande dans les cinq mois suivant cette date, avec possibilité de prolongation d’un mois, et les paiements seront versés rapidement.
  • Un contrôleur tiers, M. Gordon McFee, sera nommé afin d’assurer un contrôle externe du processus administratif et de formuler des recommandations à l’administrateur pour veiller au traitement efficace et équitable des demandes. En tant que contrôleur, M. McFee permettra, entre autres, de régler les problèmes rencontrés rapidement dans le cadre du processus.
  • EDSC avisera le groupe du règlement, du processus d’exclusion et du processus de demande conformément au plan de notification et administrera le processus de demande comme le prévoit le plan d’administration. EDSC élaborera des lignes directrices et offrira une formation aux agents qui traiteront les demandes. Les défendeurs paieront tous les montants et toutes les taxes relativement à l’avis, au processus administratif et à la nomination du contrôleur.
  • Pendant le processus de demande, EDSC enverra jusqu’à trois rappels aux membres du groupe identifiés n’ayant pas présenté de demande.
  • Les membres du groupe dont la demande est rejetée pourront demander un contrôle de la décision par un protonotaire désigné de la Cour fédérale. Un membre du groupe peut présenter un formulaire (qui est joint à l’ordonnance d’approbation de l’entente de règlement) pour demander un contrôle, et EDSC et lui auront l’occasion de présenter de brèves observations écrites. La décision du protonotaire sera définitive.
  • L’administrateur remettra des rapports périodiques aux avocats du groupe et au contrôleur. Le contrôleur et l’administrateur présenteront à la Cour des rapports définitifs sur les résultats du processus d’administration des demandes.
  • Le règlement ne constitue aucunement un aveu de responsabilité.
  • La Cour conserve sa compétence jusqu’à ce que les demandes soient traitées.

[27]  De plus, la déclaration modifiée de la demanderesse sera approuvée. La déclaration en question reflète, entre autres changements, les causes d’action autorisées. La définition du groupe y est également modifiée pour inclure les personnes qui sont tombées malades pendant leur congé de maternité et dont la maladie s’est poursuivie pendant la période de congé parental et de prestations ainsi que les personnes qui recevaient des prestations en vertu de la loi québécoise analogue.

[28]  Le montant total du règlement est estimé à de 8,5 à 11 millions de dollars. Il est aussi estimé que le groupe pourrait comprendre 1 880 membres, dont 1 738 sont jugés admissibles parce qu’ils ont déjà été identifiés par EDSC. En outre, 142 autres membres du groupe possibles ont été cernés, y compris ceux qui seront visés par la définition élargie du groupe.

[29]  L’entente de règlement propose également le versement aux avocats du groupe d’honoraires et de débours de 2 212 389 $, ainsi que les taxes applicables (TPS et TVH), pour un montant maximal total de 2,5 millions de dollars. De tels frais juridiques seront payés par la défenderesse en sus et séparément des indemnités versées aux membres admissibles du groupe.

III.  Les questions en litige

[30]  Il y a trois questions à trancher :

  1. La Cour doit‑elle approuver l’entente de règlement? Pour ce faire, il faut déterminer si l’entente est juste et raisonnable et si elle est dans l’intérêt du groupe.
  2. La Cour doit‑elle approuver le versement d’une rétribution de 10 000 $ à Mme McCrea à titre de représentante demanderesse?
  3. La Cour doit‑elle approuver la convention d’honoraires des avocats du groupe? La Cour évaluera si le montant des honoraires et des débours est juste et raisonnable et s’il convient de l’approuver après avoir établi s’il faut approuver l’entente de règlement proposée pour les membres du groupe.

IV.  Les principes jurisprudentiels concernant l’approbation des ententes de règlement

[31]  L’article 334.29 des Règles prévoit ce qui suit :

334.29 (1) Le règlement d’un recours collectif ne prend effet que s’il est approuvé par un juge.

334.29 (1) A class proceeding may be settled only with the approval of a judge.

(2) Il lie alors tous les membres du groupe ou du sous-groupe, selon le cas, à l’exception de ceux exclus du recours collectif.

(2) On approval, a settlement binds every class or subclass member who has not opted out of or been excluded from the class proceeding.

[32]  Plusieurs affaires récentes ont porté sur les principes qui s’appliquent à l’approbation d’un règlement dans le cadre d’un recours collectif, et ces principes ne sont pas contestés. Parmi les décisions citées par la demanderesse et la défenderesse, mentionnons les décisions Manuge c Canada, 2013 CF 341, [2014] 4 RCF 67 [Manuge], Condon c Canada, 2018 CF 522, 293 ACWS (3d) 697 [Condon], Riddle c Canada; 2018 CF 641, 296 ACWS (3d) 36, et Merlo c Canada, 2017 CF 533, [2017] ACF no 773 (QL) [Merlo].

[33]  Comme les parties le font remarquer, le critère d’approbation d’une entente de règlement a été énoncé dans des termes légèrement différents dans les affaires récentes. Même si le critère de base demeure le même et qu’il n’est pas contesté, les facteurs pertinents qui l’étayent peuvent différer d’une affaire à l’autre et l’importance donnée aux critères peut varier (Condon, au paragraphe 20).

[34]  La jurisprudence récente de la Cour a été cohérente quant à la formulation du critère. Dans la décision Merlo, la juge McDonald a souligné au paragraphe 16 que « [l]e critère à appliquer pour l’approbation d’un règlement est de “savoir si le règlement est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur de l’ensemble du groupe en général” » [citations omises].

[35]  Dans la décision Condon, aux paragraphes 17 à 19, la juge Gagné a donné un aperçu des principes concernant l’approbation d’un règlement dans le cadre d’un recours collectif et des facteurs à prendre en considération :

[17]  Le critère applicable à l’approbation du règlement d’un recours collectif consiste à déterminer si, dans les circonstances, le règlement est juste, raisonnable et dans l’intérêt de l’ensemble du groupe, compte tenu des réclamations et des moyens de défense invoqués dans le cadre du litige, ainsi que des oppositions au règlement formulées par les membres du groupe. Ce critère ne vise toutefois pas à établir si le règlement satisfait aux demandes d’un membre du groupe en particulier.

[18]  Il n’est pas requis que le règlement soit parfait (Châteauneuf c. Canada, 2006 CF 286 (CanLII), au paragraphe 7). Il suffit qu’il [traduction] « se situe dans une fourchette ou un éventail d’issues jugées raisonnables » (Ontario New Home Warranty Program v. Chevron Chemical Company 1999 CanLII 15098 (ON SC), [1999], 46 OR (3d) 130 [C. sup. j.  Ont.], au paragraphe 89).

[19]  Pour établir s’il convient d’approuver un règlement, la Cour doit tenir compte notamment des facteurs suivants :

1.  la probabilité de recouvrement ou de réussite;

2.  l’ampleur et la nature des éléments de preuve issus des interrogatoires préalables, des témoignages ou de l’enquête, et la nature de ceux‑ci;

3.  les modalités et conditions du règlement proposé;

4.  les dépens ultérieurs et la durée probable du litige;

5.  les recommandations des parties neutres;

6.  le nombre d’opposants et la nature des oppositions;

7.  la conduite de négociations sans lien de dépendance et l’absence de collusion;

8.  les renseignements éclairant la Cour quant à la dynamique des négociations et aux positions prises par les parties;

9.  l’importance et la nature des communications des avocats et des représentants demandeurs avec les membres du groupe pendant le litige;

10.  Les recommandations et l’expérience des avocats.

(Voir Ford v. F HoffmannLa Roche Ltd 2005 CanLII 8751 (ON SC), [2005], 74 OR 3d 758 [C. sup. j. Ont.] [QL], au paragraphe 117.)

V.  L’entente de règlement

[36]  La Cour a examiné tous les facteurs pertinents. Comme l’ont fait remarquer la demanderesse et la défenderesse, les considérations les plus pertinentes sont la probabilité de recouvrement ou de réussite et les modalités et conditions du règlement.

A.  La probabilité de recouvrement en cas d’instruction de l’action

[37]  L’action a soulevé plusieurs causes d’action, y compris la négligence, contre la défenderesse en ce qui concerne la façon dont la Commission de l’AE a mis en œuvre les modifications apportées à la Loi en 2002. La demanderesse fait remarquer que, malgré son intention d’établir la présence de négligence, il y aurait eu plusieurs obstacles à surmonter, y compris l’établissement d’une obligation de diligence et le besoin de prouver son non‑respect. Par exemple, les deux parties font remarquer que la majorité des décisions des juges‑arbitres de l’assurance‑emploi s’appuyaient sur une interprétation stricte ou littérale de l’article 18, ce qui aurait constitué un obstacle au moment d’établir la négligence dans l’administration des modifications.

[38]  La demanderesse a également demandé des dommages‑intérêts généraux, y compris pour inconvénients et souffrance morale liés à la présentation et au refus des demandes. Elle reconnaît qu’il était fort probable que de tels dommages‑intérêts généraux n’auraient pas été accordés dans le cadre du procès, et ce, en partie en raison de l’état actuel du droit en ce qui concerne les dommages‑intérêts généraux associés à ce genre d’anxiété et de frustration et vu la difficulté d’établir les critères liés aux dommages‑intérêts généraux pour souffrance morale énoncés dans l’arrêt Fidler c Sun Life du Canada, 2006 CSC 30, [2006] 2 RCS 3.

