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Date : 20190121


Dossier : IMM-427-18

Référence : 2019 CF 80

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2019

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

ABDIRAHMAN AHMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Abdirahman Ahmed (le demandeur) à l’égard d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) défavorable. L’agent a conclu que le demandeur ne serait pas personnellement exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque traitements ou peines cruels et inusités au titre de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27) (la LIPR) s’il était renvoyé en Somalie.

II.  Contexte

[2]  Le demandeur, selon les documents qu’il a fournis, est né à Mogadiscio, en Somalie, le 1er janvier 1981. Le demandeur soutient que sa famille appartient au clan Darood, qui est un clan minoritaire en Somalie. Le demandeur prétend que, vers janvier 1991, les membres du clan Hawiyé ont tué un certain nombre de membres de sa famille en Somalie.

[3]  En avril 1991, le demandeur et sa famille sont entrés au Kenya en tant que réfugiés.

[4]  En décembre 1996, le demandeur et sa famille ont déménagé à San Jose, en Californie.

[5]  Le demandeur relate qu’en raison de son expulsion imminente des États‑Unis (É.‑U.) pour criminalité, il a décidé de quitter l’État de Washington pour aller à Grand Forks, au Dakota du Nord. Le 5 mai 2017, le demandeur a pris un taxi de Grand Forks jusqu’à Emerson, au Manitoba, pour traverser la frontière en marchant.

[6]  À cette époque, le demandeur avait l’obligation de se présenter au Bureau de l’immigration et de l’application des mesures douanières du département de la Sécurité intérieure des É.‑U., conformément à une ordonnance de surveillance datée 06/16/2015. L’une des conditions était libellée ainsi : [traduction« Que vous ne voyagiez pas à l’extérieur de l’état de Washington pendant plus de 48 heures sans d’abord informer le Bureau de la date et des lieux de votre voyage, et obtenir l’autorisation du Bureau relativement au déplacement proposé ».

[7]  Le 5 mai 2017 et le 6 mai 2017, le demandeur a été interrogé par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). L’échange suivant entre l’agent et le demandeur a eu lieu pendant l’entrevue du 5 mai 2017 :

[traduction]

Q : Pourquoi demandez‑vous la protection du Canada aujourd’hui, pourquoi ne pouvez‑vous pas retourner dans votre pays?

R : Parce que ma famille a fui la guerre. Nous avons quitté cet endroit et plus rien ne nous y retient. Je me souviens que ma famille et la famille de ma mère ont été tuées à cause des guerres entre tribus à cette époque.

Q : Y a‑t‑il une menace précise contre vous?

R : Non, il n’y a aucune menace précise contre moi, mais j’ai peur d’y retourner, parce que j’y serais perçu comme quelqu’un qui s’est occidentalisé.

[Non souligné dans l’original.]

[8]  Le demandeur a déclaré au point d’entrée qu’il avait [traduction« […] utilisé un faux nom pour entrer aux États‑Unis et qu’il fournit maintenant son vrai nom que lui a donné son père ». L’agent à la frontière a conclu que, compte tenu des antécédents criminels du demandeur, ce dernier semblait demander une protection contre le système judiciaire des États‑Unis. L’agent à la frontière a déclaré, en parlant du demandeur, qu’il avait [traduction« […] été arrêté pour sa cinquième infraction de voies de fait et que, compte tenu du moment de la dernière arrestation et de l’absence de mention quant à une décision au NCIC, je soupçonne, en fonction de cas précédents, qu’un procès est en cours ».

[9]  Dans son entrevue au point d’entrée, le demandeur a indiqué qu’il était presque un citoyen américain, qu’il ne lui restait qu’à attendre la fin des formalités administratives et qu’il était sous le coup d’une mesure d’expulsion à cause de sa criminalité,. Le demandeur a indiqué à l’agent au point d’entrée qu’il avait trois enfants aux É.‑U. et aucun membre de sa parenté au Canada.

[10]  Le demandeur a témoigné qu’il avait eu [traduction] « des démêlés avec la justice » lorsqu’il était aux É.‑U. Il a été mis en état d’arrestation à maintes reprises pour diverses infractions, notamment conduite avec facultés affaiblies (CFA), agression armée, et intrusion criminelle. Il a été déclaré coupable des infractions suivantes :

  1. Voies de fait 3, acte délictueux grave de catégorie 3 – 31 mars 2000
  2. CFA – 12 juin 2010
  3. Inconduite – 9 août 2006
  4. Résister à une arrestation – 9 août 2006
  5. Intrusion criminelle : 22 juin 2006

[11]  Puisque le demandeur avait été déclaré coupable des accusations de voies de fait, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) l’a convoqué à une enquête le 23 août 2017. La Commission a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la LIPR. Une mesure d’expulsion a été prise par la Section de l’immigration le 23 août 2017.