[39]  La défenderesse convient qu’il s’agit d’une nouvelle affaire qui soulève des questions complexes au sujet d’un régime complet de prestations prévues par la loi, faisant aussi remarquer que les tribunaux n’ont pas encore reconnu une obligation de diligence liée à la mise en œuvre de dispositions législatives, comme le prétend la demanderesse. La demanderesse devrait d’abord établir l’existence d’une telle obligation, puis prouver un manquement connexe, ce qui serait difficile dans les deux cas et exigerait un dossier volumineux, des témoignages et de nouveaux arguments juridiques. La défenderesse ajoute que le droit à des dommages‑intérêts généraux et leur quantification poseraient des difficultés semblables.

[40]  La demanderesse et la défenderesse reconnaissent que, si des dommages‑intérêts généraux étaient demandés, chaque membre du groupe devrait établir sa propre demande, ce qui poserait d’importantes difficultés. Si la demanderesse avait eu gain de cause au terme d’un procès, il aurait fallu tenir une multitude de procès pour déterminer si chaque membre du groupe satisfait au critère des dommages‑intérêts généraux et si le délai de prescription prévu par la loi interdit la présentation d’une demande.

[41]  Il n’était pas possible de prédire avec certitude l’issue d’un tel litige. La poursuite de l’affaire aurait exigé beaucoup de temps, d’efforts et de ressources qui, vu les risques, n’étaient peut‑être pas justifiés. Même si la négligence ou les autres causes d’action étaient confirmées, la nature des dommages réclamés ne serait pas facile à établir. Malgré la tendance naturelle à souhaiter un résultat juste et équitable dans des situations apparemment injustes ou illogiques découlant de dispositions de la Loi, la Cour devrait se concentrer sur les questions juridiques complexes. Comme l’ont fait remarquer les parties, elles connaissaient toutes deux les problèmes, les forces et les faiblesses de leur position, connaissances qu’elles ont mises à profit pour travailler en collaboration et en arriver au présent règlement.

B.  L’ampleur et la nature des éléments de preuve issus de l’étape de l’interrogatoire préalable

[42]  Le dossier dont la Cour est saisie est volumineux et lui permet de conclure que l’entente de règlement est juste et raisonnable. Il comprend les décisions antérieures de la Cour au sujet de la requête présentée en vertu de l’article 220 des Règles et de la requête en autorisation ainsi que plusieurs affidavits, y compris ceux préparés en vue de l’approbation de l’avis au groupe, celui de M. Michael Wright, associé directeur du cabinet Cavalluzzo S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui décrit en détail l’historique du litige, celui de Mme Manon Courcelle, gestionnaire des services aux entreprises de l’assurance‑emploi de la Direction générale de la transformation et de la gestion intégrés des services de Service Canada, qui décrit en détail le travail fait par EDSC pour cerner les membres du groupe et se préparer à l’administration du règlement, et ceux de Mme McCrea.

[43]  Même si le litige ne s’est pas rendu à l’étape de l’interrogatoire préalable, les éléments de preuve présentés à la Cour fournissent un contexte complet et présentent les questions en litige et les efforts déployés par les parties pour parvenir à un règlement équitable. La demanderesse et la défenderesse ont toutes deux reconnu que l’autre partie comprenait parfaitement le régime d’assurance‑emploi ainsi que les problèmes, les forces et les faiblesses de leurs positions respectives.

C.  Les modalités du règlement

[44]  Les modalités du règlement sont décrites ci‑dessus. Les parties conviennent avoir soigneusement corédigé les modalités afin d’assurer une indemnisation équitable, un processus administratif rapide et la mise en place d’autres mesures pour protéger les intérêts des membres du groupe.

[45]  Les modalités du règlement sont décrites ci‑dessus. Les parties conviennent avoir soigneusement corédigé les modalités afin d’assurer une indemnisation équitable, un processus administratif rapide et la mise en place d’autres mesures pour protéger les intérêts des membres du groupe.

[46]  Les points saillants comprennent le fait que les membres admissibles du groupe qui présentent des demandes valides recevront 100 % du montant qu’ils auraient reçu si leur demande avait été approuvée lorsqu’ils ont demandé la conversion de leurs prestations parentales en prestations de maladie. En outre, les frais d’administration des demandes, les frais de contrôle et les honoraires et débours des avocats du groupe seront payés séparément par la défenderesse. En d’autres mots, ces coûts ne réduiront pas les montants versés aux membres du groupe. Le processus de demande est conçu pour être simple et efficace. Le seuil de preuve pour établir une demande est relativement faible, et les avocats du groupe aideront les membres du groupe à présenter leur demande. EDSC a mis sur pied une équipe spécialisée pour traiter les demandes ainsi qu’un processus de contrôle interne des demandes refusées. De plus, en guise de mesure de protection supplémentaire, les demandes rejetées feront l’objet d’un contrôle indépendant par un protonotaire de la Cour à la demande des demandeurs.

[47]  Même si les membres du groupe ne recevront pas les dommages‑intérêts généraux demandés au départ, ils recevront le plein montant des prestations qu’ils auraient reçues au moment où ils ont tenté de convertir leurs prestations parentales en prestations de maladie.

[48]  Les membres du groupe ne toucheront pas d’intérêts. Toutefois, toute attribution d’intérêts à la suite d’un procès constituerait une décision discrétionnaire. La Cour fait remarquer que, au cours de la période visée, les taux d’intérêt étaient faibles. La demanderesse et la défenderesse conviennent que le règlement, qui prévoit le versement de 100 % des montants que les demandeurs auraient reçus au moment de la maladie, mais sans intérêts, reste équitable, vu les autres caractéristiques de la présente entente de règlement.

[49]  D’autres avantages prévus dans l’entente viennent compenser ce qui a été abandonné et doivent être pris en considération. Un paiement rapide est promis aux membres du groupe, qui n’ont qu’à présenter un formulaire simple, et ce, sans avoir à présenter d’éléments de preuve documentaire ni à témoigner. Comme il a été mentionné ci‑dessus, 1 738 prestataires sont réputés être des membres admissibles du groupe, car ils sont déjà connus d’EDSC. En outre, 138 autres personnes sont possiblement elles aussi membres du groupe. EDSC a effectué un travail préparatoire approfondi, notamment en cernant les membres du groupe et en communiquant avec eux, ce qui devrait favoriser un processus de paiement simple et rapide.

[50]  D’autres caractéristiques non pécuniaires de l’entente de règlement en rehaussent également le caractère avantageux pour les membres du groupe. Notamment, la définition du groupe a été modifiée pour inclure tous les prestataires qui ont demandé et qui se sont vu refuser des prestations de maladie pendant leur période d’admissibilité aux prestations parentales de l’AE, ce qui inclut les personnes qui sont tombées malades pendant leur congé de maternité et qui ont continué de l’être pendant leur congé parental, leur permettant ainsi de déclarer les semaines de maladie pendant leur congé parental comme des semaines durant lesquelles elles recevaient des prestations de maladie. La définition élargie était un point de litige, mais elle a finalement été incluse dans l’entente de règlement au terme de négociations.

[51]  La nomination d’un contrôleur tiers pour aider à cerner les problèmes systémiques qui pourraient survenir et pour formuler des recommandations à l’administrateur afin de régler de tels problèmes renforcera l’efficacité du processus de demande. Le contrôleur proposé, M. McFee, est un haut fonctionnaire à la retraite qui possède une vaste expérience et une grande connaissance des régimes de prestations sociales, y compris l’AE. M. McFee a été directeur de la politique et du développement législatif ainsi que directeur responsable des appels de l’AE. Toutefois, dans ce cas‑ci, son rôle serait indépendant d’EDSC. En outre, les deux parties appuient fortement la nomination de M. McFee en tant que contrôleur.

[52]  Le processus de contrôle des demandes contestées est également conçu pour être simple et définitif. Un demandeur à qui le versement de l’indemnité est refusé peut demander un contrôle par un protonotaire de la Cour fédérale. Le protonotaire examinera la demande en se fondant sur les documents ou le dossier fournis à EDSC ainsi que sur les observations du demandeur en question et d’EDSC. Le protonotaire confirmera la décision d’EDSC ou renverra la demande à EDSC aux fins de réexamen. La décision du protonotaire à l’égard de la demande contestée sera définitive et ne fera pas l’objet d’un examen ou d’un appel ultérieur. Ce processus est conçu pour assurer un niveau supplémentaire d’examen indépendant.

[53]  Les membres du groupe qui en ont besoin seront aidés par les avocats du groupe pendant le processus de demande et ils n’auront donc pas à retenir les services d’autres avocats ni à payer pour ce genre de services. Les membres du groupe qui demandent un contrôle d’une demande refusée par le protonotaire seront également épaulés par les avocats du groupe.

[54]  Le contrôleur et l’administrateur présenteront des rapports définitifs à la Cour à la fin de la période d’administration. La Cour conservera sa compétence dans le dossier jusqu’à ce que toutes les demandes présentées conformément à l’entente de règlement aient été traitées.

[55]  Il est attendu que le taux de participation à ce règlement sera élevé. L’examen des dossiers entrepris par EDSC pour cerner les personnes admissibles a permis d’en cerner 1 738. Le plan de notification à multiples facettes, qui comprend Facebook, Twitter, le site Web du gouvernement du Canada, des annonces dans les grands journaux, ainsi que la ligne téléphonique sans frais et le site Web mis en place par les avocats du groupe, a permis de rejoindre de nombreux membres du groupe. D’autres activités de sensibilisation se poursuivront dans le cadre de la deuxième phase du plan de notification et à mesure que des rappels seront envoyés tout au long du processus d’administration de l’entente.

[56]  Il est également soulignéé que, jusqu’à maintenant, 106 lettres de soutien à l’entente de règlement ont été reçues.

D.  Les risques si l’entente de règlement n’est pas approuvée

[57]  Si l’entente de règlement n’est pas approuvée, les membres du groupe à l’origine du litige engageraient de nouvelles dépenses et seraient confrontés à de nouvelles périodes d’incertitude pouvant atteindre trois ans. L’étape de l’interrogatoire préalable, un long procès et un possible appel prolongeraient le processus, dont l’issue resterait incertaine.

[58]  De plus, la demanderesse et le groupe seraient liés par la déclaration initiale et la définition initiale du groupe, ce qui signifie que certains membres du groupe visés par la présente entente de règlement ne profiteraient pas de l’action, même si elle devait être couronnée de succès. De même, la succession de tout demandeur décédé ne bénéficierait pas de la poursuite du litige.

E.  Communication avec les membres du groupe

[59]  Depuis le début du litige en 2012, les avocats du groupe ont mis en place un site Web, une ligne téléphonique sans frais et une page Facebook pour fournir de l’information aux membres éventuels du groupe sur l’état du litige. Plus récemment, le site Web et la page Facebook ont communiqué aux membres du groupe, entre autres, les modalités de l’entente de règlement proposée, la façon d’appuyer ou de contester le règlement et la façon de participer à l’audition de la présente requête. Les avocats du groupe ont envoyé des courriels à tous les membres du groupe qui se sont inscrits auprès d’eux pour les informer de la proposition d’entente de règlement. Les avocats du groupe signalent que leur site Web a été consulté par plus de 5 500 utilisateurs et qu’ils ont reçu plus de 240 appels.

[60]  De plus, l’avis sur l’entente de règlement proposée a été affiché sur le site Web du gouvernement du Canada en septembre 2018 en plus d’être publié dans les principaux journaux canadiens.

F.  Appui à l’Accord – Le point de vue des membres du groupe

[61]  Les avocats du groupe ont reçu 106 lettres et courriels d’appui en réponse à l’avis sur la proposition d’entente de règlement. Une membre éventuelle du groupe, T. R., s’est également prononcée en faveur de la proposition durant l’audition de la requête en approbation du règlement proposé.

[62]  Le sentiment général exprimé dans les lettres reflétait un fort appui au règlement. De nombreux membres du groupe ont écrit en détail sur le fait qu’ils sont tombés malades pendant leur congé, certains très gravement, et ont décrit les défis importants, la douleur et la crainte que leur maladie leur a causés durant une période qui devait être un moment heureux de leur vie. Les membres du groupe ont expliqué de quelle façon le fait de se voir refuser des prestations de maladie les a affectés, eux et leur famille, en exacerbant leur stress financier et émotionnel et en les obligeant à faire des choix difficiles au sujet de leur travail et de leur santé. Plusieurs membres du groupe ont communiqué leur grande frustration à l’égard du fait que les prestations leur avaient été refusées et leur soulagement à l’idée qu’ils puissent maintenant recevoir cet argent.

[63]  S. D. a écrit :

[traduction]

Je crois que le règlement offert à ce moment‑ci est une forme d’indemnisation suffisante et raisonnable pour ma perte […] Au moment du refus, j’ai ressenti de la pression pour retourner au travail, et la décision prise par les employés de l’assurance‑emploi m’a forcé à retourner travailler à temps partiel, ce qui n’a pas été suffisant pour que je puisse me rétablir complètement. Au bout du compte, j’ai dû quitter l’emploi que j’occupais depuis 15 ans. Par conséquent, j’ai l’impression que le règlement m’aidera à ressentir une certaine forme de justice est et sera rendue après avoir vécu une expérience vraiment stressante à l’époque.

[64]  S. B. a écrit :

[traduction]

Grâce au recours collectif, j’ai maintenant le sentiment que ma voix peut être entendue, que, peut‑être, un dédommagement peut être fait et qu’il y a d’autres personnes qui méritent le même traitement.

[65]  T. H. a écrit :

[traduction]

Je tiens à remercier sincèrement Jennifer McCrea d’avoir eu le courage et la détermination de consacrer autant d’énergie pour défendre ce qui est juste et équitable. Merci […] Le soutien, c’est tout. Le soutien en cas de besoin est essentiel. C’est pourquoi j’appuie le recours collectif. Il faut corriger la situation.

[66]  À l’audience d’approbation du règlement, T. R. a parlé de son expérience liée au refus de sa demande de prestations de maladie de l’AE pendant son congé parental. T. R. a décrit le stress physique et psychologique causée par sa maladie de longue durée et souligné à quel point la situation avait été difficile pour sa famille. Elle n’a pas pu retourner au travail comme prévu, mais des prestations de maladie lui ont été refusées. Ce refus lui a causé de grandes difficultés financières. Elle a dit à la Cour que, à l’époque, elle était furieuse et avait le cœur brisé, sans pour autant avoir l’énergie nécessaire pour continuer de contester le refus. Elle a exprimé sa gratitude envers les femmes qui ont entrepris cette démarche et a offert son appui à l’entente de règlement parce qu’elle veut que les prestations de maladie soient versées aux personnes qui auraient dû les recevoir.

[67]  Dans son affidavit, Mme McCrea a exprimé sa conviction que l’entente de règlement est juste et raisonnable pour le groupe, vu les risques et les retards associés à la poursuite du litige. Plus particulièrement, elle a souligné le fait que le règlement proposé prévoit un processus de demande simple et le versement du plein montant des prestations d’AE que les membres du groupe auraient reçu à l’époque, ajoutant que le renoncement aux intérêts était une petite concession et qu’il s’agissait d’un équilibre raisonnable.

[68]  Certains membres du groupe se sont dits préoccupés par le fait que l’entente de règlement ne prévoit pas de dommages‑intérêts pour souffrance morale. Par exemple, D. D. a envoyé une lettre dans laquelle elle dit appuyer le versement des paiements, sans pour autant être d’accord avec le montant du règlement. Elle a souligné que la proposition ne prévoyait pas le versement d’intérêts ni d’indemnisation pour la douleur et la souffrance, des choses qui, selon elle, auraient dû être prises en considération. D. D. a décrit sa lutte contre le cancer et l’impact financier du refus des prestations :

[traduction]

J’ai été forcée de travailler en raison d’un manque de soutien financier dans le cadre d’un régime d’assurance‑emploi auquel j’avais cotisé pendant dix ans avant mon diagnostic. J’ai risqué ma vie pendant près d’un an après mon retour et je n’ai pas été déclaré « guéri » pendant quatre autres années. Il faut certainement en tenir compte.

[69]  T. R. a également déclaré à la Cour qu’elle espérait que les séquelles psychologiques soient prises en considération au moment d’établir le montant de l’indemnisation.

[70]  Dans son affidavit, Mme McCrea a souligné qu’il est fort probable que des dommages‑intérêts pour inconvénients et souffrance morale n’auraient pas été accordés au terme du procès. Elle a également reconnu que les membres du groupe auraient eu un fardeau important à assumer, soit de chacun fournir des éléments de preuve justifiant une telle indemnisation. Mme McCrea croit qu’une partie importante du rétablissement potentiel sera facilitée par l’entente de règlement.

[71]  Même si certains membres du groupe ont exprimé des préoccupations au sujet du montant du règlement, la grande majorité de ceux qui ont exprimé leurs points de vue voit le règlement proposé d’un bon œil.

G.  Les oppositions à l’entente de règlement

[72]  Seulement cinq objections écrites ont été reçues, soit environ 0,2 % des membres du groupe estimés. Les objections écrites déposées ne précisent pas la raison de l’opposition. Par exemple, une personne opposée au règlement a déclaré [traduction] « cela ne s’applique pas à moi », et une autre a dit qu’elle [traduction] « ne veut pas se battre pour cela ». La nature cryptique des objections laisse entendre que les personnes qui s’opposent à l’entente de règlement n’en ont pas totalement compris les modalités, y compris le fait qu’elles n’avaient rien d’autre à faire pour présenter une demande. Les opposants peuvent choisir de ne pas participer au litige et de poursuivre leur propre action. Toutefois, s’ils ne se retirent pas du groupe, ils seront liés par le règlement qu’ils présentent une demande ou non.

[73]  La Cour se concentre sur le caractère raisonnable et équitable du règlement pour l’ensemble du groupe. Quelques membres du groupe insatisfaits ou mal informés ne devraient pas faire dérailler une entente qui serait autrement bien appuyée et qui est raisonnable à la lumière de l’ensemble des facteurs pertinents.