[12]  Le 29 août 2017, le demandeur a été déclaré inadmissible à présenter une demande d’asile au Canada pour grande criminalité, conformément à la section F de l’article premier de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (la Convention). Le 11 octobre 2017, le demandeur a présenté une demande d’ERAR. Cette demande a été rejetée le 28 décembre 2017.

[13]  L’agent a conclu que la décision du 29 août 2017 faisait en sorte que le sous‑alinéa 113e)(ii) de la LIPR ne s’appliquait pas au demandeur. Puisque le demandeur est une personne visée à section F de l’article premier de la Convention, l’agent a seulement examiné la question de savoir si le demandeur était exposé aux risques visés à l’article 97 de la LIPR.

A.  Les requêtes et directives préliminaires

[14]  Le 17 mai 2018, la protonotaire Ring a rendu une ordonnance dans laquelle elle a maintenu que, selon le critère établi dans l’arrêt Canada (Procureur Général) c Hennelly, 1999 CanLII 8190 (CAF), il était dans l’intérêt de la justice d’accorder au demandeur une prorogation du délai pour déposer et signifier son dossier. Le 20 juillet 2018, le juge Favel a donné de plus amples instructions sur la nouvelle présentation du dossier. Après un problème avec le greffe, la juge Elliot a ordonné au greffe, le 26 juillet 2018, d’accepter les dossiers présentés électroniquement, comme s’ils étaient conformes à la directive du juge Favel.

III.  La question en litige

[15]  La question en litige est de savoir si la décision de l’agent de rejeter la demande d’ERAR du demandeur était raisonnable.

IV.  La loi

[16]  L’article 97 est ainsi rédigé :

Personne à protéger

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Person in need of protection

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

V.  La norme de contrôle

[17]  Dans la décision Mbaraga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 580, le juge Noël a statué qu’une décision relative à l’ERAR doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable, citant un certain nombre d’affaires à l’appui de cette conclusion (Pareja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1333, au paragraphe 12; Kandel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 659, au paragraphe 17).

[18]  Selon cette conclusion, je conclus que la même norme de la décision raisonnable devrait s’appliquer.

VI.  Analyse

[19]  Le demandeur était un adolescent à son arrivée aux États‑Unis. Au moment où sa demande d’ERAR a été rejetée, il était âgé de 37 ans. Le demandeur soutient que cela a fait de lui quelqu’un qui s’est [traduction« occidentalisé » et qu’il ne serait pas capable de négocier sa survie en Somalie par lui‑même. Le demandeur a prétendu que l’agent a généralisé à outrance sa situation et qu’il n’a pas effectué un examen juridique approprié de ce qui constituait un risque pour le demandeur.

[20]  Le demandeur a prétendu en outre que l’agent a commis une erreur en concluant qu’il devait être personnellement exposé à un risque. Le demandeur soutient que l’agent a associé le fait d’être personnellement exposé à un risque au concept de risque individualisé et qu’il a rendu un verdict [traduction« défavorable au motif que le demandeur n’est pas personnellement exposé à un risque ». Le demandeur a affirmé [traduction« qu’il doit y avoir une différence entre être personnellement exposé à un risque et ne pas être exposé généralement à un risque. Autrement, il serait inutile d’inclure l’expression “ne le sont généralement pas” ».

[21]  Le demandeur a soutenu que l’agent devait examiner la situation de personnes exposées à un risque qui se trouvent « dans une situation semblable » et dont le profil correspond au sien. Le demandeur a soutenu que la jurisprudence est contradictoire en ce qui concerne l’interprétation de l’article 97 et du concept de « personnellement exposé à un risque ». Le demandeur se fonde sur la conclusion dans la décision Dunkova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1322 [Dunkova] à l’appui de cet argument. Le demandeur soutient que Dunkova appuie la proposition selon laquelle des éléments de preuve objectifs concernant des personnes se trouvant dans une situation semblable doivent être pris en compte dans le contexte de l’analyse au titre de l’article 97. Par conséquent, si Dunkova énonce l’état actuel du droit, l’agent a alors commis une erreur en ne tenant pas compte de « [...] la preuve dont [il] disposait pour déterminer si cette preuve objective établissait que les mauvais traitements réservés à des personnes ayant le même profil que le demandeur exposeraient personnellement le demandeur à un risque au sens de l’article 97 en [Somalie] ». Le demandeur a soutenu que la conclusion énoncée dans la décision Dunkova est contraire à celle énoncée dans Shire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 795 [Shire], aux paragraphes 55 et 56.

[22]  Shire a été plaidée par le même avocat plaidant en l’espèce. Shire concernait également une décision défavorable relative à l’ERAR se rapportant à un citoyen de Somalie qui était de la tribu Darod, et plus précisément de la sous‑tribu ou du sous‑clan Marehan (Marlehaan). Je remarque qu’en l’espèce, l’orthographe est Darood et, selon ce que je comprends, il s’agit de la même tribu dont le nom s’épelle de différentes manières. Dans cette affaire, le demandeur avait fui au Kenya depuis Mogadiscio, puis avait voyagé aux États‑Unis, où il avait présenté sans succès une demande d’asile, avant de venir au Canada. La juge Strickland a fait remarquer au paragraphe 55 de Shire que « […] l’allégation du demandeur selon laquelle l’article 97 ne l’oblige pas à démontrer qu’il est ciblé vu qu’il se trouve dans une situation semblable à celle d’un groupe de personnes ciblées, n’est pas exacte. L’article 97 oblige le demandeur à établir qu’il est personnellement exposé à un risque. » La juge Strickland s’est également fondée sur l’arrêt Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31 [Prophète], de la Cour d’appel fédérale dans pour tirer sa conclusion.

[23]  En l’espèce, le demandeur prétend qu’il se trouve dans une « situation semblable » à un groupe pris pour cible, du fait qu’il est arrivé aux É.‑U. à l’adolescence. Selon sa documentation, il avait 15 ans (ailleurs dans la documentation, il dit qu’il avait 10 ans). Par conséquent, il parle à peine le somali et [traduction« [...] sa culture, sa façon de s’exprimer et son attitude sont celles de la culture occidentale ». Il soutient que la plupart des membres de sa tribu ont été décimés par la guerre civile et que le reste des membres de sa tribu sont menacés par la présence continue d’Al‑Shabaab.

[24]  Je ne souscris pas à l’argument du demandeur selon lequel la jurisprudence est contradictoire, puisque les précédents présentés comme étant en contradiction ne sont pas en fait en opposition en ce qui concerne le critère juridique pertinent. La différence entre ces précédents tient plutôt aux faits de chaque affaire et à la manière dont les faits sont appliqués au critère relatif à l’article 97.

[25]  Au paragraphe 7 de l’arrêt Prophète, sur lequel la juge Strickland s’est fondée dans Shire, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué que :

Pour décider si un demandeur d’asile a qualité de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi, il faut procéder à un examen personnalisé en se fondant sur les preuves présentées par le demandeur d’asile « dans le contexte des risques actuels ou prospectifs » auxquels il serait exposé. (Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 15).

[En italiques dans l’original.]

[26]  La Cour d’appel fédérale a ensuite mentionné que la preuve au dossier permettait au juge de première instance de conclure que le demandeur n’était pas personnellement exposé à un risque auquel ne sont généralement pas exposées les autres personnes qui sont à Haïti ou qui viennent d’Haïti.

[27]  Cette interprétation a également été abordée dans la décision Barthelemy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1222 [Barthelemy]. Dans Barthelemy, le juge de Montigny entendait une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés. Le juge de Montigny a énoncé, au paragraphe 22, que « […] le risque doit s’apprécier en tenant compte de la situation personnelle de la demanderesse; or, cette dernière n’a pas réussi à établir un risque personnalisé et prospectif devant la SPR ». Au paragraphe 23, le juge de Montigny a conclu que la diaspora haïtienne dans son ensemble ne peut pas être considérée comme un groupe à risque et que le risque doit être pris en compte au cas par cas. Au paragraphe 28 de la décision, le juge de Montigny a en outre ajouté, concernant l’analyse relative à l’article 97, que : « […] Compte tenu de la preuve au dossier, le tribunal pouvait raisonnablement conclure que la demanderesse ne serait pas exposée personnellement à un risque non partagé par les autres citoyens d’Haïti. Une fois de plus, il s’agissait là d’une question de fait dans l’examen de laquelle cette Cour doit faire preuve d’une grande déférence. »

[28]  Comme c’était le cas dans cette affaire, je serais d’accord pour dire en l’espèce que, selon la preuve au dossier et la preuve documentaire, la décision de l’agent était raisonnable. L’agent a fait remarquer, à la page 11 de la décision et en reprenant ce que le demandeur avait dit lors de l’entrevue, que le demandeur n’était pas personnellement exposé à une menace, mais qu’il était plutôt exposé à une menace générale (selon laquelle le demandeur serait perçu comme une quelqu’un qui s’est [traduction« occidentalisé » et qu’il pourrait de ce fait être en danger).