H.  La bonne foi

[74]  La demanderesse et la défenderesse se félicitent mutuellement de leur conduite dans le cadre de leur défense de leur position respective, ce qu’elles estiment avoir fait d’une manière affirmative, respectueuse et collégiale, ainsi que de leur approche à l’égard de la négociation du règlement. Même si les discussions sur le règlement demeurent confidentielles, chaque partie a reconnu les compétences et les aptitudes de plaidoirie de l’autre, ainsi que la bonne foi dont elles ont fait preuve tout au long du processus.

[75]  Il convient de souligner qu’EDSC a entrepris un vaste projet d’examen des dossiers pour cerner tous les membres potentiels du groupe et communiquer directement et indirectement avec eux dans le cadre de campagnes publiques et dans les médias sociaux. Les caractéristiques de l’entente de règlement, y compris le processus d’exclusion, le processus de demande, la nomination d’un contrôleur et le processus de contrôle des demandes contestées, démontrent les efforts déployés pour permettre le règlement équitable du litige au profit des membres du groupe. L’initiative d’EDSC visant à identifier tous les membres éventuels du groupe pendant que le litige suivait son cours, de façon à être prêt pour les prochaines étapes, a ouvert la voie à un processus d’administration des demandes efficace.

I.  La négociation indépendante

[76]  Les membres du groupe étaient représentés par des avocats chevronnés qui ont défendu leurs intérêts tout au long du litige. Les avocats de la défenderesse étaient tout aussi compétents et, comme l’ont reconnu les demandeurs, ils étaient de formidables opposants. La demanderesse et la défenderesse ont toutes deux fait valoir leurs positions respectives dans le cadre d’un processus accusatoire. Comme il a été mentionné précédemment, la défenderesse a cherché à mettre fin au litige dès le début des procédures en présentant une requête au titre de l’article 220 des Règles. Elle s’est aussi fortement opposée à l’autorisation de l’action. Cependant, alors que le litige se poursuivait et dans le cadre des pourparlers de règlement après l’autorisation, la défenderesse et la demanderesse ont toutes deux fait des concessions pour parvenir à un règlement équitable.

[77]  Vu la continuité au sein des équipes d’avocats de la demanderesse et de la défenderesse, chaque « partie » avait une compréhension approfondie des enjeux, des forces et des faiblesses de leurs positions respectives et de l’incidence que le règlement aurait sur les membres du groupe.

J.  Les recommandations des avocats chevronnés du groupe

[78]  Les avocats du groupe ont de l’expérience en matière de recours collectifs. L’affidavit de M. Wright, associé directeur du cabinet des avocats du groupe, Cavalluzzo S.E.N.C.R.L., s.r.l., décrit en détail l’approche adoptée par l’équipe des avocats du groupe tout au long du litige. Vu l’expérience de cette équipe et le fait qu’elle s’est efforcée de défendre les intérêts des membres du groupe depuis plus de six ans, y compris la défense des requêtes et la poursuite des appels, sa recommandation selon laquelle le règlement est juste et raisonnable se voit accorder une grande importance.

K.  La recommandation de la représentante demanderesse

[79]  Mme McCrea a participé tout au long du litige (tel que décrit plus en détail ci‑dessous) et elle était bien consciente des risques du litige et des avantages du règlement. En plus des efforts qu’elle a déployés depuis le début de 2012 pour promouvoir l’enjeu de l’admissibilité aux prestations de maladie des personnes en congé parental et faire avancer le litige, elle s’est déplacée pour assister à l’audition de la présente requête d’approbation de l’entente de règlement, ce qui démontre une fois de plus son engagement et son soutien.

L.  Conclusion

[80]  Après avoir examiné tous les facteurs pertinents, la Cour conclut que l’entente de règlement, qui est annexée à l’ordonnance de la Cour, est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur des membres du groupe.

VI.  La rétribution de la représentante demanderesse est approuvée.

[81]  Les avocats du groupe demandent à la Cour d’approuver une rétribution de 10 000 $ à la représentante demanderesse, Mme McCrea, montant qui doit lui être versé en sus du montant auquel chaque membre du groupe a droit.

[82]  La Cour a le pouvoir discrétionnaire d’accorder une telle rétribution et elle l’a fait dans plusieurs recours collectifs. Comme il a été mentionné dans la décision Johnston c The Sheila Morrison Schools, 2013 ONSC 1528 [2013] OJ No 1126 (QL), au paragraphe 43, une rétribution ne vise pas à [traduction] « dédommager les représentants demandeurs, mais plutôt à reconnaître leur contribution importante à l’atteinte de l’objectif d’assurer l’accès à la justice aux membres du groupe ».

[83]  Dans l’arrêt Robinson c Rochester Financial Ltd., 2012 ONSC 911 [2012] 5 CTC 24 [Robinson], au paragraphe 43, la Cour supérieure de l’Ontario a refusé d’accorder une indemnisation au représentant demandeur, soulignant qu’une telle indemnisation devait être réservée dans les dossiers où [traduction] « compte tenu de toutes les circonstances, la participation du demandeur a été exceptionnelle ». La Cour a cerné plusieurs facteurs à prendre en considération au moment de décider s’il faut accorder ou non une indemnisation aux représentants demandeurs, y compris leur participation active au litige, les difficultés personnelles importantes ou les inconvénients liés à la poursuite du litige, le temps consacré à la progression du litige, la communication avec les autres membres du groupe et la participation au litige, y compris les négociations du règlement et le procès.

[84]  En l’espèce, la contribution de Mme McCrea est effectivement exceptionnelle, peu importe la façon de l’envisager, y compris à la lumière des facteurs mentionnés dans l’arrêt Robinson.

[85]  Les avocats du groupe ont souligné à juste titre que le rôle de Mme McCrea dans ce litige exigeait l’endurance d’une marathonienne, vu les nombreux obstacles qui se sont dressés sur leur chemin en cours de route, et ce, sans que la ligne d’arrivée soit bien en vue. Il ne fait aucun doute que Mme McCrea a bien défendu les intérêts des membres du groupe. Elle a sensibilisé les gens à l’existence d’une [traduction] « lacune » dans le régime de prestations parentales pour ceux qui, comme elle, sont tombés malades pendant qu’ils recevaient des prestations parentales au cours de la période pertinente, c’est‑à‑dire avant l’entrée en vigueur de la modification explicative de la Loi en 2013. Mme McCrea était l’une des nombreuses personnes touchées. Elle est devenue le visage de cette affaire bien avant le dépôt de la déclaration. Entre autres choses, elle s’est plongée dans les questions soulevées par le présent litige, a préparé plusieurs affidavits, a formulé des commentaires aux avocats du groupe au sujet des modalités du règlement, a communiqué avec d’autres membres éventuels du groupe et a porté leurs points de vue à l’attention des avocats du groupe. Elle a été la porte‑parole des membres du groupe lorsqu’il fallait répondre aux demandes de renseignements des médias et expliquer les enjeux. Elle continuera probablement d’être l’une des personnes [traduction] « vers qui l’on se tournera en premier » dans un avenir prévisible, après l’approbation du règlement et durant sa mise en œuvre. Les avocats du groupe ont fait l’éloge de Mme McCrea, affirmant qu’elle avait été une représentante demanderesse idéale au cours des six années et plus qu’a duré le litige.

[86]  La Cour n’hésite pas à approuver le versement d’une rétribution de 10 000 $ à Mme McCrea en reconnaissance de son rôle dans le règlement du litige et de l’affaire. Il ne fait aucun doute que Mme McCrea n’avait pas prévu et n’a pas aimé la divulgation de ses renseignements personnels ni le stress supplémentaire causé par des années de litige dans sa vie bien remplie de mère qui travaille. De nombreuses lettres d’appui au règlement exprimaient la gratitude des membres des recours collectifs pour le rôle que Mme McCrea a joué en défendant leur cause commune, en sensibilisant la population au besoin de modifier les politiques et les lois et en poursuivant le litige en leur nom.

VII.  Les honoraires et débours sont raisonnables.

[87]  Conformément à la l’article 334.4 des Règles, la Cour doit approuver les honoraires et débours des avocats du groupe. L’article 334.4 prévoit que :

334.4 Tout paiement direct ou indirect à un avocat, prélevé sur les sommes recouvrées à l’issue d’un recours collectif, doit être approuvé par un juge.

334.4 No payments, including indirect payments, shall be made to a solicitor from the proceeds recovered in a class proceeding unless the payments are approved by a judge.

A.  Les honoraires et débours demandés

[88]  Les avocats du groupe demandent l’approbation de leurs honoraires et débours au montant de 2 212 389 $, plus les taxes applicables, pour un montant total maximal de 2 500 000 $. Ce montant doit être payé séparément et directement par la défenderesse. Autrement dit, les honoraires et débours des avocats du groupe ne seront pas déduits des montants versés aux membres du groupe.

[89]  L’affidavit de M. Wright explique que, depuis 2012, plusieurs avocats, stagiaires en droit, techniciens juridiques et adjoints administratifs ont consacré de nombreuses heures au litige. Le travail juridique et les autres tâches ont été effectués par les personnes les mieux placées. Un tableau détaillé décrivant les heures consacrées au dossier par les divers membres de l’équipe de 2012 à la fin d’octobre 2018 a été fourni.

[90]  Les avocats du groupe ont expliqué que, en date du 29 octobre 2018, leur équipe avait accumulé 2 949,2 heures de travail (ou 830 731 $ en honoraires, taxes en sus). À la date de la présente audience, le montant était passé à 865 000 $, et les avocats du groupe prévoient que des honoraires supplémentaires de 120 000 $ seront engagés au cours des prochains mois, car ils aideront les membres du groupe à présenter leurs demandes. Les avocats du groupe ont également fait remarquer que des débours de 93 301 $ avaient été engagés (taxes en sus) et que 15 000 $ de débours supplémentaires étaient prévus. Par conséquent, le total réel des honoraires et débours est estimé à 950 000 $. Toutefois, comme l’a établi la jurisprudence en matière de recours collectifs, il est justifié d’approuver des honoraires qui ne se limitent pas aux montants réellement engagés, et ce, pour plusieurs raisons.

[91]  Dans le mandat de représentation en justice initial, la représentante demanderesse a conclu une entente sur les honoraires conditionnels avec les avocats du groupe. Cette entente prévoyait que ceux‑ci recevraient 30 % du montant total recouvré, plus la TVH. Toutefois, l’entente sur les honoraires a été révisée en cours de route.

[92]  Les frais juridiques proposés que les avocats du groupe demandent maintenant ne sont pas fondés sur un pourcentage du règlement ni, par ailleurs, sur l’application d’un multiplicateur aux coûts réellement engagés. Il s’agit plutôt d’un montant fixe.

[93]  Les avocats du groupe soutiennent que les honoraires convenus sont justes et raisonnables s’ils sont évalués en fonction de l’application d’un multiplicateur aux heures réelles qui auraient autrement été facturées ou encore à la lumière d’un pourcentage du montant total du règlement. Les avocats du groupe font valoir que, même si ces deux approches ne conviennent pas, dans la présente situation, l’approche fondée sur un multiplicateur est la meilleure option pour [traduction] « contre‑vérifier » le caractère raisonnable des frais juridiques.

[94]  Les avocats du groupe ont fait remarquer que, selon l’approche fondée sur un multiplicateur, les frais juridiques demandés représentent un coefficient de multiplication de 2,2.

[95]  Par ailleurs, selon l’approche fondée sur un pourcentage, les frais juridiques proposés seraient de l’ordre de 19 à 24 % de la valeur totale du règlement, qui devrait s’élever aux alentours de 8,5 à 11,5 millions de dollars. Comme indiqué ci‑dessus, le paiement des frais juridiques ne réduira pas le montant total du règlement.

[96]  Les avocats du groupe soutiennent que les frais juridiques sont justes et raisonnables lorsque tous les facteurs pertinents sont pris en compte, y compris les étapes et la durée du litige et, ce qui est plus important encore, les risques assumés par les avocats du groupe et le résultat obtenu.

[97]  La défenderesse ne s’oppose pas aux honoraires et débours demandés et fait remarquer que l’explication fournie par les avocats du groupe quant à la structure des frais juridiques, à la jurisprudence et aux facteurs pertinents à prendre en considération confirme le caractère raisonnable des honoraires et justifie l’approbation de la Cour.

B.  Les principes jurisprudentiels pertinents

[98]  Les facteurs dont il faut tenir compte au moment d’évaluer le caractère raisonnable des honoraires des avocats du groupe ont été énoncés dans la jurisprudence récente (p. ex. Condon, aux paragraphes 82 et 83, Merlo, aux paragraphes 78 à 98, et Manuge, au paragraphe 28) et incluent notamment les résultats obtenus, les risques assumés, le temps consacré, la complexité des questions, l’importance du litige ou de l’enjeu pour les demandeurs, le degré de responsabilité assumé par les avocats, la qualité et la compétence des avocats, la capacité des membres du groupe de payer les frais associés au litige, les attentes des membres du groupe et les honoraires accordés dans des affaires similaires.

[99]  La jurisprudence souligne que les deux facteurs clés sont les risques assumés et les résultats obtenus. Dans la décision Condon, la juge Gagné a fait remarquer, au paragraphe 83 :

[83]  Les tribunaux se sont particulièrement arrêtés à deux facteurs importants pour apprécier le caractère juste et raisonnable d’une demande d’honoraires : 1) le risque assumé par les avocats du groupe pour mener l’action à bien; 2) le degré de réussite ou le résultat obtenu (Parsons 2000, précitée, au paragraphe 13; Sayers v. Shaw Cablesystems Limited, 2011 ONSC 962 (CanLII), au paragraphe 35). Dans ce contexte, l’évaluation du risque doit se faire à partir du début de l’action (Gagne v. Silcorp Ltd., [1998], 49 OR [3d] 417 (C.A. Ont.), au paragraphe 16). Les facteurs de risque englobent l’ensemble des risques assumés par les avocats du groupe, et notamment ceux qui sont liés à la responsabilité, au recouvrement et à la possibilité que le recours collectif ne soit pas autorisé (Gagne, précitée, au paragraphe 17; Endean v. Canadian Red Cross Society, 2000 BCSC 971 (CanLII) [QL], aux paragraphes 28 et 35).

[100]  Dans la décision Brown c Canada (Procureur général), 2018 ONSC 3429, 297 ACWS (3d) 295, le juge Belobaba rappelle, au paragraphe 41, que le risque assumé et les résultats sont les facteurs clés :

[traduction]

41  Les deux facteurs les plus importants sont le risque assumé et les résultats obtenus. Entre les deux, c’est le risque assumé qui « justifie le plus » une prime dans le cadre d’un recours collectif. La nature du risque assumé concerne principalement le risque de non‑paiement. Comme l’a souligné la Commission de réforme du droit de l’Ontario dans son rapport sur les recours collectifs, « les avocats en recours collectif assumeront le risque que, après avoir consacré du temps et des efforts, aucune rémunération ne leur soit versée [...] [c’est] le risque de non‑paiement ».

[Renvois omis]

[101]  Dans la décision Manuge, au paragraphe 37, le juge Barnes a expliqué que le risque lié au litige assumé par les avocats du groupe est « surtout apprécié en fonction du risque assumé au tout début de l’affaire ».

[102]  Il y a généralement deux façons d’évaluer le caractère raisonnable des honoraires des avocats du groupe : un pourcentage du règlement total ou l’application d’un multiplicateur aux honoraires et débours réellement engagés.

[103]  Dans la décision Condon, la juge Gagné a souligné aux paragraphes 86 et 87 que l’application d’un multiplicateur au temps consacré au litige par les avocats du groupe a été critiquée parce qu’elle ne favorise ni l’efficience ni un règlement rapide. À l’opposé, le calcul des honoraires selon un pourcentage encourage une approche axée sur les résultats et récompense les avocats pour leur efficacité. Dans le cadre des recours collectifs, les tribunaux donnent à penser qu’il est préférable d’adopter la formule du calcul des honoraires fondés sur un pourcentage du règlement.

[104]  La juge Gagné a expliqué les avantages liés au calcul des honoraires fondés sur un pourcentage, soulignant que les avocats à l’esprit d’entreprise qui acceptent des arrangements d’honoraires conditionnels pour des recours collectifs rendent de telles actions possibles, notant ce qui suit aux paragraphes 89 à 91 :

[89]  Il serait impossible d’assurer l’efficacité des recours collectifs sans une formule d’honoraires conditionnels selon laquelle les avocats sont rémunérés au pourcentage.

[90]  Les honoraires conditionnels favorisent l’accès à la justice dans la mesure où c’est l’avocat, et non le client, qui finance le litige. Les honoraires conditionnels favorisent également l’économie des ressources judiciaires et l’efficience des procédures, ils dissuadent les avocats d’un groupe de faire du travail inutile pour gonfler leur facture (les honoraires ne sont pas fixés en fonction des heures de travail), ils mettent à juste titre l’accent sur la qualité de la représentation et les résultats obtenus, ils ne pénalisent pas l’efficience des avocats, et ils tiennent compte des dépens et des risques considérables qu’ils doivent assumer (Osmun v. Cadbury Adams Canada Inc, 2010 ONSC 2752 (CanLII), au paragraphe 21).

91  Notre Cour et d’autres tribunaux du pays ont reconnu que la viabilité du régime des recours collectifs est tributaire du travail d’avocats à l’esprit d’entreprise qui acceptent de mener ces batailles, et dont la rémunération doit être à l’avenant (Manuge, précitée, au paragraphe 49; Helm v. Toronto HydroElectric System Limited, 2012 ONSC 2602 (CanLII), au paragraphe 26; Griffin v. Dell Canada Inc, 2011 ONSC 3292 (CanLII), au paragraphe 53). La rémunération doit être suffisante pour [traduction] « donner aux avocats un incitatif financier réel qui les convaincra d’intenter un recours collectif et de le mener à bien » (Sayers, précitée, au paragraphe 37).