[29]  L’agent s’est fié au rapport Protection of Civilians : Building the Foundation for Peace, Security, and Human Rights in Somalia de 2017 du Haut Commissariat des Nations Unies, dans lequel il est mentionné que les guerres entre clans ont une influence déstabilisatrice en Somalie. L’agent a cité un rapport de « Landinfo » de février 2017 qui notait qu’un certain nombre d’incidents violents ont eu lieu à Mogadiscio. Finalement, l’agent a consulté un rapport du Conseil danois daté de 2017, qui contenait le passage suivant :

[traduction]

La question de savoir si les personnes qui reviennent de l’étranger sont prises pour cible ou non par Al‑Shabaab varie selon leur comportement, leur habillement et leurs fréquentations. Plusieurs sources relatent que les personnes qui reviennent en Somalie seront étroitement surveillées, puisque Al‑Shabaab aura, en général, connaissance des nouveaux arrivants, et un nouveau visage sera une raison suffisante de vérifier ses antécédents et le questionner. Une ONG qui travaille en Somalie a confirmé qu’un étranger court le risque d’être arrêté et questionné aux points de contrôle, puisqu’un nouveau visage soulèvera des soupçons d’espionnage. Le questionnement visera souvent à établir l’identité de la personne. D’après la source, il est plutôt facile pour Al‑Shabaab d’identifier une personne somalienne au moyen de son nom, du nom de sa mère, de sa grand‑mère et de son village d’origine.

Selon une organisation internationale, le fait qu’une personne a été à l’étranger, y compris en Occident, n’est pas en soi important lorsqu’elle retourne dans une zone contrôlée par Al‑Shabaab. Ce qui est important est son clan, et la personne qui revient de l’étranger aura besoin de parents qui ne sont pas dans les mauvaises grâces d’Al‑Shabaab et qui peuvent s’en porter garants. Si les personnes qui reviennent de l’étranger sont liées à des clans ou à des personnes qui sont dans les bonnes grâces d’Al‑Shabaab, elles seront vraisemblablement en sécurité. Sinon, ces personnes peuvent fait l’objet au moins d’une certaine surveillance initiale.

[30]  L’agent a conclu, à ce moment‑là, que le demandeur invoque uniquement dans sa demande d’asile son appartenance à des groupes particuliers (son statut de clan minoritaire et de personne « occidentalisée »). Par conséquent, le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il peut démontrer qu’il est [traduction« personnellement exposé à un risque » en particulier, comme l’exige l’article 97 de la LIPR. L’appartenance à des groupes particuliers ne constitue pas un motif suffisant, selon l’agent, pour justifier une conclusion dans le contexte d’une analyse au titre de l’article 97.

[31]  Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à sa transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12). En résumé, la présente demande doit être rejetée, puisque la décision est raisonnable.

VII.  La question certifiée

[32]  Le demandeur a proposé la question suivante aux fins de certification le jour de l’audience :

[traduction]

L’expression « serait personnellement [...] exposée », que l’on trouve au paragraphe 97(1) de la LIPR, englobe‑elle le risque auquel une personne est exposée parce que la personne se trouve dans une situation semblable à celles d’autres personnes exposées à un risque, ou est‑elle limitée uniquement au risque individualisé?

[33]  Le défendeur s’oppose à la certification de la question, car elle ne permettrait pas de trancher l’affaire dont je suis saisi. Le défendeur soutient également qu’il n’y a pas de confusion dans la jurisprudence et soutient plutôt que les précédents ne s’appliquent pas, car les faits en l’espèce sont différents.

[34]  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que cette question ne permettrait pas de trancher la présente affaire, puisqu’il existe, dans le meilleur des cas, peu d’éléments de preuve selon lesquels des personnes se trouvant dans une situation semblable seraient exposées à un risque, ou que le demandeur serait personnellement exposé à un risque individualisé. Par conséquent, les précédents ne s’appliquent pas en l’espèce, car les faits sont différents, et il n’y a aucune confusion dans la jurisprudence, sinon que la même loi est appliquée à des faits différents, ce qui peut occasionner différents résultats.

[35]  La décision est raisonnable et est fondée sur la preuve dont le décideur disposait.


JUGEMENT dans IMM‑427‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La présente demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de mars 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑427‑18

 

INTITULÉ :

ABDIRAHMAN AHMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 décembre 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 janvier 2019

 

COMPARUTIONS

David Matas

POUR LE DEMANDEUR

Brendan Friesen

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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