[105]  Dans l’arrêt Gagne c Silcorp Ltd. (1998), 167 DLR (4th) 325, 1998 CarswellOnt 4045(CA de l’Ontario) [Gagne], au paragraphe 16, la Cour d’appel de l’Ontario a expliqué l’approche fondée sur un multiplicateur et fait remarquer qu’un multiplicateur est en partie une récompense pour les avocats qui assument le risque associé au litige. Pour évaluer le risque, [TRADUCTION] « [l]a Cour doit déterminer si ces risques sont tels que, de pair avec les autres facteurs pertinents, ils justifient l’application d’un multiplicateur. Même si cette décision est rendue une fois le recours collectif couronné de succès, ce sont les risques au début du litige et en cours de route qu’il faut évaluer ».

[106]  Toujours dans l’arrêt Gagne, la Cour d’appel de l’Ontario a ajouté, au paragraphe 25, que le choix du multiplicateur approprié est un art, et non une science, et qu’il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents.

[107]  Dans la décision Châteuneuf c Canada, 2006 CF 446, 151 ACWS (3d) 20, la juge Tremblay‑Lamer a aussi expliqué l’approche fondée sur un multiplicateur et fait remarquer, au paragraphe 10, qu’un multiplicateur de 1,5 à 3 a été jugé approprié :

[10]  Le système retenu en Ontario est prévu au paragraphe 33(7) de la Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, ch. 6. Le tribunal saisi de la requête du procureur qui a conclu l’entente décide du montant des honoraires de base « base fee » du procureur. L’honoraire de base est calculé en multipliant les heures travaillées par leur tarif horaire habituel auquel le tribunal pourra ajouter un honoraire supplémentaire, calculé en multipliant l’honoraire de base par un multiplicateur afin de tenir compte des risques encourus par le procureur. La jurisprudence reconnaît qu’un multiplicateur entre 1,5 et 3,5 est approprié : Rachael Mulheron, The Class Action in Common Law Legal Systems: A Comparative Perspective (Oxford : Hart, 2004), à la page 474. Le tribunal décide finalement du montant des débours auquel a droit le procureur, y compris les intérêts calculés sur les débours effectués, selon le total fait à la fin de chaque semestre suivant la date de l’entente.

[108]  Une grande partie de la jurisprudence citée au sujet de l’évaluation du caractère raisonnable des honoraires découle de situations où les honoraires sont inclus dans le règlement total. En l’espèce, l’entente de règlement prévoit que les honoraires seront payés séparément par la défenderesse. Autrement dit, les honoraires ne sont pas déduits du règlement total. Dans l’arrêt Fantl c Transamerica Life Canada, [2009] JO No 4324 (QL), 181 ACWS (3d) 219 (Cour supérieure de l’Ontario) [Fantl], la Cour supérieure de l’Ontario a examiné un arrangement similaire où les membres du groupe n’ont pas eu à partager les montants recouvrés, se penchant sur la façon de mesurer le caractère équitable et raisonnable des honoraires dans de telles situations. Au paragraphe 76, elle a déclaré que [TRADUCTION] « la solution consiste à mesurer le caractère équitable et raisonnable d’autres points de vue. Ce qu’il faut, en l’espèce, c’est mesurer le caractère équitable et raisonnable des honoraires des avocats par rapport à ce qui est juste et raisonnable pour l’ensemble du groupe, les avocats du groupe, la défenderesse et l’intérêt public ».

[109]  Que les honoraires accordés dans le cadre d’un recours collectif soient fondés sur un pourcentage du règlement total, un multiplicateur appliqué aux honoraires réels ou une autre méthode, la jurisprudence insiste sur le fait que les honoraires sont une récompense pour avoir accepté le litige et tous les risques connexes et avoir mené l’affaire à terme avec compétence et diligence. Sans ce genre de récompenses, de tels litiges seraient impossibles. De nombreuses actions ne seraient pas intentées si les avocats des groupes n’assumaient pas un tel rôle. Les mêmes considérations s’appliquent aux honoraires fixes de l’espèce.

C.  Application des principes et des facteurs pertinents

[110]  Les honoraires dont l’approbation est demandée consistent en un montant fixe. Toutefois, la convention d’honoraires initiale était fondée sur un pourcentage du recouvrement final. Comme l’indique la jurisprudence, de tels honoraires conditionnels permettent la poursuite de recours collectifs et constituent une mesure incitative et, au bout du compte, une récompense pour les avocats qui acceptent de tels litiges risqués et les mènent à terme avec diligence. Que les honoraires soient établis en fonction d’un multiplicateur ou d’un pourcentage, la jurisprudence a établi que l’approbation d’un montant supérieur aux honoraires et aux débours réellement engagés est justifiée dans le cadre de recours collectifs couronnés de succès.

[111]  Même si je conviens que les honoraires sont justes et raisonnables lorsqu’ils sont [traduction] « contre‑vérifiés » à la lumière d’un pourcentage du règlement ou d’un multiplicateur, il est encore plus opportun de les évaluer à la lumière de tous les facteurs pertinents. Comme il a été mentionné dans l’arrêt Fantl, il faut évaluer le caractère équitable et raisonnable des honoraires d’un plus grand nombre de points de vue, y compris ce qui est équitable pour les membres du groupe et pour leurs avocats. Après avoir appliqué plusieurs facteurs mentionnés dans la jurisprudence, y compris le risque associé au litige, le règlement obtenu, l’effort, la diligence, l’expérience et l’engagement des avocats du groupe et de l’« équipe » qui les soutient, j’estime qu’ils reflètent tous le caractère raisonnable du montant demandé.

[112]  En ce qui concerne le risque associé au litige, comme il est indiqué dans la décision Manuge, au paragraphe 37, c’est le risque assumé par les avocats du groupe d’entrée de jeu, c’est‑à‑dire lorsque l’action est intentée, qui est le plus pertinent. En l’espèce, le recours collectif a été intenté il y a plus de six ans. Le litige a soulevé de nouvelles questions et posé d’épineux problèmes du point de vue de la preuve, y compris la nécessité pour les défendeurs d’établir une obligation de diligence dans l’administration d’un régime de prestations complexe. Les avocats du groupe ont dû, entre autres obstacles, faire face aux décisions décourageantes de juges‑arbitres de l’AE et à des délais de prescription. Ils ont dû assumer les [traduction] « frais associés à la poursuite du litige » pendant plus de six ans. Il n’y avait même aucune certitude que l’action serait autorisée, et, en fait, certaines demandes n’ont pas été certifiées. Comme l’ont fait remarquer les avocats du groupe, la défenderesse était une adversaire redoutable. S’attaquer au gouvernement n’est pas une mince affaire.

[113]  Les questions soulevées dans le cadre du litige étaient nouvelles et complexes. Les avocats du groupe ont fait face à l’opposition de la défenderesse relativement à tous les aspects du litige. Ils se sont entre autres opposés à une requête fondée sur l’article 220 des Règles, en plus d’interjeter appel d’une ordonnance de réexamen concernant les conditions de l’ordonnance d’approbation, de plaider en faveur d’un élargissement de la définition du groupe et de faire mieux connaître et comprendre les enjeux. Ils n’ont jamais hésité à défendre les intérêts des membres du groupe.

[114]  Les résultats obtenus sont reflétés dans l’entente de règlement, qui prévoit le versement des prestations de maladie que les demandeurs admissibles auraient pu ou dû recevoir au moment pertinent, n’eût été l’impossible exigence d’être autrement disponibles pour travailler. Même s’il ne s’agit là qu’un des objectifs du litige, c’est la nature même des règlements d’exiger des compromis des deux parties. Les avocats du groupe et les membres du groupe qui ont exprimé leur appui jusqu’à maintenant estiment que l’entente est un excellent résultat. Comme il a été mentionné, les rares opposants n’ont pas expliqué clairement les raisons pour lesquelles ils n’appuyaient pas le règlement. En outre, les demandes admissibles seront payées rapidement sur présentation d’un formulaire simple, et les honoraires des avocats du groupe n’auront pas pour effet de réduire les montants auxquels les demandeurs admissibles ont droit.

[115]  Le temps et les efforts consacrés par chaque membre de l’équipe des avocats du groupe depuis 2012 sont bien documentés dans l’affidavit de M. Wright. La Cour a également observé les efforts diligents de l’équipe des avocats du groupe dans le cadre de la requête fondée sur l’article 220 des Règles, de la requête d’autorisation et d’autres conférences de gestion d’instance.

[116]  En ce qui concerne la qualité de la représentation, les avocats du groupe font remarquer que leur cabinet, Cavalluzzo S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui compte 36 membres, possède une grande expérience en matière de recours collectifs, expérience qui a été mise à profit dans le cadre du présent litige. Plusieurs avocats chevronnés ont participé à divers degrés aux efforts déployés, en misant sur leurs domaines d’expertise respectifs, y compris une expertise liée au régime de prestations d’AE. Comme il a été mentionné précédemment, les membres de l’équipe des avocats du groupe ont fait le travail qui s’imposait en fonction des compétences et de l’expérience de chacun. Par exemple, le travail effectué par les étudiants et les techniciens juridiques a été facturé à leurs taux respectifs appropriés.

[117]  L’importance de ce litige pour les membres du groupe est un facteur tout aussi pertinent, et cela va au‑delà du fait que ces derniers vont maintenant toucher une indemnité. De nombreux membres du groupe avaient cherché à régler leur demande en interjetant appel auprès d’un juge‑arbitre de l’AE. Les demandeurs déboutés ont probablement été découragés par le résultat, tout en constatant que de nouveaux programmes de prestations avaient été promis et mis en œuvre pour combler d’autres besoins importants, sans rien changer cependant au fait que leur demande avait été rejetée. Les montants en cause pour les demandeurs admissibles ne sont pas élevés, mais les modalités du règlement sont néanmoins une victoire pour les membres du groupe et leur cause. Les prestations parentales, aussi importantes soient‑elles, peuvent ne pas correspondre au salaire qu’un parent recevrait s’il continuait de travailler. Un parent qui prend congé pour s’occuper de son enfant continue d’avoir des dépenses à payer, mais son revenu est réduit. Le stress supplémentaire lié au fait de tomber malade sans pouvoir obtenir des prestations de maladie pendant qu’ils sont malades de façon à prolonger ou à conserver leurs prestations parentales pour prendre soin de leur enfant plutôt que de les consacrer à leur rétablissement a incité les membres du groupe à poursuivre ce litige.

[118]  Le montant maximal qu’un demandeur peut recevoir s’il est admissible à 15 semaines de prestations au taux hebdomadaire maximal s’élève à 7 500 $. En outre, pour beaucoup de demandeurs, le montant sera beaucoup moins élevé. Les prestations auraient probablement été plus utiles lorsque les demandeurs étaient malades, mais le règlement est tout de même un très bon résultat pour les membres du groupe : ils recevront leurs prestations — quoique plusieurs années plus tard — et ils auront été témoins à la fois d’une modification de la loi qui profitera à d’autres personnes dans leur situation et d’une amélioration de la façon dont Service Canada communique l’information sur ses prestations.

[119]  Comme l’a fait remarquer un membre du groupe, on ne saurait trop insister sur l’importance de soutenir les mères et les enfants, ce que le règlement semble reconnaître. Les lettres d’appui reflètent aussi très bien les avantages du règlement pour les différents demandeurs et la reconnaissance de l’importance de soutenir les familles et les enfants.

[120]  La représentante demanderesse, Mme McCrea, appuie l’approbation des honoraires des avocats du groupe. Comme il a été mentionné, elle a initialement conclu une convention d’honoraires conditionnels en vertu de laquelle les avocats du groupe devaient recevoir 30 % des montants totaux recouvrés, plus la TVH. Les membres du groupe étaient au courant d’une telle entente initiale et de la convention d’honoraires révisée. Aucune objection n’a été formulée au sujet des honoraires proposés. L’entente actuelle prévoit que les honoraires des avocats du groupe ne seront pas déduits du montant total du règlement que toucheront les membres du groupe. Les honoraires des avocats du groupe seront plutôt payés séparément par la défenderesse. Il s’agit d’un avantage qui garantit que les membres du groupe toucheront 100 % des prestations qu’ils auraient reçus si elles leur avaient été versées au bon moment.

[121]  Comme il a été mentionné précédemment, en plus des honoraires et des débours déjà engagés par les avocats du groupe, il reste du travail à faire. Les avocats du groupe continueront d’engager des frais juridiques durant l’administration du règlement, car ils fourniront une aide raisonnable aux membres du groupe qui présentent une demande ou exigent le contrôle d’une demande refusée.

[122]  Les comparaisons avec les honoraires approuvés dans le cadre d’autres règlements de recours collectifs démontrent également que, en l’espèce, les honoraires sont tout à fait conformes à la norme. Même s’il n’y a pas deux cas identiques, il n’y a rien d’inhabituel ni de disproportionné dans les honoraires demandés. Par exemple, dans les arrêts Drywall Acoustic lathing and Insulation Local 675 Pension Fund c SNCLavalin Group Inc., 2018 ONSC 6447, 298 ACWS (3d) 474 et Fakhri c Alfalch’s Canada, Inc., 2005 BCSC 1123, [2005] BCJ No 1723, un multiplicateur de 2,5 a été appliqué. Dans la décision Condon, les honoraires approuvés représentaient 30 % du règlement total évalué à 17,5 millions de dollars. Dans l’arrêt Fantl, les honoraires représentaient 17 % du règlement total. Dans l’arrêt Cannon c Funds for Canada Foundation, 2013 ONSC 7686, [2013] OJ No 5825 (QL), la Cour supérieure de l’Ontario a approuvé des honoraires s’élevant à 33,33 % d’un règlement total de 28,2 millions de dollars.

[123]  Après avoir examiné la jurisprudence et les facteurs pertinents, et plus particulièrement le risque assumé par les avocats du groupe au début du litige, leur compétence et leur diligence dans la poursuite du dossier et du litige — ce que les membres du groupe n’auraient pas pu faire seuls — et les résultats obtenus au bout du compte, la Cour conclut que, peu importe la façon de les évaluer, les honoraires des avocats du groupe sont justes et raisonnables et sont approuvés.

VIII.  Conclusion

[124]  La Cour conclut que l’entente de règlement est juste et raisonnable et qu’elle est, par conséquent, approuvée. En outre, vu le rôle important que Mme McCrea a joué dans le cadre du litige et du règlement, la rétribution demandée en son nom à titre de représentante demanderesse est justifiée et approuvée. Les honoraires et débours des avocats du groupe sont également justes et raisonnables et sont approuvés.

[125]  De plus, la déclaration de la demanderesse est modifiée pour tenir compte des causes d’action autorisées et certifier la définition modifiée du « groupe ».


ORDONNANCE dans le dossier T‑210‑12

LA COUR STATUE que :

  1. Les définitions suivantes s’appliquent à la présente ordonnance :

« Administrateur »: La Direction générale de la transformation et de la gestion intégrée des services d’Emploi et Développement social Canada.

« Date d’approbation »: La date à laquelle la présente ordonnance est rendue.

« Ordonnances d’approbation »: La présente ordonnance et l’ordonnance approuvant les honoraires des avocats dans la présente affaire.

« Canada » ou « gouvernement du Canada »: Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

« Demandeur »: Une personne qui remplit et soumet un formulaire de demande de paiement individuel, qu’elle soit membre du groupe ou non.

« Avocats du groupe »: Le cabinet Cavalluzzo S.E.N.C.R.L., s.r.l.

« Membres du groupe »: Toutes les personnes qui satisfont à la définition du groupe fournie au paragraphe 3 ci‑dessous.

« Date de mise en œuvre »: La date à laquelle débute la mise en œuvre de l’entente de règlement, et qui est la plus tardive des dates suivantes :

  • i) le lendemain du dernier jour où un membre du groupe peut interjeter appel ou demander une autorisation d’interjeter appel de l’ordonnance d’approbation;

  • ii) le lendemain de la date d’une détermination finale sur un appel intenté relativement à l’ordonnance d’approbation;

  • iii) le 3 avril 2019.

« Entente de règlement »: L’entente de règlement définitive, y compris les annexes dont la liste figure au paragraphe 1.07 de l’entente, qui a été signée par les parties le 22 août 2018 et qui est jointe à titre d’annexe « A » de la présente ordonnance.

  1. Toutes les parties concernées se sont conformées à l’ordonnance approuvant l’avis prononcée le 11 septembre 2018 et ont agi conformément à cette ordonnance.

AUTORISATION DE PRODUIRE UNE DÉCLARATION MODIFIÉE ET MODIFICATION DE LA DÉFINITION DU GROUPE

  1. La demanderesse est autorisée à déposer la déclaration modifiée, et l’intitulé est modifié pour désigner Sa Majesté la Reine du chef du Canada comme défenderesse.
  2. La définition du groupe est modifiée comme suit :

Le groupe comprend toutes les personnes qui, du 3 mars 2002 au 23 mars 2013 inclusivement :

  • i) ont présenté une demande de prestation et ont reçu des prestations parentales au titre de la Loi sur l’assuranceemploi ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec;

  • ii) sont tombées malades, ont été blessées ou mises en quarantaine alors qu’elles touchaient les prestations parentales en question;

  • iii) ont présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, aux blessures ou à la mise en quarantaine mentionnées à l’alinéa ii);

  • iv) ont vu leur demande de conversion de prestations parentales en prestations de maladie refusée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  • a) elles étaient autrement indisponibles au travail;

  • b) elles n’avaient pas reçu au moins une semaine de prestations de maladie au cours de la période de prestations parentales.

PROCESSUS D’EXCLUSION

  1. Tout membre du groupe qui souhaite être exclu du recours collectif doit remplir le formulaire de l’annexe « G » de l’entente de règlement et la transmettre aux avocats du groupe au plus tard le 2 avril 2019 (la « date d’expiration du délai d’exclusion »). Lorsqu’il est envoyé par la poste, le formulaire d’exclusion doit être affranchi au plus tard le 2 avril 2019.
  2. Aucun membre du groupe ne peut demander à être exclu du présent recours collectif après l’expiration du délai d’exclusion.
  3. Les avocats du groupe doivent signifier aux parties et déposer à la Cour, dans les deux (2) semaines suivant l’expiration du délai d’exclusion, un affidavit dressant la liste des personnes ayant demandé à être exclues du recours collectif, s’il y a lieu.
  4. Seules les parties et la Cour auront accès à l’affidavit dressant la liste des personnes ayant demandé à être exclues du recours collectif, et l’affidavit en question ainsi que les pièces jointes devront être déposés sous scellé.

APPROBATION DU RÈGLEMENT

  1. Le règlement du présent recours, tel qu’il est établi dans l’entente de règlement et expressément intégré par renvoi à la présente ordonnance, est équitable, raisonnable et dans l’intérêt de l’ensemble des membres du groupe, et il est approuvé, sous réserve des modifications suivantes à l’entente de règlement, qui sont apportées avec le consentement des parties :
  • a) comme il est indiqué au paragraphe 5 ci‑dessus, le délai d’exclusion est de 60 jours à partir de la date de l’ordonnance d’approbation, de sorte que, si le formulaire d’exclusion est envoyé par la poste, il doit être affranchi au plus tard 60 jours après la date de l’ordonnance d’approbation;

  • b) le formulaire de demande (annexe « L » de l’entente de règlement) est modifié pour ajouter le numéro de dossier de la Cour, pour supprimer les deuxième et troisième phrases de la case 10 et pour ajouter des instructions supplémentaires dans la case des « Consignes », comme l’indique l’annexe « B » de la présente ordonnance.

  1. L’entente de règlement et la présente ordonnance, y compris les renonciations visées au paragraphe 12 ci‑dessous, lient les parties et tous les membres du groupe et des demandeurs, y compris ceux qui sont frappés d’incapacité, à moins qu’ils demandent à être exclus avant l’expiration du délai d’exclusion. L’entente lie les membres du groupe qu’ils demandent ou reçoivent une indemnisation ou non.
  2. L’entente de règlement est mise en œuvre conformément à la présente ordonnance et à toute ordonnance ultérieure de la Cour.

REJET ET RENONCIATION

  1. Le présent recours ainsi que les demandes des membres du groupe et de l’ensemble du groupe contre la défenderesse et le gouvernement du Canada sont rejetés, sans frais et sans préjudice, et ce rejet constitue un moyen de défense et un obstacle absolu à l’égard de tout recours ultérieur contre la défenderesse relativement à l’ensemble des demandes et tout autre élément de celles‑ci qui ont été présentés dans le cadre des recours collectifs et se rapportant à l’objet des présentes, et libère les renonciataires, en conformité avec l’article 10 de l’entente de règlement, notamment :
  • a) chaque membre du groupe, son exécuteur testamentaire et son représentant successoral, ses héritiers et ayants droit (les « renonciateurs ») libèrent complètement et de manière définitive et permanente Sa Majesté la Reine du chef du Canada et l’ensemble des ministres, employés, responsables, ministères, mandataires de la Couronne, organismes et fonctionnaires, anciens et actuels (les « renonciataires »), à l’égard des actions, poursuites, procédures, causes d’action, responsabilités en common law, en droit civil québécois ou découlant d’une loi, obligations morales, contrats, réclamations, pertes, coûts, griefs, plaintes et requêtes de quelque nature à leur disposition, revendiqués ou potentiellement revendiqués, connus ou non, concernant notamment des dommages‑intérêts, des contributions, des indemnités, des coûts, des dépenses ou des intérêts qu’un renonciateur quelconque a dû assumer dans le passé, doit assumer actuellement ou devra assumer dans le futur, directement ou indirectement attribuables ou liés de quelque façon à un droit de subrogation ou de cession, ou au titre de celui‑ci, ou autrement en rapport avec un aspect quelconque des recours collectifs, et la renonciation en question vise toute revendication présentée ou qui aurait pu être présentée dans le cadre d’une procédure, y compris les recours collectifs, directement par les renonciateurs ou par une autre personne, un groupe ou une personne morale au nom des renonciateurs ou à titre de représentants de ceux‑ci;

  • b) les renonciateurs conviennent d’exclure expressément les renonciataires d’une quelconque part de responsabilité de toute réclamation ou requête, ou de toute action ou procédure intentée contre autrui qui pourrait donner lieu à une réclamation contre un renonciataire au titre de dommages‑intérêts, de contributions, d’indemnités ou de toute autre réparation prévue à la Loi sur le partage de la responsabilité, L.R.O. 1990, c N‑3, ou d’une mesure législative équivalente régissant les recours collectifs dans une autre administration;

  • c) Les obligations et responsabilités dévolues au Canada par l’entente de règlement constituent la contrepartie des renonciations et de toute autre question traitée dans l’entente de règlement, et cette contrepartie vaut acquittement et règlement complets et finals de la totalité des demandes dont il est question aux présentes, au titre desquelles les renonciateurs auront droit seulement aux indemnités et aux avantages exigibles aux termes de l’entente de règlement.

NOMINATIONS

  1. Le ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada, ou Emploi et Développement social Canada (« EDSC »), administre le processus de présentation d’une demande conformément à l’entente de règlement. Les frais d’administration seront assumés par EDSC.
  2. M. Gordon McFee est nommé à titre de contrôleur du processus de présentation d’une demande. Ses honoraires et ses débours, y compris les taxes applicables, seront réglés conformément à l’article 9 et à l’annexe « M » de l’entente de règlement.
  3. Nul ne peut intenter une poursuite ou une procédure contre l’administrateur ou le contrôleur, les membres de leurs organisations, leurs employés, mandataires, partenaires, associés, représentants, successeurs ou ayants droit pour toute matière liée de quelque façon à l’entente de règlement, à la campagne d’avis publics, à l’administration de l’entente de règlement ou à l’exécution du présent jugement sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de la Cour et moyennant préavis à toutes les parties concernées.

SEUIL D’EXCLUSION

  1. Dans l’éventualité où plus de deux cents (200) personnes qui semblent admissibles à une indemnisation au titre de l’entente de règlement demandent à être exclues du recours collectif, le Canada pourrait exercer son droit d’annuler l’entente de règlement ainsi que le présent jugement dans son intégralité, sous réserve de son pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’application du paragraphe 2.03 de l’entente de règlement.

AVIS

  1. L’avis d’approbation du règlement sera établi et distribué en la forme prévue à l’annexe « C » de l’entente de règlement. Le plan de notification (étape II) satisfait aux exigences des articles 334.23, 334.32, 334.34, 334.35 et 334.37 des Règles des Cours fédérales et constitue un préavis convenable et suffisant donné aux membres du groupe et aux autres parties concernées.
  2. Le plan de notification doit être achevé au plus tard quarante‑cinq (45) jours suivant la présente ordonnance.
  3. L’avis d’approbation du règlement donné prend la forme du document joint comme annexe « C » (anglais) ou comme annexe « D » (français) à la présente ordonnance.

HONORAIRES DES AVOCATS DU GROUPE, FRAIS DE NOTIFICATION ET AUTRES HONORAIRES

  1. Les honoraires et débours des avocats du groupe au montant de 2 212 389 $, ainsi que les taxes applicables, ne dépassant pas le montant de 2 500 000 $, sont approuvés et doivent être payés aux avocats du groupe dans les soixante (60) jours suivant la date de mise en œuvre. En outre, un tel montant doit être payé séparément et en sus des indemnités individuelles versées aux membres admissibles du groupe.
  2. Aucuns frais ne peuvent être facturés aux membres du groupe relativement aux demandes présentées en vertu de l’entente de règlement sans l’approbation préalable de la Cour fédérale.
  3. La représentante demanderesse Jennifer McCrea recevra une rétribution de 10 000 $ à titre d’honoraires, tel que le prévoit le paragraphe 12.01 de l’entente de règlement.

COMPÉTENCE PERMANENTE ET SUIVI

  1. La Cour, sans toucher d’aucune façon au caractère définitif de la présente ordonnance, se réserve la compétence exclusive et permanente en ce qui concerne le présent recours, la demanderesse, l’ensemble des membres du groupe, les membres réputés du groupe et la défenderesse aux fins limitées de la mise en œuvre, de l’exécution et de l’administration de l’entente de règlement et de la présente ordonnance.
  2. L’administrateur rendra compte à la Cour de l’application de l’entente de règlement, comme le prévoit l’annexe « K » de l’entente de règlement.
  3. Le contrôleur fera un suivi à la Cour de l’administration de l’entente de règlement à des intervalles raisonnables et à l’achèvement des activités d’administration, conformément au paragraphe 9.02 de l’entente de règlement ou à la demande de la Cour.
  4. La Cour pourra, de temps à autre, rendre les ordonnances supplémentaires ou accessoires qu’elle estimera nécessaires pour la mise en œuvre et l’exécution des dispositions de l’entente de règlement.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour d’avril 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑210‑12

 

INTITULÉ :

JENNIFER MCCREA c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 DÉCEMBRE 2018

LE 4 DÉCEMBRE 2018

 

ORDONNANCE

ET MOTIFS :

 

LA JUGE KANE

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 29 JANVIER 2019

 

COMPARUTIONS :

Stephen Moreau

Tassia Poynter

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Christine Mohr

Cynthia Koller

Heather Thompson

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cavalluzzo S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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